Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/181/2024 du 21.03.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1502/2023 ATAS/181/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 21 mars 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ représenté par Me Alexandre BERNEL, avocat
| recourant |
contre
ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré), né en 1985 et domicilié à Genève, travaillait comme agent de sécurité pour le compte de la société B______ SA. À ce titre, il était assuré par son employeur contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance).
b. Le 15 décembre 2013, l’assuré a été grièvement blessé à l’œil gauche dans le cadre d’une agression à l’extérieur de l’établissement de nuit « C______ », situé en France voisine. Il a notamment subi une perforation du globe oculaire avec décollement de rétine du fait d’un coup donné par un verre.
c. L’assuré n’a plus exercé d’activité lucrative depuis lors et a reçu de l’assurance des indemnités journalières correspondant à une totale incapacité de travail.
d. Le 11 mars 2016, l’assurance-invalidité lui a reconnu le droit à une rente entière avec effet au 1er décembre 2014.
e. Après neuf interventions chirurgicales au niveau de l’œil gauche et seize injections intraoculaires sous anesthésie complète, l’assuré a finalement subi une énucléation avec mise en place d’une bille Medor le 31 mai 2017 à l’Hôpital Jules-Gonin de Lausanne.
f. Selon l’expertise du 30 juillet 2017 du docteur D______, (spécialiste en ophtalmologie et expert auprès de la Cour d’Appel de Lyon), mise en œuvre dans le cadre de la procédure pénale à l’encontre des agresseurs, Messieurs E______ et F______, l’énucléation aurait dû être faite dès 2015, vu l’absence de projection lumineuse et les importantes douleurs oculaires. Selon l’expert, l’assuré a fait l’objet d’un « acharnement thérapeutique [qui] ne correspond pas à des soins qu’on est en droit d’attendre d’un hôpital universitaire ».
g. L’assurance ayant confié un mandat d’expertise psychiatrique au docteur G______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, celui-ci a rencontré l’assuré en juillet 2019 et établi son rapport final le 3 août 2019.
L’expert psychiatre a retenu les diagnostics d’état de stress post-traumatique (F43.1), de trouble de l’humeur persistant (F34.8) et de trouble de la personnalité avec traits de la personnalité narcissique et dépendante (F61.0). Tous s’inscrivaient, au degré de la vraisemblance prépondérante, dans un rapport de causalité naturelle avec les évènements du 13 décembre 2013, étant précisé qu’aucun facteur étranger à ceux-ci n’avait joué un rôle dans le développement des troubles psychiques, ni dans leur persistance. La capacité de travail était décrite comme nulle dans toute activité sous l’angle psychique. Le pronostic était réservé, une amélioration demeurant possible en cas de traitement intensif. Un réexamen une année plus tard était suggéré.
h. Une expertise ophtalmologique a été réalisée en mai 2022 par le docteur H______, ophtalmologue, à la demande de l’assurance. Dans son rapport du 22 mai 2022, l’expert a estimé qu’en raison du statut monophtalme de l’assuré et du risque de traumatisme de l’œil sain, l’activité d’agent de sécurité ne pouvait plus être exercée. En revanche, la capacité de travail était totale dans une activité adaptée administrative ou de bureau, respectant les limitations fonctionnelles suivantes : pas de travail en hauteur (escabeau ou échelle), ni travaux administratifs nécessitant également une vision du relief et/ou un champ visuel binoculaire supérieur à 120°. Dans une activité administrative ne respectant pas les limitations fonctionnelles relatives au champ de vision, une diminution de rendement de 15% devait être admise.
i. Par courrier du 30 juin 2022, l’assurance a informé l’assuré qu’elle considérait que, son état de santé étant stabilisé, il était justifié de mettre un terme à la prise en charge des frais médicaux et au versement des indemnités journalières avec effet immédiat. Les conditions d’octroi d’une rente seraient examinées « dès que possible », étant précisé que l’assurance considérait, conformément à l’expertise du Dr H______, que l’assuré avait recouvré une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.
j. Le 12 juillet 2022, l’assuré, représenté par un avocat, a fait part de son incompréhension face à la décision de l’assurance d’interrompre les indemnités journalières sans se prononcer en même temps sur son droit éventuel à une rente. Il a rappelé que l’assurance invalidité l’avait reconnu invalide à 100%. Or, toutes les affections invalidantes dont il souffrait étaient en lien de causalité avec l’accident, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’admettre la moindre capacité de travail.
k. Le 18 juillet 2022, l’assurance a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’elle envisageait de rejeter sa demande de rente d’invalidité, au motif que le degré d’invalidité reconnu ne s’élevait qu’à 3.34%, soit moins que le seuil de 10% ouvrant le droit à une telle rente.
Le revenu sans invalidité (CHF 56'755.-) avait été établi sur la base du revenu réalisé durant l’année ayant précédé l’accident, en tenant compte de l’indexation statistique des salaires depuis lors. Quant au revenu d’invalide (CHF 54'886.-), il était fondé sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018, niveau 1, homme, total, ajusté à la durée hebdomadaire normale de travail de la branche économique [41.9], indexé à 2022 puis réduit de 10% pour tenir compte des limitations fonctionnelles. À cet égard, seules étaient retenues les limitations d’ordre ophtalmologique, le lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques étant nié.
