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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/968/2023

ATAS/661/2023 du 04.09.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/968/2023 ATAS/661/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 septembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

Représenté par Maître Yves MABILLARD, avocat

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né en 1962, a obtenu un CFC d’électricien mécanicien avant de travailler en tant que gardien d’objet pour une régie immobilière dès octobre 2009.

b. Le 4 février 2019, l’assuré a subi un accident. Alors qu’il portait encore son casque de moto, il a trébuché dans les escaliers d’un immeuble et a chuté d’environ six marches, la tête en avant, et a heurté le sol avec sa tête. Il a subi une brève perte de connaissance. Il a été conduit aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où un traumatisme crânien simple a été diagnostiqué. L’angioscanner cérébral et cervical n’a pas révélé de complication traumatique. Une diploplie était survenue après la chute, sans signe de traumatisme direct au niveau oculaire, mais elle avait disparu à la fin de l’examen ophtalmologique du même jour. Après avoir passé la nuit en observation, l’assuré a regagné son domicile.

Dès cette date, l’assuré a été en incapacité de travail totale, régulièrement attestée par son médecin traitant, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine générale.

L’assurance-accidents (ci-après : la SUVA) a pris en charge les suites de cet événement dans un premier temps.

c. L’assuré a déposé une demande de prestation auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 21 juillet 2019, faisant suite à un rapport de détection précoce du 1er juillet 2019 du Dr B______, évoquant un traumatisme crânio-cérébral avec syndrome post-commotionnel sous forme d’asthénie, de céphalées, de troubles de la concentration et de fatigabilité.

d. L’OAI a recueilli des rapports médicaux des docteurs C______, D______ et E______, tous trois spécialistes FMH en neurologie, F______ et G______, spécialistes FMH en chirurgie orthopédique, H______, spécialiste FMH en neurochirurgie, et B______, ainsi que plusieurs rapports d’imagerie et examens spécialisés, dont un bilan neuropsychologique réalisé par Madame I______, spécialiste en neuropsychologie.

e. Dans une appréciation du 19 septembre 2019, le docteur J______, médecin auprès de la SUVA et spécialiste en neurologie, a retenu que le diagnostic de traumatisme crânio-cérébral sévère posé par le Dr C______ n’était pas compréhensible au vu des troubles et des constats objectifs après l’accident, qui plaidaient tout au plus en faveur d’une légère tension cérébrale d’origine traumatique. Après un traumatisme cérébral léger, des symptômes tels que maux de tête, vertiges, fatigue et troubles visuels pouvaient se manifester, mais ils régressaient généralement en six mois. Au degré de la vraisemblance prépondérante, il n’y avait pas de substrat organique d’origine accidentelle expliquant les atteintes à la santé de l’assuré.

f. Le 24 septembre 2019, la SUVA a adressé à l’assuré une décision selon laquelle elle mettrait un terme au versement de ses prestations le 13 octobre 2019, faute de lien de causalité adéquate entre l’accident et ses troubles.

Saisie d’une opposition à l’encontre de cette décision, elle l’a écartée par décision du 7 janvier 2020.

g. L’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie a mis en œuvre une expertise, qu’elle a confiée à Monsieur K______, spécialiste en neuropsychologie, et au docteur L______, spécialiste FMH en neurologie.Ces experts ont rendu leur rapport le 18 février 2021, dans lequel ils ont conclu à l’absence de diagnostic neurologique et à une capacité de travail totale. Ils ont préconisé une expertise psychiatrique.

h. Le Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) ayant retenu la nécessité d’une évaluation psychiatrique, l’assuré a été invité à consulter un psychiatre aux frais de l’OAI. Celui-ci a vu la docteure M______, spécialiste FMH en psychiatrie, qui dans son rapport du 21 juillet 2021 a écarté tout diagnostic psychiatrique et a conclu à une pleine capacité de travail sur ce plan.

i. Dans son avis du 16 août 2021, le docteur N______, médecin au SMR, a retenu que l’incapacité de travail avait cessé le 13 octobre 2019, comme établi par la SUVA. La capacité de travail était totale dès cette date au plus tard.

