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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2188/2023

ATAS/110/2024 du 08.02.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2188/2023 ATAS/110/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 février 2024

Chambre 3

 

En la cause

Monsieur A______
représenté par Me Manuel MOURO

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1965, a été employé par diverses entreprises spécialisées dans la pose d’éléments de portes-fenêtres et de constructions métalliques. A compter de 1989, il a également effectué des heures de nettoyage.

b. Souffrant de problèmes respiratoires, l’assuré a été contraint d’arrêter de travailler en mai 1998. Par décision du 17 décembre 1998, son assureur-accident l’a déclaré inapte à toute profession comportant une exposition aux poussières de bois avant de le mettre au bénéfice d’une indemnité pour changement d’occupation.

c. En décembre 1998, l’assuré, invoquant une rhino-conjonctivite, de l’asthme et un urticaire aéroportés à composante allergique (poussière de bois) et pollinose (aulne, bouleau, noisetier), a déposé une première demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), qui, par décision du 15 avril 2002, lui a nié le droit à toute prestation, au motif que le degré d’invalidité ne s’élevait qu’à 0.05% - 1.9% dans une activité adaptée (dans l’horlogerie ou l’électricité, assortie d’un travail accessoire de surveillant).

B. a. À la suite d'un accident survenu en mai 2003, l'assuré s'est plaint de lombalgies chroniques sur discopathies dégénératives L4-L5 et L5-S1.

b. Le 30 octobre 2008, il a déposé une nouvelle demande de prestations, que l’OAI a rejetée par décision du 14 avril 2010, aux motifs que le degré d’invalidité était insuffisant pour ouvrir droit à une rente et que la nouvelle atteinte à la santé alléguée ne remettait pas en cause les orientations professionnelles retenues en avril 2002.

c. Saisi d’un recours de l’assuré, le Tribunal cantonal des assurances sociales (ci-après : le TCAS), alors compétent, l’a partiellement admis le 14 septembre 2011 (ATAS/859/2011), en ce sens qu’il a renvoyé la cause à l’OAI pour examen des mesures de réadaptation et nouvelle décision.

Le Tribunal a reconnu pleine valeur probante au rapport d'examen rhumatologique du 22 avril 2009 du docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie auprès du Service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après: SMR), qui concluait à une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle (menuiserie), mais totalement préservée depuis mai 2003 dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles ostéo-articulaires induites par la problématique lombaire et les contraintes imposées par la problématique allergique. Cela étant, l’OAI n’avait pas examiné attentivement la question des mesures de réadaptation.

d. L’OAI, après avoir mis l’assuré au bénéfice d’un stage d’orientation auprès des Établissements publics pour l’intégration (ci-après : ÉPI), du 5 mars au 3 juin 2012, par décision du 23 mai 2013, a refusé l’octroi de mesures professionnelles.

e. Saisie d’un recours de l’assuré, la Cour de céans, par arrêt du 4 juin 2014 (ATAS/678/2014) l’a partiellement admis, a annulé la décision du 23 mai 2013 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

La Cour a constaté en particulier que le docteur C______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin traitant, avait signalé en septembre 2011 une colopathie, puis une excision de polypes durant l’été 2012, atteintes dont on ne pouvait exclure qu’elles aient eu une incidence sur la capacité de travail de l’intéressé durant le stage d’observation professionnelle ; l’assuré s’était d’ailleurs plaint de douleurs abdominales auprès des maîtres de réadaptation.

La cause était renvoyée à l’OAI, à charge pour ce dernier de mener les investigations nécessaires concernant l’atteinte gastroentérologique, d’une part, et santé psychique de l’assuré, d’autre part. Il convenait de recueillir des informations précises sur l’incidence de la colopathie sur la capacité de travail et d’élucider d’éventuelles divergences entre l’estimation de la capacité de travail médico-théorique et les conclusions des ÉPI.

f. Après avoir interrogé le Dr C______, recueilli divers rapports émanant d'autres spécialistes en lien avec les douleurs abdominales dont se plaignait l'assuré et mis en œuvre une expertise auprès du docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie (lequel, dans son rapport du 12 mars 2016, n'a retenu aucun diagnostic au plan psychique, mais uniquement un dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme avec prédominance du système intestinal sans incidence sur la capacité de travail), l’OAI, par décision du 23 août 2016, a nié à l’assuré le droit tant à des mesures professionnelles qu’à une rente.

