Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/916/2023 du 23.11.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2520/2022 ATAS/916/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 novembre 2023 Chambre 3 |
En la cause
Monsieur A______ | recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1968, marié, a été administrateur, avec signature individuelle depuis juillet 2015 de la société B______ (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Fribourg le 27 novembre 2008 et ayant pour but « au niveau national et international, toutes opérations financières, immobilières, fiduciaires, de change, d'organisation de transfert de fonds, de prises de participation dans des sociétés suisses ou étrangères, tous services aux entreprises et aux particuliers, achat, vente, importation, exportation, fabrication, production et transformation de tous objets, création, acquisition, exploitation de fonds de commerce ». La fonction d'administrateur avait précédemment été occupée par Monsieur C______, depuis la création de la société jusqu'en juillet 2012, puis par Monsieur D______, jusqu'en juillet 2015. ![endif]>![if>
b. Par décision du 25 janvier 2022, le Président du Tribunal civil de la Broye, à Estavayer-le-Lac, a prononcé la faillite de la société avec effet au 25 janvier 2022. Par décision du 23 novembre 2022, le Président du Tribunal civil de la Broye, à Estavayer-le-Lac, a suspendu la procédure de faillite faute d'actifs.![endif]>![if>
c. Le 8 février 2022, l'assuré s'est annoncé à l'office cantonal de l'emploi (ci‑après : OCE) en déclarant vouloir retrouver un poste à plein temps dès cette date. Dans sa demande d'indemnité de chômage, il indiquait avoir travaillé auprès de la société du 1er mai 2019 au 25 janvier 2022. L'attestation de l'employeur mentionnait que le salaire total soumis à cotisation avait été de CHF 150'000.- en 2020 et en 2021, et de CHF 12'500.- en janvier 2022. ![endif]>![if>
L'assuré a produit son contrat de travail du 1er avril 2019, ainsi que les décomptes de salaires de janvier 2021 à janvier 2022.
d. Le 28 mars 2022, la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) a reçu : ![endif]>![if>
- la déclaration fiscale pour l'année 2021 de l'assuré ainsi que de son épouse transmise à l'Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) le 25 mars 2022, dans laquelle était déclaré un revenu brut de l'activité dépendante de CHF 150'000.- ; et ![endif]>![if>
- le bordereau – taxation d'office de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et des impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) pour l'année 2020 des époux, dans lequel était retenu un revenu imposable de CHF 97'400.- pour l'IFD et de CHF 100'000.- pour l'ICC.![endif]>![if>
e. Le 31 mars 2022, la caisse a réceptionné en particulier : ![endif]>![if>
- une attestation de E______ (ci-après : la fiduciaire), signée la veille par M. C______, administrateur, dans laquelle il attestait que « suivant les documents qui [lui avaient] été présentés », les salaires de l'assuré avaient été payés en espèces et en intégralité par la société jusqu'à sa mise en faillite ; et ![endif]>![if>
- une attestation de la fiduciaire signée le 30 mars 2022 par M. C______, dans laquelle il attestait que les actions de la société étaient devenues sans valeur et intransmissibles à la suite de sa mise en faillite, de telle sorte que l'assuré ne possédait plus aucune action. ![endif]>![if>
f. Dans l'extrait du compte individuel de l'assuré du 4 avril 2022, le revenu déclaré était de CHF 100'000.- en 2019, CHF 79'331.- en 2020 (rectifié ensuite et porté à CHF 150'000.-) et CHF 150'000.- en 2021. Durant ces périodes, l'employeur était la société. ![endif]>![if>
g. Répondant à un courrier de la caisse daté du 5 avril 2022 qui l’invitait à lui transmettre, notamment, la copie des relevés de compte bancaire/postal justifiant le versement de ses salaires de février 2020 à janvier 2022, l’assuré a indiqué que les salaires étaient perçus en espèces mensuellement durant cette période. ![endif]>![if>
h. Dans une attestation de la fiduciaire du 25 avril 2022, M. C______ a attesté que « suivant les documents qui [lui avaient] été présentés », les salaires de l'assuré (CHF 12'500.- brut, CHF 10'868.75 net) avaient été payés en espèces et en intégralité par la société pour chaque mois de février à décembre 2020, soit au total CHF 137'500.- brut, CHF 119'556.25 net. En annexe figurait un tableau des salaires pour 2020. ![endif]>![if>
