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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/36/2023

ATAS/1052/2023 du 22.12.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/36/2023 ATAS/1052/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

Madame A______
représentée par PROCAP, soit pour elle, Madame Caroline SCHLUNKE, mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1958, ressortissante algérienne, est domiciliée en Suisse depuis décembre 2002.

b. Le 29 mars 2004, l’assurée est tombée dans un bus des transports publics, lorsque celui-ci a freiné brusquement.

B. a. Le 24 novembre 2005, l’assurée a déposé auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) une première demande de prestations, rejetée par décision du 23 octobre 2008.

L’OAI a constaté que l’assurée souffrait de discopathies induisant des limitations fonctionnelles qui ne limitaient pas la capacité de l’assurée à exercer une activité adaptée auxdites limitations.

Pour le surplus, en l’absence de comorbidité psychiatrique, le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux persistant de degré modéré et stabilisé ne pouvait être considéré comme invalidant.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          un rapport établi le 28 juillet 2004 par le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, expliquant que l’assurée avait souffert, suite à sa chute, de contusions dorsales et iliaques droites ; de fortes douleurs assez diffuses étaient rapidement apparues et la situation s'était progressivement détériorée, avec l'apparition de douleurs rachidiennes et paralombaires droites, irradiant fortement et de façon diffuse dans la fesse et le membre inférieur droits ; la patiente se plaignait également de fortes douleurs paracervicales irradiant dans l'épaule droite, de céphalées bilatérales, de troubles du sommeil, d’une diminution de la vision, de vertiges et d’inappétence ; la patiente bénéficiait d'un suivi psychologique ; selon le médecin, l'ensemble des symptômes douloureux et les multiples autres plaintes étaient à replacer principalement dans le cadre d'un syndrome de stress post-traumatique dont les répercussions semblaient devenir majeures ;

-          un rapport rédigé le 2 décembre 2004 par la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne, confirmant le diagnostic d’état de stress post-traumatique (ESPT), accompagné d’un état dépressif majeur avec idées suicidaires et d’un trouble anxieux avec phobie et trouble panique ; le médecin évoquait en outre un état migraineux et un syndrome douloureux chronique majoré par les troubles thymiques ;

-          un rapport établi le 24 janvier 2006 par le docteur D______, chirurgien‑orthopédiste FMH, diagnostiquant une entorse cervicale, une fracture/tassement de la vertèbre D1, un syndrome de stress post-traumatique, ainsi qu'un glaucome ; les divers examens radiologiques révélaient une discopathie étagée relativement importante C5-C6 et C7 de type dégénératif et un tassement de D1 sans compression neurale fonctionnelle ; selon le médecin, aucune activité professionnelle n’était envisageable, essentiellement en raison du problème psychiatrique ;

-          un rapport du 29 janvier 2006 – modifié le 9 janvier 2007 –, rédigé par le docteur E______, psychiatre et psychothérapeute FMH, confirmant les diagnostics d’ESPT (F43.1) et de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) ; le médecin concluait à une totale incapacité de travail ;

-          un rapport établi le 6 mars 2006 par le docteur F______, oto-rhino-laryngologue et chirurgien cervico-facial FMH, relatant que la patiente avait souffert par le passé d’un brusque déficit vestibulaire, dont il restait encore des séquelles ;

-          un questionnaire rempli en date du 20 mars 2006 par l’assurée afin de déterminer son statut, dans lequel elle affirmait qu’en bonne santé, elle aurait exercé l’activité d'aide-soignante à plein temps, tout en admettant n’avoir jamais travaillé à plein temps ;

-          un rapport rédigé le 12 avril 2006 par la docteure G______, psychiatre et psychothérapeute FMH, confirmant les diagnostics d’ESPT et de syndrome douloureux chronique et mentionnant au surplus, en précisant qu’elle était sans répercussion sur la capacité de travail, une autre modification durable de la personnalité (F 62.0) ; le médecin concluait à une totale incapacité de travail depuis le 29 mars 2004 ;

-          un rapport rédigé le 1er août 2006 par Madame H______, psychologue et psychothérapeute FSP, notant un grave état dépressif réactionnel à l’accident, un trouble anxieux, des phobies, un trouble panique, une perte d'acuité visuelle et une hypersensibilité à la lumière, expliquant que ces symptômes étaient systématiquement observés chez les patients souffrant de traumatismes crâniens consécutifs à des accidents, qu’ils étaient difficilement objectivés sur le plan neurologique, mais pouvaient être attestés par un ophtalmologue ;

-          un rapport du 26 mars 2007 de la docteure I______, médecin-adjoint du service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), relevant qu’immédiatement après l’accident, la patiente avait été hospitalisée directement et exclusivement par le service de psychiatrie, qu’elle avait été vue à trois reprises en trois jours pour « douleurs sur contusions » sans qu’aucun trait pathologique thymique n’ait été noté ; selon le médecin, la parésie du membre supérieur gauche était grandement influencée par un phénomène algique ou même supra-tensoriel ;

-          un rapport du 17 juillet 2007 du docteur J______, ophtalmologue FMH, indiquant avoir pratiqué, les 16 et 23 janvier 2007, une iridotomie en raison d’un risque de glaucome, notant une lente dégradation de l’acuité visuelle due à un fort astigmatisme hypermétrope et à une presbytie ;

-          un nouveau rapport du Dr F______, daté du 24 août 2007, exposant que l’assurée avait chuté dans sa salle de bain, suite à un brusque vertige, le 3 mars 2007, qu’il y avait eu impact au niveau de la tête, à gauche, qu’on avait constaté une importante perforation de la membrane tympanique gauche et que l’audiogramme avait révélé une surdité mixte sévère, avant tout de perception, et une hypoacousie de perception de degré moyen à gauche ;

-          un avis émis par le docteur K______, spécialiste en médecine interne FMH et médecin auprès du Service médical de l’assurance-invalidité (SMR), daté du 5 février 2008, estimant que les modifications dégénératives de la colonne cervicale avaient été décompensées par l’entorse cervicale, que la persistance, durant deux ans, de douleurs intenses, associées à l’absence de corrélations radiocliniques et électrophysiologiques permettait de poser le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant, qu’il y avait en revanche lieu de se montrer réservé – vu l’absence d’expérience de vécu d’une situation de mort imminente ou de violence extrême – quant au diagnostic d’ESPT également retenu par les médecins ;

