Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/253/2024 du 23.04.2024 ( AI )
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2894/2023 ATAS/253/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Ordonnance d’expertise du 23 avril 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______ représenté par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1971, domicilié dans le canton de Genève, de nationalité espagnole, titulaire d’une autorisation d’établissement C, divorcé, père de deux enfants nés en 2001 et 2005, a travaillé depuis le 1er juin 2017 comme chef d’équipe (responsable des installations sportives) pour la ville de B______.
b. Il a présenté une incapacité de travail totale depuis le 12 novembre 2019, attestée par la docteure C______, spécialiste FMH en médecine générale, laquelle le suivait depuis le 5 septembre 2019. La MOBILIERE SUISSE ASSURANCE SA (ci-après : l’assureur perte de gain) a versé des indemnités journalières.
c. Le contrat de travail a pris fin le 30 septembre 2020.
B. a. Le 10 janvier 2020, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’un trouble anxieux et dépressif mixte avec des troubles de la concentration, fatigue, irritabilité, incompatibles avec un travail en équipe.
b. Le 16 janvier 2020, la médecin-conseil de l’assureur perte de gain, la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a estimé que la capacité de travail était de 50% depuis le 2 mars 2020 et de 100% depuis le 16 mars 2020, dans toute activité.
c. Le 29 avril 2020, le docteur F______, médecin au Centre G______ (ci-après : G______), spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, - lequel a effectué un suivi du 24 mars au 2 juin 2020 - a attesté d’une incapacité de travail totale ; l’épuisement professionnel avait été le facteur déclencheur d’un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques.
d. Le 2 mai 2020, la Dre E______, compte tenu du rapport de la psychiatre traitante, a modifié son appréciation et confirmé une incapacité de travail totale à ce jour et une capacité de travail totale dans toute activité chez un autre employeur dès le 1er juin 2020 à 50% et dès le 15 juillet 2020 à 100%.
e. Le 14 juillet 2020, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité. Il a mentionné être suivi au G______ par le Dr F______.
f. Le 24 juillet 2020, le Dr F______ a confirmé le diagnostic d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et fait état de limitations fonctionnelles de fatigabilité physique, très faible estime de soi, thymie triste, totalement incapacitantes.
g. Le 4 octobre 2020, la Dre D______ a indiqué un diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte incapacitant à hauteur de 50% et d’un trouble de la personnalité sans précision.
L’assuré présentait de la fatigue, des troubles de la concentration et de l’anxiété. Il pouvait reprendre une activité à un taux de 50% dès le 1er novembre 2020.
h. Le 23 décembre 2020, la Dre D______ a attesté d’une évolution très lentement positive. L’assuré présentait d’importants troubles du sommeil, fatigue, troubles de la concentration, perte de l’élan vital, perte de l’estime de lui-même, anxiété avec crises paroxystiques paralysantes. Il était actuellement totalement incapable de travailler.
i. Le 23 mars 2021, la Dre D______ a attesté de fluctuations thymiques anxieuses, avec des troubles de la concentration, de la fatigue et des crises d’angoisse. L’assuré pourrait reprendre très progressivement une activité à temps partiel, dans le contexte d’une réinsertion professionnelle.
j. Les 28 janvier et 19 avril 2022, la Dre D______ a attesté d’une symptomatologie anxieuse et dépressive, avec des fluctuations. L’assuré présentait des troubles de la concentration, de la fatigue, un ralentissement psychomoteur et des crises d’angoisse. Il pourrait reprendre une activité partielle dans le cadre d’une réinsertion professionnelle, d’abord à un taux de 25%, lequel pourrait être augmenté progressivement.
k. Le 19 décembre 2022, la Dre D______ a répondu à une demande de renseignements de la part du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR).
L’assuré présentait des fluctuations thymiques et anxieuses et une symptomatologie dépressive (perte de l’élan vital, anhédonie, perte d’estime, de sens, peur de l’avenir, idées noires fluctuantes, anxiété, troubles du sommeil et de la concentration). Dès janvier 2023, il pourrait bénéficier d’une réinsertion, à un taux partiel, augmenté progressivement. Il bénéficiait de soins de psychothérapie et d’un traitement médicamenteux. L’année 2022 avait été difficile.
l. Le 19 janvier 2023, le SMR a estimé que la sévérité de l’atteinte n’était pas claire et proposé l’ordonnance d’une expertise psychiatrique.
m. A la demande l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu le 12 mai 2023 un rapport d’expertise, posant les diagnostics de troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis novembre 2019 et traits mixtes de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieux, actuellement non décompensés, non incapacitants. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles objectivables. L’évolution était globalement stationnaire depuis novembre 2019. Les indices jurisprudentiels de gravité n’étaient pas remplis depuis novembre 2019 jusqu’à présent. La capacité de travail était totale depuis novembre 2019.