Enfin, était envisagé l’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de CHF 18'900.- correspondant à 30% du gain assuré, réduit de 50% du fait que l’atteinte résultait d’une rixe à laquelle l’assuré avait pris part.
l. Dans ses observations du 14 septembre 2022, l’assuré a fait part de son désaccord avec divers aspects du projet de décision de l’assurance, arguant qu’une rente d’invalidité entière devait lui être octroyée, que l’IPAI de 30% ne devait pas être réduite et que le traitement médical devait continuer à être pris en charge par l’assurance.
Il a tout d’abord allégué n’avoir aucune responsabilité dans les évènements du 13 décembre 2013. Il ressortait de l'ordonnance de renvoi du 4 décembre 2017 rendue par la vice-présidente du Tribunal de Grande Instance d'Annecy qu’il avait été agressé par Messieurs E______ et F______. Ce dernier avait d’ailleurs été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Grande Instance de Thonon-les-Bains pour « avoir volontairement commis des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, en l'espèce six mois, sur la personne d'A______ avec ces circonstances que les faits ont été commis en réunion et avec usage ou menace d’une arme par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ». Quant à Monsieur E______, il avait été renvoyé pour « avoir volontairement commis des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur la personne d'A______, avec cette circonstance que les faits ont été commis en réunion ». Les deux intéressés avaient été condamnés pour ces faits par le Tribunal Correctionnel de Grande Instance de Thonon-les-Bains le 3 avril 2018. Ils avaient en outre été déclarés responsables du préjudice subi par l’assuré. Enfin, l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel, retraçant toute la procédure pénale, confirmait le fait qu’au moment où l’assuré avait reçu le premier coup de poing de la part de Monsieur E______, il discutait sans agressivité avec Monsieur I______ à l’extérieur de l’établissement nocturne. L’assuré n’avait ainsi aucunement contribué à la survenance de l’agression dont il avait été victime et sa participation à une rixe ne pouvait être retenue. Rien ne justifiait donc une réduction des prestations auxquelles il avait droit. D’autant moins que l’assurance n’avait jamais retenu une responsabilité de sa part avant le 18 juillet 2022. Elle lui avait versé des indemnités journalières sans aucune réduction durant plus de huit ans et demi. Ce revirement devait être considéré comme une violation du principe de la bonne foi.
Le recourant a ensuite soutenu que l’évènement du 15 décembre 2013 devait être classé dans la catégorie supérieure des accidents de gravité moyenne, vu le caractère particulièrement violent de l’agression, au moyen d’un verre, ayant donné lieu à la perforation de son globe oculaire gauche et au décollement de sa rétine. Il se justifiait selon lui de retenir l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et ses troubles psychiques. Il devait donc être considéré comme invalide à 100%.
Enfin, l’appréciation du Dr H______ selon laquelle la gravité des troubles ophtalmiques serait légère était contestée.
B. a. Le 8 décembre 2022, l’assurance a rendu une décision identique à son projet du 18 juillet 2022, refusant l’octroi d’une rente du fait d’un degré d’invalidité insuffisant (3.34%), niant l’existence de tout lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques, maintenant la réduction de l’IPAI de 50% du fait de la participation de l’assuré à une rixe et mettant un terme à la prise en charge du traitement médical et au versement des indemnités journalières au 30 juin 2022.
b. Le 12 janvier 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision en reprenant en substance les griefs et arguments soulevés le 14 septembre 2022.
c. Le 17 mars 2023, l’assurance a rejeté l’opposition et confirmé sa décision du 8 décembre 2022.
Il ressortait de la procédure pénale qu’une altercation était survenue entre lui et Monsieur I______, tous deux alcoolisés, dans un établissement de nuit à 4h30. Celle-ci avait été de nature suffisamment importante pour justifier l'intervention d’un videur, qui avait fait sortir l’assuré de l'établissement. Ensuite, Monsieur E______, qui faisait partie du « groupe I______ » avait eu un contact physique avec les deux protagonistes, soit Messieurs A______ et I______ alors qu'ils se trouvaient à l’extérieur.
Il y avait donc bien eu une altercation, à tout le moins un échange verbal, non seulement à l'intérieur de l'établissement de nuit, mais également alors que les protagonistes se trouvaient hors de l'établissement. L’état manifeste d'énervement des acteurs de l'altercation, alcoolisés, de même que le risque que la situation dégénère auraient dû conduire l’assuré à prendre conscience de la situation dangereuse à laquelle il s’exposait, à se rendre compte qu’il était toujours dans la zone de danger et à s’éloigner plutôt qu’à renouer contact avec Monsieur I______ à l’extérieur de l’établissement. C’était d’autant plus le cas que l’intéressé était agent de sécurité de métier.