Se fondant sur cet avis, l’OAI a adressé le 23 août 2021 à l’assuré un projet de décision rejetant sa demande, dès lors que l’incapacité de travail n’avait pas duré une année. Il n’y avait ainsi pas de droit à une rente.

j. L’assuré a contesté le projet de décision par courrier du 2 septembre 2021, alléguant en substance que son état de santé ne s’était pas amélioré et que le corps médical le considérait incapable de travailler.

k. L’assuré a par la suite adressé plusieurs courriers à l’OAI. Dans sa correspondance du 3 décembre 2021, sous la plume de son mandataire, il a notamment soutenu avoir subi un coup du lapin lors de son accident, hypothèse que les Drs B______ et C______ disaient ne pas exclure dans leurs rapports des 8 et 31 décembre 2021 qu’il a produits à l’appui de sa position. Partant, sa capacité de travail devait être analysée en fonction des critères applicables en matière de troubles somatoformes douloureux.

l. Dans un avis du 2 février 2022, le docteur O______, médecin au SMR, a relevé qu’une IRM avait été récemment pratiquée en raison de parésies du quadriceps gauche, de lombalgies et de douleurs de la hanche gauche. Il conviendrait ainsi de poursuivre l’instruction au plan rhumatologique. Dans son avis du 15 août 2022, ce médecin a répété qu’il était nécessaire de se procurer le rapport de la docteure P______, spécialiste en rhumatologie consultée par l’assuré.

m. Le 17 février 2022, l’assuré a précisé qu’il s’était annoncé à l’assurance-chômage et était indemnisé à hauteur de sa capacité de travail résiduelle de 25%. Il a transmis à l’OAI les décomptes de la caisse de chômage.

n. L’OAI a requis de l’assuré la transmission du rapport de la Dre P______. Celui-ci l’a invité à le demander à cette spécialiste, à qui l’OAI s’est alors directement adressé et qu’il a ensuite relancée le 10 novembre 2022.

o. Dans son avis du 13 février 2023, le Dr O______ a considéré que les nouveaux rapports médicaux produits par l’assuré ne modifiaient pas les précédentes conclusions du SMR.

p. Par décision du 14 février 2023, l’OAI a confirmé les termes de son projet.

B. a. Par écriture du 17 mars 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’OAI devant la chambre de céans. Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement à la mise en œuvre d’une expertise analysant sa capacité de travail en fonction des indicateurs standards, à la reconnaissance d’une invalidité depuis le 4 février 2019, à l’octroi d’une rente entière depuis le 4 février 2020 ; et subsidiairement au renvoi à l’intimé pour instruction complémentaire avec mise en œuvre d’une expertise analysant sa capacité de travail selon les indicateurs standards.

Il a indiqué qu’il avait consulté la Dre P______ le 14 avril 2022. Après avoir détaillé le contenu des différents rapports médicaux, il a répété qu’il avait subi un coup du lapin lors de son accident. Son comportement avait changé depuis l’accident, il était devenu amorphe, apathique et triste. Son état de santé ne s’était pas amélioré avec le temps. Au vu de la nature de l’accident, des troubles constatés, tels que maux de tête, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, irritabilité et modification du caractère, la causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail devait être admise. La détermination de la SUVA n’avait pas valeur probante. Elle était de plus contestable, dès lors que les médecins du recourant avaient retenu un traumatisme sévère. Tous les médecins, notamment le docteur Q______, médecin au service de neurologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), reconnaissaient une incapacité de travail quasi totale en lien avec les troubles consécutifs au traumatisme. Son incapacité de travail était ainsi démontrée.

b. Dans sa réponse du 13 avril 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il ressortait du rapport d'expertise du 18 février 2021 que le recourant ne présentait pas d'atteinte ni de limitations fonctionnelles neurologiques, ce que la Dre E______ confirmait. Au plan psychique, il n’y avait pas d’atteinte avec répercussions sur la capacité de travail. En l'absence de maladie neurologique ou psychiatrique, l’intimé avait à juste titre suivi les conclusions de la SUVA.

L’intimé a produit un avis du SMR du 6 avril 2023. La docteure R______ a retenu que le rapport du Dr Q______ ne contenait pas d’élément de nature à modifier les conclusions du SMR. Les crises de tétanie du recourant relevaient d’un trouble fonctionnel, et les limitations fonctionnelles résultant d’un tel trouble, d'un syndrome post-commotionnel et d'un coup du lapin, devaient être examinées selon les indicateurs standards de gravité. Il n'avait pas été constaté de fatigabilité, l'assuré étant plutôt vif et performant. Les tâches de validation de symptômes étaient normales. L'expert neuropsychologue avait conclu à des troubles neuropsychologiques minimaux, sans incidence sur la capacité de travail. Le recourant ne prenait pas de traitement médicamenteux. Sur le plan psychiatrique, il n’y avait ni atteinte à la santé ni limitation fonctionnelle. Le recourant déclarait ne plus rien faire, mais il était indépendant dans les activités de la vie quotidienne, se déplaçait seul en voiture, aidait sa femme à faire les courses et faisait des promenades.

c. Par écriture du 16 mai 2023, le recourant a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

d. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé le 14 mai 2023.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Conformément aux principes de droit intertemporel, selon lesquels en cas de changement de règles de droit, la législation applicable est en principe celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), les nouvelles dispositions ne sont pas applicables puisque la présente procédure porte sur des faits antérieurs à leur entrée en force et que le droit éventuel à une rente d’invalidité prendrait naissance antérieurement au 1er janvier 2022.