n. Le 22 mai 2023, le SMR a suivi les conclusions de l’expert H______ et estimé que la capacité de travail était de 100%, sans diagnostic incapacitant.
o. Par projet de décision du 2 juin 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé invalidante.
p. Le 30 juin 2023, l’assuré s’est opposé au projet de décision, en faisant valoir que l’angoisse l’empêchait de reprendre une activité professionnelle. Il a communiqué un rapport du 1er juillet 2023 de la Dre D______, attestant d’une symptomatologie dépressive et anxieuse, de symptômes de déréalisation, de manque d’élan vital, de perte totale de l’estime de lui, de troubles du sommeil importants et d’idées noires fluctuantes. Il était totalement incapable de travailler. En avril 2021, il avait cru pouvoir rechercher un emploi et s’était inscrit au chômage. Il s’était effondré psychologiquement en septembre 2021 et son frère l’avait hébergé en raison de crainte de risque suicidaire. Il avait mal vécu l’expertise auprès du Dr H______ qui avait été parfois agressif et l’avait accusé de mentir. L’expert n’utilisait pas les résultats de l’échelle de Beck montrant la dépression sévère et déduisait de ses seules capacités ménagères qu’il pouvait travailler.
q. Le 9 juillet 2023, le SMR a estimé que le rapport de la Dre D______ était une appréciation différente d’une situation similaire à celle prévalant au jour de l’expertise.
r. Par décision du 12 juillet 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.
C. a. Le 11 septembre 2023, l’assuré a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en faisant valoir qu’il présentait une souffrance et une impuissance chaque jour plus difficiles à surmonter, sans sens à son existence. Il sollicitait l’aide de l’OAI.
b. Le 9 octobre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise psychiatrique était probante.
c. Le 26 décembre 2023, l’assuré, représenté par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, a contesté la valeur probante de l’expertise psychiatrique, en relevant que le Dr H______ ne s’était fondé que sur le test de MADRS, alors que le test de Beck montrait une dépression sévère. Il présentait des symptômes compatibles avec un épuisement professionnel, ce qui aurait dû justifier un examen neuropsychologique. Il a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et à l’octroi d’une rente d’invalidité.
d. Le 29 février 2024, le recourant a indiqué qu’il n’avait pas pu obtenir le rapport de la Dre D______ pour lequel plusieurs délais lui avaient été octroyés et qu’il sollicitait une audience de comparution personnelle.
e. Le 18 mars 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.
Le recourant a déclaré que l’expertise auprès du Dr H______ s’était très mal passée, que l’expert l’avait traité de menteur, avait été agressif et mettait en doute ce qu’il lui expliquait. Il a sollicité un test neuropsychologique.
f. Le 25 mars 2024, le recourant a communiqué un rapport succinct de la Dre D______ du 19 février 2024, attestant d’un suivi tous les 15 jours et d’un trouble anxieux et dépressif mixte compatible avec un syndrome d’épuisement professionnel.
g. Le 28 mars 2024, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise au docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et leur a communiqué le projet de mission.
h. Le 9 avril 2024, l’intimé a contesté la nécessité d’effectuer une expertise judiciaire.
i. Le 16 avril 2024, le recourant a acquiescé à la mission d’expertise.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
1.4 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naitrait antérieurement au 1er janvier 2022, l’incapacité de travail invoquée débutant en novembre 2019 et la demande de prestations ayant été déposée en 2020, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
1.5 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60. LPGA).
2. Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI
3.
3.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
3.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
3.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).
3.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.2 ; 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).
4. Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
Ces indicateurs sont classés comme suit :
I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »
Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
A. Axe « atteinte à la santé »
1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic
Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).
L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).
2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers
Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).
3. Comorbidités
La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).
B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).
Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).
C. Axe « contexte social »
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).
Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).
II. Catégorie « cohérence »
Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).
A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).
B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).
La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).
5.
5.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).
5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
5.3 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
5.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
5.5 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
5.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
5.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).
6. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
7. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
8. En l’occurrence, l’intimé, pour rendre la décision litigieuse, se fonde sur l’expertise psychiatrique du Dr H______ du 12 mai 2023, laquelle conclut à l’absence de limitations fonctionnelles psychiques et à une capacité de travail totale du recourant depuis novembre 2019.
Ce rapport d’expertise est contesté par le recourant, lequel fait valoir l’avis de la Dre D______ du 1er juillet 2023, concluant à son incapacité de travail totale.
8.1 La chambre de céans constate que le rapport d’expertise du Dr H______ m’emporte pas la conviction.
8.1.1 L’expert H______ n’a pas pris en compte tous les rapports médicaux pertinents. Il ne cite pas correctement ceux, successifs, des 16 janvier et 2 mai 2020 de la Dre E______ en ne notant pas que, dans le premier, un retour au travail partiel au 2 mars 2020 était considéré, alors que dans le second la Dre E______ revoit son point de vue et estime qu’une incapacité de travail totale est justifiée jusqu’au 31 mai 2020, sur la base des explications fournies par la psychiatre traitante.
