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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3895/2023

ATAS/291/2024 du 29.04.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3895/2023 ATAS/291/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 avril 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Yann ZOSSO, avocat

 

aecourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1965, mère d'un enfant né le ______ 1999, mariée depuis le 5 mai 2021, titulaire d'une demi-licence en lettres obtenue en 1988 et de nombreux certificats de chant, de musique, de danse et d'art chorégraphique, a collaboré en qualité de secrétaire à temps partiel au service de diverses entités entre février 1992 et juillet 2006. Elle a également dispensé des cours « ateliers du mouvement » en particulier au sein du B______ et du C______, et travaillé dans l'EMS D______ en qualité de danse-thérapeute stagiaire du 25 mars au 26 septembre 2008 à raison de seize heures par semaine dans le cadre de mesures de placement temporaire de l'office cantonal de l'emploi.

b. Le 16 mars 2015, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), en indiquant n'exercer aucune activité lucrative depuis son accident survenu le 7 avril 2013 et souffrir d'une maladie depuis janvier 2014. Elle touchait des prestations de l'Hospice général.

c. L'OAI a recueilli les rapports médicaux et diligenté une expertise rhumatologique et psychiatrique. Dans un rapport du 12 septembre 2017, les experts n'ont retenu aucun diagnostic ayant des répercussions sur la capacité de travail. Sans conséquence sur la capacité de travail, ils ont mentionné un status après fracture de la cheville droite du 7 avril 2013, traitée par ostéosynthèse, compliquée d'une algodystrophie, actuellement au décours (M89.0) ; un status après entorse de la cheville gauche le 7 avril 2013, actuellement asymptomatique ; un trouble somatoforme indifférencié (F45.1) et un jeu pathologique (F63.0). L'assurée avait présenté une incapacité de travail totale dans toute activité en raison de la fracture de la cheville droite du 7 avril à fin octobre 2013 sur le plan rhumatologique, et une incapacité de travail totale durant ses périodes d'hospitalisation, du 24 février au 4 mai 2014, du 5 mai au 14 octobre 2014 et du 11 janvier au 8 février 2016 sur le plan psychiatrique. Sa capacité de travail était jugée entière tant dans l'activité habituelle de secrétaire que dans une activité adaptée dès novembre 2013, date de la reprise des ateliers de mobilisation fonctionnelle pour personnes handicapées.

d. Par décision du 22 janvier 2018, l'OAI a rejeté la demande de prestations. Sur la base des éléments médicaux versés au dossier et notamment de l'expertise, la capacité de travail de l'assurée était nulle dans toute activité pour la période du 7 avril au 31 octobre 2013, mais entière dans toute activité dès le 1er novembre 2013. Le délai d'attente d'une année n'était donc pas échu. Au vu de la situation, des mesures professionnelles n'avaient pas lieu d'être.

e. L'assurée a déféré cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), qui, dans un arrêt du 14 octobre 2019 (ATAS/928/2019), a rejeté le recours.

En substance, la chambre de céans a reconnu pleine force probante au rapport d'expertise bidisciplinaire du 12 septembre 2017. Elle a en particulier examiné l'incidence du diagnostic de trouble somatoforme indifférencié sur la capacité de travail de l'assurée à la lumière des indicateurs jurisprudentiels en matière de troubles somatoformes douloureux et autres troubles psychosomatiques comparables, compte tenu du fait que les tachycardies sinusales dont se plaignait l'assurée depuis le 20 janvier 2014 n'étaient pas corrélées par un substrat organique d'après toutes les investigations effectuées. Elle en a conclu que le caractère invalidant dudit trouble devait être nié.

L'assurée n'a pas contesté cet arrêt.

B. a. Par courriel du 27 mars 2023, l'assurée a demandé à l'OAI la réouverture de son dossier « au vu de nouveaux éléments (diagnostic posé le 9.3.2023) ».

b. Le lendemain, son assistant social a réitéré cette demande.