i. Dans une attestation de la fiduciaire du 25 avril 2022, M. C______ a attesté que « suivant les documents qui [lui avaient] été présentés », les salaires de l'assuré (CHF 12'500.- brut, CHF 10'865.65 net) avaient été payés en espèces et en intégralité par la société pour chaque mois de janvier à décembre 2021, soit au total CHF 150'000.- brut, CHF 130'387.65 net. En annexe figurait un tableau des salaires pour 2021. ![endif]>![if>
j. Dans une attestation de la fiduciaire du 25 avril 2022, M. C______ a attesté que « suivant les documents qui [lui avaient] été présentés », le salaire de l'assuré (CHF 12'500.- brut, CHF 10'865.65 net) avait été payé en espèces et en intégralité par la société pour le mois de janvier 2022. En annexe figurait un tableau du salaire pour 2022. ![endif]>![if>
B. a. Par décision du 19 mai 2022, la caisse a nié le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage, au motif que l'attestation établie par la fiduciaire le 25 avril 2022 (dont l'associé gérant était M. C______, fondateur et précédent administrateur de la société), selon laquelle les salaires avaient été payés en espèces, ne suffisait pas pour établir clairement que les salaires avaient été effectivement versés à l'assuré pendant le délai-cadre de cotisation du 8 février 2020 au 7 février 2022. ![endif]>![if>
b. Par courrier du 30 mai 2022, l'assuré s'est opposé à cette décision, en alléguant avoir effectivement perçu son salaire en espèces, et en ajoutant que les revenus (CHF 3'566.-) de son épouse, rentière de l'assurance-invalidité, n'auraient pas permis de subvenir aux dépenses mensuelles du ménage (CHF 8'346.95) sans l'apport de son salaire. Cette circonstance et le fait que l'ensemble du personnel était rémunéré en espèces permettaient d'établir qu'il avait réellement travaillé et perçu un salaire, qui, de surcroît, avait régulièrement été déclaré aux instances officielles. ![endif]>![if>
c. Par décision du 22 juin 2022, la caisse a rejeté l'opposition, en faisant valoir que l'assuré ne pouvait pas justifier de la perception de ses salaires, de sorte que la période de travail invoquée ne pouvait pas être prise en considération. ![endif]>![if>
C. a. Par acte du 5 août, posté le 8 août 2022, l'assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans. ![endif]>![if>
Il expose que M. C______ n'était plus administrateur de la société depuis près de dix ans lorsque celui-ci a établi l'attestation [du 25 avril 2022] en tant que gérant de la fiduciaire qui tenait la comptabilité de la société.
Il ajoute que ce n'est pas M. C______ qui lui a vendu la société, mais l'administrateur précédent, M. D______.
Il affirme que M. C______ n'avait aucune influence sur les décisions de la société et n'en était pas l'ayant droit économique.
Il en infère que ladite attestation de la fiduciaire est parfaitement valable et qu'il a apporté la preuve de la perception de ses salaires.
Le recourant a produit :
- la convention de cession d'actions de la société du 6 juillet 2015 qu'il a conclue avec M. D______ et ![endif]>![if>
- un extrait du registre du commerce relatif à la société, en liquidation. ![endif]>![if>
b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 6 septembre 2022, a conclu au rejet du recours. ![endif]>![if>
Elle expose que les simples attestations de la fiduciaire ne peuvent pas suffire à attester de la période de cotisation et du montant des salaires perçus.
Elle invite le recourant à fournir les extraits du livre de compte de la société, corroborés par une fiduciaire, attestant du versement du salaire en faveur du recourant (sorties de caisse) ainsi que du chiffre d'affaires de la société durant les années 2020 à 2022.
Elle ajoute que, dans la mesure où le recourant a été taxé d'office pour l'année 2020, les montants retenus par l'AFC ne correspondaient a priori pas au salaire mensuel déclaré de CHF 12'500.-.
c. Le 12 octobre 2022, le recourant a versé au dossier : ![endif]>![if>
- les documents comptables « Balance Globale provisoire » et « Grand-livre Global provisoire » pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021 ; ![endif]>![if>
- les documents comptables « Balance Globale provisoire » et « Grand-livre Global provisoire » pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020.![endif]>![if>
d. Le 3 novembre 2022, l'intimée a persisté dans ses conclusions. ![endif]>![if>
Elle soutient que les pièces produites, n'ayant pas été corroborées par une fiduciaire, ne prouvent pas qu'un salaire aurait effectivement été versé au recourant.