-          un rapport du 9 mai 2008 de la docteure L______, rhumatologue FMH, diagnostiquant un status après traumatisme cervical suivi d’algies persistantes cervico-brachiales à prédominance gauche, vertiges rotatoires intermittents avec instabilité sur base de déficit vestibulaire périphérique et status post-chute à domicile en mars 2007 suivie d’une vaste perforation tympanique gauche ; le médecin faisait état d’une aggravation : la patiente se plaignait depuis une année environ d’une faiblesse du membre inférieur gauche avec électricité et fourmillements jusqu’au talon, accompagnés de blocages au lever ou à la marche ; elle ne pouvait plus ni conduire, ni manger et dépendait de son entourage pour les activités quotidiennes ; elle se plaignait aussi que sa vue avait beaucoup baissé ;

-          un rapport de la Clinique romande de réadaptation (CRR), où l’assurée avait séjourné du 23 au 26 juin 2008 et avait fait l’objet d’une expertise par les docteurs M______, chirurgien-orthopédiste FMH, N______, rhumatologue FMH et O______, psychiatre et psychothérapeute FMH ; le Dr M______ faisait état de très nombreux signes de non-organicité parasitant l’examen clinique et le rendant très difficilement interprétable : malgré un examen du membre supérieur droit absolument normal, toutes les fonctions articulaires et musculo-tendineuses étant présentes, l’assurée tenait son bras pendant le long du corps et ne l’utilisait que peu ou pas ; l’examen clinique du rachis était pratiquement impossible en raison de multiples hypertonies d’opposition ; l’examen du membre inférieur droit était aussi absolument normal, car toutes les fonctions articulaires et musculo-tendineuses étaient présentes ; étaient retenus à titre de diagnostics : des cervicalgies sur discopathies C5-C6 et C6-C7 et des lombalgies sur discopathies L4-L5 ; un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) chez une personnalité à traits histrioniques et dépendants était également mentionné, tout en précisant qu’il était sans répercussion sur la capacité de travail ; sur le plan somatique, les discopathies entraînaient quelques limitations, consistant à devoir éviter les positions statiques prolongées, les travaux lourds et le port de charges supérieures à 5 kg ; toutes pathologies confondues, les médecins estimaient que, dans une activité adaptée respectant ces limitations, une capacité de travail entière était exigible ;

-          un rapport du 1er juillet 2008 de la Dre O______, disant avoir constaté un mal-être avec perte de plaisir et d’intérêt, un sentiment de vide intérieur avec manque de confiance en soi, une anticipation des échecs et une autolimitation des activités sans idées suicidaires ou de ruine cependant, ni symptômes d’un état dépressif.

b. Saisi d’un recours de l’assurée, le Tribunal cantonal des assurances sociales – alors compétent – l’a rejeté par arrêt du 18 juin 2009 (ATAS/747/2009), confirmé sur recours par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_682/2209 du 13 avril 2010).

Le Tribunal fédéral a jugé que le rapport d’expertise pluridisciplinaire de la CRR satisfaisait aux réquisits jurisprudentiels relatifs à la force probante de tels documents. En conséquence de quoi, il a écarté la demande de complément d’expertise formulée par l’intéressée. Quant au caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux, le Tribunal fédéral s’est référé à l’avis de la Dre O______.

C. a. Le 11 mars 2011, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations, que l’OAI a rejetée par décision du 5 juin 2013, au motif que la capacité de travail prévalant lors de sa décision précédente du 23 octobre 2008 était restée globalement la même.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          un bref rapport du 11 février 2011 du Dr F______ concluant à une surdité bilatérale très modérée à droite, nettement plus sévère à gauche, correspondant à la prise en charge d’un appareillage simple pour l’oreille gauche ;

-          un courrier rédigé le 10 mars 2011 par le Dr J______, faisant état d’une atteinte concentrique du champ visuel ; le médecin préconisait la mise sur pied d’une expertise ; le même médecin avait déjà évoqué une atteinte concentrique importante bilatérale en février 2007, novembre 2008 et mai 2010, expliquant que des défauts de concentration ou d’attention ou un glaucome pouvaient donner ce type d’atteinte ;

-          l’avis émis le 22 juin 2011 par le docteur P______, du SMR, préconisant une expertise ophtalmologique pour évaluer l’atteinte, ses causes probables et ses répercussions sur la capacité de travail théorique ;

-          un rapport rendu le 13 octobre 2011 par le Dr F______, qui, après avoir revu la patiente pour contrôle après adaptation d’une prothèse acoustique, a conclu que le gain prothétique était tout à fait bon, avec une amélioration de 50% d’intelligibilité ;

-       le rapport d’expertise du docteur Q______, chef de clinique à l’Hôpital ophtalmique R______, daté du 20 décembre 2011 rappelant que l’accident à l’origine de la symptomatologie avait eu lieu en mars 2004 : l’assurée était passagère dans un bus qui avait freiné brusquement, ce qui avait entraîné sa chute contre un siège avec réception sur le bassin et le front ; elle n’avait ni perdu connaissance, ni présenté de plaies, mais décrit immédiatement des douleurs au niveau de la nuque ; trois mois plus tard, elle s’était plainte d’une baisse progressive de l’acuité visuelle bilatérale de loin et de près, associée à une photophobie ; l’expert a retenu à titre de diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail une suspicion d’atteinte fonctionnelle ; à l’examen subjectif, la patiente souffrait d’une diminution bilatérale de l’acuité visuelle à 0,25 avec correction ; l’examen neuro-ophtalmologique avait mis en évidence plusieurs discordances faisant suspecter une composante fonctionnelle (impossibilité de générer des mouvements oculaires en demandant à la patiente de suivre une cible contrastant avec la présence d’une motilité oculaire lors du test au miroir oscillant, ou encore forte discordance des résultats de l’examen du champ visuel selon la technique utilisée) ; d’ailleurs, l’aspect même du champ visuel cinétique de l’œil gauche montrait un aspect étoilé avec plusieurs croisements des différents isoptères, non compatible avec une atteinte organique ; dans ces conditions, l’expert disait ne pas être en mesure de se prononcer sur la capacité visuelle de la patiente : sur le plan totalement objectif, hormis une hypermétropie, un astigmatisme et une presbytie corrigée, l’examen oculaire était dans les limites de la norme ; dans l’incapacité également de se prononcer sur une éventuelle influence sur la capacité de travail et sur une réadaptation professionnelle, l’expert suggérait une évaluation sur le plan neuropsychiatrique ;

