Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/98/2024 du 15.02.2024 ( LCA )
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE | ||
A/4051/2022 ATAS/98/2024
COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales Ordonnance d’expertise du 15 février 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______
| demandeur |
contre
ALLIANZ SUISSE VERSICHERUNGSGESELLSCHAFT AG
| défenderesse |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : le demandeur) a travaillé dès le 20 juillet 2015 pour B______, laquelle a conclu une police prévoyant le versement d’indemnités journalières en cas de maladie avec Allianz Suisse Versicherungsgesellschaft AG (ci-après : la défenderesse). ![endif]>![if>
b. Le demandeur a été en incapacité de travail totale du 26 août 2020 au 14 avril 2021, puis à 50 % du 15 avril au 15 octobre 2021, selon des certificats médicaux établis par les docteurs C______, généraliste, et D______, spécialiste FMH en psychiatrie.![endif]>![if>
Le premier a diagnostiqué dans un rapport du 28 septembre 2020 un état anxiodépressif réactionnel à une surcharge de travail et un mobbing de la part du supérieur, décrivant entre autres éléments un trouble anxieux, une irritabilité, des troubles du sommeil et des troubles neurovégétatifs. Le second a notamment fait état dans un rapport du 21 juillet 2021 d'un trouble de l'humeur consécutif à une surcharge de travail et une mésentente du demandeur avec son supérieur, qui le harcelait. Les diagnostics étaient un épisode dépressif sévère (F 32.2) et un burn out professionnel (Z 73.0)
c. La défenderesse a mandaté le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie, pour procéder à l’expertise du demandeur. Dans son rapport du 23 novembre 2020, ce médecin a mentionné un conflit entre celui-ci et son supérieur. L’examen clinique ne montrait aucune problématique particulière, et aucun des symptômes décrits le 28 septembre 2020 par le médecin traitant n’était constaté. Le Dr E______ a diagnostiqué des difficultés liées à l’emploi et au chômage et un désaccord avec le supérieur et les collègues (Z 56.4), sans incidence sur la capacité de travail, entière dans l’activité habituelle. Il convenait de distinguer les notions juridiques ayant trait au harcèlement des notions médicales portant sur la capacité de travail et les symptômes. ![endif]>![if>
d. Au vu du rapport du Dr E______, la défenderesse a mis un terme au versement des indemnités journalières au 30 novembre 2020. ![endif]>![if>
B. a. Le 28 novembre 2022, le demandeur a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’une demande de paiement dirigée contre la défenderesse, concluant au versement de CHF 42'727.70 correspondant aux indemnités journalières en cas de maladie auxquelles il alléguait avoir droit pour la période courant du 1er décembre 2020 au 15 octobre 2021. ![endif]>![if>
La défenderesse a conclu au rejet de cette demande.
b. Lors de l’audience qui s’est tenue le 8 novembre 2023 devant la chambre de céans, le demandeur a requis la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique. ![endif]>![if>
c. La chambre de céans a décidé la mise en œuvre d’une telle expertise par ordonnance de preuve du 19 décembre 2023. ![endif]>![if>
Elle a informé les parties qu’elle entendait désigner le docteur, spécialiste FMH en psychiatrie, à cette fin, et leur a imparti un délai pour faire valoir d’éventuels motifs de récusation à son endroit et se déterminer sur les questions qu’elle entendait lui soumettre. Elle a invité le demandeur à délier les Drs D______ et C______ du secret médical à l’encontre de l’expert.
d. Par courriers du 19 janvier 2024, les parties ont toutes deux indiqué ne pas avoir de motif de récusation à l’encontre du Dr F______, ni d’observations sur la mission d’expertise, le demandeur se réservant le droit de poser des questions à l’expert à la suite de la reddition de son rapport. ![endif]>![if>
Le demandeur a en outre adressé à la chambre de céans une déclaration déliant les Drs D______ et C______ du secret médical à l’encontre de l’expert.
1. Aux termes de l’art. 183 al. 1 CPC, le tribunal peut, à la demande d’une partie ou d’office, demander une expertise à un ou plusieurs experts. Il entend préalablement les parties (al. 1).![endif]>![if>
2. L’art. 185 CPC prévoit que le tribunal instruit l’expert et lui soumet, par écrit ou de vive voix à l’audience, les questions soumises à expertise (al. 1). Il donne aux parties l’occasion de s’exprimer sur les questions soumises à expertise et de proposer qu’elles soient modifiées ou complétées (al. 2). Le tribunal tient à la disposition de l’expert les actes dont celui-ci a besoin et lui fixe un délai pour déposer son rapport (al. 3).![endif]>![if>
3. En l’espèce, la chambre de céans a admis la nécessité d’une expertise pour déterminer la capacité de travail du demandeur au-delà du 30 novembre 2020, et les parties ont été entendues sur l’expert pressenti et les questions qui lui seraient posées. ![endif]>![if>
Aucun motif de récusation n’ayant été soulevé à l’encontre du Dr F______, l’expertise lui sera confiée.