Le jeu entre les écritures « créances envers l'actionnaire A______ », « dettes financières à court terme envers l'actionnaire » et le prétendu salaire du recourant la laisse dubitative quant à la réalité dudit salaire. D’autant qu’il est difficilement compréhensible que le recourant ait pu se verser un salaire de CHF 12'500.-, alors même que les pertes enregistrées par la société s'élevaient à CHF 57'396.18 en 2019, CHF 200'893.60 en 2020 et CHF 146'095.49 en 2021.
L’intimée ajoute que les entrées de liquidités étaient majoritairement constituées en 2020 (CHF 122'776.35) et 2021 (CHF 139'345.75) par les prestations (réduction de l'horaire de travail) versées par la caisse publique de chômage fribourgeoise (libellées « subventions ») pour réduction de l’horaire de travail (ci‑après : RHT), laissant à penser que les éventuels employés ont été déclarés comme ayant chômé quasiment à plein temps durant les périodes concernées, soit près de deux ans, ce qui semble pour le moins étrange dans le domaine d'activité du recourant (bâtiment/second œuvre).
e. Le 14 novembre 2022, le recourant a produit une attestation de la fiduciaire signée le 11 novembre 2022 par M. C______, dans laquelle ce dernier atteste avoir été chargé de la comptabilité de la société pour les exercices 2020 et 2021 et que les grands livres 2020 et 2021 édités le 11 octobre 2021 à 12h06 (exercice 2020) et le 11 octobre 2020 à 12h07 (exercice 2021) sont bien issus des encodages faits chez la fiduciaire. Il certifie également que les écritures comptables correspondent aux documents comptables qui lui ont été remis et qui semblaient refléter la réalité de l'entreprise. ![endif]>![if>
f. Le 29 novembre 2022, l'intimée a persisté dans ses conclusions. ![endif]>![if>
g. Une audience de comparution personnelle s'est tenue le 4 mai 2023. ![endif]>![if>
À l'intimée qui s’étonne du salaire de CHF 12'500.- que le recourant s'est versé alors que la société subissait des pertes très importantes, de 2019 à 2021, le recourant a répondu qu’il avait fixé le montant de son salaire bien avant la pandémie. Il se l’était versé, mais avait tout réinvesti dans la société.
L’intimée s’étonnant également du fait que, selon l'extrait du compte individuel, le salaire de 2020 initialement annoncé à CHF 79'331.- avait été par la suite augmenté à CHF 150'000.-, le recourant a indiqué ignorer les raisons de cette modification, tout en relevant que c'était son comptable qui se chargeait des déclarations de salaires à l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS).
Il a ajouté que les cotisations à l'AVS n'avaient pu être payées, car la société avait fait faillite. Il avait réussi à payer celles du deuxième pilier durant un temps limité.
Il avait toujours reçu son salaire, mais l'avait immédiatement réinjecté pour satisfaire les besoins les plus urgents de la société. C'est la raison pour laquelle il n'a pas fait valoir de créances de salaires dans la faillite. De toute façon, la société n'avait plus rien. Tous les salaires avaient été payés, le sien comme ceux des ouvriers.
En 2020 et 2021, la société a fonctionné, mais les salariés ont été mis au chômage à 80%. C'était très difficile. Il y a même eu des périodes durant lesquelles la société a cessé toute activité.
L'intimée a mis en exergue qu'il y avait des créances en faveur du recourant et des dettes financières à court terme, ce qui permettait de douter de la réalité du versement du salaire. Il s’agissait peut-être là d’un simple jeu d'écritures.
Le recourant a répété qu'il reversait immédiatement de l'argent dans la société. Il lui avait bien fallu vivre durant cette période. Il avait donc gardé partiellement son salaire. Il avait d'ailleurs communiqué à l'intimée son budget mensuel.
Le recourant a indiqué ne plus se souvenir des motifs pour lesquels il avait été taxé d'office à titre personnel en 2020.