Le fait que l’individu avec lequel l’assuré discutait n’était pas celui qui lui avait assené un coup n’était pas non plus décisif pour la diminution des prestations, dans la mesure où, tant à l'intérieur de l'établissement qu'ensuite à l'extérieur, les mêmes protagonistes étaient présents, soit, outre l’assuré, Messieurs I______, E______ et F______. C’était au final bien le fait d'intervenir à l'intérieur de l'établissement de nuit, alcoolisé, auprès d'un inconnu importunant une amie, qui était à l'origine de l'altercation qui avait suivi et des coups finalement assénés à l’assuré, d'abord par Monsieur E______, puis par Monsieur F______. Ainsi, selon l’assurance, « même si ces gestes inacceptables étaient totalement disproportionnés ils sont cependant intervenus dans un contexte global de rixe entre protagonistes sous influence d'alcool dans lequel ce genre de comportements agressifs et incontrôlés est malheureusement à craindre ». La réduction de moitié des prestations était ainsi justifiée.
De même, c’était à juste titre que le lien de causalité adéquate entre l’accident et les atteintes psychiques de l’assuré avait été nié. Les critères jurisprudentiels nécessaires à la reconnaissance d’un tel lien, dans le cadre d’un accident de gravité moyenne, n’étaient pas réalisés. Seuls deux critères, soit celui de la gravité des lésions physiques et celui de la persistance des douleurs physiques étaient retenus, sans qu’aucun ne revête une intensité particulière.
Au vu de ces éléments et en ne prenant en compte que les lésions ophtalmologiques, seules en lien avec l’accident, le taux d’invalidité était de 3.4% et n’ouvrait pas de droit à la rente.
C. a. Le 5 mai 2023, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, d’une IPAI de CHF 37'800.- ainsi qu’à la couverture - au-delà du 1er juillet 2022 - du traitement médical ophtalmologique et psychiatrique des séquelles de l’accident.
Il conteste la réduction des prestations pour trois motifs distincts : il n’y a pas eu de véritable altercation avec Monsieur I______ ; si tant est qu’il convienne de retenir l’existence d’une altercation, celle-ci est survenue alors que l’assuré venait en aide à une personne sans défense ; dans tous les cas de figure, le comportement de l’assurance est contradictoire et donc de mauvaise foi, dans la mesure où elle entend réduire pour la première fois en 2022, sans apparition d’éléments nouveaux, des prestations en espèces qu’elle a versées sans réduction durant huit ans et demi.
Concernant le lien de causalité adéquate entre l’accident et les atteintes psychiques, le recourant reprend l’argumentaire développé précédemment : il estime que l’accident doit être qualifié de gravité moyenne de catégorie supérieure et qu’indépendamment de cette qualification, il y a de toute manière lieu de retenir que six des sept critères jurisprudentiels pertinents sont réalisés. Dès lors, le lien de causalité adéquate avec les troubles psychiques doit être admis et une invalidité totale reconnue.
b. Le 15 juin 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.
Elle rappelle que la participation à une rixe doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances. Or, vu l’endroit, l’heure tardive, l’état alcoolisé des protagonistes et la chronologie des évènements, le recourant devait se rendre compte du danger potentiel auquel il s’exposait par son comportement. L’état de nécessité aux fins de protéger une personne sans défense n’est par ailleurs pas établi. Enfin, l’intimée se défend de toute « mauvaise foi », expliquant qu’elle a examiné l’existence d’une rixe au moment où elle a pris connaissance des documents et précisions quant au déroulement des faits. En outre, elle ne réclame pas la restitution des prestations en espèces passées.
c. Les parties ont persisté dans leurs positions respectives le 14 juillet 2023 pour le recourant et le 2 août 2023 pour l’intimée.
d. Sur demande de la Cour de céans, le recourant a produit en date du 28 février 2024 l'ordonnance de requalification et de renvoi du 4 décembre 2017 du Tribunal de Grande Instance d’Annecy et le Jugement du Tribunal de Grande-Instance de Thonon-Les-Bains du 3 avril 2018 auxquels il a été fait référence à de multiples reprises dans les écritures des deux parties, mais qui ne figurait pas encore au dossier.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4. Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.
5. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
6. L’objet du litige porte sur le droit à la rente d’invalidité du recourant, de son droit à se faire verser l’intégralité des prestations en espèces sans réduction du fait de sa participation alléguée à une rixe, ainsi qu’à la poursuite de la prise en charge par l’intimée de son traitement médical.
7.
7.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).
7.2 L'art. 49 al. 2 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d'accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l'assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu'il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu'il venait en aide à une personne sans défense (let. a).
La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l'art. 133 CP. Selon la jurisprudence, pour admettre l'existence d'une telle participation, il suffit que l'assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu'il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu'il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu'il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. Ainsi, il y a participation à une rixe ou à une bagarre, au sens de l’art. 49 al. 2 let. a OLAA, non seulement quand l’intéressé prend part à de véritables actes de violence, mais déjà s’il s’est engagé dans l’altercation qui les a éventuellement précédés et qui, considérée dans son ensemble, recèle le risque qu’on pourrait en venir à des actes de violence (arrêt 8C_532/2021 du 9 décembre 2021 consid. 3 ; ATF 107 V 234 consid. 2a; 99 V 9 consid. 1).