L’OAI a considéré qu’au vu de l’expertise du 12 mars 2016, l’insuffisance de rendement relevée par les spécialistes de la réadaptation n’était pas imputable à une affection psychique, mais à des facteurs subjectifs. L’absence d’aptitude subjective à la réadaptation s’opposait à la réussite d’une réinsertion.

Quant au calcul du degré d’invalidité, il convenait de confirmer celui auquel il avait été procédé dans l’arrêt du 14 septembre 2011, dans la mesure où l’impossibilité de réinsertion n’avait pas été confirmée par des motifs médicaux.

g. Saisie à nouveau d’un recours de l’assuré, la Cour de céans l’a rejeté par arrêt du 22 juin 2022 (ATAS/586/2022), à l’issue d’une longue instruction ayant permis de recueillir notamment les éléments suivants :

- Le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne, gastroentérologie et hépatologie, et médecin chef au Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV), mandaté pour une expertise judiciaire, a rendu un rapport en date du 17 août 2018. Il y retenait le diagnostic de douleurs abdominales chroniques d’origine multifactorielle (premièrement, des douleurs pariétales dans la fosse iliaque droite, deuxièmement, des douleurs abdominales chroniques diffuses d’intensité légère – diagnostic différentiel : syndrome du côlon irritable, diverticulose symptomatique, pullulation bactérienne du grêle, intolérance alimentaire −, troisièmement, un « obstructed defecation syndrom », soit un sentiment d’évacuation incomplète – diagnostic différentiel : rectocèle, entérocèle, anisme). Selon l’expert, il était impossible d’évaluer les répercussions des douleurs abdominales sur la capacité de travail de l’assuré sans un diagnostic gastroentérologique approfondi.

- Dans un rapport ultérieur du 19 décembre 2019, le Dr E______ a retenu les diagnostics de douleur pariétale de la fosse iliaque droite, de syndrome d’intestin irritable et d’ « obstructed defecation syndrom ». Les examens complémentaires (tests d’intolérance au lactose, fructose et pullulation bactérienne du grêle) étaient négatifs. La déféco-imagerie par résonance magnétique (ci-après: IRM) du 14 septembre 2018 était dans la norme. Étant donné les multiples infiltrations sous cryothérapie sans soulagement de la douleur pariétale, l’expert proposait d’effectuer une laparoscopie diagnostique avec appendicectomie, afin de pouvoir se déterminer clairement sur la nature organique ou fonctionnelle des douleurs, ainsi que sur la capacité de travail de l'expertisé.

- Vu l’incapacité du premier expert judiciaire à se prononcer sans examens invasifs, la Cour de céans, après bien des aléas et plusieurs refus d’experts pressentis, a mandaté un second expert, en la personne du docteur F______, spécialiste FMH en gastroentérologie et en médecine interne, qui a rendu son rapport en date du 20 janvier 2022. Le Dr F______ a posé les diagnostics de douleurs abdominales chroniques d'origine indéterminée, de côlon irritable, de lombalgies sur hernie discale, d'allergies aux poussières et pollinose et d'hypertension essentielle. Il a estimé que la capacité de travail du recourant était nulle dans son activité habituelle, mais de 50% au moins dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 30% environ en raison des troubles de concentration et d'une certaine lenteur induits par les douleurs abdominales.

