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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2284/2022

ATAS/915/2023 du 23.11.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2284/2022 ATAS/915/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 novembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

Monsieur A______

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a sollicité le versement des indemnités de chômage auprès de la Caisse cantonale de chômage (ci-après : la caisse) dès le 4 janvier 2022.

b. Durant le délai-cadre de cotisation, soit les deux ans précédant son inscription, du 4 janvier 2020 au 3 janvier 2022, l’assuré a travaillé pour le compte de l’entreprise B______ (ci-après : B______), jusqu’au 31 décembre 2020, puis, du 1er janvier au 31 décembre 2021, pour C______ (ci-après : C______), société dont il était l’employé et, selon le registre du commerce (ci-après : RC), toujours associé gérant à la date de son inscription.

c. L’assuré a été licencié le 31 décembre 2021 pour le jour même, sans respecter le délai de congé d’un mois. Le licenciement était justifié par une baisse sensible des affaires de la société.

B. a. Par décision du 25 avril 2022, la caisse a nié à l’assuré le droit à l’indemnité de chômage, au motif qu’il réunissait en sa personne la double qualité d’employeur et d’employé. De ce fait, la perte de travail était incontrôlable. En tant que responsable de la société, il ne pouvait bénéficier de l’indemnité tant qu’il demeurait inscrit au RC.

b. Par courrier du 23 mai 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision en rappelant en substance qu’il avait cotisé à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) et au chômage depuis l’âge de dix‑huit ans et que, dès lors, la décision de la caisse de « le passer à la trappe » sans autre forme de procès était arbitraire. Il se plaignait du fait que la caisse le considère comme un indépendant et non comme un salarié. Pour le surplus, il demandait à ce que les cotisations versées par ses soins lui soient remboursées dans leur intégralité.

c. Par décision du 15 juin 2022, la caisse a rejeté l’opposition en rappelant que, le 4 janvier 2022, l’assuré était toujours associé gérant de la société C______, laquelle déployait encore ses activités. Il ne remplissait dès lors pas les conditions du droit à l’indemnité. Pour le surplus, la caisse a refusé d’entrer en matière sur la demande de restitution des cotisations sociales payées par l’assuré, vu le caractère fallacieux de ladite demande.

d. Par écriture du 8 juillet 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en se contentant d’énumérer un certain nombre de pièces produites.

e. Invité à régulariser son recours, l’assuré s’est exécuté en date du 2 août 2022.

Il précise que si le délai de congé n’a pas été respecté, c’est au vu « de la soudaineté de la décision unilatérale de mettre fin à ce travail ». Il explique que la société a perdu un mandat lui rapportant plus de CHF 200'000.- par an.

Il ajoute que si la société reste inscrite au RC, c’est pour couvrir le leasing de son véhicule et « laisser la porte ouverte à la possibilité d’avoir des gains intermédiaires ». La radier reviendrait à « oublier vingt ans de création d’activités et de labeurs divers ».

Le recourant s’insurge qu’on lui « refuse le statut d’employé ».

Enfin, il reproche à la caisse de ne pas lui faire confiance et de subodorer qu’il serait susceptible d’abuser ou de contourner la loi.

f. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 31 août 2022, a conclu au rejet du recours, le recourant étant toujours associé gérant avec signature individuelle de la société, dont il détient l’ensemble des parts sociales.

g. Une audience de comparution personnelle s’est tenue le 4 mai 2023.

Le recourant a indiqué s’être retrouvé brutalement sans emploi parce que poussé à la démission, fin 2020, après quarante ans de bons et loyaux services dont trente pour une même compagnie.

La société C______ a été créée en 2002 par ses soins pour servir d'appoint dans des opérations de pharmacologie et de biotechnologie. C'est donc en quelque sorte son « bébé ».

S’il est encore inscrit au RC comme associé gérant titulaire de l'ensemble des parts, c’est parce que les quelques petits mandats qu'il lui arrive de remplir lui permettent de payer ses cotisations aux premier et second piliers. Le leasing de son véhicule a également été pris au nom de la société. Enfin, il garde toujours l'espoir et le désir de pouvoir continuer à travailler jusqu'à l'âge de la retraite sans avoir recours à l'aide sociale.

Il explique également avoir compris dans un premier temps que la caisse le considérait comme indépendant.

À l’issue de cette audience, un délai a été accordé au 11 mai 2023 au recourant pour indiquer à la Cour de céans la suite qu’il entendait donner à son recours.

h. Sans nouvelles de l’intéressé, la Cour a prolongé ce délai à deux reprises, en vain.

i. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur la question du bien-fondé de la décision de l’intimée de nier au recourant le droit à l’indemnité de chômage à compter du 4 janvier 2022 au motif qu’il était resté organe de la société qui l’employait en dernier lieu et occupait donc une position assimilable à celle d’un employeur.

