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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4220/2021

ATAS/683/2023 du 14.09.2023 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

république et

 

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4220/2021 ATAS/683/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 septembre 2023

Chambre 3

En la cause

A______
représentée par Me Maëlle KOLLY, avocate

 

demanderesse

contre

 

AXA WINTERTHUR
représentée par Me Patrick MOSER, avocat

 

 

défenderesse

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en 1981, domiciliée en France, a travaillé en tant que executive assistant au service de B______, à compter du 9 avril 2018.

b. À ce titre, elle bénéficiait d'une assurance d'indemnités journalières en cas de maladie auprès de AXA WINTERTHUR (ci-après : AXA ou l'assureur).

Selon les conditions générales d'assurance (CGA) et la police d'assurance, les indemnités journalières sont versées en cas d'incapacité de travail de 25% au moins, à hauteur de 80% du salaire assuré, pendant 730 jours, à l'expiration du délai d'attente de 180 jours.

c. Le 31 octobre 2019, le docteur C______, psychiatre traitant de l'assurée (pratiquant en France), a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 17 décembre 2019, renouvelé à maintes reprises, en dernier lieu le 26 juin 2020, jusqu'au 26 juillet 2020.

d. Dans un rapport du 22 novembre 2019, le Dr C______ a indiqué que l'assurée souffrait d'une pathologie physique et psychique la rendant entièrement inapte à exercer son emploi.

e. AXA a demandé à la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, d'examiner l'assurée.

Dans un rapport du 17 janvier 2020, le médecin, qui a retenu le diagnostic d'épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11), a estimé l'incapacité de travail de l'assurée à 100%, du 10 janvier 2020, date de l'examen, au 8 mars 2020, à 50%, du 9 mars au 30 avril 2020, et à 0% dès le 1er mai 2020. L'incapacité de travail était liée à un conflit sur le lieu du travail et à une surcharge chronique « (structurelle ?) ». À la question de savoir s'il était possible, au moment de l'examen ou dans le futur, d'obtenir une réduction de l'incapacité de travail dans une activité adaptée, la Dre D______ a répondu par la négative, compte tenu de la baisse de résistance au stress, de l'anxiété marquée, des troubles de concentration et d'attention, de la labilité émotionnelle, de la difficulté à assumer des tâches simples de la vie quotidienne, de la diminution de l'énergie, des troubles du sommeil, et de l'irritabilité de l'assurée. La spécialiste mentionnait la nécessité d'un traitement antidépresseur, moyennant un temps d'introduction allongé, sous forme de gouttes, chez une assurée présentant une grande sensibilité aux effets secondaires des médicaments, et anxieuse de prendre un tel traitement.

f. Par courrier du 17 janvier 2020, AXA a informé l'assurée que les prestations lui seraient versées conformément aux conclusions de la Dre D______, à condition qu'elle discute du traitement antidépresseur recommandé par la spécialiste avec son médecin traitant, et confirme d'ici au 20 février 2020 le début du traitement.

g. En réponse, l'assurée a remis à AXA un rapport du 14 février 2020 du Dr C______ attestant que le traitement consistait en des séances psychothérapeutiques hebdomadaires intensives depuis le 31 octobre 2019, sans médication, afin de préserver certaines des capacités fonctionnelles de l'assurée, au vu de son hypersensibilité aux médicaments psychotropes.

h. Par courriel du 16 mars 2020, AXA a demandé à l'assurée de lui fournir les preuves objectives de son hypersensibilité aux médicaments, avec la dénomination précise des médicaments concernés.

i. Dans un rapport du 20 mars 2020, le Dr C______ a certifié suivre l'assurée en psychothérapie hebdomadaire, sans chimiothérapie, depuis le 26 octobre 2019, pour un trouble anxio-dépressif récurrent (F33.2). La capacité de travail était nulle dans toute activité pour une durée indéterminée.

j. Dans un rapport du 3 avril 2020, le Dr C______, après avoir confirmé son diagnostic et répété que le traitement consistait en une psychothérapie hebdomadaire, a indiqué que l'état clinique de l'assurée n'imposait pas de chimiothérapie, mais qu’elle n’était pas pour autant apte à reprendre son travail à moyen terme.

k. Par lettre du 16 avril 2020, AXA a avisé l'assurée qu’elle n’entendait pas lui allouer des prestations au-delà du 1er mai 2020, le Dr C______ ne faisant pas état d'élément médical nouveau et/ou probant susceptible de remettre en cause les conclusions de la Dre D______.

l. Dans un rapport du 24 avril 2020, le Dr C______, après avoir rappelé le diagnostic et la nature du traitement, a indiqué que l'état clinique de sa patiente s’était amélioré depuis l'expertise de la Dre D______, qu’une progression était en cours, que l'état actuel n'imposait pas de traitement médicamenteux et que l'assurée n'était pas apte à reprendre son travail à moyen terme.

m. L'employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 30 avril 2020 (lettre du 29 janvier 2020).

n. Sur questions de l'assureur, dans un rapport du 11 mai 2020, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et médecin-conseil d'AXA, a constaté que l'assurée, a priori, n'avait pas fait preuve de compliance au traitement recommandé par l'examen médical, malgré la poursuite d'une incapacité de travail totale, qu'elle n'avait pas apporté la preuve d'une hypersensibilité aux médicaments (absence d'arguments médicaux ou pharmacologiques objectifs et tangibles) et que le médecin traitant n'avait pas amené d'éléments médicaux probants permettant une appréciation différente de la capacité de travail dès le 1er mai 2020 ; il s’était contenté d’affirmer que sa patiente n'était pas apte. Or, il était contradictoire, de prime abord, de faire état d'une amélioration clinique et de l'absence de nécessité d'un traitement, d'une part, et d’une totale incapacité de travail à moyen terme, d'autre part. À titre de remarques, le Dr E______ mentionnait que la forte influence de facteurs non médicaux (relatés dans l'expertise), de même que les forts doutes de l'employeur à propos de l'incapacité de travail étaient des éléments qu'il convenait d'intégrer dans l'ensemble du tableau. Les contradictions et incohérences renforçaient les doutes sur le bien-fondé de l'incapacité de travail.

o. Dans un rapport du 11 mai 2020 (relatif à une consultation du même jour), le Dr C______ a affirmé que sa patiente était irritable, épuisée physiquement et psychiquement, angoissée, triste, insomniaque, aboulique, et anhédonique. Elle souffrait d'un trouble anxio-dépressif récurrent (F33.2) dans un contexte de burnout et était inapte à reprendre son travail à moyen terme.

B. a. Par pli du 13 mai 2020, AXA, en se référant au rapport du Dr C______ et à celui de son médecin-conseil, a informé l'assurée qu’elle la considérait apte à travailler à 50% dès le 9 mars 2020 et à 100% à partir du 1er mai 2020.

b. Par courrier du 19 mai 2020, l'assurée a contesté cette position.

Elle a allégué avoir évité de prendre des antidépresseurs en raison de sa sensibilité aux médicaments (migraines/nausées). Elle optait toujours, dans la mesure du possible, pour des traitements naturels. Elle ne disposait pas de compte rendu de visites aux urgences et d'allergie à certaines molécules, car il s'agissait d'une appréciation personnelle de ses expériences avec les médicaments en général. Elle n'avait pas souffert de dépression auparavant. De ce fait, un traitement médicamenteux de ce type lui était inconnu et lui faisait peur. Mère de deux jeunes enfants, elle souhaitait s'en sortir sans traitement chimiothérapeutique, par crainte des effets secondaires et d'éventuels risques pour ses enfants. C’est pourquoi, en accord avec son médecin traitant et en toute transparence, ils avaient renoncé à un traitement chimique et opté pour une psychothérapie intensive hebdomadaire. Si elle commençait à aller un peu mieux, son état de santé ne lui permettait toutefois pas de travailler. Elle rappelait par ailleurs avoir été licenciée.

Suite à une rechute sévère quelques semaines auparavant, elle était dorénavant sous médication d'antidépresseurs.

