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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3828/2022

ATAS/55/2024 du 31.01.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3828/2022 ATAS/55/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 janvier 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Me Robert ASSAEL, avocat

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) est né le ______ 1988, originaire du Kosovo, marié depuis 2011 à Madame B______, née le ______, et père de deux enfants, C______, né le ______ 2014, et D______, né le ______ 2019.

b. Le 13 novembre 2013, l’intéressé a été grièvement blessé, victime d’une course-poursuite entre deux conducteurs de véhicules automobiles sur la voie publique, lors de laquelle l’ami qui l’accompagnait a été tué. L’intéressé a subi une fracture du crâne associée à une contusion hémorragique cérébrale et un choc post-traumatique.

c. Le 8 juin 2018, l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) a rejeté sa demande de prestations, retenant qu’il présentait une incapacité de travail totale dans toute activité dès le 13 novembre 2013, mais qu’il n’avait pas le droit à une rente, car les conditions d’assurance n’étaient pas réalisées.

B. a. L’intéressé a demandé les prestations complémentaires à l’AVS/AI au service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé), qui a rejeté sa demande le 4 juin 2019.

b. Le 31 mai 2021, suite à l’entrée en vigueur de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Kosovo, l’OAI a octroyé à l’intéressé une rente d’invalidité avec effet au 1er janvier 2020.

C. a. Le 30 juin 2021, l’intéressé a formé une nouvelle demande de prestations complémentaires au SPC.

b. Il a indiqué au SPC, le 22 septembre 2021, que son épouse n’avait eu aucune activité lucrative et qu’elle n’était pas inscrite au chômage, en raison de sa situation de famille.

c. Par décision de prestations complémentaires du 31 janvier 2022, le SPC a informé l’intéressé qu’il avait droit à des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) dès le 1er juin 2021, mais pas à des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC). Il avait droit à un rétroactif pour la période du 1er juin 2021 au 31 janvier 2022 de CHF 6'552.-, qui devait être versé à l’Hospice général.

D. a. Par décision du 25 mars 2022, le SPC a informé l’intéressé avoir recalculé son droit aux prestations complémentaires. Il en résultait qu’il avait droit à un rétroactif de CHF 42.- pour la période du 1er janvier au 31 mars 2022 et à CHF 2'151.- de PCF dès le 1er avril 2022.

Le SPC prenait en compte dans ses calculs, selon la réforme PC 2021, un revenu hypothétique pour sa conjointe du 1er janvier au 28 février 2022.

b. Le 3 mai 2022, l’intéressé a formé opposition à la décision du SPC du 25 mars 2022, faisant valoir qu’il était invalide à 100% et que c’était exclusivement son épouse qui s’occupait de lui depuis l’accident. Les premiers mois avaient été extrêmement difficiles tant il était diminué. Elle l’avait aidé dans tous les gestes de la vie quotidienne. À ce jour, elle devait toujours l’assister dans certaines tâches élémentaires, notamment pour s’habiller. Il n’était pas en mesure de s’occuper du foyer et c’était donc sur son épouse que reposaient toutes les tâches ménagères ainsi que la prise en charge de leurs deux enfants, âgés de 3 et 7 ans. Son épouse ne pouvait pas le laisser seul à la maison s’occuper de la cuisine, car en raison de ses troubles neurologiques, il risquait d’oublier d’éteindre les plaques. Il n’était pas physiquement en mesure de faire le ménage. De plus, l’état de santé de son épouse s’était détérioré depuis l’accident. Elle avait fait une dépression en raison de la situation, qui était très dure à gérer et était toujours suivie par le centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci-après : le CAPPI) pour un trouble psychique sévère. Elle souffrait également d’une atteinte au genou qui l’entravait dans sa vie quotidienne. Sa situation ne lui permettait pas d’exercer une activité professionnelle. Il n’y avait donc pas lieu de prendre en compte un gain hypothétique en ce qui la concernait.

L’intéressé a produit divers certificats médicaux concernant sa situation et celle de son épouse.

E. a. Par décision du 27 juillet 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressé pour la période du 1er août 2021 au 31 juillet 2022. Il en résultait un solde rétroactif de CHF 70.- en faveur de ce dernier et un droit aux PCF de CHF 2'151.- dès le 1er août 2022.

