Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/343/2024 du 10.05.2024 ( LPP ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/328/2024 ATAS/343/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 10 mai 2024 Chambre 9 |
En la cause
FONDATION COLLECTIVE VITA
| demanderesse |
contre
A______ Sàrl
| défenderesse |
A. a. La société A______ Sàrl (ci-après : la société ou l’employeur) est inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC) depuis le 18 juin 2015, avec siège à Genève, et ayant pour but social toute opération de conseil, d'assistance, de courtage et de fourniture de services dans le secteur des matières premières.
b. Par contrat d’adhésion, signée respectivement par la société le 12 mai 2017 et par la Fondation Collective VITA (ci-après : la fondation) le 23 mai 2017, l'employeur s'est affilié pour assurer la prévoyance professionnelle de l'ensemble du personnel de la société, à partir du 1er mai 2017.
c. La fondation a envoyé à la société plusieurs sommations, soit ;
- Le 18 avril 2023, une sommation pour le paiement de CHF 49'883.35 de cotisations impayées au 31 mars 2023 ;
- Le 15 août 2023, sommation pour le paiement de CHF 20'061.75 de cotisations impayées au 31 juillet 2023.
d. Par courrier du 9 septembre 2023, la fondation a informé la société qu’elle résiliait le contrat de prévoyance professionnelle avec effet au 30 septembre 2023.
e. Le 24 octobre 2023, la fondation a établi le décompte final suivant :
Solde des primes au 31.12.2022 CHF 49'883.35
Décomptes de primes de l’année en cours CHF 41'588.70
Frais contentieux CHF 250.-
Frais de résiliation CHF 500.-
Intérêts au 24.10.2023 CHF 1'220.85
Total CHF 93'442.90
f. La société n’a pas réagi à la réception du décompte final.
g. Un commandement de payer (poursuite n° 1______) a été notifié à la société le 20 décembre 2023, pour un montant de CHF 92'222.05, avec intérêts de CHF 1'370.20 du 1er janvier au 30 novembre 2023, ainsi que CHF 300.- de frais de poursuite et CHF 90.- de frais de commandement de payer, auquel il a été fait opposition totale le 22 décembre 2023, sans indication de motifs.
B. a. Le 30 janvier 2024, la fondation a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’une demande de paiement visant à ce que la société soit condamnée à lui verser le montant de CHF 92'222.05 avec intérêts à 5% à compter du 1er décembre 2023, ainsi que les intérêts courus de CHF 1'370.20 au 30 novembre 2023 et les frais de mesures d’encaissement contractuels, selon le règlement sur les coûts, ainsi que la levée de l’opposition au commandement de payer n° 1______, le tout sous suite de frais et dépens.
b. Invitée à se déterminer le 31 janvier 2024, puis par courriers simple et recommandé du 8 mars 2024, la société ne s’est pas manifestée.
c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).
Aux termes de l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1, 1ère phrase). Le for de l'action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans lequel l'assuré a été engagé (al. 3).
1.2 En l’espèce, la présente cause oppose une institution de prévoyance professionnelle à un employeur, dont le siège se situe dans le canton de Genève, en lien avec les cotisations dues par ce dernier.
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.3 L'ouverture de l'action prévue à l'art. 73 al. 1 LPP n'est soumise, comme telle, à l'observation d'aucun délai (ATAS/929/2017 du 18 octobre 2017 consid. 2 et les références citées).
La demande respecte en outre la forme prévue à l’art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) qui régit la procédure en matière de prévoyance professionnelle à Genève. Partant, elle est recevable.
2. Le litige porte sur le bien-fondé de la requête de la demanderesse, par laquelle cette dernière réclame le paiement de CHF 92'222.05 concernant des cotisations impayées, plus intérêts à 5% à compter du 1er décembre 2023, de CHF 1'370.20 d'intérêts au 30 novembre 2023 et les frais de mesures d’encaissement contractuels selon le règlement sur les coûts, ainsi que la mainlevée de l’opposition à la poursuite n° 1______ .
3.
3.1 En matière de prévoyance professionnelle, le juge saisi d'une action doit se prononcer sur l'existence ou l'étendue d'un droit ou d'une obligation dont une partie prétend être titulaire contre l'autre partie (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.91/05 du 17 janvier 2007 consid. 2.1).