-          un rapport du 4 mai 2012 du Dr D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, expliquant ne pas avoir réalisé d’imagerie approfondie permettant de mesurer l’aggravation anatomique des troubles dégénératifs post-traumatiques chez l’assurée, troubles dont il a indiqué que le rôle dans les douleurs sévères et multiples était toujours difficile à pondérer ; néanmoins, selon le médecin, on notait une aggravation subjective (raideur rachidienne de plus en plus marquée, dépendance totale à la collerette cervicale, troubles de l’équilibre – à mettre peut‑être en relation avec la problématique de l’oreille ou le traitement médicamenteux) ; le médecin soupçonnait également une névralgie d’Arnold à droite (conséquence des troubles dégénératifs cervicaux mais également du port constant de la collerette) ; il concluait à une totale incapacité de travail ;

-          l’avis émis le 19 septembre 2012 par la docteure S______, du SMR, relevant que les résultats obtenus lors de l’expertise ophtalmologique n’étaient pas compatibles avec une atteinte organique et faisaient suspecter une composante fonctionnelle et qu’à défaut de collaboration de l’assurée, on ne pouvait conclure à une aggravation de son état de santé, d’autant qu’aucun élément objectif de l’examen oculaire ne parlait en faveur d’une atteinte organique ;

-          un courrier du Dr J______ du 24 septembre 2012 suggérant une nouvelle expertise ophtalmologique ; en revanche, selon lui, une évaluation sur le plan neuropsychiatrique ne répondrait pas, sur le fond, aux atteintes de sa patiente ;

-          un avis du 5 février 2013 du SMR, estimant que l’expertise du Dr Q______ était convaincante, qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un bilan neuropsychologique, puisque ni les médecins somaticiens, ni le psychiatre n’avaient jamais préconisé un tel examen, que le Dr J______ lui-même ne l’estimait pas adéquat et qu’un tel bilan nécessiterait une importante collaboration de l’assurée ; la dernière évaluation psychiatrique réalisée en juillet 2008 ne retenait pas de pathologie invalidante, de sorte qu’il était inutile de réexaminer la situation sous cet angle ;

-          un certificat médical du 11 avril 2013 du Dr E______, confirmant les diagnostics de syndrome douloureux somatoforme persistant et d’épisode dépressif d’intensité sévère et y ajoutant celui de dépendance aux benzodiazépines ; l’incapacité de travail était toujours totale ;

-          un rapport du 26 avril 2013 de la Dre L______, attestant que s’étaient surajoutés aux douleurs de sa patiente des troubles statiques et dégénératifs rachidiens ; l’aggravation était observable tant au niveau cervical (hernie discale C5-C6 légèrement plus prononcée en 2011, couverte par une ostéophytose et associée à une incarthrose), qu’au niveau lombaire (canal lombaire rétréci en L4‑L5 par de l’arthrose postérieure à prédominance gauche sur le scanner de 2011) ; il y avait également une possible gonarthrose débutante ; selon le médecin, les problèmes oculaires et auditifs associés, d’une part, et la prise d’une médication lourde, d’autre part, avaient pour effet conjugué que sa patiente n’était plus capable d’effectuer la moindre activité ;

-          un nouvel avis du SMR constatant que les médecins de la CRR, en juillet 2008, s’étaient déjà penchés sur toute la problématique douloureuse post-traumatique, que les vertiges et troubles de l’équilibre étaient déjà évoqués et pris en compte et que le Dr D______ n’amenait aucun élément objectif démontrant une aggravation ; il appréciait simplement différemment une situation pourtant similaire à celle prévalant lors de l’expertise de 2008.

b. Le 2 juillet 2013, l’assurée a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

c. Par arrêt du 30 juillet 2015 (ATAS/574/2015), la Cour de céans, après avoir entendu les docteurs D______, E______ et J______ en audience, a partiellement admis le recours, annulé la décision du 5 juin 2013 et renvoyé la cause à l’OAI pour investigations supplémentaires et nouvelle décision.

La Cour de céans a rappelé que l’intimé, dans sa décision initiale, avait retenu qu’en l’absence de comorbidité psychiatrique suffisante, le trouble somatoforme douloureux diagnostiqué ne pouvait se voir reconnaître de valeur invalidante.

Certes, sur le plan strictement orthopédique, l’état de l’assurée était resté stationnaire. Sa nouvelle demande, cependant, était motivée par une aggravation de son état dépressif et, surtout, par une aggravation des problèmes ophtalmologiques et des vertiges, ainsi que par les conséquences du cocktail médicamenteux qu’elle prenait. À cet égard, le médecin traitant avait expliqué que ce traitement entraînait une impossibilité à se concentrer ou à avoir une activité coordonnée.

Malgré les aggravations alléguées par les médecins traitants sur les plans ophtalmologique et psychique, l’OAI n’avait pas investigué la question psychique et ce, alors même que l’expert ophtalmologue qu’il avait mandaté préconisait une investigation neuropsychiatrique.

La Cour de céans a constaté que, dans ces conditions, de nombreuses zones d'ombre quant à l’origine, l'étendue et l’aggravation éventuelle de la perte fonctionnelle des yeux et ses conséquences subsistaient. Il n’était dès lors pas possible d'admettre ou d'exclure au degré de la vraisemblance prépondérante que le traumatisme subi avait entraîné une atteinte physique dont les effets avaient conduit à une altération de la vue.

La même retenue s'imposait concernant la conclusion d'une origine psychique du trouble visuel, conclusion posée par défaut, en l'absence d'un diagnostic somatique, et sans examen personnel de l'intéressée par un psychiatre. Or, une telle évolution – au caractère pour le moins inhabituel – devrait être étayée par une explication médicale circonstanciée sur les mécanismes psychiques susceptibles de mener une personne à développer, après coup et sans substrat physique évident, un état comparable à celui d'une perte de la fonction visuelle.

Enfin, restait ouverte la question de l’existence d'une affection psychiatrique susceptible d'expliquer les symptômes de l'assurée.

Vu la complexité du cas, une approche pluridisciplinaire, intégrant une discussion de synthèse entre les divers experts consultés (psychiatre, neuropsychiatre et ophtalmologue) s’avérait nécessaire.