Le SPC a pris en compte dans son calcul des prestations, comme revenu hypothétique pour la conjointe de l’intéressé, CHF 51'446.30 pour la période du 1er août 2021 au 31 décembre 2021 et CHF 51'907.70 du 1er janvier au 30 juin 2022 et dès le 1er juillet 2022.

b. Le 2 septembre 2022, l’intéressé a formé opposition à la décision du 27 juillet 2022, contestant le revenu hypothétique retenu pour son épouse.

c. Par décision sur opposition du 12 octobre 2022, faisant suite aux oppositions formées par l’intéressé à ses décisions des 25 mars et 27 juillet 2022, le SPC a confirmé la prise en compte d’un revenu hypothétique pour l’épouse de l’intéressé, relevant qu’elle était âgée de 34 ans et qu’en dépit des certificats médicaux produits et de l’incapacité de travail invoquée, elle n’avait pas déposé de demande de prestations de l’assurance-invalidité, qu’elle ne s’était jamais inscrite au chômage et n’avait produit aucune recherche d’emploi, si bien qu’il ne pouvait être considéré qu’elle avait été empêchée de compléter ses revenus pour des raisons conjoncturelles.

Elle était arrivée en Suisse le 28 mars 2013, et à Genève le 17 avril 2013, soit plus de huit ans avant le début de la période litigieuse, et elle avait par conséquent bénéficié d’un temps d’adaptation suffisamment long pour se familiariser avec la langue française et lui permettre de rechercher un emploi, au moins à temps partiel. Afin de déterminer si une éventuelle impotence grave de l’intéressé justifiait que son épouse lui apporte des soins constants l’empêchant totalement de travailler, le SPC avait demandé son dossier à l’OAI, qui le lui avait transmis le 8 juillet 2022.

Par courrier du 11 novembre 2016, l’OAI avait constaté qu’une demande d’allocation pour impotent n’était vraisemblablement pas justifiée dans le cas de l’intéressé et l’avait invité à déposer une demande de rente. L’intéressé avait alors transmis à l’OAI une demande de prestations annulant et remplaçant sa précédente demande d’allocation pour impotent. Il paraissait ainsi peu probable que l’épouse de l’intéressé doive s’occuper de lui de façon permanente au risque qu’il doive être placé dans un home. Les certificats médicaux relatifs à l’intéressé ne permettaient pas de conclure que son état de santé était dégradé au point qu’il nécessiterait des soins constants d’un tiers. De plus, la tenue du ménage en faveur du conjoint ou des enfants ne justifiait pas qu’il soit renoncé à la prise en compte d’un revenu hypothétique. S’agissant de l’enfant C______, qui avait 8 ans, il était en âge d’être scolarisé durant les périodes litigieuses, si bien qu’il ne nécessitait pas non plus une attention permanente de la part de sa mère.

F. a. Le 14 novembre 2022, l’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’aucun revenu hypothétique ne devait être imputé à son épouse, avec suite de dépens.

b. Par réponse du 15 décembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant a persisté dans ses conclusions et produits des rapports médicaux.

d. L’intimé a persisté dans ses conclusions.

e. Le 26 avril 2023, le recourant a informé la chambre de céans que son épouse avait déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 6 avril 2023.

f. Le recourant et son épouse ont été entendus par la chambre de céans le 8 novembre 2023, tous deux assistés d’une interprète en lange albanaise.

g. Le 15 décembre 2023, le recourant a produit de nouvelles pièces et fait valoir que tant lui-même que son épouse étaient incapables de travailler.

h. Le 8 janvier 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 43 LPCC; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en considération par l’intimé d’un revenu hypothétique pour l’épouse du recourant dès le 1er août 2021.

4.             Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

Dans la mesure où le recours porte sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er août 2021, soit une période postérieure au 1er janvier 2021, le présent litige est soumis au nouveau droit. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2021.

5.              

5.1 Selon l’art. 11a al. 1 LPC, si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11 al. 1 let. a LPC.

Il y a dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du code civil (CC - RS 210). Il appartient à l'administration ou, en cas de recours au juge, d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références). En ce qui concerne, en particulier, le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail et examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009 consid. 4.2 et la référence). L'impossibilité de mettre à profit une capacité résiduelle de travail ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_376/2021 du 19 janvier 2022 consid. 2.2.1 et la référence).