3.2 La LPP institue un régime d'assurance obligatoire des salariés (art. 2 al. 1 LPP).
Sont obligatoirement soumis à l'assurance les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur à CHF 21'150.- pour les risques de décès et d'invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans (art. 7 al. 1 LPP). L'assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail et prend fin, notamment, en cas de dissolution des rapports de travail, le salarié restant assuré auprès de l'institution de prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité, durant un mois après la fin des rapports avec l'institution de prévoyance (art. 10 LPP).
La convention dite d'affiliation d'un employeur à une fondation collective ou à une fondation commune est un contrat sui generis fondé sur l'art. 11 LPP (ATF 120 V 299 consid. 4a et les références), pour la conclusion duquel il y a lieu d'appliquer les règles du droit des obligations (ATF 129 III 476 consid. 1.4 et les références). L'employeur affilié à une institution de prévoyance par un tel contrat est tenu de verser à celle-ci les cotisations qu'elle fixe dans ses dispositions réglementaires (art. 66 al. 1, 1ère phr. LPP).
L'employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l'institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d'un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement (art. 66 al. 2 LPP). Le taux d'intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102 ss CO (SVR 1994 BVG n° 2 p. 5 consid. 3b/aa ; RSAS 1990 p. 161 consid. 4b).
3.3 Aux termes de l'art. 102 al. 1 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier. Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (art. 102 al. 2 CO). Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an, dans la mesure où un taux d'intérêt plus élevé n'a pas été convenu par contrat (art. 104 al. 1 et 2 CO ; ATF 130 V 414 consid. 5.1 ; 127 V 377 consid. 5e/bb et les références). Des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans les intérêts moratoires (art. 105 al. 3 CO ; RSAS 2003 p. 500 consid. 6.1).
3.4 Aux termes du ch. 10 du contrat d'adhésion, l’employeur s’engage à payer la totalité des contributions ordinaires qui lui sont facturées par la fondation. Les contributions d’épargne sont toujours exigibles en fin d’année (31 décembre).
Par ailleurs, le ch. 11 du contrat d'adhésion régit l'obligation de l'employeur en matière de paiements extraordinaires.
Selon le ch. 12 du contrat d'adhésion, l'employeur est mis en demeure en cas de retard dans le paiement pour tous les arriérés de contributions et créances selon les ch. 10 et 11 du contrat. Si la sommation reste sans effet, la fondation se réserve le droit de recourir à la voie judiciaire pour l'encaissement des arriérés de contributions et créances, intérêts et frais compris, et de résilier immédiatement le contrat sans observer un délai de résiliation. Les frais de sommation et, le cas échéant, d'autres démarches d'encaissement sont régis par le règlement sur les coûts.
Les frais de résiliation du contrat selon le règlement sur les coûts sont facturés à l’employeur (ch. 17).
Le règlement sur les coûts, faisant partie intégrante du contrat d'adhésion (ch. 5 du contrat d'adhésion) prévoit expressément le montant des frais relatifs à la procédure de sommation, aux mesures d'encaissement (art. 2), ainsi qu'à la dissolution du contrat (art. 3).
3.5 Aux termes de l'art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.
Le versement des cotisations à l'institution de prévoyance tombe sous le délai de prescription de cinq ans. Le délai de prescription commence à courir uniquement à partir du moment où la prestation est devenue exigible. En effet, l'art. 41 al. 2 LPP renvoie notamment à l'art. 130 al. 1 CO, qui associe le début du délai de prescription à l'exigibilité de la créance. Il faut, par exemple, partir de l'exigibilité des cotisations définie dans le règlement ou le contrat d'affiliation (Sylvie PETREMAND in Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/Thomas GÄCHTER [éd.], Commentaire LPP et LFLP, 2010, ad art. 41 LPP, pp. 650 - 651, n. 12 et 15).
3.6 Les décisions des autorités administratives fédérales portant condamnation à payer une somme d'argent sont exécutées par la voie de la poursuite pour dettes et sont, une fois passées en force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP ; Pierre-Robert GILLIÉRON, Commentaire de la LP, 1999, p. 1226, ch. 45).
Il en est de même des décisions passées en force des autorités administratives cantonales de dernière instance qui statuent, dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération, en application du droit fédéral, mais qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit fédéral – autrement dit, dont les décisions sont susceptibles d'un recours administratif auprès d'une autorité fédérale ou d'un recours de droit administratif (Carl JEAGER, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1999 p. 621). Par autorités administratives fédérales, et par extension autorités administratives cantonales de dernière instance, il faut entendre les tribunaux fédéraux et les autres autorités ou organisations indépendantes de l'administration fédérale en tant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération (art. 1 al. 2 lit. b et e de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).