D. a. Par courrier du 5 avril 2017, l’assurée a transmis divers rapports médicaux à l’OAI, dont un résumé de séjour daté du 31 août 2007, dont il ressort que l’assurée a été hospitalisée en raison d’une intoxication médicamenteuse (le diagnostic principal retenu étant celui d’abus d’analgésiques n’entraînant pas de dépendance).

b. L’expertise a été confiée à la CRR, plus particulièrement aux docteurs T______, expert principal, U______, expert ophtalmologue, V______, expert psychiatre, W______, expert neurologue et X______, expert neuropsychologue, lesquels ont rendu leur rapport en date du 29 juin 2017, après que l’assurée a séjourné à la clinique du 19 au 21 juin 2017.

Les diagnostics suivants ont été retenus : troubles dégénératifs rachidiens avec discopathies cervicales et lombaires, hernie discale C5-C6 paramédiane gauche et canal étroit léger en L4-L5 sans répercussion radiculaire. Ont également été mentionnés, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail : un syndrome douloureux somatoforme persistant, un syndrome de dépendance aux psychotropes (benzodiazépines) et un trouble dissociatif mixte probable.

Cette nouvelle expertise a abouti à un constat similaire à celui de l’expertise antérieure par la CRR : sur le plan somatique, les diagnostics sont restés inchangés et les limitations fonctionnelles, à savoir la nécessité de varier les positions, l’absence de travail lourd ou de port de charges supérieures à 5kg, déjà retenus en 2008, restent les mêmes. La capacité de travail dans une activité adaptée serait entière.

La question de l’authenticité de l’atteinte du champ visuel, comme celle d’une atteinte neuropsychologique, n’ont pu être confirmées, ce que les experts n’ont pas trouvé surprenant, en l’absence de traumatisme crânien dûment documenté. L’aggravation d’une dépression n’a pas non plus été confirmée. Sur le plan psychiatrique, aucun diagnostic incapacitant n’a été retenu. Cela étant, les experts ont convenu que, pour une assurée n’ayant jamais exercé la moindre activité professionnelle, envisager un début d’activité serait illusoire. En ce sens, des mesures d’orientation professionnelle n’auraient pas de sens.

c. Le dossier a été soumis au SMR qui, le 4 septembre 2017, a retenu une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenue et ce, depuis toujours.

d. Du rapport d’enquête ménagère établi le 8 mars 2018, il ressort que l’assurée, mère de trois enfants, d’un quatrième adopté, divorcée en 2003, remariée en 2004 avec Monsieur Y______, lui-même père d’une enfant résidant en Espagne, est sans formation professionnelle.

L’assurée a allégué qu’elle avait un projet de formation d’aide-soignante à la Croix Rouge en 2004, juste avant l’accident (elle aurait suivi un cours de 120 heures et un stage de douze à quinze jours). En Algérie, l’assurée a travaillé auprès de personnes âgées. En Suisse et depuis son arrivée, elle a toujours été femme au foyer. À la question de savoir si elle exercerait une activité lucrative si sa santé le lui permettait, l’assurée a répondu par l’affirmative, au motif qu’elle « adorait le travail ». Son mari a retrouvé un poste en juin 2012 dans une banque et gagne environ CHF 6'700.- nets par mois. Le couple n’a ni dettes, ni poursuites, ni arriérés de factures, mais un emprunt financier auprès de la famille et d’amis. L’assurée a affirmé qu’elle aurait voulu travailler à 100%. Si elle n’a jamais recherché de travail durant toutes ces années, c’est parce qu’elle s’est toujours sentie en mauvaise santé. Si elle n’a pas travaillé depuis son arrivée en Suisse, en 2002, c’est en raison de l’accident survenu en mars 2004.

L’assurée vit avec son mari, un fils adulte et, depuis juin 2015, ses deux petites-filles, nées en 2004 et 2006.

L’enquête a finalement retenu un empêchement pondéré de 56.20% ramené, compte tenu d’une aide exigible des proches de 26.60%, à 29.60%.

e. Le 8 mars 2018, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il la considérait comme personne non active consacrant l’intégralité de son temps à ses travaux habituels. L’invalidité dans la sphère ménagère basée sur une enquête ménagère effectuée au domicile de l’assurée ne retenait qu’un degré d’invalidité de 26.60%, compte tenu de l’aide exigible des membres de la famille.

f. Le 30 avril 2018, l’assurée s’est opposée à ce projet de décision.

Elle a reproché aux experts de la CRR de n’avoir pas examiné le caractère invalidant de son trouble somatoforme douloureux selon les nouveaux indicateurs. Selon elle, il est très clair qu’elle ne présente pas de ressources suffisantes pour mettre en valeur une quelconque capacité de travail.

Elle a également contesté le rapport d’enquête ménagère, que ce soit quant aux empêchements constatés ou l’exigibilité attendue des membres de sa famille.

g. Par décision du 2 mai 2018, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

h. Par courrier du 4 mai 2018, l’OAI a accusé réception de la contestation de l’assurée du 30 avril 2018, annulé sa décision du 4 mai 2018 et annoncé qu’il rendrait une nouvelle décision par la suite.

i. Le 7 juin 2018, l’assurée a transmis à l’OAI un rapport établi par le docteur Z______, psychiatre FMH, en date du 23 avril 2018.

Celui-ci y conteste le caractère « psychosomatique » de sa patiente, explique qu’elle n’est pas histrionique et qu’elle est « somato-psychique » (sic). Ce sont ses douleurs qui influent sur son état psychique. Selon lui, la dépression doit être qualifiée de sévère, dès lors qu’elle empêche sa patiente d’avoir une vie familiale normale et qu’elle doit se faire aider de ses proches. D’un point de vue professionnel, le médecin confirme que sa patiente n’a jamais travaillé, mais qu’elle voulait entamer une formation lorsqu’elle a été victime de l’accident de bus. Selon lui, sa patiente pourrait voir son état s’améliorer si elle se sentait reconnue « dans cette bataille de 14 ans contre une mauvaise médecine au début du traitement et contre l’AI ».

j. Est également parvenue à l’OAI une appréciation du docteur AB______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, du 14 juin 2018.

Ce médecin indique que les atteintes de la patiente ont une répercussion constante sur sa vie quotidienne en raison des douleurs qui prédominent essentiellement sur le squelette axial et au niveau des bras depuis l’apparition d’un syndrome du tunnel carpien objectivé début 2018.

Les limitations fonctionnelles sont nombreuses : éviter le port de charges supérieures à 5 kg, le port répétitif de charges de plus de 2 kg, les environnements froids et humides, les terrains inégaux, les escaliers, les positions penchées, elle doit pouvoir alterner les positions. Ainsi, seul un travail effectué depuis le domicile et qui ne soit pas trop contraignant au niveau des horaires serait envisageable selon lui. Un taux de travail de 75% tout au plus serait admissible dans une activité adaptée.

k. La Dre L______ s’est également exprimée, le 4 mai 2018.