L'obligation faite à la femme d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l'époux n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l'épouse y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2).

Selon le ch. 3424.07 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2022), aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de PC à l’une ou l’autre des conditions suivantes: (i) si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’intéressé ne trouve aucun emploi. Cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un office régional de placement (ORP) et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement; (ii) lorsqu’il touche des allocations de chômage; (iii) s’il est établi que sans la présence continue de l’intéressé à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier; (iv) si l’intéressé a atteint sa 60ème année.

5.2 Les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité, raison pour laquelle ils sont liés, en principe, par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides ; les mesures d'instruction propres au SPC ne portent alors que sur les causes de l'incapacité de gain qui sont étrangères à l'invalidité (cf. ATF 140 V 267 consid. 5.1 et les références ; 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu’est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité. Aussi, le SPC n’est-il pas fondé à se prévaloir d'un manque de connaissances spécialisées pour écarter d'emblée toute mesure d'instruction au sujet de l'état de santé d'une personne (arrêts du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3 et les références et 8C_172/2007 du 6 février 2008 consid. 7.2 ; ATAS/910/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4).

En l’absence d’un rapport établissant, de manière probante, l’existence d’une incapacité de travail, il revient au SPC, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), d’informer l'intéressé que les pièces versées au dossier sont dénuées de force probante et l'inviter à requérir un rapport indiquant les différentes affections, en particulier celles qui ont une incidence sur la capacité de travail, et précisant la durée de travail exigible, le pronostic sur l'évolution des affections, ainsi que les facteurs personnels susceptibles d'influencer les possibilités du patient de retrouver un emploi (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_722/2007 du 17 juillet 2008 consid. 3.3 et la référence). Le cas échéant, il incombe au SPC de s’enquérir de la procédure en cours devant l’assurance-invalidité et de requérir la décision ainsi que les rapports ou expertises y relatifs (ATAS/31/2018 du 17 janvier 2018 consid. 11).

On rappellera que l'assurance-invalidité se base sur un marché du travail équilibré pour déterminer le degré d'invalidité - au sens d'un élément de fait objectif - alors que dans le domaine des prestations complémentaires, il faut se baser sur la situation réelle, non seulement de la personne ayant droit aux prestations complémentaires, mais aussi du marché du travail (ATF 140 V 267 consid. 5.3 et les références).

5.3 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

5.4 Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

6.              

6.1  

6.1.1 Le recourant a fait valoir que l’intimé avait considéré à tort qu’il était peu probable que son état de santé nécessite des soins constants de son épouse et qu’il n’avait pas tenu compte des rapports médicaux dont il ressortait qu’il s’appuyait énormément sur son épouse.

6.1.2 L’intimé a fait valoir que les rapports médicaux transmis par le recourant ne permettaient pas d’établir que son épouse devait, en août 2021 et par la suite, constamment s’occuper de lui afin d’éviter qu’il soit placé en home.

6.2 Le dossier contient les éléments de fait pertinents suivants :

6.2.1 Un rapport établi le 18 février 2019 par la docteure E______, du CAPPI, indiquant que le recourant souffrait d’un état de stress post-traumatique, d’un trouble dépressif récurrent et de troubles exécutifs, mnésiques et attentionnelles suite à un traumatisme cranio-cérébral sévère en lien avec son accident de 2013.

6.2.2 Un rapport établi le 17 septembre 2019 par la consultation ambulatoire de la douleur des HUG, dont il ressort que l’anamnèse, le status et les examens radiologiques évoquaient la présence de douleurs chroniques post-traumatiques secondaires à l’accident de 2013, avec des céphalées chroniques, des gonalgies droites et des lombo-sacralgies, des omalgies gauches en lien avec une bursite, un syndrome de stress post-traumatique, un syndrome anxio-dépressif, des troubles mnésiques, exécutifs et attentionnels séquellaires et une obstruction nasale post-traumatique, opérée à deux reprises. Il existait aussi une probable sensibilisation centrale qui impliquait une réorganisation anatomique et fonctionnelle au niveau de la moelle et du cerveau.