Selon elle, son état de santé était le résultat direct du traitement subi auprès de son ancien employeur. Les dysfonctionnements systémiques avaient eu et avaient toujours des conséquences catastrophiques sur sa santé physique et mentale, ainsi que sur sa vie personnelle et professionnelle.

c. Dans un rapport du 20 mai 2020, le Dr E______ s'est déterminé sur le rapport du Dr C______ du 11 mai écoulé. Il a relevé que le psychiatre traitant évoquait cette fois un état clinique particulièrement dégradé qui nécessiterait un traitement médicamenteux, contredisant en cela ses précédents rapports. Pour autant, aucun traitement n'était mentionné (par le Dr C______), de même qu'aucun argument tangible n'était avancé pour justifier l'absence de traitement. Le Dr E______ ne jugeait pas nécessaire d’obtenir d'autres renseignements médicaux ou de recourir à un expert. Il réitérait ses remarques formulées dans sa précédente appréciation au sujet de ses doutes sur le bien-fondé de l'incapacité de travail.

d. Le 26 mai 2020, AXA a fait savoir à l'assurée qu'en dépit de l'appréciation de son service médical, elle était disposée à réaliser un nouvel examen auprès du docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui aurait lieu le 29 juin suivant.

e. Dans un rapport du 28 mai 2020, le Dr C______ a attesté que l'assurée le consultait pour des troubles psychiatriques graves depuis le 26 octobre 2019. Elle présentait un état d'effondrement psychologique aggravé avec désarroi et idées suicidaires, ayant nécessité, le 15 mai 2020, la prescription d'un antidépresseur (Fluoxétine 20 mg : un comprimé le matin) et de benzodiazépines (Alprazolam 0,25 mg : un comprimé matin, midi, et soir). L'assurée décrivait des effets secondaires liés à la prise de ce traitement : somnolences diurnes, céphalées, et vertiges. Elle était compliante au traitement et il y avait une bonne observance. Elle continuait de bénéficier d'une psychothérapie hebdomadaire. Son état était incompatible avec une reprise de travail.

f. Dans un rapport du 3 juin 2020, le Dr C______ a répété qu’il suivait l'assurée en raison d'un état anxio-dépressif sévère dans un contexte de burnout et de conflit au travail. Il a fait état d'une aggravation des symptômes : excitation psychomotrice, anxiété manifeste, irritabilité, insomnies avec nuits cauchemardesques, ruminations tristes et anxieuses, état d'épuisement en lien avec les conditions de travail au quotidien, phobies d'angoisse, idées suicidaires, labilité émotionnelle avec pleurs faciles, tristesse, anhédonie, aboulie, pensées obsédantes post-traumatiques. L'assurée présentait un état d'effondrement narcissique avec anxiété, tristesse, douleur morale et céphalées. Le psychiatre avait observé une angoisse dépressive grave qui avait nécessité l'introduction d'un traitement médicamenteux à base d'antidépresseur et de benzodiazépines, en parallèle du suivi psychiatrique régulier. Les manifestations pathologiques avec troubles de la pensée et moments de sidération avaient complètement déstructuré la vie sociale et familiale de l'assurée. Ses capacités d'attention et de concentration étaient touchées. Elle était incapable à ce jour de se représenter en train d'exercer à son poste habituel où elle avait un rôle d'interface entre l'administration, les différents départements de l'entreprise et ses collègues. Elle se sentait incapable d'affronter ses outils de travail, tels que son ordinateur, ou son téléphone, et de participer aux réunions d'équipe de travail. Compte tenu de ses limitations fonctionnelles, elle ne pouvait être soumise une fois de plus au stress d'un service d'organisation et de management d'un calendrier administratif complexe. Sa limitation était de 100%. Son état de stress post-traumatique relatif à son lieu de travail aggravait son état de santé.

g. Le 5 juin 2020, le Dr E______ a relevé que l'assurée avait bénéficié d'un traitement psychothérapeutique depuis cinq mois (rapport du 3 avril), qui n’avait pas eu d’effets sur la capacité de travail de l’assurée, sans pour autant que le psychiatre traitant ne change de stratégie. Le rapport du 24 avril était contradictoire et lacunaire, dans la mesure où il n’indiquait pas en quoi consistait l’amélioration de l'état clinique et les motifs rendant une reprise de travail impossible à moyen terme malgré tout. Le Dr E______ considérait qu’il existait une forte influence de facteurs non médicaux (pas de compliance vis-à-vis des recommandations de l'experte, pas de preuve formelle de l'hypersensibilité contre-indiquant la prise de traitement), d’une part, de nombreuses incohérences et contradictions de la part du Dr C______ le 11 mai (amélioration justifiant de ne pas prendre de traitement, mais persistance de l'incapacité de travail, par exemple), d’autre part. Ainsi, dans son rapport du 3 juin, le Dr C______ mettait en avant les caractéristiques du poste de travail de sa patiente, alors même que celle-ci ne l’occupait plus. L'aggravation dont faisait état le psychiatre traitant était plausible, mais l'état de stress post-traumatique retenu par celui-ci était surprenant, en l'absence de critère clinique évident.

h. Lors d'un entretien téléphonique entre un collaborateur d'AXA et le Dr F______ le 5 juin 2020, le premier a qualifié le dossier de l'assurée de « particulier » : après avoir refusé de suivre le traitement préconisé par l’examinatrice, en invoquant une hypersensibilité aux médicaments, non prouvée, elle avait accepté de prendre un traitement antidépresseur lorsqu'elle avait été avisée qu’il serait mis fin au versement des indemnités journalières.

i. Dans un rapport du 4 juillet 2020, le Dr F______ a retenu le diagnostic de difficultés liées à l'emploi et au chômage (Z56), sans répercussion sur la capacité de travail.

Il a conclu, au vu du degré d'autonomie de l'assurée dans sa vie quotidienne, à une pleine capacité de travail sur le plan psychiatrique antérieure à la date de l'examen (l'assurée était autonome pour toutes les tâches ménagères et administratives, elle s'occupait de ses affaires, se montrait pleinement opérationnelle pour faire des démarches dans un contexte de litige qui la liait à son assureur, elle lisait, regardait la télévision, maintenait des contacts avec sa famille, avait repris le sport au printemps [elle faisait du vélo, par la suite, se sentant trop sédatée par le traitement anxiolytique, elle avait arrêté], elle s'occupait de ses enfants, faisait des promenades, elle avait été capable de jouer un rôle d'institutrice pour ses deux enfants, six heures par jour, pendant plusieurs semaines).

Le Dr F______ a relevé plusieurs incohérences : les limitations alléguées ne s'exprimaient pas de la même façon dans l'activité professionnelle et dans les autres domaines de la vie ; le psychiatre traitant posait le diagnostic de trouble anxio-dépressif, mais mentionnait le code diagnostique du trouble dépressif récurrent, épisode sévère ; le diagnostic de trouble dépressif récurrent était incompatible avec l’absence d'antécédents psychiatriques ; le psychiatre traitant retenait trois dates différentes du début de la prise en charge de l'assurée ; si l'assurée avait souffert d'un épisode dépressif sévère, il paraissait surprenant que le traitement n'ait pas été instauré en tous cas pendant les premiers mois, voire même jugé non nécessaire à un moment donné (rapport du 3 avril 2020) ; il paraissait incohérent que l'échec de l'approche psychothérapeutique pendant six mois (selon le psychiatre traitant, la symptomatologie psychiatrique incapacitante persistait pendant plusieurs mois) n'ait pas motivé une adaptation de la stratégie thérapeutique ; dans son rapport du 24 avril 2020, le psychiatre traitant évoquait une amélioration clinique, tout en attestant d'une incapacité totale de travail à moyen terme. Il paraissait surprenant que cette amélioration fût suffisamment marquée selon le psychiatre traitant pour justifier l’absence de recours à un traitement pharmacologique, mais n’ait, dans le même temps, aucun impact sur la capacité de travail de l'assurée ; l'avis du psychiatre traitant quant à la « bonne observance » de sa patiente (rapport du 28 mai 2020) n'était pas étayé, vu l'absence de dosage plasmatique ; le caractère prétendument incapacitant de la symptomatologie anxieuse (rapport du 3 juin 2020 où le psychiatre traitant parlait d'une angoisse dépressive grave) paraissait difficilement conciliable avec une absence de traitement symptomatique (absence pendant six mois, puis introduction du traitement anxiolytique à faible dose [Alprazolam 0,75 mg/j]) ; le diagnostic d'épisode dépressif sévère paraissait incompatible avec le degré d'autonomie que l'assurée avait conservé dans sa vie quotidienne pendant ces derniers mois (cf. description de la journée-type ; à titre d'exemple, une personne atteinte d'un tel trouble ne serait pas capable d'assumer un enseignement de ses deux enfants, six heures par jour pendant plusieurs semaines) ; il existait une nette discordance entre le tableau décrit début juin 2020 par le psychiatre traitant et les constatations lors de l'expertise quatre semaines plus tard ; il y avait une incohérence entre certaines plaintes de l'assurée (qui évoquait d'importants troubles de la concentration et des troubles mnésiques) et les constatations lors de l'expertise (capacité de mener une discussion dynamique pendant 2h45 sans montrer de signe de fatigabilité mentale ni de déficit de concentration, préservation de la mémoire épisodique et l'assurée se souvenait de différents détails) ; ses plaintes paraissaient incohérentes avec le degré d'autonomie qu'elle relatait dans sa vie quotidienne (cf. description de la journée-type) ; l'affirmation du psychiatre traitant selon laquelle sa patiente serait incapable d'affronter ses outils de travail (ordinateur, téléphone) paraissait contradictoire avec le fait qu'elle les utilisait dans diverses démarches administratives. Enfin, il paraissait incohérent d’attester d'une incapacité de travail de 100% tout en répondant par l'affirmative à la question de savoir si l'« incapacité de travail était liée uniquement à l'activité professionnelle (conflits, conditions de travail, etc.) ».