Elle a maintenu qu’à son avis, sa patiente était dans l’incapacité d’effectuer un quelconque travail.

l. Le SMR, en date du 27 juillet 2018, a constaté que l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée différait selon ses médecins. Il a rappelé que, de toute manière, l’assurée devait être considérée comme personne non active. Le diagnostic supplémentaire de tunnel carpien induisait à titre de limitation supplémentaire le fait de devoir éviter les gestes de force avec les mains. Or, selon l’enquête ménagère, l’assurée déléguait toutes les tâches de force à sa famille.

m. A encore été versé au dossier un rapport du Dr J______ du 12 février 2019 faisant état d’une très importante photophobie et de difficultés dans le suivi d’une cible, topiques, selon le médecin, d’un status post-traumatique.

n. Dans un rapport ultérieur du 26 octobre 2020, le même médecin a fait état d’une situation plutôt dégradée, interdisant, par exemple, le travail sur écran. La patiente avait également des difficultés à se concentrer pour lire.

o. Le SMR, en date du 27 novembre 2020, a noté l’existence, en mai 2019, d’une crise de glaucome aiguë, mais des limitations similaires à celles décrites précédemment et l’absence d’aggravation suite au glaucome. Si la crise avait donc justifié une intervention de l’œil droit, elle n’avait entraîné aucune séquelle.

p. Le 13 juillet 2021, le SMR a encore examiné d’autres éléments médicaux invoqués par l’intéressée, à savoir les douleurs du membre inférieur gauche (gonarthrose bilatérale déjà connue), dont il a constaté qu’elles n’influençaient pas les limitations fonctionnelles déjà retenues pour l’appareil locomoteur.

q. Dans un avis du 4 février 2022, le SMR a répété que les limitations fonctionnelles retenues d’épargne du rachis et en lien avec les douleurs du membre supérieur gauche étaient reconnues de longue date. Une activité légère et sédentaire, sans travail de force, restait exigible.

r. Le 26 avril 2022, l’OAI a encore examiné le statut de l’assurée et confirmé celui de ménagère à 100%. Il a rappelé qu’à l’époque de l’enquête ménagère, l’assurée résidait avec son mari et un de ses fils adulte. Ces deux adultes travaillaient certes à plein temps mais pouvaient aider durant leurs jours de congé et après leurs heures de travail. Depuis juin 2015, ses deux petites-filles, nées en 2004 et 2006, résidaient avec elle et pouvaient également aider à de petites tâches comme mettre la table ou faire la vaisselle, d’autant qu’elles ont été décrites comme très autonomes.

s. Par décision du 17 novembre 2022, l’OAI a nié à l’assurée le droit à toutes prestations.

L’OAI a constaté que si l’assurée était effectivement atteinte dans sa santé et que cette atteinte entraînait des limitations fonctionnelles dans l’accomplissement des travaux habituels, l’invalidité dans la sphère ménagère, selon l’enquête effectuée à son domicile, ne s’élevait qu’à 26.60%, en tenant compte de l’aide exigible des membres de la famille, taux insuffisant pour ouvrir droit à des prestations de l’assurance-invalidité.

S’agissant du statut reconnu à l’assurée, l’OAI a relevé qu’aucun élément susceptible de remettre en cause le statut de ménagère n’avait été produit et rappelé que l’intéressée n’avait jamais exercé la moindre activité lucrative.

E. a. Par écriture du 6 janvier 2023, l’assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant à l’octroi d’une rente d’invalidité dont elle n’a pas précisé le taux.

La recourante affirme en premier lieu qu’il faudrait lui reconnaître le statut de personne active à 100%.

Subsidiairement, elle conteste le résultat de l’enquête ménagère, en particulier l’aide attendue de ses proches et fait grief à l’intimé de n’avoir pas explicitement indiqué avec précision tous les travaux ménagers attendus de la part de ceux-ci. Pour le surplus, elle fait valoir qu’en présence de troubles psychiques, les constatations d’ordre médical ont en général plus de poids que l’enquête ménagère.

Pour le surplus, elle critique le rapport d’expertise bidisciplinaire et réclame l’octroi d’un quart de rente au moins « compte tenu de toutes les limitations et des erreurs énoncées » (sic). Subsidiairement, elle demande la reprise de l’instruction avec une nouvelle expertise pluridisciplinaire.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 6 février 2023, a conclu au rejet du recours.

En premier lieu s’agissant du statut, l’OAI fait remarquer que dans sa première décision, aucune atteinte invalidante n’ayant été retenue, il n’a pas examiné la question du statut de l’assurée. On ne saurait dès lors déduire de la première décision que la recourante se serait vu reconnaître un statut de personne active à 100%. Quoi qu’il en soit, dans le cadre d’une révision, il convient que l’administration détermine la méthode d’évaluation de l’invalidité applicable à ce moment-là.

S’agissant de l’enquête économique sur le ménage, l’intimé rappelle que l’enquête a été effectuée par une personne spécialisée dans ce genre d’examens au domicile de l’assurée, que l’enquêtrice a développé de manière circonstanciée les différentes rubriques faisant partie de son mandat, et que son évaluation des empêchements rencontrés dans l’accomplissement des tâches de ménage se fonde sur des déclarations de l’assurée, consignées dans le rapport d’enquête. L’enquête repose donc dans une large mesure sur les comportements et les déclarations de l’assurée. L’enquêtrice a tenu compte de l’ensemble des éléments médicaux du dossier et connaissait parfaitement les limitations fonctionnelles découlant des atteintes à la santé de la recourante. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de ce rapport.

c. Par écriture du 6 mars 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle répète que si elle n’a pu mener à terme la formation qu’elle avait choisie, celle d’auxiliaire de santé, c’est en raison de l’accident.

S’agissant de son époux, elle allègue s’être réconciliée avec lui après la décision litigieuse. Elle maintient que le taux retenu dans l’enquête à titre d’aide exigible des proches n’est pas raisonnable car elle implique une mobilisation trop importante des membres de la famille proche et lointaine.

d. Par écriture du 28 mars 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

L’aide exigible retenue pour le mari et le fils de la recourante ne constitue pas une charge excessive allant au-delà du soutien que l’on peut attendre de manière habituelle de ces derniers. D’ailleurs, aucun élément au dossier ne permet de retenir que les efforts consentis par l’époux et le fils seraient au-dessus de leurs capacités.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance‑invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité (ci-après : AI), à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 précité consid. 2.2.2).