6.2.3 Un rapport établi le 20 septembre 2019 par la docteure F______, du CAPPI, indiquant que lors des entretiens, le recourant rapportait une perte d’autonomie partielle au niveau de ses activités de la vie quotidienne.

6.2.4 Un rapport établi le 12 mars 2021 par la docteure G______, spécialiste FMH en neurologie, dont il ressort que l’intéressé restait gêné par ses douleurs qui débutaient à la nuque et irradiaient vers l’épaule droite et le membre inférieur droit. Il oubliait beaucoup et pouvait être irritable lorsqu’il était stressé, fatigué ou algique.

6.2.5 Un rapport établi le 30 juillet 2021 par le docteur H______, médecine interne, du CAPPI, attestant que l’état psychique de l’intéressé s’était nettement péjoré après son accident. Son évolution clinique était marquée par des symptômes dépressifs et de stress post-traumatiques difficiles à stabiliser, en raison notamment de sa situation psychosociale compliquée, et des atteintes somatiques persistantes, qui lui rappelaient sans cesse l’accident et qui le limitaient dans ses perspectives de vie future.

6.2.6 Un rapport établi le 24 août 2021 par le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, qui attestait d’une incapacité totale de travail de l’intéressé dans n’importe quelle activité professionnelle en raison de ses divers problèmes orthopédiques. Il était actuellement surtout gêné par des douleurs de l’épaule droite et du dos, qui ne répondaient que faiblement à la physiothérapie et aux antalgiques.

6.2.7 Un rapport établi le 6 octobre 2021 par le docteur J______, médecin interne au département de médecine de premier recours des HUG, qui indiquait que, sur le plan neurologique, l’évolution était globalement inchangée près de huit ans après l’accident. Il y avait des discrètes améliorations sur le plan neuropsychologique, mais il persistait une grande fatigabilité mentale et une difficulté à suivre les informations complexes.

L’intéressé présentait des douleurs : céphalées occipitales et latérales chroniques, occasionnellement associées à des vertiges rotatoires plus des douleurs au genou droit et des lombo-sacralgies. Les douleurs étaient très invalidantes. Le degré d’interférence des douleurs avec l’activité quotidienne était évalué à 6/10.

Sur le plan psychiatrique, l’intéressé présentait un syndrome de stress post-traumatique s’étant développé suite à l’accident sur un fond de trouble dépressif toujours présent au second plan actuellement. Sa situation s’était empirée depuis quelques mois, en raison, selon lui, de l’état de santé de son épouse. Depuis l’accident, il était très limité dans son fonctionnement et s’était beaucoup appuyé sur elle.

6.2.8 Un rapport établi le 31 mars 2022 par le docteur K______, médecin du département de chirurgie, service d’oto-rhino-laryngologie du CHUV, indiquant qu’au niveau nasal, l’évolution de l’intéressé était favorable avec la fermeture de la perforation septale et l’amélioration des symptômes rhinologiques. Par contre, il était très dérangé par des douleurs de type névralgique en temporal droit, probablement suite au prélèvement du fascia temporal droit. Un traitement de Prégabaline ou de Gabapentine lui était fortement conseillé, mais il le refusait catégoriquement.

6.2.9 Dans un courrier du 20 juillet 2022, l’épouse de l’intéressé a indiqué qu’elle devait s’occuper de son époux et de toute la famille en étant elle-même dans un mauvais état. Suite à l’accident de son mari en novembre 2013, elle restait près de lui et l’aidait quotidiennement. Elle devait également s’occuper de leurs deux enfants dont l’un (C______) nécessitait une attention particulière, car il allait dans une école spécialisée.

6.2.10 Elle a encore déclaré, lors de l’audience devant la chambre de céans, qu’actuellement son mari pouvait se laver seul, mais qu’il avait besoin de son aide pour s'habiller. Elle lui préparait ses vêtements et parfois l’aidait à les mettre. Si elle n'était pas là, il pouvait quand même s'habiller. Depuis deux ans, son mari pouvait faire un peu plus qu’après l’accident, notamment amener les enfants à l'école.