Ont été adressés à l'OAI notamment :

-          un rapport du 7 mars 2023 des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) relatif à un séjour du 9 au 24 février 2023, retenant le diagnostic de syndrome de tachycardie orthostatique posturale probable (9 février 2023) ; et

-          un rapport du 20 mars 2023 du docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

c. Dans un avis du 6 avril 2023, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR) a considéré qu'une aggravation de l'état de santé de l'assurée était rendue plausible. Le Dr E______, selon lequel la capacité de travail de celle-ci était nulle dans toute activité, faisait état d'une péjoration de l'état général (perte de 12 kg depuis septembre 2022) avec difficultés de mobilisation, vertiges orthostatiques, tachycardie en position debout ou à la marche, syndrome de tachycardie orthostatique posturale (POTS) révélé par les HUG, et intolérance médicamenteuse aux psychotropes et aux bêtabloquants.

d. Dans un rapport du 3 mai 2023, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué, sans effet sur la capacité de travail, un trouble de l'adaptation avec réaction mixte dépressive et anxieuse (F43.22). Il a relevé que les épisodes de dysautonomie et de POTS, pouvant durer quelques jours à plusieurs semaines, induisaient des limitations (fatigue, faiblesse) et une perte d'autonomie importante ayant une répercussion sur l'humeur de l'assurée et généraient de l'anxiété. Ces deux derniers mois avaient été particulièrement difficiles en raison des restrictions qui l'avaient empêchée de pouvoir sortir de son lit, avec un besoin important de présence et de réassurance par les proches et les soignants.

e. Le 22 mai 2023, l'assurée a déposé une demande d'allocation pour impotent auprès de l'OAI, en invoquant un besoin d'aide pour se lever / s'asseoir / se coucher depuis le 20 janvier 2014 (lors des épisodes aigus, chaque changement de position impliquait une crise de tachycardie pouvant s'élever à 191 b / min.), pour préparer les repas et les apporter au lit depuis février 2023, pour les soins du corps (elle se lavait au lavabo depuis décembre 2022, la douche étant impossible, et difficulté à se laver les cheveux depuis août 2022, intervention d'un coiffeur à domicile), pour aller aux toilettes depuis février 2023 (« continence » urinaire et anale, usage d'un bassin et d'une chaise percée), et pour se déplacer / entretenir des contacts sociaux depuis août 2022 (impossibilité de sortir de son domicile, médecins, famille et amis venaient à domicile). L'IMAD et les proches aidants lui fournissaient des soins ou des prestations d'aide médicale depuis février 2023. Elle nécessitait de plus un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie depuis février 2023, pour établir des contacts sociaux hors de son lieu de vie depuis août 2022, et pour éviter un isolement depuis février 2023.

f. Dans un questionnaire préétabli par l'OAI, que le Dr E______ a rempli le 30 mai 2023, il a répondu par la positive aux questions de savoir si les indications mentionnées dans la demande d'allocation pour impotent concernant les empêchements pour exécuter les actes ordinaires de la vie correspondaient à ses constatations médicales et si les dates de début de l'incapacité pour effectuer les actes ordinaires de la vie lui semblaient correctes.

g. Dans un courriel du 13 juin 2023, l'IMAD a informé l'OAI être intervenue pour la première fois, pour l'évaluation, le conseil et la coordination le 10 mars 2023, pour les examens et soins le 10 mars 2023, pour l'aide pratique le 16 avril 2013, pour les repas le 3 avril 2013, et pour l'ergothérapie le 22 mars 2023.

h. Dans un courrier du même jour, l'IMAD a mentionné que la dysautonomie associée à une tachycardie orthostatique posturale s'exprimait pas des tachycardies / bradycardies pouvant arriver n'importe quand de 60 à 150 pulsations et provoquer une faiblesse musculaire nécessitant que l'assurée reste allongée. Son périmètre de marche était de quinze minutes avec l'aide d'un tiers. Elle ne sortait plus depuis trois mois. Le fait de s'asseoir et se lever entraînait le passage du rythme cardiaque de 65 à 150 battements en dix secondes, sans aucun effort physique. Les transferts étaient très difficiles, voire inenvisageables en cas de crises. Elle utilisait une bassine standard ronde du commerce pour uriner ou réaliser les selles car elle ne pouvait pas accéder aux WC. Elle ne portait pas de protection car elle était continente. La toilette était réalisée au lit depuis plusieurs semaines ou au lavabo avec l'aide de son mari. Elle pouvait s'habiller seule si on lui apportait les habits. L’IMAD apportait les repas cinq fois par semaine, ils devaient être chauffés par une tierce personne et lui être apportés au lit. Elle était capable de manger seule ensuite. Les médicaments étaient préparés par les soignants de l'IMAD. Elle était totalement dépendante pour les actes instrumentaux de la vie quotidienne (ménage, courses, préparation des repas, conduite, gestion des médicaments). Des moyens auxiliaires avaient été mis en place (bassine, chaise percée fixe, rehausse WC 10 cm, barre de redressement de lit, planche de bain). Depuis lors, l'assurée était capable d'aller aux WC et de gérer son élimination en sécurité, et de se relever du lit et du canapé en sécurité. La planche de bain lui permettait de s'asseoir au bord de la baignoire afin de réaliser une toilette au lavabo avec une aide importante. Elle ne pouvait pas enjamber le bord de la baignoire. Elle avait besoin d'une aide quotidienne pour la toilette. Elle n'était toujours pas en mesure de se préparer les repas, elle continuait à avoir le portage de repas cinq fois par semaine. Les crises pouvaient intervenir n'importe quand, sur une période plus ou moins longue, et provoquer une faiblesse musculaire au point qu'il lui était impossible de se lever du lit parfois plusieurs semaines. Une demande à la mairie (propriétaire de l'appartement) avait été faite pour la modification de la baignoire par une cabine de douche à l'italienne.