En revanche, il n'y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l'assuré se fait agresser physiquement, sans qu'il y ait eu au préalable une dispute, et qu'il frappe à son tour l'agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 16 p. 58).
Il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l'attitude de l'assuré - qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre - n'apparaît pas comme une cause essentielle de l'accident ou si la provocation n'est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l'assureur-accidents n'est pas autorisé à réduire ses prestations d'assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s'est produit, si et dans quelle mesure l'attitude de l'assuré apparaît comme une cause essentielle de l'accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une autre cause, qu'il s'agisse d'une force naturelle ou du comportement d'une autre personne, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement en discussion (ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23 s.). Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu'un membre d'une famille (en l'espèce, la fille) entre dans la chambre d'un autre (en l'occurrence, le père) en insistant pour avoir une discussion orageuse, on ne pouvait s'attendre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à ce que l'autre réagisse en tirant sur lui avec un revolver. Dans un tel cas, le lien de causalité adéquate entre le comportement reproché à la victime et le résultat survenu a été nié (arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et, concernant la même affaire, au plan civil, arrêt 4A_66/2010 du 27 mai 2010).
8.
8.1 La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
8.2 L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références).
8.3 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1). En revanche, l’existence d’un rapport de causalité adéquate entre l'événement assuré et l'atteinte à la santé est une question de droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 6.1.3).
Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1). En revanche, le juge ne peut reconnaître un rapport de causalité adéquate avant que les questions de fait relatives à la nature des troubles psychiques en cause et à leur causalité naturelle soient élucidées. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de dire qu'il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).
9.
9.1 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
9.2 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
10.
10.1 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
En présence d'une atteinte objectivable du point de vue organique, la causalité adéquate et la causalité naturelle se recouvrent et des problèmes de causalité adéquate ne se posent guère (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et ATF 134 V 109 consid. 2.1). En tant que principe répondant à la nécessité de fixer une limite raisonnable à la responsabilité de l'assureur-accidents social, la causalité adéquate n'a ainsi pratiquement aucune incidence en présence d'une atteinte à la santé physique en relation de causalité naturelle avec l'accident, du moment que dans ce cas l'assureur répond aussi des atteintes qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_339/2007 du 6 mai 2008 consid. 2.1 et les références).
En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; ATF 117 V 369 consid. 4b ; ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5).
C’est le lieu de rappeler qu’on ne peut parler de lésions traumatiques objectivables d'un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d'appareils diagnostic ou d'imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_720/2012 du 15 octobre 2013, consid. 4 ; SVR 2012 UV n° 5 p. 17).
10.2 En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), applicable de manière générale en cas d’atteintes non objectivables, l’examen de ces critères doit se faire au moment où l'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l'atteinte physique une amélioration de l'état de santé de l'assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l'art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5).
10.3 Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l'accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale) ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3 ; ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5).
Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est par exemple cogné la tête ou s'est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d'emblée niée. Selon l'expérience de la vie et compte tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des accidents, on peut en effet partir de l'idée, sans procéder à un examen approfondi sur le plan psychique, qu'un accident insignifiant ou de peu de gravité n'est pas de nature à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. L'événement accidentel n'est ici manifestement pas propre à entraîner une atteinte à la santé mentale sous la forme, par exemple, d'une dépression réactionnelle. On sait par expérience que de tels accidents, en raison de leur importance minime, ne peuvent porter atteinte à la santé psychique de la victime. Dans l'hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs étrangers à l'accident, tels qu'une prédisposition constitutionnelle. Dans ce cas, l'événement accidentel ne constituerait en réalité que l'occasion pour l'affection mentale de se manifester.
Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. D'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, un accident grave est propre, en effet, à entraîner une telle incapacité. Dans ces cas, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue.
Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l'accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l'ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l'événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l'accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique.
10.4 S’agissant de la classification des accidents en matière d’agressions, le Tribunal fédéral a retenu ou confirmé une gravité moyenne dans les cas suivants : assuré invectivé, puis saisi violemment par le cou par son voisin alors qu’il décharge du matériel (à la limite des cas peu graves, arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 255/02 du 10 novembre 2003) ; assuré interpellé, bousculé, puis frappé dans un bar par un inconnu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2017 du 16 avril 2018) ; assuré frappé au visage lors d'une altercation avec un ami (arrêt du Tribunal fédéral 8C_705/2020 du 28 avril 2021) ; rixe avec passage à tabac (arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2013 du 27 mars 2014) ; employée d’un hôpital frappée à la tête par un résident qu’elle installe dans son lit (à la limite des accidents de peu de gravité, arrêt du Tribunal fédéral 8C_357/2020 du 8 septembre 2020) ; assuré frappé avec un instrument de musique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2021 du 6 juillet 2021) ; femme frappée puis étranglée dans la rue par un inconnu que des passants ont maîtrisé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1062/2009 du 31 août 2010 consid. 4.2.1 et la référence) ; assuré frappé au visage par un verre de bière qui s’est brisé (à la limite des accidents graves, arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2017 du 24 janvier 2018) ; assuré frappé à la tête au moyen d'un objet potentiellement dangereux - l'enquête de police n’ayant pas pu déterminer s'il s'agissait d'une bouteille, d'une boucle de ceinture ou d'une barre à mine - par trois individus après s’être disputé avec eux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016) ; assurée projetée à terre lors d’une agression, peut-être tirée sur plusieurs mètres sur le sol (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 138/04 du 16 février 2005) ; assuré travaillant dans une discothèque frappé derrière la tête avec une chaise au cours d'une bagarre (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 339/99 du 17 avril 2020). Les altercations avec échanges de coups (tätliche Auseinandersetzungen) sont généralement classées dans les accidents de gravité moyenne (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2010 du 3 novembre 2010 consid. 6.2 et les références).