4.              

4.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, s’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; ATF 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d'État à l'économie (ci‑après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI IC.

4.2 Selon l'art. 31 al. 3 LACI, n'ont pas droit à l'indemnité :

a. les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable ;

b. le conjoint de l'employeur, occupé dans l'entreprise de celui-ci ;

c. les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.

Le Tribunal fédéral a jugé que les exclusions de l'art. 31 al. 3 LACI s'appliquent par analogie à l'octroi de l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b).

4.3 L’art. 31 al. 3 let. c LACI vise à éviter les abus sous forme d’établissement par l’assuré lui-même des attestations nécessaires pour l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, d’attestations de complaisance, d’influence sur la décision de réduire l’horaire de travail, alors qu’il est impossible de contrôler la perte de travail (ATF 122 V 270 consid. 3).

Ainsi, un travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière prépondérante (ATF 123 V 234 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_719/2008 du 1er avril 2009 consid. 3.3). Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI.

Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque, dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. Ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur ; il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_108/2021 du 9 juillet 2021 consid. 3 et 8C_384/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1).

Selon la même jurisprudence, la situation est en revanche différente quand le salarié qui se trouve dans une position assimilable à celle de l'employeur quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à une indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2020 précité consid. 3.1).

4.4 Dans l’hypothèse où le chômeur occupe lui-même une position décisionnelle dans l’entreprise, il faut distinguer deux situations : lorsqu’il occupe une telle position du fait qu’il est membre du conseil d’administration ou d’un autre organe supérieur de direction de l’entreprise, il n’y a pas même lieu d’examiner la situation au regard des circonstances concrètes du cas, car il est alors réputé ex lege disposer d’un pouvoir déterminant au sein de cette dernière au sens de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, appliqué par analogie à l’indemnité de chômage (ATF 122 V 270 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_171/2012 du 11 avril 2013 consid. 6.2 ; 8C_776/2011 du 14 novembre 2012 consid. 3.3 ; 8C_515/2007 du 8 avril 2008).

En revanche, lorsqu’il n’est pas formellement membre d’un organe supérieur de direction de l’entreprise, mais peut engager cette dernière, il s’impose de vérifier s’il a matériellement qualité d’organe dirigeant, compte tenu du pouvoir de décision dont il jouit effectivement, en fonction de la structure interne de l’entreprise, le seul fait qu’il soit autorisé à représenter cette dernière par sa signature et inscrit au RC n’étant pas en soi suffisant pour l’exclure du droit à l’indemnité de chômage (ATF 120 V 521 consid. 3).

Il n’y a plus de parallélisme de la perte de travail avec une réduction de l’horaire de travail – et partant plus d’application analogique possible de l’art. 31 al. 3 let. c LACI à l’indemnité de chômage – lorsque la personne qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de cette dernière ou rompt définitivement tout lien avec l’entreprise qui continue d’exister (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.1).

Il est également admis que les assurés occupant une position assimilable à celle d’un employeur et leur conjoint ont droit à l’indemnité de chômage s’ils se retrouvent au chômage après avoir été salariés d’une entreprise tierce (dans laquelle ils n’ont pas eu le statut de dirigeant), à la condition toutefois qu’ils l’aient été durant au moins six mois (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 171/03 du 31 mars 2004 consid. 2.3.2). Lorsqu’une telle durée d’emploi comme salarié sans position dirigeante dans une entreprise tierce a été atteinte, il faut admettre que le rapport de travail ouvrant le droit au chômage n’a pas constitué un masque à une réduction de l’horaire de travail (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 35 ad art. 10).

5.             En l’espèce, il n’est pas contesté qu’en date du 4 janvier 2022 et lors de l’audience de comparution personnelle encore, le recourant était toujours inscrit au RC comme associé gérant avec signature individuelle de la société, dont il détient l’ensemble des parts sociales.

Il en découle qu’il existe un risque potentiel d’abus et une difficulté de contrôler la perte de travail, étant rappelé que l’exclusion, selon la jurisprudence énoncée supra, est alors un impératif absolu, sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’il y a effectivement abus de droit ou que l’assuré a cherché à contourner les dispositions relatives à la réduction de l’horaire du travail. L’exclusion s’impose dès qu’il y a une possibilité d’abus ou de contournement de la loi. Or, un tel risque existe en l’occurrence, ainsi qu’en a d’ailleurs convenu le recourant lui-même lors de son audition, puisqu’il a indiqué que l’une des raisons pour lesquelles il ne se résolvait pas à radier la société était l’espoir de pouvoir encore remplir quelques petits mandats et de pouvoir retravailler jusqu’à l'âge de la retraite pour subvenir à ses besoins. La société pourrait ainsi être réactivée à tout moment.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours ne peut qu’être rejeté.

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le