En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, l’éventuelle modification de circonstances litigieuses invoquée par la recourante à l’appui de sa nouvelle demande est supposée remonter à avant cette date. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé du 17 novembre 2022 de rejeter la nouvelle demande de prestations de la recourante. En d’autres termes, il convient de vérifier si, comme le retient l’intimé, l’état de santé de l’assurée ne s’est pas aggravé au point de lui ouvrir droit à des prestations depuis la décision initiale du 23 octobre 2008.

7.              

7.1 Lorsqu'une modification de l'état de fait déterminante sous l'angle du droit à la prestation (inexactitude ultérieure sur les faits) survient après le prononcé d'une décision initiale exempte d'erreur, une adaptation peut, le cas échéant, être effectuée dans le cadre d'une révision de la rente au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA.

7.2 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

7.3 Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

7.4 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force – en l’occurrence le 23 octobre 2008 et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse – du 17 novembre 2022. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.             Se pose en premier lieu la question du statut à accorder à l’assurée, celle-ci affirmant que, si sa santé le lui avait permis, elle aurait travaillé à plein temps, alors que l’intimé la considère comme non active.

8.1 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

8.2 Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; ATF 141 V 15 consid. 3.1 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

8.3 En l’espèce, l’intimé fonde sa position sur le fait que, depuis son arrivée en Suisse, en 2002, la recourante n’a jamais exercé la moindre activité lucrative. L’intéressée allègue pour sa part qu’en bonne santé, elle aurait exercé à plein l’activité d’auxiliaire de santé dans laquelle elle avait commencé à se former et que si elle n’a pas mené ses projets à bien, c’est en raison uniquement de l’accident survenu en mars 2004. S’agissant de la période antérieure, elle fait remarquer que son statut ne lui permettait pas de travailler en Suisse.

Il est vrai que lors de l’enquête ménagère et à plusieurs de ses médecins, la recourante a affirmé la même chose. Cela étant, il n’en demeure pas moins qu’en 2008, l’OAI a constaté qu’elle disposait d’une capacité de travail pleine et entière et que jamais, depuis l’accident, l’assurée n’a tenté de reprendre la moindre formation ou activité, alors même qu’une expertise était parvenue à la conclusion qu’il n’y avait aucune atteinte à la santé invalidante. Dans ces conditions, ses déclarations ne peuvent être considérées que comme de simples déclarations d’intention, non suivies d’actes concrets et donc non crédibles. C’est dès lors à juste titre que l’intimé lui a reconnu un statut de ménagère, d’autant que la situation du couple ne paraît pas obérée sur le plan financier.

On rappellera encore à cet égard que, contrairement à ce qu’allègue la recourante, l’intimé ne lui a pas, par le passé reconnu un statut d’active. Et quand bien même, cela n’augurerait en rien de la décision finale de l’intimé, étant rappelé que la question du statut à reconnaître à un assuré s’examine tant lors de l'examen initial du droit aux prestations qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci.

Ce grief doit donc être écarté. Le statut de l’assurée est bel et bien celui d’une personne inactive.

9.              

9.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

9.2 L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (art. 28 al. 2 LAI).

9.3 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable.

9.4 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

9.5 Il existe dans l'assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).

9.6 Le facteur déterminant pour évaluer l'invalidité des assurés n'exerçant pas d'activité lucrative consiste dans l'empêchement d'accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C'est pourquoi il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005).

9.7 En présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence).

10.          

10.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

10.2 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

10.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

10.4 Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

10.5 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’AI, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

10.6 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

10.7 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

11.          

11.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

11.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

11.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le fait qu'une expertise psychiatrique n'a pas été établie selon les nouveaux standards – ou n'en suit pas exactement la structure – ne suffit cependant pas pour lui dénier d'emblée toute valeur probante. En pareille hypothèse, il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d'un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies – le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux – permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8 ; ATF 137 V 210 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2. et 9C_109/2018 du 15 juin 2018 consid. 5.1).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

12.          

12.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

12.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

12.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise s’il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

13.          

13.1 En l’espèce, l’intimé, suivant en cela l’avis des experts et les conclusions de l’enquête ménagère considère que l’état de santé de l’assurée ne l’empêche d’assumer ses tâches habituelles qu’à hauteur de 29.60% compte tenu d’une aide exigible de son mari et de son fils qui partagent son logement.

13.2 La recourante le conteste. Elle critique les conclusions tant de l’expertise que de l’enquête ménagère et l’aide exigible retenue pour ses proches et considère que c’est un quart de rente au moins qui devrait lui être alloué.

13.3 Il convient tout d’abord de rappeler quel était l’état de santé de la recourante en 2008, date à laquelle a été rendue la décision initiale de refus de prestation.

À l’époque, les diagnostics étaient sensiblement les mêmes : des troubles dégénératifs, d’une part, et un syndrome douloureux somatoforme, d’autre part.

Les experts de la CRR avaient alors conclu à la présence de lombalgies et de cervicalgies liées à des atteintes dégénératives rachidiennes lombaires et cervicales, responsables de limitations fonctionnelles, mais n’interdisant pas l’exercice, à plein temps, d’une activité adaptée. Sur le plan psychiatrique, chez cette assurée décrite comme extrêmement plaintive, le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant a été retenu, mais sans incidence sur la capacité de travail. Avaient alors déjà été relevés de nombreux signes de non-organicité et des traits de personnalité histrioniques. Les troubles psychiques ont été qualifiés de non invalidants.

Au terme de la nouvelle expertise effectuée à la demande de la Cour de céans, les experts de la CRR sont parvenus, en substance, aux mêmes conclusions. Les diagnostics suivants ont été retenus : troubles dégénératifs rachidiens avec discopathies cervicales et lombaires, hernie discale C5-C6 paramédiane gauche et canal étroit léger en L4-L5 sans répercussion radiculaire. Ont également été mentionnés, en précisant qu’ils étaient sans répercussion sur la capacité de travail : un syndrome douloureux somatoforme persistant, un syndrome de dépendance aux psychotropes (benzodiazépines) et un trouble dissociatif mixte probable.