4. En vertu de l’art. 184 al. 1 CPC, l'expert est exhorté à répondre conformément à la vérité et doit déposer son rapport dans le délai prescrit. ![endif]>![if>
Aux termes de l’art. 184 al. 2 CPC, le tribunal rend l’expert attentif aux conséquences pénales d’un faux rapport au sens de l’art. 307 CP et de la violation du secret de fonction au sens de l’art. 320 CP ainsi qu’aux conséquences d’un défaut ou d’une exécution lacunaire du mandat.
En application de cette disposition, il y a ainsi lieu de rappeler ce qui suit.
L’art. 307 CP prévoit que quiconque, étant témoin, expert, traducteur ou interprète en justice, fait une déposition fausse sur les faits de la cause, fournit un constat ou un rapport faux, ou fait une traduction fausse est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). L’auteur est puni d’une peine pécuniaire si la fausse déclaration a trait à des faits qui ne peuvent exercer aucune influence sur la décision du juge (al. 3).
Selon l’art. 320 CP, quiconque révèle un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il a eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi ou en tant qu’auxiliaire d’une autorité ou d’un fonctionnaire, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La révélation demeure punissable alors même que la charge ou l’emploi ou l’activité auxiliaire a pris fin (al. 1). La révélation n’est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure (al. 2).
Par ailleurs, l’art. 188 CPC prévoit que le tribunal peut révoquer l’expert et pourvoir à son remplacement lorsque celui-ci n’a pas déposé son rapport dans le délai prescrit (al. 1). Il peut, à la demande d’une partie ou d’office, faire compléter ou expliquer un rapport lacunaire, peu clair ou insuffisamment motivé, ou faire appel à un autre expert (al. 2).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Préparatoirement :
A. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______ afin de déterminer sa capacité de travail durant la période du 26 août 2020 au 15 octobre 2021, et plus particulièrement à partir du 17 novembre 2020.
B. Commet à cette fin le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie.
C. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
1. Prendre connaissance du dossier de la cause ;
2. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité le demandeur et consulter le dossier médical du demandeur constitué par leurs soins ;
3. Examiner et entendre le demandeur, après s’être entouré de tous les éléments utiles.
D. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :
1. Anamnèse détaillée.
2. Plaintes et données subjectives du demandeur.
3. Status clinique et constatations objectives.
4. Diagnostics selon la classification internationale.
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse).
4.1 Avec répercussion établie de manière certaine sur la capacité de travail durant la période considérée ;
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail ;
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 L'état de santé du demandeur s'est-il amélioré/détérioré entre août 2020 et octobre 2021?
5. Durant quelle période les différentes atteintes sont-elles ou ont-elles été présentes ?
6. Les plaintes sont-elles ou ont-elles été objectivées ?
7. Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées ont-elles limité les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par le demandeur).
8. a) Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
b) Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
9. a) Les troubles psychiques constatés ont-ils nécessité une prise en charge spécialisée ?
b) Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?
c) Pour le cas où il y aurait eu refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude devait-elle être attribuée à une incapacité du demandeur à reconnaître sa maladie ?
d) Le demandeur a-t-il fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ?
e) Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?
10. Les limitations du niveau d’activité ont-elles été uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel a été le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
11. a) Existe-t-il un trouble de la personnalité ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?
Quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation ? Motivez votre position.
b) De quelles ressources mobilisables le demandeur disposait-t-il durant la période considérée?
c) Quel était le contexte social ? Le demandeur pouvait-il compter sur le soutien de ses proches durant la période considérée?
d) Dans l’ensemble, le comportement du demandeur vous semble-t-il cohérent ? Pourquoi ?
12. Mentionner, pour chaque diagnostic posé, les limitations fonctionnelles qu’il entraînait dans l’activité habituelle durant la période considérée.
13. Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail du demandeur, en pourcent, dans l’activité habituelle durant la période considérée.
14. Dater la survenance de l’incapacité de travail, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution durant la période considérée.
15. Évaluer l'exigibilité, en pourcent, d'une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d'activité adapté durant la période considérée.
16. Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer durant la période considérée.
17. Faire toute remarque utile.
E. Invite l’expert à déposer dans les trois mois dès la réception de la mission d’expertise un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.
La greffière
Isabelle CASTILLO |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER
|
Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le