j. Par courrier du 8 juillet 2020, AXA a, sur la base dudit rapport, confirmé à l’assurée qu’elle mettait fin au versement des prestations avec effet au 30 avril 2020.

C. a. Par acte du 14 décembre 2021, l'assurée (ci-après : la demanderesse) a saisi la Cour de céans d'une demande en paiement à l'encontre d'AXA (ci-après : la défenderesse), en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à une audience de comparution personnelle et à l'audition du Dr C______, principalement, à la condamnation de la défenderesse au versement de la somme de CHF 21'243.25, assortie d'intérêts à 5% l'an dès le 10 mai 2020, date moyenne, subsidiairement, à la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique judiciaire.

La demanderesse cite l'art. B4 § 2 des CGA, selon lequel la couverture d'assurance cesse pour chaque assuré, notamment à sa sortie du cercle des assurés, et l'art. B11 § 1 des CGA, aux termes duquel tout assuré résidant en Suisse a le droit de passer dans l'assurance individuelle d'AXA s'il quitte le cercle des assurés ou si l'assurance s'éteint. Elle considère que cette dernière disposition, en tant qu'elle interdit le passage dans l'assurance individuelle perte de gain des personnes non résidentes en Suisse, comme dans son cas, viole l'interdiction de discrimination prévue par l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes conclu le 21 juin 1999, entré en vigueur le 1er juin 2002 (ALCP - RS 0.142.112.681). Elle en tire la conclusion que la couverture d'assurance ne peut pas prendre fin au 30 avril 2020 du seul fait de son licenciement.

Pour le surplus, la demanderesse conteste l'évaluation prospective de sa capacité de travail, telle qu'effectuée par la Dre D______, puisque l'effet escompté d'un traitement médicamenteux non encore instauré est aléatoire. Elle ajoute qu'il appartient au psychiatre traitant de déterminer si un tel traitement, qui dépend de différents paramètres, doit être pris par son patient. Le Dr C______ a expliqué à maintes reprises les motifs pour lesquels elle s'était abstenue de prendre des médicaments, et pour lesquels il a jugé nécessaire d'introduire une médication en mai 2020. La demanderesse affirme qu'entre mars et avril 2020, son état de santé ne s'est pas amélioré, et qu’en mai 2020, il s'est aggravé en raison du confinement dû à la crise sanitaire.

Elle estime que les prises de position du Dr E______ témoignent d'un parti pris en sa défaveur, dans la mesure où il s'est basé sur des considérations extra‑médicales en tenant compte des doutes émis par son employeur quant à son incapacité de travail.

Quant au rapport du Dr F______, elle soutient qu’il ne saurait se voir reconnaître de valeur probante dans la mesure où ce spécialiste, en sa qualité de médecin-conseil d'assurance depuis 2018, a un lien prédominant avec les assurances privées, si bien qu'il manque d'indépendance, d'autant plus que, lors de l'entretien téléphonique du 5 juin 2020, la défenderesse lui a présenté sa version des faits. Il n'avait donc pas un point de vue neutre lors de l'expertise. La demanderesse ajoute qu’elle a pris deux comprimés avant l'examen du 29 juin 2020 afin de calmer son anxiété, de sorte qu'elle était sédatée lors de l'expertise et que les constatations cliniques du Dr F______ ne correspondent pas à son état normal. De plus, la description de son quotidien telle que retranscrite par l'expert est erronée : les activités hédoniques (lectures, promenades) ont été mises en place par le Dr C______ à des fins thérapeutiques. Elle reproche également au Dr F______ de ne pas avoir pris en considération l'appréciation de la Dre D______, selon laquelle l'incapacité de travail était justifiée en raison d'un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Elle expose que, dans la mesure où le Dr F______ ne s'est pas prononcé rétrospectivement sur l'évolution de son état psychique, l'incapacité de travail totale attestée par le Dr C______ doit être confirmée, celui-ci l'ayant suivie au long cours. À défaut, la Cour de céans ne pourrait pas statuer sans ordonner une expertise psychiatrique.

Enfin, la demanderesse indique avoir été totalement incapable de travailler du 1er mai au 17 juillet 2020. Elle conclut dès lors à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de CHF 21'243.25 à titre d'indemnités journalières, selon le calcul suivant : CHF 213.50 × 126 jours, sous déduction des indemnités journalières versées à 50% du 9 mars au 30 avril 2020, soit CHF 5'657.75.

Elle produit en particulier :

‒        un rapport du Dr C______ du 5 juillet 2021 intitulé « contestation de certains aspects de l'expertise du Dr F______ », dans lequel il indique que le début de la prise en charge de sa patiente remonte au 21 octobre 2019, en lien avec un état anxio-dépressif sévère dans un contexte de burnout/mobbing et de conflit au travail ; les symptômes présentés au début de cet épisode avaient connu des fluctuations incertaines et inquiétantes dans le temps ; il s'agissait de symptômes graves : excitation psychomotrice, anxiété manifeste, irritabilité, insomnies avec nuits cauchemardesques, ruminations tristes et anxieuses, état d'épuisement en lien avec les conditions de travail au quotidien, phobies d'angoisse, idées suicidaires, labilité émotionnelle avec pleurs faciles, tristesse, anhédonie, aboulie, pensées obsédantes post-traumatiques ; sa patiente avait présenté par moments un état d'effondrement narcissique avec anxiété, tristesse, douleur morale, et céphalées ; avant mai 2020, la patiente avait insisté pour ne pas prendre de médicament de type benzodiazépines, par peur de développer une accoutumance et une dépendance ; prendre un antidépresseur seul, sans couverture benzodiazépine présentait un risque iatrogène de réaction suicidaire ; dans ce contexte, des consultations hebdomadaires et des contacts quasi journaliers durant ces épisodes aigus avaient été mis en place pour renforcer l'assurance en soi de la patiente et mobiliser de nouvelles ressources ; le confinement dû à la pandémie du coronavirus avait eu un impact très négatif sur la patiente, avec un effondrement thymique et une rechute/aggravation de certains symptômes : irritabilité, épuisement, ruminations tristes ; le psychiatre disait avoir observé une angoisse dépressive grave qui avait nécessité, en mai 2020, l'introduction d'un traitement médicamenteux, en plus du suivi psychiatrique hebdomadaire ; les troubles de la pensée et les moments de sidération avaient complètement déstructuré la vie sociale et familiale de la patiente ; ses capacités d'attention et de concentration étaient touchées ; elle avait souffert des effets secondaires liés au traitement psychotrope : céphalées, vertiges, troubles du sommeil, fatigue, trouble de la concentration et de la mémoire, qui limitaient ses capacités pour la conduite automobile ; à domicile, ses capacités étaient limitées aux actes automatiques ; mère de famille, elle s'était fait violence pour pouvoir s'occuper de ses deux jeunes enfants, mais elle aurait été incapable d'être efficace dans les actes où intervenaient des interactions avec des clients et un management des calendriers respectifs de ses deux directeurs internationaux, impliquant d'énormes changements de dernière minute et requérant une très grande réactivité ; s’agissant plus particulièrement de l’expertise, le psychiatre alléguait que sa patiente avait pris deux comprimés d'Alprazolam avant son entretien avec le Dr F______, ayant eu un effet apaisant ; la prise du traitement durant le mois avant l'expertise avait eu un effet stabilisateur de l'humeur ; outre le traitement médicamenteux, le Dr C______ avait prescrit des méthodes naturelles (pratique d'activités physiques dans la nature, lecture sur le plan intellectuel, spirituel et psychologique) pour la motiver et lui redonner le goût de vivre ; le stress post-traumatique sur le lieu du travail avait eu des conséquences graves sur son état de santé : elle avait vécu un choc émotionnel qui l'avait sidérée, lié à l'échange violent avec sa responsable ; du point de vue diagnostique, il ne voyait pas les incohérences dont parlait le Dr F______ : l'assurée souffrait d'un état anxio-dépressif sévère (F32.2), dont l'évolution avait été fluctuante, avec des moments d'amélioration et de rechute ; ce diagnostic était fondé sur le suivi sur une longue période ;