i. Dans un questionnaire préétabli par l'OAI, que le Dr F______ a rempli le 19 juin 2023, il a également répondu par la positive aux deux questions précitées contenues dans le questionnaire signé par le Dr E______.

j. Dans un avis du 20 juin 2023, le SMR a estimé que la capacité de travail de l'assurée était nulle dans toute activité depuis le 9 février 2023, date d'hospitalisation aux HUG, en raison d'un syndrome de POTS, possible syndrome de Sjögren, et trouble de l'adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive (F43.22) lié aux risques de survenue d'épisodes de dysautonomie et tachycardie qui induisaient des limitations et une perte d'autonomie importante (aide du mari, de la mère, du fils et passages réguliers de l'IMAD).

k. Le 22 juin 2023, l'OAI a émis un mandat d'enquête à domicile afin de déterminer le besoin d'aide dans les actes ordinaires de la vie et le besoin d'un accompagnement.

l. Par communication du 27 juillet 2023, l'OAI a pris en charge les frais pour la remise en prêt d'un rehausse WC Etac.

m. Dans une note du 9 août 2023, établie à la suite d'un entretien téléphonique avec l'assurée la veille, le service des évaluations AI a suggéré de refuser l'allocation pour impotent, au motif que l'année de carence n'était pas terminée. Il ne pouvait donc pas procéder à une évaluation de l'impotence à ce jour. Les rapports médicaux fixaient le début des limitations fonctionnelles depuis le diagnostic aux HUG, soit en février 2023. Même si l'assurée avait déclaré se sentir malade depuis 2014, vu le formulaire de demande de l'allocation pour impotent et l'entretien téléphonique, il était difficile d'admettre une aide régulière et importante pour au moins deux actes avant février 2023, d'autant que les rapports médicaux étaient déterminants.

C. a. Dans un projet de décision du 15 août 2023, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait rejeter sa demande d'allocation pour impotent, car le délai d'attente d'une année courait depuis le mois de février 2023. Si à l'échéance dudit délai, l'impotence persistait, il lui serait loisible de déposer une nouvelle demande.

b. Par pli du 14 septembre 2023, l'assurée a contesté ce projet de décision, en faisant valoir que son atteinte à la santé avait débuté le 20 janvier 2014, déjà même si le diagnostic de POTS avait été posé en février 2023.

Elle a joint :

-          un rapport des HUG du 22 août 2023, attestant que l'assurée était régulièrement suivie au sein de leur consultation SIDD (symptômes inexpliqués diagnostic difficile) depuis octobre 2021 ; et

-          un rapport de consultation de pharmacologie clinique des HUG du 29 juin 2022.

c. Par décision du 24 octobre 2023, l'OAI a rejeté la demande d'allocation pour impotent.

D. a. Par acte du 23 novembre 2023, l'assurée, représentée par son avocat, a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans, en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et au renvoi du dossier à l'intimé pour complément d'instruction et nouvelle décision sur son droit aux prestations à compter du 16 mars 2015.