10.5 Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants, étant précisé que l’examen des critères se fait en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa) :
- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;
- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;
- la durée anormalement longue du traitement médical ;
- les douleurs physiques persistantes ;
- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;
- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;
- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.
En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa).
Par ailleurs, tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références; ATF 115 V 133 consid. 6c/bb; ATF 115 V 403 consid. 5c/bb).
11.
11.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
11.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, ils doivent mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
12. In casu, il convient tout d’abord d’examiner si l’intimée est fondée à réduire de 50% les prestations en espèces auxquelles aurait droit le recourant du fait de sa participation alléguée à une rixe.
À cet égard, le déroulement des faits à l’intérieur de la discothèque n’est pas litigieux. Il est ainsi établi et admis à juste titre par les parties qu’une discussion animée s’y est déroulée entre l’assuré et Monsieur I______. Ainsi, à teneur de l’audition de Monsieur J______, témoin des évènements, auprès de la Gendarmerie nationale d’Annemasse, « ils [Monsieur I______ et le recourant] discutaient presque tête contre tête mais ce n’était pas violent. Il n’y avait pas de geste de violence entre les deux » (pièce 3 rec.). Un videur a ensuite emmené les deux protagonistes vers la sortie de l’établissement.
Quant aux évènements qui se sont déroulés à l’extérieur, le recourant explique qu’il a souhaité attendre dans la voiture de l’ami qui l’avait amené, mais ne pas avoir été en mesure de le faire, le véhicule étant verrouillé et son propriétaire se trouvant encore dans la discothèque. Se trouvant sans moyen de transport, à 4h00 du matin, dans une petite localité isolée en Haute-Savoie, il n’a eu d’autre choix que de rester sur place, proche de la voiture, située à une centaine de mètres de l’établissement de nuit. C’est alors, toujours selon le recourant, que la discussion aurait été reprise entre lui-même et Monsieur I______, à l’initiative de celui-ci.
Concernant la suite des évènements, l’ordonnance de renvoi du 4 décembre 2017 retient, sur la base des constatations et témoignages recueillis sur place, les éléments suivants : « Les deux individus s’étaient ensuite expliqués calmement à l’extérieur. La victime entourée par l’individu [Monsieur I______] et deux autres personnes l’ayant rejoint, était ensuite frappée par l’une d’elle avec un objet en verre » (p. 2). Quant à Monsieur I______, qui n’a pas été poursuivi pénalement dans cette affaire, il a indiqué à la Gendarmerie nationale qu’il « discutait avec la partie civile [le recourant] sans agressivité, et sans qu’il ne comprenne pourquoi, E______ a mis à A______ un coup de poing au visage pour les séparer » (p. 3). L’ordonnance souligne encore que l’argumentation de Monsieur E______, concernant « une intervention pour séparer deux protagonistes d’une bagarre ne ressort pas du tout de l’analyse des circonstances dans lesquels son geste est intervenu » (p. 3). Enfin, concernant le coup donné au recourant par Monsieur F______, l’ordonnance retient qu’« aucune provocation de la partie civile ne peut être retenue au regard des circonstances de faits établies par les témoignages recueillis (p.5) ».
Il ressort de ces éléments que s’il y a bien eu altercation à l’intérieur de la discothèque, celle-ci a uniquement concerné le recourant et Monsieur I______. Elle ne s’est en outre pas traduite par de la violence, mais par une discussion animée à laquelle un videur a mis un terme en expulsant les deux individus concernés.
Aucun élément au dossier ne suggère que cette altercation a perduré entre les deux protagonistes, une fois à l’extérieur. Au contraire, les déclarations respectives de ceux-ci coïncident sur le fait que la discussion à l’extérieur était calme, jusqu’à l’intervention de Monsieur F______, lequel a frappé le recourant sans raison, l’ordonnance de renvoi retenant clairement que le motif qu’il a invoqué, à savoir « une intervention pour sauver les deux protagonistes d’une bagarre ne ressortait pas du tout de l’analyse des circonstances ». La procédure pénale menée devant les juridictions françaises ne met d’ailleurs en cause ni le recourant, ni même Monsieur I______, ce quand bien même elle retient contre Messieurs F______ et E______ la circonstance aggravante de « violence en réunion » (cf. jugement correctionnel du 3 avril 2018).