Cette nouvelle expertise a donc abouti à un constat similaire à celui de l’expertise antérieure : sur le plan somatique, les diagnostics sont restés inchangés et les limitations fonctionnelles (nécessité de varier les positions, absence de travail lourd ou de port de charges supérieures à 5kg), déjà retenues en 2008, restent les mêmes. La question de l’authenticité de l’atteinte du champ visuel, comme celle d’une atteinte neuropsychologique, n’ont pu être confirmées, ce que les experts n’ont pas trouvé surprenant, en l’absence de traumatisme crânien dûment documenté. L’aggravation d’une dépression n’a pas non plus été confirmée. Sur le plan psychiatrique, aucun diagnostic incapacitant n’a été retenu.

La recourante reproche à l’expertise de tenir compte d’une incohérence dont elle estime qu’elle fait partie de son problème de santé, à savoir le trouble somatoforme douloureux persistant. Elle soutient qu’elle ne dispose pas de ressources suffisantes. Elle reproche à l’expert d’avoir écarté le diagnostic d’épisode dépressif sans véritablement expliquer pour quelles raisons. Enfin, elle considère que l’indicateur relatif à la résistance aux traitements est rempli, puisqu’elle prend du Cymbalta depuis des années, sans bénéfice majeur.

La recourante contestant les conclusions des experts, il convient d’examiner quelle valeur probante doit leur être accordée.

Sur le plan formel, on relèvera que le rapport d’expertise remplit tous les réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante.

Quant à son contenu, il en va de même, comme cela ressort de ce qui suit. En effet, les experts, contrairement à ce qu’allègue la recourante, ont expliqué de manière convaincante et détaillée les conclusions retenues.

En l’absence évidente d’aggravation sur le plan somatique, les experts ont expliqué s’être focalisés plus particulièrement sur les aspects ophtalmologiques, neuropsychologiques et psychiatriques.

Ils expliquent avoir trouvé une assurée très semblable à la description faite dans les rapports de 2008 : elle fait son âge, mais est déconditionnée et se comporte en invalide. Les experts soulignent avoir tous été frappés par son caractère plaintif, démonstratif, sa collaboration médiocre, ses réponses laconiques aux questions et une attitude parasitant les examens cliniques, en particulier neurologiques.

Les plaintes mises en avant pour expliquer l’incapacité à la moindre tâche, y compris à son domicile, restent principalement les lombalgies et les cervicalgies. S’y associent aussi une intolérance à la lumière, des troubles de l’équilibre et des nucalgies. Toutes ces plaintes sont reliées par l’assurée à sa chute, en 2004.

Cependant, une IRM cérébrale pratiquée en octobre 2004 n’a révélé aucune particularité. Les experts soulignent que rien n’indique qu’il y ait réellement eu traumatisme du crâne. La prise en charge psychiatrique immédiate de l’assurée (deux jours plus tard), indique qu’elle n’a pas été prise en charge par les urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), comme le serait une victime d’un traumatisme crânien authentique. Dès lors, les experts s’expliquent mal quel traumatisme pourrait avoir eu de telles conséquences ophtalmologiques et neuropsychologiques. Sur le plan neurologique, l’imagerie a confirmé à plusieurs reprises l’existence de troubles dégénératifs et la présence d’une hernie discale, mais aucune anomalie centrale n’a jamais été mise en évidence. L’examen clinique neurologique est normal. L’électroneuromyograme (ENMG) n’a mis en évidence aucun signe de dénervation au niveau cervical ou lombaire. Comme l’a dit le docteur ROSSI, orthopédiste, en septembre 2014, la situation est restée strictement inchangée. Les cervicalgies et lombosciatalgies sont susceptibles d’entraîner quelques limitations fonctionnelles, mais permettent, dans une activité les respectant, une capacité de travail entière.

Sur le plan neuropsychologique, l’hypothèse d’un déficit à l’origine des difficultés d’examen du champ visuel a été évoquée, mais il est impossible d’en définir la mesure exacte. Les performances sont effondrées dans tous les domaines. Ces performances ne sont pas valides en fonction des incohérences à la fois intra-test et inter-test et entre le comportement et les performances mesurées (les réponses de l’assurée ont parfois même été erronées au-delà de celles que produirait le hasard).

L’expertise ophtalmologique s’accorde avec les conclusions de la précédente. Les plaintes sont dues pour une large part à l’œil sec, dont le traitement médical est adéquat. L’hypermétropie et un astigmatisme fort, ainsi qu’une presbytie sont confirmés, mais l’assurée ne porte pas de verres correcteurs parce qu’elle les a cassés. Elle ne porte que des lunettes teintées en raison de sa photophobie. Le champ visuel est, en apparence, diminué de manière concentrique et l’acuité visuelle abaissée, depuis les années 2007 et non depuis l’accident. L’examen objectif des yeux, des cornées, des cristallins et des fonds d’œil ne permet pas d’expliquer ces faits. La perturbation du champ visuel qui aurait été causée par une chute ne serait pas de la nature de celle « observée ». En d’autres termes, l’expertise ophtalmologique n’a permis de trouver aucun substrat somatique.

Sur le plan psychiatrique, la collaboration de l’assurée s’est une fois encore révélée aléatoire : recueillir l’anamnèse a été laborieux en raison des réponses laconiques. L’assurée ne décrit pas de collaboration aux tâches ménagères, mais effectue des promenades régulières, au moins quotidiennes. Son cercle relationnel est certes réduit à sa famille, mais elle bénéficie du soutien de sa sœur, de ses enfants et de son mari qui l’accompagnent dans ses promenades, le matin comme l’après-midi. Les experts neuropsychologue et psychiatre n’ont observé aucune altération significative des fonctions supérieures, bien que le comportement de l’assurée puisse donner le change.

Ils ont souligné que l’hypothèse d’un syndrome de stress post-traumatique n’est pas compatible avec les circonstances mêmes de l’accident, qui ne peut en aucun cas être considéré « exceptionnellement menaçant ou catastrophique ». D’ailleurs, ils n’ont relevé aucun phénomène intrusif de reviviscences ou de cauchemars caractéristiques d’un tel syndrome. Les signes d’une dépression, s’ils ont pu être présents, ne sont pas suffisants pour retenir un état dépressif constitué. À cet égard, les experts ont expliqué que l’assurée est perçue comme euthymique. Aucun des critères pour qualifier un épisode dépressif n’a pu être retenu.

Les plaintes somatiques multiples – dont seules les lombalgies et les cervicalgies peuvent correspondre à un substrat organique – les ont à nouveau conduits à retenir le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme.