Elle a fait valoir que sa demande du 27 mars 2023 tendant à la réouverture de son dossier, en raison du diagnostic de POTS à l'origine de ses crises survenues en 2014, consistait en une demande de révision procédurale de la décision de refus de prestations du 22 janvier 2018. Ainsi, l'intimé devait statuer sur toute la période pertinente depuis la demande initiale de prestations. Comme ce diagnostic permettait d'attribuer une base organique aux symptômes existants depuis les premières crises, il s'agissait de faux novas devant être pris en compte d'office par l'intimé. Dans l'hypothèse où la demande de révision procédurale était tardive, l'intimé devrait quand même verser toutes les prestations auxquelles elle aurait droit en lien avec ce diagnostic depuis sa demande initiale de prestations, en application du principe de la protection de la bonne foi. Elle reprochait à l'intimé, qui savait qu'elle n'était à l'époque pas représentée par un professionnel du droit, de ne pas l'avoir renseignée sur son droit de demander une révision procédurale du dossier dans un délai de 90 jours depuis la découverte du motif de révision. En définitive, c'était à tort que l'intimé avait considéré le courriel du 27 mars 2023 comme une nouvelle demande et rejeté la demande d'allocation pour impotent, au motif que le délai de carence d'un an n'était pas écoulé.

b. Dans sa réponse du 19 décembre 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Il a exposé que le fait que l'atteinte à la santé ait pu apparaître antérieurement au 9 février 2023 ne permettait pas de conclure à l'existence d'un besoin d'aide déterminant avant cette date.

Il a ajouté que la demande de révision procédurale de la décision de refus de rente du 22 janvier 2018 ne faisait pas partie de l'objet du litige, le recours ayant été formé contre la décision de refus d'allocation pour impotent du 24 octobre 2023.

c. Dans sa réplique du 18 janvier 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a souligné avoir sollicité l'octroi de toutes les prestations auxquelles elle pouvait prétendre à tout le moins depuis le 27 mars 2023 déjà.

De plus, l'intimé restait muet quant à la violation de son obligation de renseigner et conseiller en temps utile sur les droits de la recourante.

Il se dispensait en outre de réexaminer la question de l'incapacité de travail malgré la découverte de faits nouveaux anciens, soit le fait qu’elle souffrait d'un POTS expliquant l'ensemble du tableau clinique depuis 2014.

d. Le 22 janvier 2024, la recourante a produit un rapport du Dr E______ du 17 janvier écoulé, qui confirmait que les symptômes de syndrome de POTS diagnostiqué en février 2023 étaient présents et incapacitants depuis qu'il la suivait en novembre 2015.

e. Dans sa duplique du 13 février 2024, l'intimé a maintenu sa position, l'avis du SMR du 29 janvier 2024 à l'appui.

En particulier, les conclusions du Dr E______ ne pouvaient pas être suivies, l'incapacité de travail totale n'ayant pu être objectivée qu'en février 2023.

L'intimé a répété que le litige concernait le refus d'allocation pour impotent et qu'il était difficile d'admettre une aide régulière et importante pour au moins deux actes avant février 2023, quand bien même l'atteinte à la santé avait pu apparaître antérieurement.

f. Dans sa détermination du 29 février 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a estimé que les précédentes appréciations du SMR avaient été établies sur une prémisse erronée, dès lors qu'elle ne souffrait pas d'un trouble somatoforme douloureux comme retenu à l'époque mais d'une pathologie avec substrat organique. Du reste, le SMR reconnaissait que le tableau clinique actuel conduisait à admettre une totale incapacité de travail dans toute activité. Or, ce tableau clinique prévalait depuis 2015 à tout le moins. Ainsi, l'incapacité remontait à l'origine de la maladie. En se référant à des rapports médicaux, la recourante a allégué que l'existence de ses symptômes et leur intensité depuis le début des investigations médicales ne faisait l'objet d'aucun doute. Il appartenait en conséquence à l'intimé d'instruire le dossier dès son origine et de procéder à une révision des décisions qui avaient été rendues sur la base d'un état de fait erroné.

g. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimé pour information.

 

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 23 novembre 2023) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.              

4.1 Le 1er janvier 2022, les modifications du 19 juin 2020 de la LAI sont entrées en vigueur (développement de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI -RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 146 V 364 consid. 7.1 et les références).

4.2 En l'occurrence, la question de savoir si le litige doit être résolu selon l'ancien ou le nouveau droit peut demeurer ouverte, car, dans tous les cas, la cause doit être renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire, étant précisé que le nouveau droit n'a pas apporté de modification aux principes cités plus loin, en particulier sur la notion d'impotence et la manière de l'évaluer.

5.             Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.

6.              

6.1 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).

6.2 En l'espèce, la décision litigieuse du 24 octobre 2023 rejette la demande d'allocation pour impotent, motif pris que le délai d'attente d'un an qui courait depuis février 2023 n'était pas encore atteint.