Ainsi, en résumé, il apparaît que le recourant, ne pouvant quitter les environs de la discothèque faute de moyen de transport discutait calmement avec un individu avec lequel il s’était invectivé verbalement à l’intérieur, lorsqu’il a été agressé par deux personnes tierces avec lesquelles il n’avait pas interagi auparavant, et ce sans même que son interlocuteur ne comprenne pourquoi.
Au vu de ces circonstances, il ne saurait être considéré que le recourant a participé à une rixe (au sens de l’art. 49 al. 1 let. b OLAA), ni qu’il devait réaliser qu'il se trouvait toujours dans la zone de danger et que le contexte était propice à des débordements.
La situation est différente de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C 685/2016 invoqué par l’intimée dans lequel, dans un contexte tendu, l'assuré automobiliste était sorti de son véhicule au fond d'une impasse déserte, pensant que le motard qui le suivait s'était calmé et que la situation était apaisée. En effet, contrairement à cet automobiliste, le recourant n’a pas été attaqué par la personne avec laquelle il a eu une altercation verbale plus tôt (la discussion avec Monsieur I______ à l’extérieur étant unanimement décrite comme paisible), mais par deux autres personnes avec qui il n’avait pas interagi auparavant et dont il ne pouvait prévoir l’intervention, même en faisant preuve de diligence et de précaution. La réduction des prestations en espèces par l’intimée est ainsi injustifiée.
Elle l’est d’autant plus que l’on ne saurait reprocher au recourant d’être resté dans les environs de la discothèque, alors qu’il n’avait pas de moyen de rentrer chez lui, ses amis étant encore à l’intérieur, et qu’il se trouvait dans une localité isolée.
Les prestations en espèces, dont l’IPAI, auxquelles a droit le recourant doivent donc lui être versées sans réduction.
13.
13.1 Il convient ensuite d’examiner si, au vu des pièces au dossier, l’intimée était fondée à nier tout lien de causalité adéquate entre l’agression du 15 décembre 2013 et les troubles psychiques du recourant.
À titre liminaire, il convient de procéder à une classification de l’accident, avant d’examiner les critères jurisprudentiels évoqués supra.
Compte tenu du déroulement de l'événement en cause (agression violente du recourant par deux individus agissant en réunion au moyen notamment, pour l’un des agresseurs d’un coup de poing administré avec un verre s’étant brisé lors du coup, ayant entraîné une cécité de l’œil gauche) et au vu des précédents jurisprudentiels en la matière, l’événement du 15 décembre 2013 doit être rangé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents graves. La situation est d’ailleurs très proche de celle visée dans l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2017 du 24 janvier 2018. Il y a donc lieu de retenir l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques pour cette raison déjà.
13.2
13.2.1 La Cour de céans relève cependant encore que, même si par impossible il convenait de considérer l’agression comme revêtant les caractéristiques d’un accident de gravité moyenne stricto sensu, le lien de causalité adéquate devrait de toute manière être admis, non seulement du fait de la réunion de trois critères jurisprudentiels, mais également car l’un de ces critères se manifeste de manière particulièrement importante.
13.2.2 En l'occurrence, l’intimée reconnaît à juste titre que les critères de la gravité des lésions physiques et celui des douleurs physiques persistantes sont réalisés. Elle conteste cependant qu’ils revêtent une importance particulière et excluent les autres critères que sont la durée anormalement longue du traitement médical, la durée et le degré de l'incapacité de travail dus aux seules atteintes à la santé physique, ainsi que les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’agression.
13.2.3 Concernant tout d’abord le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’agression, il sied de rappeler que la raison pour laquelle la jurisprudence l’a adopté repose sur l'idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d'une affection psychique. C'est le déroulement de l'accident dans son ensemble qu'il faut prendre en considération. L'examen se fait sur la base d'une appréciation objective des circonstances d'espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l'assuré, en particulier de son sentiment d'angoisse. Il faut en effet observer qu'à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l'existence du critère en question. Par ailleurs, il convient d'accorder à ce critère une portée moindre lorsque la personne ne se souvient pas de l'accident (arrêt 8C_584/2010 du 11 mars 2011 consid. 4.3.2, in SVR 2011 UV n° 10 p. 35; voir également les arrêts 8C_434/2012 du 21 novembre 2012 consid. 7.2.3 et 8C_624/2010 du 3 décembre 2010 consid. 4.2.1).
Le Tribunal fédéral a considéré ce critère comme rempli et revêtant une intensité particulière dans les cas suivants : assuré qui, dans un bar, est frappé au visage au moyen d'un verre à bière qui s'est brisé au moment du choc, qui perd beaucoup de sang et est entaillé au visage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2017 du 24 janvier 2018) ; assuré projeté à terre et roué de coups de bâton en pleine nuit par deux attaquants, qui avait auparavant été menacé et qui pouvait faire un lien entre ces menaces et l’agression (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 36/07 du 8 mai 2007) ; assurée agressée dans son appartement par son beau-fils, qui l’empoigne, la jette à terre, tente de l’étrangler et lui frappe la tête contre le sol (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 9/00 du 28 août 2001) ; assuré agressé et frappé à son domicile par des cambrioleurs masqués qui utilisent un objet allongé pour le frapper (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 382/06 du 6 mai 2008) : assuré attaqué dans l’entreprise où il travaille par deux hommes masqués armés d’une tronçonneuse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_480/2013 du 15 avril 2014).