3.             Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le présent recours est recevable (art. 56 à 61 LPGA).

4.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité.

5.             En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L’art. 28 al. 2 LAI dispose que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

6.             La notion d'invalidité définie à l'art. 8 LPGA est en principe identique dans l'assurance-accidents, l'assurance militaire et l'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d). Il n'en demeure pas moins que l'évaluation de l'invalidité par l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3) et inversement (ATF 133 V 549 consid. 6). Ce principe s'applique également lorsque dans les deux procédures d'assurance concernant l'examen d'un éventuel droit à une rente d'invalidité, la capacité de travail résiduelle de l'assuré est évaluée de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2022 du 25 avril 2023 consid. 4.3.1).

On doit encore préciser ici que la responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1). Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte la santé. Il faut que d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, l'accident soit propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2007 du 22 octobre 2008 consid. 5.1), au point que le dommage puisse encore équitablement être mis à la charge de l'assurance-accidents, eu égard aux objectifs poursuivis par la LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2008 du 5 décembre 2008 consid. 3.1). Lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu de certains critères en relation avec cet événement, tels que notamment les circonstances de l’accident, la gravité des lésions et la durée anormalement longue du traitement médical (cf.  arrêt du Tribunal fédéral 8C_729/2016 du 31 mars 2017 consid. 5.2).

7.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

7.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c).

7.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

8.             Dans un arrêt portant sur les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part.

8.1 Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (F 45.5), qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

8.2 Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).

8.3 Lorsque l'origine organique des pathologies en cause n’est pas établie, il convient d’en examiner le caractère invalidant de celles-ci à l'aune des indicateurs définis par la jurisprudence relative aux troubles somatoformes douloureux et aux autres affections psychiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_409/2022 du 14 décembre 2022 consid. 5.1). Une atteinte de la colonne cervicale (traumatisme de type « coup du lapin ») ou une atteinte de la tête après un traumatisme crânio-cérébral sans déficit organique - sont attribuées, en relation avec leurs effets invalidants, aux atteintes psychosomatiques sans étiologie claire pour des raisons qui tiennent à l'égalité de traitement, et sont évaluées selon les règles valables par analogie pour celles-ci (arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2018 consid. 3.3). 

8.4 À l'instar de ce qui prévaut en matière d'expertises réalisées selon les anciens standards de procédure, il n'y a pas lieu de nier d'emblée toute valeur probante au rapport d'expertise qui ne contiendrait pas une analyse selon les nouveaux indicateurs. Il convient plutôt d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives ou judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Il revient en outre aux organes chargés de l'application du droit (soit à l'administration ou au tribunal en cas de litige) de procéder à l'appréciation définitive de la capacité de travail de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2 et les références). S'il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, l'évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l'administration ou, en cas de litige, de celui du juge (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 du 6 septembre 2021 consid. 4.4 et les références).

8.5 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a ainsi pas à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.             L'art. 43 LPGA régit l'instruction de la demande. Il précise que l'assureur examine les demandes, prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1). Si l'assuré ou d'autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l'instruction, l'assureur peut se prononcer en l'état du dossier ou clore l'instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

Le principe inquisitoire ancré à l’art. 43 LPGA n’a pas une portée absolue, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de renseigner et de collaborer à l'instruction de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_741/2019 du 2 juin 2020 consid. 4.1). L'obligation de  collaborer prévue par la loi a une portée générale en assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2009 du 9 septembre 2009 consid. 4.2.1). Ce devoir comporte en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi la partie concernée s'expose à devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (ATF 139 V 176 consid.  5.2). Au surplus, la portée du principe inquisitoire est restreinte lorsque l'assuré est assisté d'un mandataire professionnel (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en l'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 139 V 176 consid. 5.2).

10.         En l’espèce, l’intimé s’est rallié à l’appréciation de la SUVA pour exclure toute incapacité de travail au-delà du 13 octobre 2019.

Il faut rappeler que la SUVA ne répond que des atteintes en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré, alors que l’assurance-invalidité vise à compenser les pertes de gain liées à tout trouble dont les effets incapacitants sont démontrés, même sans substrat organique.