6.2.11 Le recourant a déclaré à la chambre de céans que depuis l'accident, tout avait changé au niveau de sa famille. Son épouse avait dû tout faire pour lui et son état ne s'était pas amélioré.

Ses jours passaient avec la souffrance et la douleur. En principe, il arrivait à se lever le matin. Il prenait un café et s’occupait de ses enfants pour les amener à l'école. S’il n’y arrivait pas, son épouse s’en occupait. Il ne pouvait faire aucune tâche ménagère. Il allait chercher les enfants à l'école. Sa femme allait également amener les enfants à l'école et les chercher, car il avait souvent des rendez-vous médicaux. Il y allait actuellement seul en transports publics. Au début, pendant 2 ou 3 ans après l'accident, sa femme l'accompagnait toujours. Elle l’avait beaucoup aidé. À cause de lui, elle était restée isolée, parce qu'elle s'occupait de tout. Elle n'avait pas pu faire de formation ou chercher du travail. Elle était complètement bloquée. Elle avait également des problèmes de santé.

Il se sentait dévalorisé face à ses enfants, car il ne pouvait pas faire grand-chose, en particulier pas jouer au ballon. Parfois il lisait des livres avec eux. Il les accompagnait dans les magasins ou au parc. Il ne pouvait pas les prendre ses bras, même le petit. Parfois, il regardait la télé ou lisait un peu, mais le temps était surtout vide. Il était ailleurs. Il espérait que ses enfants allaient avancer dans leur vie. Pour lui, il n’avait plus d'espoir. Avec son épouse, ils avaient quelques relations amicales à Genève, mais pas de famille. Ils avaient le droit de rester à Genève, mais pas de voyager. Ils ne pouvaient donc pas aller voir leur famille au Kosovo, ce qui les aiderait psychologiquement. Ils n’avaient pas pu se rendre au Kosovo suite au décès de leurs proches, alors que c'était important dans leur culture. À l'heure actuelle, sa femme essayait de tout faire à la maison, ménage, courses, cuisine. Personne ne les aidait. Parfois, il allait faire des courses avec ou sans elle.

6.3 En l’espèce, il ressort des rapports médicaux et des déclarations de l’épouse du recourant que ce dernier est très atteint sur les plans physique et psychique et que son épouse doit l’assister de façon importante, sans toutefois pouvoir retenir que sans la présence continue de celle-ci à ses côtés, il devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier, selon le ch. 3424.07 (iii) DPC. Cette condition, qui permettrait de ne pas tenir compte d’un gain hypothétique pour l’épouse du recourant, n’est ainsi par remplie.

7.              

7.1  

7.1.1 Le recourant a encore fait valoir que l’intimé n’avait pas tenu compte de l’état de santé de son épouse, tel qu’il ressortait des rapports médicaux produits, en particulier celui établi le 1er septembre 2022, par la docteure L______ et le docteur M______, du service de médecine de premier recours des HUG. En plus d’être toujours suivie sur le plan psychiatrique, elle souffrait de douleurs et d’une instabilité des deux genoux ainsi que d’une dysplasie des deux hanches et de douleurs lombaires, ce qui l’empêchait de marcher de longues distances et de rester assise pendant longtemps. Elle souffrait également d’une maladie de la peau, de douleurs d’estomac et d’obésité. Ses médecins estimaient qu’elle était en incapacité totale de travail à durée indéterminée.

7.1.2 L’intimé a fait valoir que l’épouse du recourant n’avait pas déposé de demande auprès de l’assurance-invalidité et qu’il n’avait pas pour rôle de se substituer à l’assurance-invalidité.

Les éléments apportés au dossier ne prouvaient pas que celle-ci était dans l’incapacité totale ou partielle d’exercer une activité lucrative dès le 1er août 2021.

De plus, la tenue du ménage en faveur du conjoint ou des enfants ne permettait pas de renoncer à la prise en compte d’un revenu hypothétique.

La demande de prestations de l’assurance-invalidité finalement déposée par la recourante le 6 avril 2023, était trop récente pour que l’OAI ait pu se prononcer, ne serait-ce que provisoirement, sur cette dernière.