‒        un rapport du Dr C______ du 10 juillet 2020, certifiant que l'état de santé de l'assurée était compatible avec une reprise de travail dès le 13 juillet 2020 ;

‒        des ordonnances du Dr C______ des 15 mai, 12 juin, 3 juillet, 7 août, 23 septembre, 26 octobre, 26 novembre, et 18 décembre 2020 ; et

‒        un décompte du 4 février 2021, faisant état d'un montant de CHF 320.20 à titre d'indemnités journalières pour la période du 28 au 30 avril 2020 (trois jours à 50%).

b. Le 20 décembre 2021, la demanderesse a sollicité la tenue d'une audience de débats.

c. Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 14 février 2022, a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la demande, tout en renonçant à la tenue d'une audience de débats.

Elle argue que la demanderesse n'a jamais formulé le moindre grief à l'égard du Dr F______, dont le rapport d'expertise doit se voir reconnaître pleine valeur probante, d'autant qu'aucun élément au dossier ne permet de douter du bien-fondé de cette expertise.

Elle considère que ni la demanderesse ni son psychiatre traitant n'ont apporté la preuve objective d'une hypersensibilité au traitement médicamenteux recommandé par la Dre D______.

Elle fait remarquer que les « méthodes naturelles » (pratique d'activité physique dans la nature, vélo, marche, lecture) prescrites par le psychiatre traitant ne constituent pas des moyens thérapeutiques ; à tout le moins, elles ne sauraient justifier un arrêt complet de travail de plus de sept mois.

Selon la défenderesse, l'allégation d'une péjoration de l'état de santé au moment de l'annonce de la fin du versement des prestations, celle de la prise d'un comprimé avant l'expertise ou encore celle de « la relecture du temps consacré aux enfants pendant le confinement dû à la pandémie » relèvent manifestement d'une tentative maladroite de corriger a posteriori des déclarations trop spontanées faites au Dr F______.

Enfin, la défenderesse conteste le calcul opéré par la demanderesse à l'appui de ses prétentions.

d. Dans sa réplique du 21 mars 2022, la demanderesse a persisté dans ses conclusions.

En se référant aux lignes directrices de qualité des expertises de psychiatrie d'assurance éditées par la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie (3ème édition, 16 juin 2016), elle indique qu'il est recommandé dans ce domaine de procéder à une réévaluation de la situation médicale afin de vérifier si le pronostic posé par l'expert s'est concrétisé et s'il était correct.

Elle conteste toute contradiction entre la poursuite d'une incapacité de travail complète et l'état de santé attesté par le Dr C______, de même que la détermination de l'expert au sujet des rapports du psychiatre traitant.

Elle reproche à la défenderesse de résumer sa réticence à la prise d'un traitement antidépresseur à une « appréciation personnelle » sans reprendre l'ensemble de ses justifications.

Elle relève que, peu importe qu’elle ne se soit pas opposée à la désignation du Dr F______, elle reste en droit de contester son expertise.

Elle critique les conclusions du Dr E______, qui indique ne pas exclure une péjoration de l'état de santé et n’explique pas pour quelles raisons il juge le diagnostic d'état de stress post-traumatique incohérent et rappelle que, selon la Dre D______, le trouble psychique est apparu à la suite d'une situation de mobbing et de stress au travail.

Elle explique que les « méthodes naturelles » ne sortent pas du cadre usuel en psychiatrie et psychothérapie, le but étant de permettre au patient de retrouver ses intérêts pour améliorer son état thymique et sa capacité de travail.

Elle ajoute que ses déclarations spontanées à l'expert ne peuvent être seules concluantes pour apprécier son état de santé, et que ses prétentions sont fondées sur les rapports de son psychiatre traitant, en particulier celui du 5 juillet 2021, sur lequel la défenderesse ne s'est pas déterminée, et dans lequel le Dr C______ désapprouve les conclusions du Dr F______.

e. Dans sa duplique du 2 mai 2022, la défenderesse a persisté dans ses conclusions, et requis la production du dossier de la demanderesse auprès de l'assurance-invalidité (ci-après : AI).

Elle relève que la demanderesse a présenté la quotité de ses prétentions dans la partie « en droit », sans offrir de moyen de preuve s'y rapportant. La défenderesse en conclut qu'elle n'a pas besoin de se déterminer à ce sujet, et ajoute qu'elle conteste l'intégralité des arguments exposés dans cette partie.

Elle soutient qu’il ne saurait être question de mettre en œuvre l'expertise psychiatrique judiciaire que sollicite la demanderesse, à défaut d'une allégation de fait en relation avec ce moyen de preuve.

Elle fait valoir que les conclusions des médecins des assureurs sociaux et privés sont superposables, projet de décision de refus de prestations de l'AI du 4 octobre 2021 à l'appui.

En s'appuyant sur l'art. B10 ch. 1 des CGA, la défenderesse se prévaut de la compensation, dans l'éventualité où elle devrait prester : les prestations seraient limitées à la différence entre l'indemnité journalière et le montant alloué par l'AI ou l'assurance-chômage.

f. Une audience de débats d'instruction et de premières plaidoiries s'est tenue le 24 mai 2022.

La demanderesse a offert de prouver que son incapacité de travail avait perduré à 100% au-delà du 8 mars 2020, et même au-delà du 1er mai 2020, jusqu'au 12 juillet 2020, par le biais d’une expertise psychiatrique judiciaire, de l'audition du Dr C______ et de sa comparution personnelle, en plus des pièces versées à la procédure.

Elle a expliqué que si elle avait retiré sa demande de prestations de l’AI en août 2020, c’est parce que son incapacité de travail avait duré moins d'une année.

La défenderesse a offert de prouver que l'incapacité a été de 50% à compter du 8 mars 2020 et de 0% à compter du 1er mai 2020. À cet effet, elle a requis l'apport du dossier AI, mais s’est opposée à la mise sur pied d'une expertise complémentaire, la cause étant à son avis suffisamment instruite.

Sur quoi, la Cour de céans a ordonné l'ouverture des débats principaux et donné la parole aux parties.

La demanderesse a réaffirmé qu'elle était sous médicament lorsqu'elle s’est rendue à l'examen du Dr F______ (deux comprimés de Xanax, un quart d'heure avant l'entretien), de sorte qu'elle se sentait « sédatée ». Les activités mentionnées par l'expert comme « activités de plaisir » étaient en réalité des activités suggérées par son médecin à titre de « thérapie alternative » (marcher dans la nature, lire des textes en lien avec son état, etc.). Le but était qu'elle retrouve le plaisir des choses de la vie, mais elles restaient très limitées, car elle n'en avait pas vraiment la force. Cela lui coûtait déjà un énorme effort. Elle avait très peur des antidépresseurs et avait une sensibilité aux médicaments. Elle souffrait facilement de migraines. Lorsqu'elle était étudiante, il lui était arrivé de prendre un comprimé de Xanax qu'elle n'avait pas supporté. Dans ces conditions, elle souhaitait ne pas prendre tout de suite des antidépresseurs et essayer d'abord les méthodes alternatives proposées par son médecin, d'autant qu'elle était maman. Elle n'a consenti à prendre un traitement médicamenteux qu'en mai 2020, lorsque son état s'est dégradé. Son médecin lui a alors prescrit de la Fluoxetine et de l'Alprazolam (= Xanax). Ce qu'elle redoutait s'était produit : une accoutumance s'était déclarée et elle avait demandé à doubler, voire tripler les doses rapidement. En ayant assez d'être somnolente et droguée toute la journée, elle avait ensuite stoppé tout, elle ne se souvenait plus quand exactement (cf. pièce 39 : ordonnance jusqu'à décembre 2020). Sa rechute de mai 2020 n'est pas imputable à l'arrêt des indemnités journalières, mais au contexte général du Covid et l'incertitude qui en découlait ; ses angoisses se sont accentuées, son mari étant de santé fragile. Elle se questionnait également sur sa capacité à reprendre un travail. Jusqu'au 12 juillet 2020, elle était incapable de se projeter dans la vie professionnelle et d'affronter ses anciens collègues et sa manager. C'est de sa propre initiative qu'elle a pris deux Xanax avant l'expertise, dans l'espoir de se calmer. Elle ne se souvient pas si elle en a parlé à son médecin. Comme cela faisait partie de son traitement, elle les a « calés » avant l'examen. Elle n'avait pas pour habitude de prendre du Xanax.