L’intimée a produit une décision du 28 octobre 2020 réclamant la restitution de la somme de CHF 157'232.- correspondant aux indemnités de chômage versées à tort au recourant pour la période du 1er décembre 2016 au 7 juin 2018 et précisé qu'un acte de défaut de biens avait été délivré pour ce montant, ce dont elle s’est étonnée au vu des sommes que le recourant allègue avoir reçues. Ce à quoi le recourant a répondu en réaffirmant une nouvelle fois que, s’il avait réellement perçu ces sommes, il en avait réinjecté une partie pour couvrir les besoins les plus urgents [de la société].
Sur quoi, la Cour de céans a accordé un délai au recourant pour qu'il produise sa taxation pour l'année 2021.
h. Le 5 mai 2023, le recourant a versé au dossier son avis de taxation (ICC) du 8 juin 2022 pour l'année 2021, dans lequel l'AFC a retenu un montant de CHF 150'000.- à titre de salaires bruts. ![endif]>![if>
i. Entendu par la Cour de céans en date du 22 juin 2023, M. C______ a expliqué, s'agissant des écritures intitulées « créances envers l'actionnaire » et « dettes financières à court terme envers l'actionnaire », que cela suivait les débits ou crédits regroupés dans la comptabilité. En clair, les ponctions d'argent réalisées par le recourant figuraient sous « créances de la société envers A______ ». Le recourant percevait son salaire en espèces, mais le réinjectait immédiatement dans la société pour payer ses salariés en espèces. Cela était démontré par les attestations et documents que le recourant lui avaient fournis et dont il ressortait que ses salariés avaient été effectivement payés en totalité et en espèces.![endif]>![if>
Si la situation n'avait parfois pas pu être éclaircie immédiatement, les attestations globales fournies en fin d'année avaient permis de la régulariser en tout cas en fin d'exercice. Il était clair que tous les salaires avaient alors été payés aux salariés.
Le témoin a ajouté qu'en fin de bilan, la société était redevable envers le recourant, qui bénéficiait d'un solde créditeur. C'était pour cela que la dette de la société envers le recourant avait augmenté au fil des ans.
Il a rappelé que les années 2020 et 2021 avaient été particulières. Fin 2019, le recourant avait connu une période difficile, suite au décès d'une employée. Ses affaires avaient ensuite repris très fort – en termes de devis –, jusqu'en mars 2020, date d’apparition du COVID. Le recourant était alors encore fragilisé et cela avait contribué à rendre difficile la continuation des affaires durant cette période.
Au vu des documents que le témoin avait eu en sa possession, les dettes figurant au bilan ne correspondaient pas à un simple jeu d'écritures.
C'était son employé qui s'était éventuellement chargé des déclarations de salaires. Le témoin ignorait donc pourquoi, en 2020, le salaire du recourant initialement annoncé à CHF 79'331.- avait par la suite été augmenté à CHF 150'000.-. Il se proposait d'interroger son employé et de tenir la Cour informée par écrit.
j. Par lettre du 27 juin 2023, M. C______ a informé la Cour de céans que sa collaboratrice, n'ayant pas tous les éléments à l'époque, avait fait une proposition de déclaration au recourant en fonction des éléments à sa disposition. Dans un premier temps, le recourant l'avait signée et renvoyée sans vérifier. Peu après, ils s'étaient rendu compte de l'erreur et une déclaration rectificative avait été faite. ![endif]>![if>
k. Par écriture du 25 juillet 2023, l'intimée a persisté dans ses conclusions en rejet du recours. ![endif]>![if>
Elle considère que le recourant n'a pas apporté la preuve de la perception effective de son salaire et, partant, de l'accomplissement de la période de cotisation correspondante. Elle rappelle que le témoin a confirmé que le salaire prétendument perçu en espèces avait été immédiatement réinjecté dans la société. Elle en tire la conclusion qu’en réalité, la société n'avait pas les moyens de payer le salaire du recourant.
l. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-chômage, à moins que la loi n'y déroge expressément.![endif]>![if>
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 8 août 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).![endif]>![if>
4. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).![endif]>![if>
Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.