Les experts ont reconnu que l’examen des indicateurs selon la jurisprudence était difficile, mais souligné que c’était en raison du manque de collaboration de l’assurée. Des incohérences ont été perçues à l’examen clinique, entre les plaintes et l’observation de la gestuelle de l’assurée. Si la présence des limitations fonctionnelles est décrite dans la vie quotidienne, il est difficile de la confirmer par le simple recueil de l’anamnèse. Elle n’empêche pas l’assurée d’effectuer des promenades quotidiennes ou biquotidiennes. Cela n’est pas cohérent avec la présentation de l’assurée lors des examens. Les réponses négatives à certains tests de l’examen neuropsychologique l’ont été au-delà du hasard. L’assurée a aussi déclaré avoir débuté un suivi chez un nouveau psychiatre traitant, qui l’a démentie en expliquant que ce suivi n’était que prévu.

Ce sont tous ces éléments qui ont poussé les experts à retenir les facteurs d’exclusion plutôt que les facteurs de gravité.

À cet égard, on constatera que les phénomènes de majoration évidente des symptômes relevés par les experts l’avaient déjà été par leurs collègues de la CRR en 2008, ce qui corrobore leurs constatations.

L’expert psychiatre a expressément indiqué que s’il ne retenait pas de signes de sévérité suffisants pour conclure à un état dépressif constitué, c’est parce que les symptômes annoncés étaient étroitement liés au vécu des douleurs. Celles-ci ne trouvant pas d’explications suffisantes dans une étiologie somatique, il privilégiait le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme, dont il qualifiait le degré de sévérité de modeste et comparable à celui déjà observé et décrit par le passé.

Les mêmes phénomènes sont d’ailleurs rapportés par tous les experts, en particulier le neuropsychologue, qui a décrit l’assurée comme plaintive, avec une collaboration passive et médiocre. Ce praticien, s’il a noté des performances cognitives globalement effondrées dans tous les domaines investigués, a souligné que ce profil cognitif ne pouvait être considéré comme valide, car grevé de nombreuses incohérences entre les tests, à l’intérieur des tests, entre le comportement et les performances mesurées, et entre l’absence d’atteintes neurologiques et les résultats effondrés. Ainsi a-t-il relevé :

- des temps de réaction très ralentis en l’absence de ralentissement lors de l’entretien ;

- des tests de reconnaissance en choix forcé en mémoire généralement réussis facilement chez les sujets contrôles sans atteintes cérébrales ou très peu altérés chez les patients cérébro-lésés donnant lieu, chez l’assurée, à des performances au niveau du hasard, voire en-dessous du niveau du hasard ;

- des erreurs à l’écriture atypique et corrigeables sur incitation ;

- la reproduction immédiate de séries automatiques ne requérant pas d’activités cognitives élaborées qui échouent ;

- des performances abaissées dans le domaine practo-gnosique atypique en l’absence d’atteintes neurologiques et ne pouvant être expliquées par une éventuelle humeur abaissée ;

- un profil effondré sur le plan exécutif incompatible avec le comportement lors de l’entretien et le discours, bien structuré.

Pour toutes ces raisons, il lui était impossible de retenir des limitations fonctionnelles sur le plan neuropsychologique : les performances mesurées reflétaient un manque d’efforts dans les tâches et non le réel potentiel cognitif de l’assurée.

C’est le lieu de rappeler que le Tribunal fédéral a maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable et ce, même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

En l’état, force est de constater que l’on ne saurait ainsi retenir l’existence d’une atteinte à la santé importante et pertinente, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie au sens de la jurisprudence.

Les conclusions des experts doivent se voir reconnaître pleine valeur probante et les griefs formulés par la recourante sont donc écartés.

 

 

13.4 Reste à examiner, s’agissant d’une assurée inactive, les conclusions et la force probante de l’enquête sur le ménage.

En premier lieu, la recourante, rappelant qu’en matière de troubles psychiques, les observations médicales l’emportent sur l’enquête à domicile, soutient que, puisque l’expert ne s’est pas déterminé sur les limitations dans la sphère ménagère, le rapport d’enquête ménagère serait clairement faussé.

C’est faire fi du fait que les experts ont clairement écarté tout caractère invalidant aux atteintes psychiques de la recourante. Dès lors, il n’est pas déterminant qu’ils ne se soient pas prononcés précisément sur les empêchements rencontrés dans le ménage.

En second lieu, s’agissant de l’enquête, la recourante conteste avant tout le pourcentage d’aide exigible retenu s’agissant de ses proches, plus particulièrement son fils adulte et son mari. Ce taux a été fixé à 26.60%.

En ce qui concerne l'incapacité d'accomplir les travaux habituels, l'enquête ménagère effectuée au domicile de l'assuré selon les critères posés par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans ce domaine. Pour déterminer la valeur probante d'un tel rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il s'agit en outre de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne les diverses limitations et correspondre aux indications relevées sur place (arrêt 9C_313/2007 du 8 janvier 2008 consid. 4.1). De plus, le total des activités ménagères doit toujours se monter à 100% (VSI 1997 p. 298). 

Tel est le cas en l’occurrence, contrairement à l’arrêt auquel se réfère la recourante (9C 183/2008 du 18 mars 2009) et dont elle ne peut dès lors tirer argument en sa faveur).

Tous les postes ont été examinés et décrits par l’enquêtrice attentivement s’agissant de l’assurée.

Quant à l’aide attendue de ses proches, comme rappelé supra, il existe en matière d’assurances sociales un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité. Cela se traduit, s’agissant d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers, par l'obligation d'organiser son travail, mais aussi de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive.

Tel n’est pas le cas en l’occurrence étant rappelé que l'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé et qu’il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée. La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. En l’occurrence, attendre une aide inférieure à un tiers de deux adultes – auxquels se sont qui plus est ajoutées deux adolescentes depuis juin 2015 -, même si ceux-ci exercent un travail à plein temps, ne paraît ni excessif ni disproportionné. Dans de nombreux foyers, tous les membres adultes exercent une activité à temps plein sans pour autant déléguer la tenue du ménage à des tiers.

Qui plus est, contrairement à ce que soutient la recourante et comme rappelé supra, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement. Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage.

Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs de la recourante envers l’enquête ménagère sont infondés. C’est donc à juste titre que l’intimé, se fondant sur les résultats de ladite enquête, lui a nié le droit à toute prestation faute d’empêchement suffisant.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le