L’intimé constatait également une contradiction à la lecture des documents produits par la partie recourante. En effet, la demande du 6 avril 2023 faisait état d’une incapacité de travail à 100% depuis le 1er janvier 2018 alors que dans leur certificat médical établi le 27 mars 2023 les Drs L______ et M______ estimaient son incapacité de travail seulement partielle depuis 2018, cette dernière n’étant considérée comme totalement incapable de travailler qu’au moment de l’établissement dudit certificat.

Partant, il paraissait fort difficile, voire impossible, de déterminer la capacité de travail de l’épouse du recourant dès le 1er août 2021 avant que l’OAI, très récemment sollicité, ne se soit prononcé sur sa demande.

7.2 Le dossier contient les éléments de fait pertinents suivants :

7.2.1 Un rapport établi le 15 février 2018 par deux médecins du département de médecine communautaire de premier recours et des urgences, programme santé migrants, du 15 février 2018, qui indiquaient que les plaintes de l’intéressée étaient sensiblement identiques à celles de 2015, dans la mesure où l’état de santé de son époux était stationnaire et que la gestion du quotidien reposait sur ses épaules. Elle avait le sentiment de porter seule la responsabilité de l’éducation de leur fils C______, qui présentait un certain degré de trouble du développement, avec notamment un retard de langage qui l’inquiétait beaucoup. Dans ce contexte, son état dépressif ne s’améliorait pas. Elle éprouvait un sentiment de désespoir au vu de l’absence d’évolution favorable des séquelles neurologiques de son mari. Ce symptôme principal s’accompagnait de tristesse, d’un ralentissement psychomoteur, d’une lassitude et d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis de son mari et son fils. Dans ce contexte, elle avait pris beaucoup de poids et son image corporelle s’en trouvait peu valorisée. Sur le plan somatique, les maux de tête présents de longue date persistaient. Selon une nouvelle consultation neurologique, ils étaient d’origine multifactorielle (de tension et médicamenteuse). Un nouveau traitement antidépresseur à visée antalgique avait débuté avec une diminution de la fréquence des céphalées.

7.2.2 Un rapport établi le 24 septembre 2019 par le docteur N______, dont il ressort que l’intéressée était suivie au CAPPI dans le cadre d’un épisode dépressif moyen en rémission. Lors des entretiens, elle rapportait une situation difficile au domicile, car elle devait s’occupait de son mari qui avait une perte d’autonomie au niveau de ses activités de la vie quotidienne en raison des séquelles douloureuses et neurologiques de son accident de 2013.

7.2.3 Un rapport du CAPPI du 13 juillet 2021 indiquant que l’intéressée était suivie pour un trouble psychique sévère, qui nécessitait un suivi médical mensuel. Au domicile, elle s’occupait de son mari handicapé depuis 2013 et de ses deux enfants, ce qui impactait de manière significative sa santé physique et mentale.

7.2.4 Un rapport établi le 1er septembre 2022 par les Drs L______ et M______, qui indiquaient que sur le plan physique, l’intéressée présentait des douleurs et une instabilité des deux genoux depuis 2018. Les douleurs étaient surtout présentes à la marche, mais également en repos, en position assise prolongée et pendant la nuit. L’intéressée souffrait également de dysplasie des deux hanches depuis plusieurs années de manière intermittente. Toutes ses douleurs l’empêchaient de marcher de longues distances et de rester en position assise pendant longtemps.

Sur le plan neurologique, elle était connue pour des maux de tête chroniques d’origine mixte depuis 2010 d’intensité sévère.

Elle souffrait d’une maladie inflammatoire chronique et suppurante de la peau (maladie de Verneuil) ayant nécessité plusieurs cures d’antibiotiques. Cette pathologie engendrait des douleurs et une gêne importantes.

Sur le plan urinaire, elle présentait des troubles de la miction depuis 2016 de type urgenturie (besoin soudain impérieux d’uriner) et une nycturie (besoin d’uriner pendant la nuit). Les symptômes étaient actuellement bien contrôlés par le traitement médicamenteux.

Sur le plan gastroentérologique, elle présentait des douleurs épigastriques (au niveau de l’estomac) depuis 2018, avec mise en évidence d’une infection bactérienne associée, pour laquelle elle avait bénéficié de deux traitements éradicateurs en 2018. Elle présentait une récidive des douleurs depuis 2021.