On ne comprend d’ailleurs pas sur quelle base l’expert H______ écarte tout diagnostic psychique incapacitant dès le début de l’arrêt de travail, en novembre 2019, alors même que tous les médecins intervenants et la médecin-conseil de l’assureur perte de gain les admettent. Il se borne (expertise p. 33) à minimiser les diagnostics posés par les Drs D______ et F______, au seul motif que la journée-type décrite par le recourant lors de l’examen clinique de mai 2023, soit trois ans et demi après le début de l’incapacité de travail totale attestée par les médecins-traitants, témoigne d’une discordance avec les diagnostics psychiatriques posés antérieurement. Ce constat ne permet cependant pas d’exclure la présence, dès novembre 2019, des diagnostics psychiatriques posés par les médecins-traitants. De plus, la description de la journée-type sur laquelle se fonde l’expert H______ fait plutôt état d’activités fortement limitées du recourant et d’insomnies importantes. Il dort tard, fait des siestes, essaye de s’activer, d’être un peu réveillé pour passer de bons moments avec son fils (expertise pp. 21-22), de sorte que la discordance évoquée par l’expert H______ n’est pas convaincante.
8.1.2 Par ailleurs, le raisonnement de l’expert H______ est difficile à suivre. Il souligne que les plaintes sont cohérentes et plausibles et en concordance avec l’examen clinique et les tests psychométriques (sauf celui de Beck), qu’il n’y a pas d’incohérences et que le recourant est authentique, sans exagération de ses plaintes psychiques (expertise du Dr H______ pp. 32-33). Or, les plaintes du recourant sont nombreuses et témoignent d’un important mal être. En effet, dans le chapitre « plaintes spontanées » et « sur demande », le recourant déclare présenter un mal-être général, des troubles du sommeil, une fatigue, des angoisses, une tristesse fluctuante, l’impression d’être absent mentalement, d’être dans des couches avec un voilage, de ne pas être au bon endroit, de douleurs diffuses, de difficultés dans la gestion du quotidien et de l’administratif, de difficultés de concentration, de confiance en lui abaissée, d’un appétit fluctuant, d’une absence de libido. Le recourant indique aussi qu'il se ne voit pas rencontrer quelqu’un car il ne voit pas ce qu’il pourrait lui apporter ; il se dévalorise et dit ne pas avoir grand-chose à donner ; il n’a plus d’émotion intense (expertise du Dr H______, p. 15).
On peine dès lors à comprendre la logique de l’expert H______ lorsqu’il estime que les plaintes du recourant sont cohérentes et plausibles et qu’elles témoigneraient de l’absence de toute limitation fonctionnelle.
8.1.3 En outre, l’expert relève de façon peu compréhensible que le recourant « n’exagère pas volontairement ses activités de la journée-type » (expertise du Dr H______ p. 32). Or, on peine également à comprendre le sens de cette phrase.
8.1.4 Enfin, l’échelle de Beck, qui évalue la gravité subjective des symptômes dépressifs, témoigne d’une dépression sévère, laquelle n’est pas véritablement discutée par l’expert H______.
8.2 Au vu de ces incohérences, le rapport d’expertise du Dr H______ doit être écarté, de sorte qu’une instruction médicale psychiatrique est nécessaire. En conséquence, il se justifie d’ordonner une expertise judiciaire psychiatrique, laquelle sera confiée au Dr I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
I. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______.
Commet à ces fins le docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs D______ et F______.
C. Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.
D. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)
2. Plaintes de la personne expertisée
3. Status clinique et constatations objectives
4. Diagnostics (selon un système de classification reconnu)
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).
4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail
4.1.1 Dates d'apparition
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail
4.2.1 Dates d'apparition
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
4.5 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
5. Limitations fonctionnelles
5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic
5.1.1 Dates d'apparition
5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?
6. Cohérence
6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?
6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?
6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?
6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?
7. Personnalité
7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?
7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?
7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?
7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?
8. Ressources
8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?
8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :
a) psychique
b) mental
c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?
9. Capacité de travail
9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.
9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?
9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?
9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?
9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?
9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.
9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis novembre 2019 ?
9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?
9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?
10. Traitement
10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.
10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?
10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?
10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.
11. Appréciation d'avis médicaux du dossier
11.1 Êtes-vous d'accord avec l'avis de la Dre D______ du 1er juillet 2023 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l'estimation d'une capacité de travail nulle ? Si non, pourquoi ?
11.2 Êtes-vous d’accord avec l’expertise du Dr H______ du 12 mai 2023 ? En particulier avec les diagnostics posés, l’absence de limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail de 100% depuis novembre 2019 ? Si non, pourquoi ?
12. Quel est le pronostic ?
13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?
14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.
II. Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.
III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le