La demanderesse a persisté dans les conclusions de sa demande et de sa réplique.

La défenderesse a également persisté dans les conclusions de sa réponse et de sa duplique.

Sur quoi, la Cour de céans a admis les offres de preuves des parties, ordonné l'apport du dossier AI de la demanderesse, réservé l'interpellation du Dr C______ ainsi que la possibilité d'ordonner une expertise psychiatrique judiciaire si cela s'avérait nécessaire, et déclaré l’ordonnance de preuves immédiatement exécutoire.

g. Par ordonnance du 30 mai 2022, la Cour de céans a requis la production par l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) du dossier de la demanderesse.

h. Celui-ci, reçu le 21 juin 2022, contient notamment :

‒        un formulaire de détection précoce déposé le 18 décembre 2019, mentionnant une incapacité de travail totale depuis le 31 octobre 2019 ;

‒        une demande de prestations AI déposée le 21 janvier 2020 invoquant les atteintes suivantes : burnout, état anxio-dépressif, épuisement physique et psychique dû au harcèlement, menaces, intimidations et mobbing subis de manière répétitive au travail ;

‒        un rapport du Dr C______ réceptionné par l'OAI le 18 février 2020, posant le diagnostic de trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère (F33.2), mentionnant dans la rubrique « status psychiatrique » : fatigue physique et psychique, anxiété, insomnie, angoisse, anhédonie, aboulie, perte d'appétit, perte de poids ; dans la rubrique « déroulement d'une journée-type » : isolement social et familial, renfermement sur soi ; dans la rubrique « répercussion de l'atteinte à la santé dans les domaines courants de la vie » : fort impact sur la vie sociale, sur le ménage, sur le statut de mère et d'épouse, difficultés à effectuer les démarches administratives et sociales, mais la capacité du rôle de mère était toujours conservée ; les limitations fonctionnelles étaient : manque de concentration, troubles de mémoire, insomnie, fatigue, angoisse, irritabilité ; la capacité de travail était nulle dans toute activité ; le début de la prise en charge remontait au 31 octobre 2019, l'évolution était lente et fluctuante, sans traitement chimiothérapique, l'assurée étant très sensible à l'effet des médicaments, la psychothérapie, qui consistait en une séance hebdomadaire, était bien suivie et permettait une lente amélioration ;

‒        un rapport du Dr C______ du 15 mai 2020, dans lequel il mentionne une évolution fluctuante, des manifestations d'angoisse dépressive massive, un état d'épuisement physique et psychique, des insomnies avec des ruminations anxieuses et tristes, une labilité émotionnelle avec des pleurs faciles persistaient ; les deux dernières consultations remontaient au 11 et 15 mai 2020 ; les restrictions étaient notamment un trouble de l'attention, et une excitation psychomotrice ; la patiente était incapable d'exercer une activité adaptée, car elle souffrait d'une angoisse dépressive massive avec des ruminations tristes et anxieuses, des idées de mort, un état d'épuisement physique et psychique, et des insomnies d'endormissement et de « rendormissement » ; le traitement consistait en une psychothérapie intensive à raison d'un entretien par semaine, et au vu de l'aggravation de l'état de santé, un traitement médicamenteux avait été prescrit (antidépresseur et benzodiazépine) ;

‒        un avis du Service médical régional de l'AI (ci-après : SMR) du 7 juillet 2020, retenant que l'assurée avait présenté un épisode dépressif (sévère ou moyen selon les intervenants), qui s'était aggravé en mai 2020 (licenciement et difficultés financières), et concluant qu'il ne pouvait pas suivre l'opinion de la Dre D______, qui avait fait une anticipation de la capacité de travail, tout en préconisant un traitement antidépresseur afin d'améliorer les troubles psychiatriques ; le SMR considérait que l'état de santé de l'assurée n'était pas stabilisé et proposait d'adresser un questionnaire au psychiatre traitant dans six mois ;

‒        une note interne du 6 septembre 2021, dans laquel l'OAI mentionnait que, malgré toutes ses tentatives, il était demeuré sans réponse de la part du médecin de l'assurée ;

‒        un courrier de l'assurée reçu par l'OAI le 6 septembre 2021, par lequel elle retirait sa demande de prestations AI ;

‒        un avis du SMR du 28 septembre 2021, considérant que l'assurée avait présenté un épisode dépressif, dont on ne pouvait dire qu'il s'était aggravé en mai 2020 (éléments contextuels ne relevant pas de l'AI : licenciement et difficultés financières) et dont l'évolution avait été favorable selon l'expertise psychiatrique du Dr F______, que l'OAI considérait convaincante ; il fallait ainsi admettre une pleine capacité de travail dans toute activité dès le 1er mai 2020.

i. Dans ses écritures du 29 juillet 2022, la demanderesse argue que le dossier AI n'apporte aucun élément probant pour clarifier son droit aux prestations de l'assurance perte de gain : son psychiatre traitant n'ayant pas répondu aux questions complémentaires de l'OAI, il n'existait pas d'autre rapport médical que l'expertise du Dr F______. Par ailleurs, le SMR n'avait aucune raison d'investiguer davantage la situation médicale, dès lors qu'elle avait retiré sa demande de prestations et que l'invalidité avait duré moins d'une année.

j. Dans ses observations du 12 août 2022, la défenderesse considère que l'OAI a exhaustivement instruit le dossier de l'assurée, que les constatations des Drs D______ et F______ se rejoignent quant à la pleine capacité de travail de la demanderesse dès le 1er mai 2020 et que les conclusions des assureurs sociaux et privés sont superposables.

k. Une audience d'enquêtes a eu lieu le 16 août 2022, lors de laquelle le Dr C______ a été entendu.

Il a déclaré que la demanderesse l'avait consulté pour la première fois le 21 octobre 2019.

Elle souffrait de troubles anxio-dépressifs se manifestant physiquement par une grande fatigue, mais aussi une excitation psychomotrice, de l'insomnie, de grandes angoisses et des idées tristes.

Il l'avait mise en arrêt à 100% à compter d'octobre 2019. À un moment donné, l'incapacité n'avait été plus que de 50%, mais il ne se souvenait plus à partir de quand. L'arrêt de travail avait duré jusqu'en mai 2021.

L'état de santé de la demanderesse avait beaucoup fluctué dans le temps. Au départ, les symptômes étaient déjà très intenses. Ils s'étaient encore aggravés durant la période Covid. En octobre 2019, il avait suggéré à la patiente un traitement à base de Fluoxétine et d'Alprazolam, qu'elle avait refusé de prendre par crainte de l'accoutumance et des effets secondaires (notamment la levée d'inhibition s'agissant des antidépresseurs). Ce n'était qu'en mai 2020, à la suite de l'aggravation de son état, qu'elle avait accepté de prendre ces deux médicaments. S'en était suivie au bout de quelques mois une amélioration de son état. C'est alors qu'il avait diminué l'arrêt de travail à 50% ; la patiente était encore trop fragile pour reprendre à plein temps.

Le dosage de Xanax était de 0,25 mg trois fois par jour en plus de la Fluoxétine (20 mg par jour, un dosage important, le minimal étant de 10 mg par jour).