Sur le plan gynécologique, elle souffrait d’un probable syndrome des ovaires polykystiques suspecté depuis 2021, pour lequel elle était suivie aux HUG. La maladie se manifestait par des cycles irréguliers, une acné, une obésité et un hirsutisme. La patiente rapportait actuellement une dysménorrhée (douleurs en lien avec les règles) et une hyperménorrhée (saignement abondant au moment des règles).

L’obésité de stade 2 compliquait les problèmes orthopédiques et la maladie de peau.

Une incapacité de travail n’avait pas encore dû être évaluée. Concernant les pathologies somatiques, les médecins retenaient une incapacité de travail partielle depuis 2018 (début des douleurs au genou). Au vu des multiples pathologies, ils estimaient qu’elle était totalement incapable de travailler pour une durée indéterminée.

7.2.5 Un rapport du 27 mars 2023, dans lequel les médecins précités confirmaient leurs conclusions précédentes et précisaient que, dans l’état actuel de l’intéressée, une activité professionnelle serait difficile à entreprendre, même si elle était adaptée à l’état de santé.

7.2.6 Un rapport établi le 23 février 2023 par le Dr I______, qui indiquait suivre la patiente depuis plusieurs années en raison de différents problèmes orthopédiques. Actuellement, elle était très gênée par son genou droit qui présentait des épanchements récidivants et qui nécessitait une canne pour marcher. Elle ne pouvait plus monter ni descendre les escaliers, ni effectuer les activités quotidiennes, telles que le ménage et la préparation des repas. Toute activité en flexion extension du genou était prohibée ainsi que la position debout statique prolongée. De plus, elle présentait des douleurs de la hanche gauche sur une dysplasie ainsi que des douleurs dorsales et lombaires quasiment chroniques. En conséquence, elle était en incapacité totale d’effectuer une quelconque activité professionnelle, dans n’importe quel domaine, y compris en position assise.

7.2.7 Un rapport du 3 juin 2023 adressé au Dr M______ par le docteur O______, du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des HUG, qui indiquait qu’actuellement, le genou gauche de l’intéressée ne lui faisait pas mal et que les luxations bilatérales de la rotule n’étaient pas très gênantes. Le genou droit lui faisait mal depuis environ une année et demie avec des sensations d’instabilité, des douleurs para-patellaires externes ainsi que des douleurs remontant dans la cuisse. Elle n’arrivait pas à marcher plus d’une dizaine de minutes. La montée des escaliers était très difficile. Elle se plaignait de dorsalgies basses et de sensations de luxation de la hanche gauche. Vu qu’elle n’avait jamais effectué de physiothérapie active, mais uniquement des massages, l’intéressée serait revue après neuf séances à sa consultation, avec une radiographie des membres inférieurs de longs axes pour effectuer un point de situation concernant ses hanches. Il apparaissait qu’une rééducation post opératoire pourrait se montrer très compliquée au niveau de la compliance, notamment.

7.2.8 Un rapport adressé le même jour au Dr I______ par le Dr O______, qui indiquait que malgré les séances de physiothérapie prescrites, l’intéressée n’en avait fait aucune depuis le dernier contrôle, car elle avait perdu le bon. Les radiographies montraient un varus bilatéral de 1.5°, avec un début de signes dégénératifs en fémorotibial au niveau du genou droit. Vu la situation médicale compliquée (douleurs périrotuliennes avec une hypermobilité rotulienne et un début d’arthrose) et une compliance plus qu’incertaine pour suivre un traitement physiothérapeutique, il déconseillait fortement une chirurgie, qui n’améliorerait pas la situation de force de l’intéressée et probablement pas non plus les douleurs périrotuliennes.

7.2.9 Dans un courrier du 20 juillet 2022, l’épouse de l’intéressé a indiqué qu’elle avait de gros problèmes avec un genou et au dos. Elle n’était pas au courant qu’elle aurait pu faire une demande à l’assurance-invalidité. De plus, elle était tout le temps stressée par la situation. Elle était suivie par un psychiatre. Elle était arrivée en Suisse avec son mari le 28 mars 2013. Suite à l’accident de ce dernier en novembre 2013, elle était restée près de lui pour l’aider. Elle devait également s’occuper de leurs deux enfants dont l’aîné nécessitait une attention particulière, car il allait dans une école spécialisée. Elle ne pouvait pas travailler, car sa mission principale était l’aide qu’elle devait apporter à son mari et à ses enfants. De plus, elle avait une santé fragile et avait régulièrement des rendez-vous médicaux.