Dans les considérants de son arrêt (cf. en particulier le consid. 10.2.2), la Cour de céans a retenu que le caractère invalidant des douleurs abdominales sans substrat organique objectivable devait être examiné à l'aide des indicateurs déterminants définis par la jurisprudence et qu’elle ne pouvait suivre l'appréciation du Dr F______, selon laquelle les douleurs abdominales et leurs conséquences (une baisse de résistance, des troubles de concentration, une fatigabilité, et une certaine lenteur) diminueraient, depuis 2012, la capacité de travail de 50% dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 30% environ. En effet, l'expert semblait se fonder uniquement sur les déclarations de l’assuré pour retenir ces limitations fonctionnelles. Qui plus est, il était erroné d’affirmer que lesdites limitations étaient présentes depuis 2012, puisque, lors de l'expertise psychiatrique du 12 mars 2016, le Dr D______ (qui avait retenu un dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme avec prédominance du système intestinal sans effet sur la capacité de travail) n'avait mis en évidence ni ralentissement, ni difficultés de concentration, ni fatigue. Enfin, contrairement à ce que mentionnait l’expert, les activités sociales de l’assuré n’étaient pas non plus drastiquement réduites.

La Cour a conclu que l'aggravation des limitations fonctionnelles, si tant est qu'elle fût établie sur la base de constatations objectives, ne pouvait être admise, au plus tôt, qu'au moment de l'expertise du Dr F______, après la décision du 23 août 2016, car aucune pièce médicale postérieure au rapport d'expertise du Dr D______ du 12 mars 2016 ‒ dont la valeur probante avait déjà été reconnue par la Cour dans l'ordonnance d'expertise du 31 janvier 2018 (ATAS/80/2018 consid. 3) ‒ n'attestait d'une telle péjoration avant le prononcé de la décision litigieuse, date déterminante pour l'examen du cas.

h. Saisi d’un recours interjeté par l’assuré, le Tribunal fédéral l’a rejeté en date du 14 décembre 2022 (9C_409/2022).

En particulier, le Tribunal fédéral a estimé que l’assuré n’avait pas démontré que le raisonnement de la Cour - selon lequel, l’aggravation des limitations fonctionnelles (si elle devait être tenue pour établie) remonterait au plus tôt à la date de l’expertise - était erroné. La Cour de céans avait retenu de manière circonstanciée que les limitations constatées par l’expert n’avaient pas été observées par l’expert psychiatre qui n’avait pas mis en évidence de ralentissement, de difficultés de concentration ou encore de fatigue chez l’assuré. En l’absence d’éléments médicaux permettant de retenir une aggravation des limitations fonctionnelles chez l’assuré, à tout le moins jusqu’au prononcé de la décision litigieuse du 23 août 2016, c’était à bon droit qu’elle avait nié le caractère invalidant des douleurs abdominales dont souffrait l’assuré (consid. 5.2).

C. a. Le 14 septembre 2022, l’assuré a déposé une nouvelle demande auprès de l’OAI en invoquant une aggravation de son état de santé postérieure à 2016, se traduisant par des douleurs lombaires accrues et une aggravation de ses douleurs abdominales, établie, selon lui, par l’expertise du Dr F______ du 20 janvier 2022.

b. L’OAI a soumis le dossier à son SMR qui, en date du 3 avril 2023, après avoir récapitulé les faits, a rappelé que la Cour n’avait pas suivi l’appréciation du Dr F______, selon laquelle les douleurs abdominales entraînaient une limitation par rapport à la résistance, des troubles de concentration, une fatigabilité et une certaine lenteur avec pour conséquence, depuis 2021, une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée et une diminution de rendement de 30% environ en raison des troubles de concentration et de la lenteur. Le SMR a souligné que la Cour avait ainsi suivi l’avis qu’il avait émis en date du 7 février 2022, dans lequel il avait relevé que l'expert semblait se fonder uniquement sur les déclarations de l’assuré pour retenir ces limitations fonctionnelles, dès lors que, dans le chapitre « statut clinique et constatations objectives », il n’avait pas fait état de ces restrictions.