S'agissant de la période antérieure à l'acceptation des médicaments, le suivi avait consisté en un rapprochement des consultations (une par semaine, avec un contact téléphonique quotidien). Il avait également prescrit à sa patiente une activité physique sous forme de marche, ainsi que de la lecture, pour tenter de lui redonner goût aux choses.

Les antidépresseurs avaient eu pour effets secondaires principaux de la fatigue, des maux de tête et des difficultés de sommeil ; les anxiolytiques avaient eu des effets sur sa vigilance, sa capacité de concentration et ses capacités mnésiques ; il lui était par exemple plus difficile de conduire. Il avait continué à prescrire ce traitement à la patiente jusqu'à sa retraite en juin 2021. Il ignorait si elle avait trouvé un autre médecin et si elle continuait à prendre le traitement.

La demanderesse a répondu avoir arrêté le traitement d'un coup – contrairement aux conseils du docteur – durant l'été 2021, sans pouvoir dire quand exactement.

Les diagnostics avaient été ceux d'état anxio-dépressif, d'abord de degré sévère, puis moyen sous médication, et d'état de stress post-traumatique. Les critères qui lui avaient permis d'évoquer le premier diagnostic avaient été évoqués en début d'audience (anxiété, excitation, insomnie, tristesse, fatigue, auto-dévalorisation). Les relations très difficiles que sa patiente avait dû vivre avec sa hiérarchie qui l'avaient profondément déstabilisée, et qui avaient entraîné des difficultés à se projeter dans un retour à son poste, les cauchemars, ainsi que la fatigue l'avaient conduit à poser le deuxième diagnostic.

Il n’était pas d’accord avec les conclusions du Dr F______, dont il a rappelé qu’il n’avait vu sa patiente qu’un temps limité, alors que lui la suit depuis longtemps.

Il ne voyait pas de contre-indication à retenir conjointement les deux diagnostics évoqués (cf. rapport du 4 juillet 2020, page 14, pièce 33 dem.).

Aux remarques du Dr F______ concernant les incohérences entre la description de la vie quotidienne de la patiente, incompatible avec le diagnostic d'épisode dépressif sévère, le témoin a répondu que le fait d’aller marcher quotidiennement et de lire ne sont pas des démonstrations que son état était suffisamment stable, mais la simple mise en pratique de la prescription qu’il lui avait faite pour améliorer son état. Elle ne faisait que suivre ses instructions.

S'agissant des limitations fonctionnelles de la demanderesse, la sévérité de son état initial avait entraîné des baisses de vigilance qui limitaient sa capacité de conduire (baisse entretenue par la suite par le traitement anxiolytique et ses effets secondaires). Son état se traduisait par le fait qu'elle était très peu occupée, obnubilée par des idées obsédantes, des angoisses et des idées tristes qui avaient eu pour conséquence une baisse de motivation et d'initiative, et principalement la peur de reprendre son poste.

La demanderesse était avant ses problèmes de santé une personne dynamique aimant son travail. Même si elle avait été un moment submergée par les difficultés, elle avait conservé la volonté de s'en sortir et de reprendre une activité.

Le témoin avait effectivement tenté de prendre contact avec le Dr E______ pour discuter du cas de la patiente comme cela se fait normalement, en vain.

Il avait discuté des examens d'expertise avec sa patiente, une semaine après lesdits examens à son souvenir. Elle lui avait fait part de son ressenti et du fait qu'elle avait vécu l'un d'entre eux comme difficile. Elle lui avait également indiqué avoir pris des anxiolytiques pour supporter cette épreuve, ce qui l'avait effectivement apaisée. L'expert en faisait état d'ailleurs lorsqu'il relevait qu'elle était d'humeur « assez gaie ».

À l'issue de l'audience, le témoin s'est engagé à communiquer à la Cour de céans dans le délai imparti les dates et taux précis des arrêts de travail qu'il avait délivrés.

l. Par écriture du 20 septembre 2022, la demanderesse allègue que son arrêt de travail a été de 100% du 31 octobre 2019 au 26 juillet 2020, avec reprise du travail le 13 juillet 2020. À l'appui de ses dires, elle se réfère à la pièce 4 de son chargé de pièces.

Elle considère que l'expertise du Dr F______ n'est pas probante, dès lors qu'elle ne reflète pas son état de santé. Elle précise n'avoir pas refusé de traitement, mais choisi une thérapie alternative intensive (consultations hebdomadaires et contact téléphonique quotidien avec le psychiatre traitant), puis avoir accepté les médicaments dès l'aggravation de son état de santé. Elle estime ainsi avoir déployé tous les efforts qu'on pouvait attendre d'elle pour améliorer son état de santé.

Elle fait grief à la défenderesse de ne pas s'être prononcée sur le rapport du Dr C______ du 5 juillet 2021.

Elle réitère sa demande d’expertise psychiatrique judiciaire dans l'éventualité où son incapacité de travail ne devrait pas être admise jusqu'au 12 juillet 2020.

m. Dans un rapport du 4 octobre 2022, le Dr C______ a attesté que le taux d'incapacité de travail de sa patiente avait été de 100% du 31 octobre 2019 au 26 juillet 2020.

n. Par écriture du 31 octobre 2022, la défenderesse expose que le Dr C______ n'a pas été en mesure d'indiquer le motif ou la durée de l'incapacité de travail. Ses explications à ce sujet sont demeurées floues, lacunaires, incohérentes et contradictoires. Les informations mentionnées dans son dernier rapport sont en contradiction avec ses déclarations à l'audience. D'ailleurs, si, au moment de l'annonce du sinistre, l'employeur avait fait part de ses doutes quant à l'incapacité de travail de son employée, c’est parce que le Dr C______ avait émis des certificats d'arrêt de travail ne contenant pas de renseignements suffisants.

La défenderesse répète qu'aucun élément médical objectif au dossier ne permet de s'écarter de l'opinion du Dr F______.

o. Dans son écriture du 2 décembre 2022, la demanderesse indique que l'erreur de son psychiatre traitant dans les dates des incapacités de travail ne suffit pas à invalider toutes ses déclarations. Il a été clair sur les symptômes qui lui ont permis de poser ses diagnostics. Elle rappelle avoir souffert d'une décompensation psychique en raison d'un épuisement professionnel et d'un conflit de travail.

Elle ne comprend pas la position de la défenderesse consistant à lui reprocher d'avoir pris des médicaments avant l'expertise et en même temps de ne pas en prendre.

Elle ignore à quelles « déclarations spontanées » la défenderesse fait allusion, dès lors qu'elle a fait part à l'expert de ses symptômes, de son inquiétude par rapport à sa situation professionnelle, et du fait qu'elle ne faisait pas grand-chose au quotidien, passant ses journées à la maison et ne s'intéressant à plus rien, en soulignant que ses dires auraient été les mêmes si elle n'avait pas pris de médicaments.

Elle considère que l'expertise, qui n'a duré que quelques heures, effectuée par un médecin qui lui était inconnu, doit être écartée.

p. Dans son écriture du 20 décembre 2022, la défenderesse fait valoir que les certificats du Dr C______ n'ont aucune valeur probante ; il s’est régulièrement trompé dans les dates et les taux d'incapacité de travail.

Elle ajoute que le grief tiré d'un manque d'indépendance du Dr F______ est infondé, et que la demanderesse ne l’a d’ailleurs soulevé qu’après avoir constaté que son rapport lui était défavorable.

Elle estime que l'allégation d'une péjoration de l'état de santé au moment de l'annonce de la fin des prestations, et celle de la prise de deux Xanax avant l'expertise (spontanément, sans ordonnance et malgré la réticence de principe de la demanderesse à la prise de médicaments) n'ont pas d'autre but que de jeter maladroitement un doute sur le résultat de l'expertise. La demanderesse reconnaît d'ailleurs que ses déclarations à l'expert « auraient été les mêmes si elle n'avait pas pris de médicaments ». Il faut donc en déduire que l'expert a pu se faire une idée précise des occupations quotidiennes de la demanderesse à l'époque.

q. Par écriture du 16 janvier 2023, la demanderesse répète que l'erreur du Dr C______ dans les dates de ses incapacités de travail ne change rien à la valeur probante des certificats qu'il a émis.

La défenderesse persiste à lui reprocher d'avoir pris des médicaments tout en formulant le reproche inverse le reste du temps. La prise de ces médicaments a été faite sous contrôle et ordonnance de son médecin traitant.