5. Le litige porte sur le droit éventuel du recourant à l'indemnité de chômage, singulièrement sur le point de savoir s'il a exercé durant douze mois au moins une activité salariée soumise à cotisation dans les limites du délai-cadre de cotisation couvrant la période du 8 février 2020 au 7 février 2022. ![endif]>![if>
6. Selon la loi, pour avoir droit à l'indemnité de chômage, l'assuré doit, entre autres conditions, remplir celles relatives à la période de cotisation ou en être libéré (art. 8 al. 1 let. e LACI).![endif]>![if>
6.1 Aux termes de l'art. 9 LACI, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la LACI (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).![endif]>![if>
6.2 Selon l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.![endif]>![if>
6.2.1 En vue de prévenir les abus qui pourraient advenir en cas d'accord fictif entre l'employeur et un travailleur au sujet du salaire que le premier s'engage contractuellement à verser au second, la jurisprudence considère que la réalisation des conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e et art. 13 LACI) présuppose qu'un salaire a été réellement versé au travailleur (DTA 2001 p. 228 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral C.174/05 du 26 juillet 2006 consid. 1.2). ![endif]>![if>
Dans un arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral a précisé cette jurisprudence en indiquant qu'en ce qui concerne la période de cotisation, la seule condition du droit à l'indemnité de chômage est, en principe, que l'assuré ait exercé une activité soumise à cotisation pendant la période minimale de cotisation. La jurisprudence exposée au DTA 2001 n° 27 p. 225 (et les arrêts postérieurs) ne doit pas être comprise en ce sens qu'un salaire doit en outre avoir été effectivement versé ; en revanche, la preuve qu'un salaire a bel et bien été payé est un indice important en ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée (ATF 131 V 444 consid. 3 ; 133 V 515 consid. 2.2). Par ailleurs, lorsqu'un assuré a été au service d'une entité dans laquelle il occupait une position assimilable à celle d'un employeur (gérant, directeur, actionnaire important, titulaire d'une raison individuelle), il existe un risque de délivrance d'une attestation de salaire de complaisance. C'est pourquoi une telle attestation doit être vérifiée de manière stricte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2018 du 13 août 2019 consid. 3).
6.2.2 L'exercice d'une activité salariée pendant douze mois au moins est donc une condition à part entière pour la réalisation de la période de cotisation, tandis que le versement d'un salaire effectif n'est pas forcément exigé, mais permet au besoin de rapporter la preuve de cette activité. Le versement déclaré comme salaire par un employeur ne fonde cependant pas, à lui seul, la présomption de fait qu'une activité salariée soumise à cotisation a été exercée (ATF 133 V 515 consid. 2.3). Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l'assuré destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisation pendant la durée d'un rapport de travail. Cela suppose l'exercice effectif d'une activité salariée suffisamment contrôlable (ATF 133 V 515 consid. 2.4). ![endif]>![if>
6.2.3 Dans ce même arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral a aussi retenu que lorsque l'assuré ne parvient pas à prouver qu'il a effectivement perçu un salaire, notamment en l'absence de virement périodique d'une rémunération sur un compte bancaire ou postal à son nom, le droit à l'indemnité de chômage ne pourra lui être nié en application des art. 8 al. 1 let. e et 13 LACI que s'il est établi que l'intéressé a totalement renoncé à la rémunération pour le travail effectué ‒ par exemple dans le but de sauver son entreprise (arrêt 8C_466/2018 précité consid. 6.3). Cette renonciation ne peut être admise à la légère. Cela s'explique en particulier par le fait qu'il n'existe pas de prescription de forme pour le paiement du salaire. Il est habituellement soit acquitté en espèces, soit versé sur un compte bancaire ou postal, dont le titulaire n'est pas nécessairement l'employé (cf. pour l'ensemble des motifs : ATF 131 V 444 consid. 3.3, 2e paragraphe). Le défaut de preuve quant au salaire exact doit cependant être pris en considération dans le calcul du gain assuré déterminant (arrêt du Tribunal fédéral C.183/06 du 16 juillet 2007 consid. 4.4 et la référence).![endif]>![if>