En définitive, le SMR a estimé que le Dr F______ n’avait mis en évidence ni aggravation de l’état de santé de l’assuré, ni diminution de la capacité de travail de celui-ci, puisqu’il se basait essentiellement sur les plaintes subjectives de l’intéressé. En particulier, le SMR a noté que l’expert n’avait pas décrit de troubles cognitifs lors de son examen clinique et qu’il n’avait pas été possible de comparer les activités quotidiennes de l'assuré entre 2016 (expertise du Dr D______) et 2022 (expertise du Dr F______). Dès lors, il a estimé qu’il n’y avait pas d'arguments objectifs pour une aggravation plausible de l'état de santé de l'assuré depuis la décision du 23 août 2016.

c. Par décision du 30 mai 2023, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande, considérant qu’il n’y avait pas d’arguments objectifs pour une aggravation plausible de l’état de santé de l’assuré.

d. Par écriture du 30 juin 2023, l’assuré a interjeté recours contre cette décision.

L’assuré argue que, dans son arrêt du 23 juin 2022, la Cour de céans a écarté ses conclusions aux motifs que l’expertise judiciaire du 20 janvier 2022 ne pouvait au mieux établir qu’une aggravation de son état de santé postérieure à la décision entreprise du 23 août 2016.

e. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 11 juillet 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimé considère qu’au vu de l’avis du SMR, c’est à juste titre qu’il a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations du 15 septembre 2022, les éléments au dossier ne permettant pas d’attester de manière objective une diminution de la capacité de travail ou une aggravation de l’état de santé entraînant des limitations fonctionnelles incapacitantes. Aucune modification notable des conditions de fait n’a donc été rendue plausible.

f. Par écriture du 9 août 2023, l’assuré a persisté dans ses conclusions.

g. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI de refuser d’entrer en matière sur la nouvelle demande déposée le 14 septembre 2022.

6.              

6.1 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

6.2 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

6.3 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

6.4 Lorsque la rente a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité s'est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 17 LPGA; art. 87 al. 3 et 4 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI]). Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 68 consid. 5.2.3, 117 V 200 consid. 4b et les références).

6.5 Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit donc commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. A cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif.

7.              

7.1 L’intimé considère en l’occurrence que l’assuré n’a pas rendu plausible une aggravation de son état de santé. Il se réfère en cela à l’avis du SMR du 3 avril 2023.

7.2 Le recourant estime qu’une telle aggravation a été rendue plausible par l’expertise du Dr F______. Il allègue que, dans son arrêt, la Cour de céans a considéré qu’une aggravation des limitations fonctionnelles était survenue. Si elle n’en a pas tenu compte, c’est qu’elle était postérieure à la décision faisant l’objet de la procédure qui lui était soumise.

7.3 Se pose donc la question de savoir si l’assuré a rendu au moins plausible une aggravation de son état de santé depuis 2016, susceptible d’influencer son droit aux prestations.

S’agissant des lombalgies, on rappellera qu’en avril 2009, l’examen rhumatologique pratiqué par le Dr B______ concluait à des lombalgies chroniques persistantes (discopathies L4-L5 et L5-S1). L’assuré décrivait alors une symptomatologie douloureuse envahissante, diurne et nocturne, irritante, stressante, inquiétante, intéressant la région lombaire basse, irradiant quelque peu vers la région inguinale gauche, mais s’étendant aussi à l’ensemble du rachis jusque vers la région cervico-scapulaire, ce qui lui donnait l’impression de devoir soutenir perpétuellement un poids de plusieurs dizaines de kilos. Il faisait alors déjà état d’une symptomatologie douloureuse permanente qui le confinait à une inactivité quasi totale (il disait passer l’essentiel de son temps étendu chez lui). Il a été retenu que l’assuré souffrait de lombalgies communes dans le cadre de troubles dégénératifs rachidiens modérés, en d’autres termes, une pathologie lombaire objective, dûment documentée, qualifiée de bénigne et n’interdisant pas l’exercice d’une activité professionnelle respectueuse des limitations fonctionnelles ostéo-articulaires.