7.2.10 L’intéressée a déclaré à la chambre de céans le 8 novembre 2023 que suite à l'accident de son mari, son propre état de santé s’était empiré de jour en jour. Depuis trois ans, elle se sentait plus mal que jamais, mais elle devait quand même tout gérer à la maison. Elle arrivait à faire le ménage doucement et en se reposant, mais pas comme avant. Elle faisait les courses peu à peu et à manger, mais doucement. Elle devait se reposer. Sur le plan psychologique, cela allait, son suivi au CAPPI l'aidait. C______ avait des soucis de concentration et pour parler également. Il avait été dans une école spécialisée jusqu'à cette année.

7.3  

7.3.1 Le fait que l’épouse du recourant n’ait pas déposé de demande à l’assurance-invalidité avant 2023 ne signifie pas forcément qu’elle était capable de travailler sans restriction. Il apparaît possible, dans la mesure où elle est restée peu intégrée en Suisse, dès lors que l’accident de son mari est survenu peu de temps après son arrivée, qu’elle n’ait pas su ou compris qu’elle pouvait déposer une telle demande.

À défaut de demande faite à l’assurance-invalidité, il incombait à l’intimé, à teneur de la jurisprudence précitée, d’instruire la capacité de travail de l’intéressée sur le plan médical et de se prononcer de manière autonome à ce sujet.

C’est par conséquent à tort qu’il a considéré qu’il n’avait pas été établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’intéressée était incapable de travailler pour des raisons médicales de manière durable depuis le 1er décembre 2022.

7.3.2 Selon le rapport établi le 1er septembre 2022 par les Drs L______ et M______, l’intéressée était partiellement incapable de travailler depuis 2018 et, au vu de ses multiples pathologies, elle l’était actuellement totalement et pour une durée indéterminée. Le 27 mars 2023, les médecins précités ont confirmé leurs conclusions précédentes et précisé que même une activité professionnelle adaptée paraissait difficile à entreprendre.

Dans un rapport du CAPPI du 13 juillet 2021, il est indiqué que l’intéressée était suivie pour un trouble psychique sévère, qui nécessitait un suivi médical mensuel et qu’au domicile, elle s’occupait de son mari handicapé depuis 2013 et de ses deux enfants, ce qui impactait de manière significative sa santé physique et mentale.

Sur la base des rapports précités, l’intimé ne pouvait retenir qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’intéressée pouvait travailler à plein temps depuis le mois d’août 2021, à tout le moins sans instruction complémentaire.

Celle-ci n’apparaît toutefois pas nécessaire, car en procédant à une analyse globale de la situation de l’intéressée, il apparaît que l’on se trouve dans un cas où une activité lucrative ne pouvait être exigée d’elle. En effet, il faut tenir compte non seulement de son état de santé, mais également du fait :

-          qu’elle devait s’occuper de son mari, qui était très invalide ;

-          qu’elle devait s’occuper de deux enfants en bas âge (2 et 7 ans), dont l’aîné a des troubles du développement ;

-          de son absence de maîtrise du français, étant relevé qu’elle a déclaré à la chambre de céans lors de son audition qu’elle parlait un peu le français, mais seulement des choses simples et qu’elle préférait s’exprimer en albanais ;

-          du fait qu’elle n’a jamais exercé d’activité lucrative ;

-          et du fait que son mari a subi son grave accident quelques mois après leur arrivée en Suisse, ce qui a manifestement nui à son intégration dans ce pays.

En conclusion, il ne se justifiait donc pas de prendre en compte un gain hypothétique pour la conjointe du recourant.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision querellée annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour nouveaux calculs.

Le recourant obtenant gain de cause et étant assisté d’un conseil, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée, à la charge de l’intimé, à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 octobre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé au sens des considérants.

5.        Alloue au recourant CHF 2'500.- à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le