6.2.4 Lorsque la preuve de la perception d'un salaire n'a pas été établie au degré de la vraisemblance prépondérante, cela ne suffit cependant pas pour nier d'emblée l'existence d'une activité soumise à cotisation. Dans de telles circonstances, il incombe à l'assuré qui prétend une indemnité de chômage de démontrer avoir exercé une activité soumise à cotisation. La jurisprudence a précisé à cet égard que pourraient notamment constituer des pièces aptes à démontrer l'exercice d'une telle activité, les documents comptables de l'ancienne société, le contrat de bail commercial ou encore le témoignage d'ex-employés (arrêt 8C_466/2018 précité consid. 6.4 et les références). ![endif]>![if>
7. Selon le chiffre B144 de la Directive LACI IC (Bulletin LACI IC) établie par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), s’agissant de la période de cotisation, non seulement l'assuré doit avoir exercé une activité soumise à cotisation mais il faut encore que le salaire convenu lui ait effectivement été versé. Si la perception effective d'un salaire ne constitue pas en soi une condition du droit à l'indemnité, elle n'en est pas moins déterminante pour reconnaître l'existence d'une activité soumise à cotisation.![endif]>![if>
7.1 Selon le chiffre B148 de cette directive, s’agissant des personnes qui occupent une position comparable à celle d'un employeur, lorsque le salaire a été perçu en espèces, une déclaration d'impôt accompagnée de certificats de salaire obtenus auprès de l'administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire. Si les montants figurant sur les documents divergent, le plus petit est déterminant pour le gain assuré. Il n'est pas exclu que l'assuré arrive à démontrer par d'autres moyens de preuve la perception effective de son salaire. La perception du salaire ne peut pas être prouvée au seul moyen d'un décompte de salaire, d'une quittance de salaire, d'un contrat de travail, d'une confirmation de licenciement ou d'une production dans une faillite. Ces documents ne sont que de simples allégués de partie dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de l'assuré lui‑même.![endif]>![if>
7.2 Selon la jurisprudence, les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références). ![endif]>![if>
7.3 Dans un arrêt du 31 mai 2020 (ATAS/623/2010), le Tribunal cantonal des assurances sociales, alors compétent, a estimé qu'en exigeant qu'un salaire soit effectivement versé à l'assuré et en subordonnant la reconnaissance de l'exercice d'une activité soumise à cotisation, la circulaire du SECO relative à l'indemnité de chômage (les chiffres B144 à B148 de cette circulaire ont été repris aux chiffres B144 à B148 de la Directive LACI IC) prévoit une condition qui ne figure pas dans la loi et dont le Tribunal fédéral a à plusieurs reprises rappelé qu'elle n'était pas essentielle pour ouvrir le droit à des indemnités de chômage (cf. ATAS/1293/2014 du 16 décembre 2014 consid. 8 ; dans ce sens également : arrêt ACH 49/15 - 158/2015 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 octobre 2015 consid. 5b). ![endif]>![if>
8. Selon la jurisprudence (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb ; DTA 2003 p. 241 consid. 2 et les références), le droit à l'indemnité de chômage ne peut en principe pas être nié lorsque le salarié, qui est placé dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompt définitivement tout lien avec une entreprise qui continue d'exister car en pareille circonstance, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi (en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI).![endif]>![if>
9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).![endif]>![if>
10. ![endif]>![if>
10.1 En l'espèce, la société a été mise en faillite par décision judiciaire du 25 janvier 2022 et la procédure de faillite a été suspendue pour défaut d'actifs par décision judiciaire du 23 novembre 2022. Le recourant n'a pas participé d'une quelconque manière à sa liquidation ; la liquidation des biens de la masse en faillite a été confiée à l'Office cantonal des faillites à Fribourg (dossier intimée pièce 16 p. 3). Il n'existait donc pas de risque d'abus. Le déroulement de la procédure de faillite, en particulier la suspension de celle-ci faute d'actifs rendait en effet peu probable une éventuelle reprise par le recourant de son activité professionnelle au sein de la société et la réalisation d'un gain (dans ce sens : arrêt du Tribunal fédéral C.267/05 du 19 décembre 2006 consid. 4.3.3), ce qui au demeurant n'est pas remis en cause par l'intimée.![endif]>![if>