Notre Haute Cour a également admis la réalisation de ce critère, toutefois sans intensité particulière, dans les cas suivants : altercation assez brutale après une rixe à la sortie d’une discothèque (arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2013 du 27 mars 2014) ; aide-soignante frappée par derrière et par surprise par un pensionnaire souffrant d’un handicap mental (arrêt du Tribunal fédéral 8C_168/2011 du 11 juillet 201) ; violent coup de poing décoché à un assuré par un portier dans l’entrée d’une discothèque (arrêt du Tribunal fédéral 8C_254/2009 du 19 mars 2010) ; assurée projetée à terre et peut-être tirée sur quelques mètres (arrêt précité U 138/04 du 16 février 2005) ; assuré interpellé, bousculé et frappé sans raison apparente par un individu dans un bar (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2017 du 16 avril 2018), assuré insulté puis frappé de plusieurs coups de poing par un inconnu, alors qu'il mange à midi sur un banc dans un parc en compagnie de son épouse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2015 du 22 juillet 2015).
En revanche, notre Haute Cour a nié la réalisation de ce critère dans les cas suivants : assuré qui, alors qu’il effectue une ronde de surveillance avec un autre agent, est mordu à la main par une femme ivre alors qu’il la conduit dans les locaux de la police, et dont il apprend ensuite qu’elle est atteinte du VIH et d’une hépatite C (arrêt du Tribunal fédéral 8C_8/2010 du 4 novembre 2010) ; jeune assuré attablé dans un restaurant en journée, qui s’est vu asséner des coups de poing au visage et à la tête par un inconnu, l’agression ayant eu lieu en plein jour et en public, de sorte qu’il savait que la police serait appelée – ce qui a été fait (arrêt du Tribunal fédéral 8C_434/2013 du 7 mai 2014).
En l'occurrence, le déroulement des faits, tel qu’il ressort notamment des différentes pièces relatives à la procédure pénale en France produites par les parties permet d’établir que le recourant a été agressé par deux individus avec lesquels il n’avait pas interagi auparavant, agissant en réunion. L’un deux l’a notamment frappé au moyen d’un verre qui s’est brisé lors du coup au niveau de l’œil gauche du recourant, entraînant une perte de sang importante, au milieu de la nuit, dans un endroit isolé, dépourvu de structure de soin. À teneur du témoignage de Monsieur J______ à la Gendarmerie nationale, arrivé au côté du recourant directement après l’agression, « j’ai vu tout le sang, j’ai tout de suite appelé les pompiers et la police ». Il explique qu’ensuite « tout le monde est arrivé autour de nous et ça criait beaucoup ». Ultérieurement, il a conduit le recourant à l’hôpital le plus proche avant de l’amener également lui-même aux HUG, dans la mesure où il n’y avait pas d’ambulance dans le premier hôpital (cf. pièce 3 rec.).
La Cour de céans ne peut que constater que le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’agression est manifestement réalisé. Sans que cela ne soit décisif (trois critères étant de toute manière réunis), elle estime qu’au vu notamment de l’arme utilisée, de la sensibilité et de l’importance de l’organe principalement affecté (l’œil), du caractère soudain, imprévisible et violent de l’attaque, ce critère revêt même une intensité particulière. À nouveau, la situation est semblable et même plus grave (vu l’organe affecté) que celle ayant fait l’objet de l’arrêt 8C_96/2017 précité.
13.2.4 Concernant l'examen du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N'en font pas partie les mesures d'instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). Par ailleurs, l'aspect temporel n'est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêts du Tribunal fédéral 8C_755/2012 du 23 septembre 2013 consid. 4.2.3, 8C_361/2007 du 6 décembre 2007 consid. 5.3, et U 92/06 du 4 avril 2007 consid. 4.5 avec les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt du Tribunal fédéral 8C_361/2007 consid. 5.3 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 380/04 du 15 mars 2004 consid. 5.2.4 in RAMA 2005 n° U 549 p. 239).
Selon les pièces au dossier et notamment le rapport d’expertise du Dr D______, le recourant a subi neuf interventions chirurgicales au niveau de l’œil gauche et seize injections intraoculaires (sous anesthésie générale) entre l’accident et le 16 mars 2017. Suite à celles-ci, devant la persistance des douleurs oculaires, une atrophie importante de l’œil et de synéchies majeures au niveau des culs-de-sac supérieurs, l’intéressé a finalement subi une énucléation avec mise en place d’une bille Medor le 31 mai 2017 à l’Hôpital Jules Gonin de Lausanne. Selon l’expert, l’énucléation aurait dû être faite dès décembre 2015, vu l’absence de projection lumineuse et les importantes douleurs oculaires. Le recourant aurait ainsi fait l’objet d’un « acharnement thérapeutique [qui] ne correspond pas à des soins qu’on est en droit d’attendre d’un hôpital universitaire » (cf. rapport du Dr D______ du 30 juillet 2017).