La chambre des assurances sociales statuant en dernière instance cantonale et dans l'accomplissement de tâches de droit public peut, selon ce qui précède, prononcer la mainlevée définitive d'une opposition à un commandement de payer puisque, statuant au fond, la condamnation au paiement est assimilée à un jugement exécutoire. Cette solution est d'ailleurs la conséquence du fait que, dans les matières qui sont de son ressort, le juge des assurances est effectivement le juge ordinaire selon l'art. 79 LP et qu'il a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 51).
À teneur de l’art. 88 al. 2 LP, le droit du créancier de requérir la continuation de la poursuite se périme par un an à compter de la notification du commandement de payer (première phrase) ; si opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de la procédure judiciaire ou administrative et le jugement définitif (seconde phrase).
3.7 En l’espèce, le commandement de payer a été notifié à la défenderesse le 20 décembre 2023, date à laquelle le délai de péremption d’un an a commencé à courir (ATF 125 III 45 consid. 3b). Par conséquent, la poursuite n'était pas périmée lorsque la demanderesse a saisi la chambre de céans, le 30 janvier 2024. Cette demande est, par ailleurs, intervenue dans le délai de prescription de cinq ans.
En sa qualité d'employeur occupant des salariés, la défenderesse devait être affiliée à une caisse de prévoyance professionnelle et verser les primes convenues avec la demanderesse.
Or, il ressort du décompte final du 24 octobre 2023 établi par la demanderesse, que la demanderesse est débitrice d’un montant de CHF 92'222.05, correspondant aux cotisations dues, frais de sommation et de résiliation compris. À ce montant, s’ajoutent les frais de poursuite de CHF 300.-, les intérêts de 5% à compter du 1er décembre 2023. La défenderesse, qui s’est engagée à payer les cotisations sociales et n’a pas fait valoir de motif justifiant qu’elle se soustraie à leur paiement, n'a pas répondu à la demande dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'il convient d'admettre qu'elle ne conteste pas les montants réclamés.
Comme mentionné supra, les frais de sommation et de résiliation du contrat sont prévus aux chiffres 12 et 17 du contrat d'adhésion, ainsi que par les ch. 2 et 3 du règlement sur les coûts. En ce qui concerne les frais de poursuite, ils sont d'office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit (JdT 1974 III 32). Quant aux intérêts de 5% sur la créance en capital réclamés par la demanderesse, ils sont dus en vertu des art. 66 al. 2 LPP et 104 al. 1 CO.
Il y a donc lieu d'admettre la demande et de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer n° 1______.
4. La demanderesse a requis des dépens.
4.1 L'art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite.
L'art. 89H al. 1 LPA prévoit quant à lui que la procédure est gratuite pour les parties, sous réserve de procédures relatives à l'assurance-invalidité (cf. al. 4).
Toutefois, les débours et un émolument peuvent être mis à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou témoigne de légèreté. En effet, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a admis, la possibilité de limiter la gratuité en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère est un principe général de procédure prévu pour toutes les branches des assurances sociales (ATF 126 V 151 consid. 4b).
Les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause en procédure cantonale et sont représentés par un avocat ou, d'une autre manière, par une personne qualifiée, peuvent prétendre à des dépens lorsque l'adverse partie procède à la légère ou de manière téméraire. En l'absence d'une telle représentation, les autres conditions pour l'octroi de dépens à une partie non représentée doivent être données, en sus de celles liées à la témérité ou la légèreté (ATF 128 V 323).
4.2 En l’espèce, la demanderesse n'est pas représentée par un mandataire professionnellement qualifié, si bien qu’il ne lui sera pas octroyé de dépens.
5. Au vu de ce qui précède, la demande en paiement du 30 janvier 2024 est admise et la défenderesse condamnée à verser à la demanderesse la somme de CHF 92'222.05 avec intérêts à 5% l'an dès 1er décembre 2023, augmentée des frais de poursuite de CHF 300.- et des intérêts courus de CHF 1'370.- au 30 novembre 2023.
La mainlevée définitive de l’opposition faite au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ est prononcée.
La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande en paiement recevable.
Au fond :
2. L’admet et condamne A______ Sàrl à payer à la Fondation collective VITA :
- la somme de CHF 92'222.05, plus intérêts à 5% dès le 1er décembre 2023 ;
- les intérêts courus de CHF 1'370.20 au 30 novembre 2023 ;
- les frais de poursuite.
3. Prononce la mainlevée définitive de l'opposition faite au commandement de payer dans la poursuite n° 1______, à due concurrence.
4. Dit que la procédure est gratuite.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le