10.2 Il est vrai que les décomptes de salaire, la déclaration d'impôt pour 2021 et les inscriptions au compte individuel AVS ne constituent que des indices quant au paiement effectif d'un salaire et ne sont pas à eux seuls de nature à établir la réalité de l'exercice d'une activité soumise à cotisation, d'autant que les décomptes de salaire et la déclaration d'impôt ont été rédigés par le recourant, alors administrateur unique de la société. Autrement dit, ces documents ne constituent que des allégués. ![endif]>![if>
Il est également vrai qu'aucun extrait de compte bancaire ou postal n'atteste du versement d'un salaire mensuel au recourant. Cependant, à ce propos, ce dernier a indiqué qu'il recevait son salaire en espèces, ce qui n'est pas inhabituel. Les documents comptables de la société au dossier font état d'une créance du recourant à l'égard de la société et d'une dette du recourant à l'égard de la société pour les années 2020 et 2021 (cf. également procès-verbal d'enquête du 22 juin 2023), tout en comptabilisant le salaire du recourant, ainsi que celui des autres employés. Si la société a été confrontée à des moments difficiles entre 2019 et 2021, il semble qu'elle a fonctionné durant cette période, du moins en partie. Par ailleurs, quand bien même le recourant a réinjecté une part de son salaire dans la société pour couvrir les besoins les plus urgents de celle-ci (cf. procès-verbal d'enquête précité ; procès-verbal de comparution personnelle du 4 mai 2023), il n'apparaît pas qu'il ait renoncé au versement de son salaire.
En effet, d'une part, il est hautement vraisemblable, comme le recourant l'a allégué, que les rentes de son épouse (CHF 51'179.- ; avis de taxation 2021) sont insuffisantes pour couvrir les charges de deux personnes adultes. En d'autres termes, le recourant a bien dû recevoir son salaire pour subvenir à ses besoins. D'autre part, dans l'avis de taxation pour l'année 2021, l'AFC a admis le montant de CHF 150'000.- à titre de revenus bruts de l'activité dépendante du recourant, déclaré le 25 mars 2022, avant même que la décision initiale du 19 mai 2022 lui niant le droit à l'indemnité de chômage ne lui soit notifiée. Or, on ne voit pas pourquoi le recourant aurait déclaré aux autorités fiscales ce revenu s'il ne l'avait pas perçu, étant relevé que ce montant, attesté par la fiduciaire, dont le gérant n'a aucun lien apparent avec la société ou le recourant durant la période de cotisation déterminante, concorde avec celui annoncé à la caisse de compensation AVS. Aucun motif, à ce stade, ne permet dès lors de suspecter celui-ci d'avoir déclaré pour l'année 2021 ledit salaire dans le seul but de satisfaire à ses futures obligations de chômeur.
Ceci étant, l'examen effectué par l'intimée a uniquement porté sur le caractère vraisemblable du versement d'un salaire effectif entre le 8 février 2020 et le 7 février 2022. Elle n’a pas procédé à des mesures d’instruction sur le point de savoir si le recourant a ou non exercé une activité lucrative soumise à cotisation d'une durée d'au moins douze moins pendant le délai-cadre déterminant, étant rappelé que le versement effectif d’un salaire n’est qu’un indice de l'exercice d’une activité salariée et que, comme exposé supra, rien ne permet de conclure à la renonciation par le recourant à son salaire en dépit des difficultés économiques que rencontrait la société. Il sera précisé à toutes fins utiles que lorsque l'existence d'une activité soumise à cotisation est établie, le défaut de preuve quant au salaire exact doit être pris en considération dans le calcul du gain assuré déterminant (cf. arrêt du Tribunal fédéral C.183/06 précité consid. 4.4).
10.3 Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l'intimée afin qu'elle détermine si le recourant a effectivement exercé une activité soumise à cotisation pendant la période minimale de cotisation. Dans ce cadre, elle pourra examiner par exemple les correspondances entre le recourant et ses collègues et clients pour connaître l'activité déployée au sein de la société durant la période en cause. L'intimée est également invitée à vérifier que l'avis de taxation 2021 est bien entré en force.![endif]>![if>
11. Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision. ![endif]>![if>
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable. ![endif]>![if>
Au fond :
2. L'admet partiellement. ![endif]>![if>
3. Annule la décision sur opposition du 22 juin 2022. ![endif]>![if>
4. Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire dans les sens des considérants et nouvelle décision. ![endif]>![if>
5. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Christine RAVIER |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le