L'intimé, qui a la compétence pour réviser les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force lorsque les conditions en sont réunies (cf. art. 53 al. 1 LPGA), ne s'est pas exprimé à ce sujet. Dans son recours, la recourante sollicite que l'intimé entre en matière sur cette question, en se prévalant de faits et moyens de preuve nouveaux. Selon elle, le diagnostic de POTS posé en février 2023 permet d'établir la réalité de ses symptômes depuis janvier 2014. Ce faisant, la recourante présente une requête de révision de la décision du 22 janvier 2018, qu'il y a lieu de transmettre à l'intimé comme objet de sa compétence.

La recourante ajoute que l'intimé a rejeté à tort sa demande d'allocation pour impotent.

En définitive, l'objet du litige se limite à la question de savoir si l'intimé était fondé à rejeter la demande d'allocation pour impotent pour le motif avancé.

7.              

7.1 Selon l’art. 42 al. 1 1ère phrase LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent.

Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). Ces actes sont ceux que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA désignait par « actes ordinaires de la vie » (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 10 ad art. 42 LAI).

Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie (art. 42 al. 3 1ère phrase LAI).

L’impotence devant résulter d’une atteinte à la santé, mais pas nécessairement d’une invalidité, une allocation pour impotent peut être servie à un assuré qui ne perçoit pas de rente d’invalidité, faute notamment de présenter le degré d’invalidité requis pour l’octroi d’une rente d’invalidité, pourvu que l’atteinte à la santé entraîne les conséquences prévues par la loi – impossibilité d’accomplir les actes ordinaires de la vie, besoins en soins et d’accompagnement (VALTERIO, op cit., n. 1 et 6 ad art. 42 LAI).

7.2 La loi distingue trois degrés d’impotence : grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI).

L’art. 37 al. 3 RAI dispose que l’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin : de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a) ; d’une surveillance personnelle permanente (let. b) ; de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c) ; de services considérables et réguliers de tiers lorsqu’en raison d’une grave atteinte des organes sensoriels ou d’une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d) ; ou d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (let. e).

7.3 Selon la jurisprudence, les actes élémentaires de la vie quotidienne se répartissent en six domaines : 1. se vêtir et se dévêtir ; 2. se lever, s’asseoir et se coucher ; 3. manger ; 4. faire sa toilette (soins du corps) ; 5. aller aux toilettes ; 6. se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts (arrêt du Tribunal fédéral 8C_314/2022 du 15 décembre 2022 consid. 3.3).

L’aide est régulière lorsque l’assuré en a besoin ou pourrait en avoir besoin chaque jour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références). C’est par exemple le cas lors de crises pouvant ne se produire que tous les deux ou trois jours, mais pouvant aussi survenir brusquement chaque jour ou même plusieurs fois par jour (RCC 1986 p. 510 consid. 3c).

L’aide est importante lorsque l’assuré ne peut plus accomplir seul au moins une fonction partielle d’un acte ordinaire de la vie (ATF 121 V 88 consid. 3c et les références ; ATF 107 V 136 consid. 1b).

7.4 Le droit à une allocation pour impotent ne peut pas naître avant l’échéance d’un délai de carence d’une année à compter de la survenance de l’impotence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2017 du 18 septembre 2017 consid. 3.1). Le niveau de l’allocation pour impotent est alors déterminé d’une part, d’après le degré d’impotence existant au cours du délai d’attente et d’autre part, selon l’étendue de l’impotence persistant une fois le délai d’attente écoulé (ATF 111 V 226 consid. 3). L'art. 42 al. 4 2ème phrase LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, prévoit également que le droit à l'allocation pour impotent naît dès qu’une impotence de degré faible au moins existe depuis une année sans interruption notable.

8.              

8.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

8.2 En règle générale, le degré d’impotence d’un assuré est déterminé par une enquête à son domicile. Cette enquête doit être élaborée par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s’agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants (arrêt du Tribunal fédéral 9C_907/2011 du 21 mai 2012 consid. 2 et les références).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

10.          

10.1 En l'espèce, l'intimé n'a finalement pas mis en œuvre une enquête à domicile, considérant que le temps de carence d'une année, qui avait commencé à courir en février 2023, n'était pas encore échu.