Selon le Dr H______ par ailleurs, la durée cumulée des interventions au niveau de l’œil, représente entre 18 et 24 mois en y intégrant les visites préopératoires, le suivi postopératoire et les hospitalisations. L’expert souligne par ailleurs l’intensité du traitement au-delà de sa seule durée (cf. notamment réponse à la question 4 dans le rapport du 22 mai 2022 du Dr H______).
Le critère de la durée anormalement longue du traitement médical est ainsi réalisé.
13.2.5 Les critères de difficultés apparues au cours de la guérison et de complications importantes ne doivent pas être remplis de manière cumulative (ATF 117 V 359 consid. 7b). Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que les critères du traitement médical et des douleurs persistantes ne permettent pas de conclure à l’existence de difficultés apparues au cours de la guérison ou à celle de complications importantes. Il faut, dans ce contexte, l’existence de motifs particuliers ayant entravé la guérison. La prise de nombreux médicaments et la réalisation de différentes thérapies ne suffisent pas pour admettre ce critère. Il en va de même du fait qu’en dépit de thérapies régulières, il n’a pas été possible de supprimer les douleurs ou d’obtenir une capacité de travail (entière) (arrêts 8C_252/2007 du 16 mai 2008 consid. 7.6 et 8C_57/2008 du 16 mai 2008 également consid. 9.6.1). Par ailleurs, une éventuelle intolérance aux antidouleurs ne doit pas être examinée en relation avec le critère des difficultés apparues en cours de guérison ou des complications importantes mais en lien avec le critère des douleurs persistantes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_275/2008 du 2 décembre 2008 consid. 3.3.6).
En l’espèce, la Cour de céans considère que quand bien même il s’agit d’un cas limite, au vu notamment de l’appréciation du Dr D______ telle que rappelée lors de l’examen du critère du traitement, il apparaît, au vu des éléments au dossier, que les critères de difficultés apparues au cours de la guérison et de complications importantes ne sont pas réalisés. Les lacunes dans le traitement, telles que révélées par l’expert français, démontrent tout au plus que la guérison a été plus longue que prévue et que l’énucléation tardive a prolongé les douleurs sur une durée plus longue que nécessaire. Ces éléments, qui ont bien été pris en compte dans le cadre de l’examen des autres critères, ne suffisent pas, comme souligné par la jurisprudence précitée, pour retenir la réalisation du critère dont il est question.
13.2.6 Enfin, le critère de la longue incapacité de travail ne peut être retenu dans la mesure où, comme l’intimée le relève à juste titre, la longue durée de l’incapacité de travail postérieure à l’accident résulte essentiellement des troubles psychiques du recourant et non des atteintes somatiques. Or, les troubles psychiques ne peuvent être pris en compte au stade de l’examen de ce critère (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa).
13.2.7 Au final, quatre critères sont réalisés, dont l’un avec une intensité particulière (celui des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’agression), de sorte que, même s’il y avait lieu de considérer l’agression comme un accident de gravité moyenne stricto sensu, le lien de causalité adéquate entre cet évènement et les troubles psychiques devrait être admis.
13.3 Le lien de causalité naturelle a par ailleurs été retenu de manière convaincante par le Dr G______ dans le cadre de son expertise et n’est quoi qu'il en soit pas contesté par l’intimée.
Cela étant, il sied de relever que lorsque le Dr G______ a examiné l’intéressé en 2019, il a suggéré une réévaluation de l’état de santé un an plus tard, n’excluant pas une amélioration dans l’intervalle. L’intimée n’a jamais fait procéder à ce réexamen, renonçant à toute mesure d’instruction complémentaire quant aux troubles psychiques qu’elle considérait, à tort, comme ne découlant pas du sinistre.
Vu l’admission du lien de causalité adéquate, il convient de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle mette en œuvre un complément d’expertise psychiatrique portant uniquement sur l’évolution de la situation depuis 2019, si possible auprès du même expert qu’en 2019.
Une fois obtenues les conclusions de ce complément, il appartiendra à l’intimée de procéder à un nouveau calcul du droit aux prestations LAA du recourant, notamment du droit à la rente, en y intégrant les conséquences des troubles psychiques consécutifs à l’agression et sans réduction dudit droit sur la base de l’art. 49 al. 2 OLAA.
14. Concernant enfin la prise en charge du traitement médical du recourant au-delà du 8 décembre 2022, dans la mesure où les conditions y relatives sont différentes selon que l’assuré est ou non au bénéfice d’une rente LAA (cf. ATF 116 V 45 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2018 du 6 juin 2018, consid. 3), ce point devra également être examiné par l’intimée dans le cadre du renvoi, respectivement au moment de la fixation de la rente.
15. Au vu de ce qui précède, le recours du 4 mai 2023 est partiellement admis et la décision sur opposition du 17 mars 2023 annulée. La cause est renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision sur opposition de l’intimée du 17 mars 2023 et lui renvoie la cause pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
4. Condamne l’intimée à verser CHF 4'000.- au recourant à titre de dépens.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le