Selon elle, le Dr F______ n'a pu constater son état de santé général, ni retenir le diagnostic correspondant pourtant aux symptômes qu'elle a décrits.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

1.2 Le contrat d'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie couvrant le risque de perte de gain, soumis à la LCA, relève de l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie sociale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_47/2012 du 12 mars 2012 consid. 2 ; 4A_118/2011 du 11 octobre 2011 consid. 1.3 et les références citées).

1.3 Selon l'art. F2 des CGA, le contrat d'assurance est régi par la LCA en complément aux CGA.

La compétence de la Cour de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

 

2.              

2.1 L'art. 46a LCA, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2021, disposition qui a été abrogée lors de la révision de la LCA entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (Message du Conseil fédéral concernant la révision de la LCA du 28 juin 2017, FF 2017 4767 p. 4800), prescrivait que le for se définissait selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient donc de se référer.

2.2 Sauf disposition contraire du CPC, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

2.3 En l’occurrence, l’art. F1 des CGA prévoit que le preneur d'assurance ou les ayants droits peuvent intenter une action contre AXA : au lieu de leur domicile en Suisse ; au lieu de leur travail en Suisse ; à Winterthur.

La demanderesse, en sa qualité d'assurée, ayant travaillé dans le canton de Genève, la Cour de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la demande.

3.              

3.1 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

3.2 Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, de sorte qu’elle est recevable.

4.              

4.1 Sur le plan matériel, la LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (modification du 19 juin 2020 ; RO 2020 4969 ; RO 2021 357).

4.2 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle qui était en vigueur lors de réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

4.3 Selon la disposition transitoire relative à cette modification, seules les prescriptions en matière de forme (let. a) et le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b (let. b) s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de cette modification. S’agissant des autres dispositions de la LCA, elles s’appliquent uniquement aux nouveaux contrats (Message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, FF 2017 4812).

4.4 En l'occurrence, le contrat d'assurance a été conclu avant le 1er janvier 2022 et l’objet du litige ne porte ni sur des prescriptions en matière de forme, ni sur le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b LCA, de sorte que les dispositions de la LCA applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Le litige porte sur le droit éventuel de la demanderesse à des indemnités journalières au-delà du 30 avril 2020, date à laquelle la défenderesse a mis fin auxdites prestations, singulièrement sur la question de savoir si la demanderesse présentait une incapacité de travail de 100% pour cause de maladie postérieurement à cette date.

6.              

6.1 La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la Chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

La maxime inquisitoire sociale vise à protéger le cocontractant faible, à garantir l'égalité entre parties et à favoriser le déroulement rapide de la procédure. Les parties restent tenues de soumettre au tribunal la trame factuelle sur laquelle portera son jugement. Le juge, en particulier lorsqu'il est confronté à des parties représentées par des avocats, n'a pas à investiguer dans les pièces pour tenter d'y trouver un argument favorable à celle qui les a produites. En présence de personnes assistées, il doit bien plutôt faire preuve de retenue, à l'instar de ce qui prévaut dans un procès ordinaire (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). La portée de la maxime inquisitoire sociale s'apprécie aussi en considération du principe de disposition ancré à l'art. 58 al. 1 CPC, véritable prolongement procédural de l'autonomie privée gouvernant le droit civil. Ce dernier précepte implique en particulier que le juge intervient à la seule initiative des parties, auxquelles il échoit de définir le cadre du procès et de déterminer dans quelle mesure elles veulent faire valoir les moyens et prétentions qui leur appartiennent (arrêt du Tribunal fédéral 4A_563/2019 du 14 juillet 2020 consid. 4.2 et les références, [consid. non publié aux ATF 146 III 339]).

6.2 Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est en revanche pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

6.3 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c ; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

7.              

7.1 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

7.2 En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

7.3 En ce qui concerne la survenance d’un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve toutefois la possibilité d’apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l’exactitude des allégations formant l’objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

Cependant, dans un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal fédéral a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1 in fine). Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).

Cette précision de jurisprudence concerne le droit matériel et est donc directement applicable (ATF 146 I 105 consid. 5.2.1 ; 140 IV 154 consid. 5.2.1), y compris au présent litige.

8.              

8.1 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

8.2 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2).

Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).

8.2.1 En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

8.2.2 Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. S'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire (ATF 129 I 49 consid. 4). De tels motifs déterminants existent notamment lorsque l'expertise contient des contradictions, lorsqu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_8/2008 du 31 mars 2008 consid. 3.2.1).

8.2.3 L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5). Les déclarations orales d'un expert privé entendu comme témoin ne sauraient conférer une valeur de preuve aux allégations contenues dans son rapport (arrêt du Tribunal fédéral 5D_59/2018 du 31 août 2018 consid. 4.2.3 et les références).

8.2.4 En ce qui concerne les rapports des médecins de l’assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d’évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2021 consid. 7.1).

9.              

Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le 1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au droit privé, plus particulièrement à la LCA ; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa). Comme l'art. 100 al. 1 LCA renvoie à la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) pour tout ce qu'elle ne règle pas elle-même, la jurisprudence en matière de contrats est applicable. D'après celle-ci, les conditions générales font partie intégrante du contrat. Les dispositions contractuelles préformulées sont en principe interprétées selon les mêmes règles que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 ; ATF 122 III 118 consid. 2a ; ATF 117 II 609 consid. 6c).

La LCA ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2). Le droit aux prestations d'assurances se détermine donc sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.263/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

9.1 Selon l'art. B1 par. 1 des CGA, AXA sert les prestations mentionnées dans la police pour les conséquences économiques de l'incapacité de travail due à une maladie.

Selon l'art. A4 des CGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical et provoque une incapacité de travail (par. 1). Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une maladie. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité (par. 2).

Selon l'art. B8 par. 2 des CGA, lorsque l'assuré est totalement dans l'incapacité de travailler, AXA paie l'indemnité journalière mentionnée dans la police. En cas d'incapacité de travail partielle, l'indemnité est fixée proportionnellement au degré de cette incapacité ; toutefois, si l'incapacité de travail est inférieure à 25%, elle ne donne pas droit au versement d'une indemnité.

10.          

10.1 En l'occurrence, la demanderesse requiert le versement d'indemnités journalières correspondant à une incapacité de travail de 100% pour la période s'étendant du 1er mai au 12 juillet 2020, en se basant sur les certificats d'arrêt de travail et les rapports émis par son psychiatre traitant. Par contre, la défenderesse, en s'appuyant sur le rapport d'expertise psychiatrique du 4 juillet 2020, estime ne pas devoir verser ces prestations au-delà du 30 avril 2020, la demanderesse disposant d'une capacité de travail entière.

10.2 Cette expertise se fonde sur les rapports du psychiatre traitant, une anamnèse complète, l'examen clinique de la demanderesse qui a eu lieu le 29 juin 2020 et tient compte de ses plaintes. L'expert, sur la base de ses observations, a conclu que celle-ci ne présentait le jour de l'expertise aucun diagnostic psychiatrique (p. 12), et en conséquence, aucune limitation fonctionnelle incapacitante (p. 17), en soulignant que l'inquiétude de la demanderesse face à la précarité de sa situation financière était une réaction émotionnelle physiologique, non maladive (p. 13).

En particulier, la demanderesse était bien orientée dans le temps et l'espace, sans trouble de la conscience ou de la vigilance, ni signe d'agitation ou trouble cognitif, ni ralentissement psychomoteur. La mémoire épisodique était bien préservée, de même que les capacités de raisonnement et de compréhension. Il n'existait pas de trouble attentionnel, de déficit de concentration, de fatigabilité mentale ou de trouble de la pensée. L'expert n'a constaté aucun symptôme de la lignée dépressive durant son examen particulièrement long (2h45, p. 2 et 14) ; la demanderesse se montrait euthymique, sans signe de réduction de l'énergie, d'anhédonie ou d'apragmatisme (p. 11). Elle ne présentait pas d'anxiété manifeste (l'attitude face à l'avenir était craintive mais pas morose), d'état d'excitation psychomotrice, d'irritabilité, ou de labilité émotionnelle (p. 13). Elle ne verbalisait pas non plus d'idées noires ou suicidaires (p. 12).