Dans son rapport d’expertise, le Dr F______ – dont on rappellera qu’il est spécialiste en gastroentérologie et a été mandaté pour investigation des douleurs abdominales – a conclu à des lombalgies sur hernie discale. Il s’est certes fait le relais des plaintes de l’assuré. Mais force est de constater que ces plaintes étaient déjà très importantes en 2009 – alors même que l’atteinte était qualifiée par le spécialiste rhumatologue de bénigne. A ce niveau, aucune aggravation n’a donc été rendue plausible. Cela est d’autant plus vrai qu’en page 11 de son rapport, le Dr F______ indique que les « limitations imposées par des douleurs lombaires, ainsi que par des allergies n’ont pas changé depuis au moins une vingtaine d’années et, ainsi, les appréciations du passé sont entièrement valables ».

Dans son écriture du 9 août 2023, le recourant reprend entre guillemets une citation qu’il attribue à la Cour de céans : « l’aggravation des lombalgies alléguée par le recourant induite par les infiltrations […] était postérieure à la décision objet du recours ».

Ce ne sont pourtant pas les propos tenus par la Cour dans son arrêt du 23 juin 2022. Les termes exacts, ressortant du début du considérant 10 de l’arrêt sont les suivants : « … il y a lieu de rappeler que, sur le plan rhumatologique, la Cour de céans ne peut tenir compte de l’aggravation des lombalgies qu’allègue le recourant dans ses écritures […] qui serait survenue consécutivement aux infiltrations […], dans la mesure où il s’agit d’un fait nouveau postérieur à la décision litigieuse du 23 août 2016 ». Ce faisant, la Cour de céans n’a fait que rapporter les allégations du recourant, sans à aucun moment confirmer l’existence de l’aggravation invoquée, ainsi que le montrent tant les termes employés que l’usage du conditionnel.

Quant aux douleurs abdominales, éminemment subjectives, décrites comme devenues plus intenses par l’assuré depuis les infiltrations pratiquées, il est vrai que le Dr F______ a estimé qu’elles entraînaient une nette limitation en termes de résistance, de concentration et de persévérance et qu’il en a déduit que, depuis 2021, la capacité de travail de l’assuré devait être un peu plus diminuée de ce chef. Cela étant, dans son arrêt, la Cour de céans s’est expressément écartée des conclusions du Dr F______, non seulement parce que les limitations évoquées auraient été postérieures à la décision litigieuse, mais également parce qu’ainsi que le relevait à l’époque le SMR (cf. avis du 7 février 2022), l’expert semblait se fonder uniquement sur les déclarations de l’assuré pour retenir ces limitations fonctionnelles. C’est la raison pour laquelle la Cour, en son considérant 10.2.2, précisait : « … l’aggravation des limitations fonctionnelles du recourant, si tant est qu’elle soit établie sur la base de constatations objectives, … ». Le recourant ne saurait dès lors, comme il le fait, tirer la conclusion de cet arrêt que la Cour a admis que l’expertise du Dr F______ mettait en évidence une péjoration de son état de santé, à tout le moins à partir du jour où il avait été examiné par l’expert.

Dans ces conditions, l’appréciation de l’intimé et du SMR selon laquelle le rapport du Dr F______ n’a mis en évidence ni aggravation de l’état de santé de l’assuré, ni diminution de la capacité de travail, puisqu’il s’est essentiellement basé sur les plaintes subjectives de l’intéressé, n’apparaît pas critiquable. En particulier, le SMR a noté que l’expert n’a pas décrit de troubles cognitifs lors de son examen clinique et qu’il n’a pas été possible de comparer les activités quotidiennes de l'assuré entre 2016 (expertise du Dr D______) et 2022 (expertise du Dr F______). La conclusion qu’il en tire, qu’il n’y a pas d'arguments rendant plausible une aggravation de l'état de santé de l'assuré depuis la décision du 23 août 2016 est donc justifiée, dès lors qu’aucun élément médical objectif ne vient corroborer l’aggravation subjective alléguée par le recourant.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est donc à juste titre que l’intimé a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de l’assuré. Le recours est rejeté.

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir l’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le