Il est vrai qu'à l'époque où l'expertise rhumato-psychiatrique a été réalisée en juin 2017, qui retenait notamment un trouble somatoforme indifférencié, non incapacitant (la recourante se plaignait de problèmes cardiaques de type tachycardie malgré les discours rassurants du cardiologue, l'absence de consultation régulière et récente chez ce spécialiste et l'absence d'un traitement cardiotrope), celle-ci était autonome dans les fonctions de la vie quotidienne. Elle cuisinait, se consacrait à sa toilette, s'occupait de ses tâches administratives et de sa lessive, sortait se promener et faisait ses courses (dossier intimé p. 211 et 217).

Ceci étant, la situation médicale a par la suite évolué, avec des répercussions sur les activités de la vie quotidienne.

Il ressort du rapport des HUG du 22 août 2023 que la recourante consultait la consultation SIDD (symptômes inexpliqués diagnostic difficile) depuis octobre 2021. Dans son rapport du 17 janvier 2024, le Dr E______, qui suit la recourante depuis novembre 2015, a indiqué que les symptômes (tachycardie sinusale, variabilité tensionnelle ainsi que du tonus musculaire) s'étaient manifestés en 2014 déjà et avaient justifié la demande de prestations initiale auprès de l'intimé. Le diagnostic de syndrome de POTS, qui expliquait ces symptômes, avait été posé en février 2023 par l'équipe médicale de la consultation SIDD des HUG (cf. le rapport des HUG du 7 mars 2023 qui mentionne que la recourante a été multi-investiguée dans le contexte de malaises généralisés avec tachycardie inappropriée).

Dans sa demande d'allocation pour impotent du 22 mai 2023, la recourante a allégué avoir besoin d'une aide pour se lever / s'asseoir / se coucher depuis janvier 2014, pour les soins du corps depuis août / décembre 2022, pour aller aux toilettes depuis février 2023, et pour se déplacer / entretenir des contacts sociaux depuis août 2022. Elle a également affirmé avoir besoin d'un accompagnement permettant de faire face aux nécessités de la vie au plus tôt depuis août 2022.

Dans le questionnaire intitulé « Rapport médical pour les personnes impotentes », signé par le Dr E______ le 30 mai 2023, et le Dr F______ (qui suit la recourante depuis fin 2014) le 19 juin 2023, ces médecins traitants ont confirmé que les indications mentionnées dans la demande d'allocation pour impotent concernant les empêchements pour exécuter les actes ordinaires de la vie correspondaient à leurs constatations médicales et que les dates de début de l'incapacité pour effectuer lesdits actes leur semblaient correctes.

Dans son rapport du 20 mars 2023, le Dr E______ avait notamment fait état du besoin d'aide de la recourante pour la préparation des repas, le ménage et les courses, ce qui a été confirmé par l'IMAD, qui intervient au domicile de l'assurée depuis avril 2013 déjà (cf. son courriel et courrier du 13 juin 2023).

Or, dans la mesure où les médecins traitants confirment que, aux dates invoquées, la recourante a besoin d'une aide pour des actes ordinaires de la vie et d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie en raison de son atteinte à la santé (facteur déterminant, peu importe la date à laquelle le diagnostic a été posé, soit in casu février 2023), une enquête à domicile aurait dû être effectuée afin de déterminer si ce besoin était avéré, au cours du temps. Le besoin d'aide ayant été signalé pour se lever / s'asseoir / se coucher dès janvier 2014, pour les soins du corps au plus tôt à partir d'août 2022, pour se déplacer / entretenir des contacts sociaux depuis août 2022 et pour un accompagnement permettant de faire face aux nécessités de la vie au plus tôt depuis août 2022 également, un droit à une allocation pour impotent de degré faible à tout le moins pourrait cas échéant être reconnu selon l'art. 37 al. 3 let. a ou let. e RAI, à compter d'août 2023, soit avant la date de la décision litigieuse du 24 octobre 2023.

Vu l'instruction lacunaire, il est impossible à ce stade de se prononcer sur le droit éventuel de la recourante à une allocation pour impotent.

10.2 Il se justifie par conséquent de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il mette sur pied une enquête à domicile et statue à nouveau.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision du 24 octobre 2023 annulée, et la cause renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

12.         La recourante, représentée par un avocat, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 2'000.-.

13.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Transmet la requête de révision de la décision du 22 janvier 2018 à l'intimé, comme objet de sa compétence.

2.        Déclare le recours recevable pour le surplus.

Au fond :

3.        L'admet partiellement.

4.        Annule la décision du 24 octobre 2023.

5.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

6.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le