Après avoir expliqué de manière circonstanciée les motifs pour lesquels le diagnostic d'épisode dépressif devait être écarté le jour de l'expertise (p. 14), l'expert a exposé les raisons pour lesquelles les autres diagnostics différentiels, dont ceux retenus par le psychiatre traitant, devaient être exclus, également au jour de l'expertise. Ainsi, le diagnostic de trouble dépressif récurrent, d'après le psychiatre traitant, paraissait infondé, en l'absence d'antécédent psychiatrique avant 2019. Le diagnostic de trouble de l'adaptation ne pouvait pas être posé, à défaut d'une perturbation émotionnelle exagérée, extrême, complètement hors de proportion par rapport à la nature du facteur de stress (les difficultés financières). Il en allait de même du diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte, auquel le psychiatre traitant semblait faire référence, faute d'une symptomatologie dépressive ou anxieuse suffisamment marquée, les perturbations émotionnelles liées aux facteurs de stress constituant par ailleurs un critère d'exclusion dudit diagnostic (p. 14-15). Enfin, le harcèlement dont avait été victime la demanderesse sur son lieu de travail ne constituait pas un facteur de stress assimilable à ceux (exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles) qui déclenchent le trouble de stress post-traumatique, auquel le psychiatre traitant faisait allusion (p. 16).

S'agissant de la période antérieure au 29 juin 2020, l'expert, au vu des déclarations de la demanderesse quant aux fonctions de sa vie quotidienne, a estimé que la pleine capacité de travail devait préexister à l'expertise. Il a également relevé plusieurs incohérences.

La demanderesse a déclaré avoir enseigné à ses deux enfants (six heures au quotidien) durant la période de confinement en France (de mars à juin 2020), lire des livres ou différents articles de presse, en anglais ou en français, faire des promenades au bord du lac tous les deux jours depuis l'introduction du traitement médicamenteux (soit en mai 2020), assumer différentes tâches administratives (rédaction de courriels et courriers, démarches pour défendre ses droits dans le cadre du litige avec l'assureur), regarder la télévision (émissions, reportages, nouvelles), et passer du temps avec sa famille (contacts à distance pendant le confinement ; p. 9-10).

L'expert en concluait que les limitations invoquées (incapacité de travail attestée par le psychiatre traitant) n'étaient pas uniformes dans tous les domaines de la vie, rendant le comportement de la demanderesse peu cohérent, d'autant que la prescription d'un traitement anxiolytique à faible dose ne concordait pas avec la sévérité du trouble anxieux dépressif retenu par le psychiatre traitant dans son rapport du 3 juin 2020, qu'une personne atteinte d'un tel trouble sévère serait incapable d'assumer l'enseignement de deux enfants durant six heures au quotidien pendant plusieurs semaines, et que les plaintes de l'expertisée (importants troubles de la concentration et troubles mnésiques) n'étaient pas superposables aux constatations objectives cliniques (p. 17-19).

Dans son rapport du 5 juillet 2021, le psychiatre traitant, qui s'est déterminé sur l'expertise, s'est contenté de répéter les symptômes de sa patiente, déjà connus de l'expert, et de confirmer ses diagnostics.

À l'audience du 16 août 2022, le psychiatre traitant a affirmé que les anxiolytiques avaient eu des effets sur la vigilance, la capacité de concentration et les capacités mnésiques de sa patiente. Or, il semble ici uniquement rapporter les dires de celle‑ci, car l'expert n'a pas observé de tels symptômes, alors que la demanderesse indique présentement avoir pris deux comprimés de Xanax avant l'expertise. En outre, le psychiatre traitant s'est borné à mentionner que le comportement de la demanderesse n'était pas incohérent du fait qu'elle faisait des promenades quotidiennes et lisait, car il s'agissait là de mesures thérapeutiques qu'il lui avait prescrites. Ceci étant, le psychiatre traitant n'a aucunement contesté les autres incohérences soulevées par l'expert.

Par ailleurs, dans ses rapports des 3 juin et 5 juillet 2020, le psychiatre traitant a retenu un trouble dépressif de degré sévère, totalement incapacitant. À l'audience, toutefois, il a déclaré que ce trouble était de degré moyen sous médication (soit dès mai 2020), et que l'amélioration de l'état de santé avait ensuite conduit à un arrêt de travail à 50%.

Dans ses certificats d'arrêt de travail des 30 avril, 29 mai et 26 juin 2020, le psychiatre traitant ne s'est pas prononcé sur le taux de l'incapacité de travail. Cependant, dans son rapport du 4 octobre 2022, il a attesté d'une capacité de travail nulle du 31 octobre 2019 au 26 juillet 2020. Ceci vient confirmer la position de l'expert selon laquelle le psychiatre traitant faisait état d'amélioration de la situation médicale tout en reconnaissant une totale incapacité de travail, sans que l'on ne puisse pour autant comprendre quelles étaient précisément les restrictions psychiques de la demanderesse qui l'empêchaient de travailler (à un taux réduit) vu l'amélioration constatée.

Pour le surplus, on ne saurait suivre la demanderesse lorsqu'elle allègue que les constatations cliniques de l'expert ne correspondraient pas à son état normal, au motif que les comprimés pris avant l'expertise avaient calmé son anxiété. Il y a plutôt lieu d'admettre, au vu des observations de l'expert et des dires du psychiatre traitant, que les médicaments ont amélioré l'état de santé de la demanderesse, en parallèle de la psychothérapie et des méthodes de thérapie naturelles.

Dans son écriture du 2 décembre 2022, la demanderesse critique l'expertise, en particulier la description de sa vie quotidienne, en indiquant qu'elle ne faisait pas grand-chose au quotidien, passait ses journées à la maison et ne s'intéressait à plus rien. Or, cette description est celle qui était la sienne à la fin de l'année 2019 et au début du mois de janvier 2020 (rapport d'expertise p. 7), étant relevé que la période ici litigieuse s'étend du 1er mai au 12 juillet 2020, que, l'expertise du 29 juin 2020, complète et détaillée, emporte la conviction, en l'absence d'une contestation motivée, et que le SMR s'est également rallié aux conclusions de l'expert (avis du 28 septembre 2021).

Quant au reproche selon lequel l'expertise était de durée brève, en comparaison au suivi au long cours par le psychiatre traitant, c'est le lieu de rappeler que la durée de l'examen ‒ qui n'est pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical ‒, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l'expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l'état de santé psychique de l'assuré dans un délai relativement bref (arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.2).

Enfin, contrairement à ce que prétend la demanderesse, le simple fait que l'expert officie en tant que médecin-conseil d'assurance ne suffit pas encore à douter de son objectivité ni à soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_172/2013 du 1er octobre 2013 consid. 3.3), pas plus que le fait que l'expert ait eu un contact téléphonique préalable à l'expertise avec un collaborateur de la défenderesse (cf. ATAS/1140/2021 du 11 novembre 2021 consid. 8c). Lors de cet entretien, le collaborateur a indiqué à l'expert que la demanderesse n'avait pas suivi le traitement recommandé par la précédente examinatrice, en raison d'une hypersensibilité alléguée au médicament, mais qu'elle avait ensuite pris un antidépresseur à un moment coïncidant avec la fin des indemnités journalières. Le collaborateur a ajouté qu'il lui enverrait le dossier de la demanderesse, en particulier le dernier rapport du psychiatre traitant, sur quoi, l'expert a répondu qu'il connaissait « de loin » celui-ci, sans que cela ne remette en cause son impartialité. La communication de ces faits par le collaborateur ne permet pas de suspecter qu'elle a pu influencer la réflexion de l'expert, dès lors que, même si cette conversation téléphonique n'avait pas eu lieu, l'expert aurait de toute manière constaté ces faits à la lecture du dossier, en amont de l'expertise.

10.3 En définitive, la demanderesse n'a pas prouvé avoir présenté une incapacité de travail totale du 1er mai au 12 juillet 2020.

Au vu des considérations qui précèdent, par appréciation anticipée des preuves (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2), il est inutile de mettre en œuvre une expertise psychiatrique judiciaire, comme le voudrait la demanderesse, d'autant que cette dernière présente une capacité de travail entière depuis le 13 juillet 2020 (rapport du psychiatre traitant du 10 juillet 2020), rendant son examen par un autre expert impossible, si ce n'est de manière rétrospective au moyen des pièces du dossier déjà discutées.

11.         La demande est rejetée.

 

 

12.         Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge de la demanderesse (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 14 décembre 2021 recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le