Il y a ainsi lieu de déterminer si le dossier constitué permet d’établir une telle perte de gain, indépendamment de la reconnaissance d’un lien de causalité avec l’accident de février 2019.

10.1 En mars 2019, le Dr C______ a retenu un syndrome post-commotionnel sévère, mais l’examen clinique et le bilan paraclinique étaient rassurants. Ce médecin a préconisé la reprise progressive de l’activité professionnelle à la fin de l’arrêt de travail établi par le Dr B______.

10.2 Une IRM de la colonne cervicale du 11 mars 2019 a conclu à l’absence d’arguments en faveur d’un tassement vertébral, d’une fracture osseuse d’allure récente de l’arc neuronal, d’une contusion osseuse post-traumatique, d’une myélopathie post-traumatique, ou encore d’un hématome épidural. L’assuré présentait une spondylodiscarthrose modérée C3-C4 à C5-C6 dans un contexte d’anomalies de segmentation, sous forme d’une fusion partielle des corps vertébraux de C6-C7 et complète des articulations interfacettaires postérieures C6‑C7. Ces remaniements dégénératifs étaient compliqués de sténoses foraminales C3-C4 à C5-C6 susceptibles d’entrer en conflit avec les racines. Il n’y avait pas d’arguments en faveur d’une hernie discale ou d’un canal cervical étroit.

10.3 Le Dr D______ a fait état dans son rapport du 31 mai 2019 de séquelles d’allure ischémique cérébelleuse droite asymptomatiques d’origine indéterminée, et d’athéromatose non sténosante de 25% de la bifurcation carotidienne gauche.

10.4 Une IRM et une radiographie de la colonne cervicale réalisées le 25 septembre 2019 se sont révélées sans modification majeure par rapport aux examens du 11 mars 2019.

10.5 Dans son rapport du 23 septembre 2019, le Dr F______ a indiqué n’avoir « clairement pas d’idée » sur la cause des symptômes du recourant, et a précisé le 29 octobre suivant que la nouvelle IRM réalisée ne révélait pas de lésions pouvant expliquer ces symptômes. Ce médecin a fait état dans son rapport du 17 décembre 2019 d’une fatigue et d’une douleur au niveau de la colonne cervicale haute irradiant dans le crâne, et de crises de tétanie lors de manipulations de la nuque. Les diagnostics de cervicalgies post-traumatiques avec crises de tétanie et de traumatisme crânien sévère avec syndrome post-commotionnel et séquelle cérébelleuse découverte fortuitement étaient posés. Les douleurs cervicales du recourant ne lui permettaient pas de travailler selon ce médecin.

10.6 Dans un rapport du 5 janvier 2020, le Dr B______ a conclu à une incapacité de travail totale en raison de troubles de la concentration, de fatigabilité et de crises de tétanie lors de manipulations de la nuque.

10.7 Mme I______, dans son rapport du 24 août 2020, a noté que le recourant disait avoir un bon moral, mais se plaignait d’être amorphe et sans énergie, d’un mal-être général, d’oublis et de fatigue, ainsi que de très violentes céphalées une fois par mois. Il avait accepté sa situation. Il n’organisait plus rien et se laissait complètement guider par son épouse. La neuropsychologue a constaté une crise de tremblements d’environ cinq minutes durant son examen. La fatigue très importante annoncée en fin d’examen n’était corroborée par aucun signe de fatigue ni baisse de vigilance. Les résultats mettaient en évidence un déficit à une tâche d’apprentissage en mémoire épisodique. Le reste du tableau cognitif était dans les normes, voire dans les normes supérieures. L’origine des troubles ne pouvait être précisée et ceux-ci dépassaient le cadre d’une étiologie post traumatisme crânio-cérébral. Mme I______ a évoqué l’hypothèse d’une maladie extrapyramidale.

10.8 Le rapport du 18 février 2021 de M. K______ et du Dr L______ relate que le recourant a annoncé des épisodes de tremblements réguliers, suivis d’une fatigue qui pouvait durer plusieurs semaines. Il se plaignait également d’épisodes de vision double horizontale et d’une importante fatigue. Il ne se sentait bien que lorsqu’il n’avait aucune activité. Il ne signalait aucune envie, ne lisait quasiment plus et ne regardait même pas la télévision. Il se plaignait aussi de maux de tête intenses mais de brève durée. Il ne trouvait cependant pas le temps trop long. Il avait été très actif avant l’accident. Le neuropsychologue a relaté qu’au début des tests, le recourant avait été saisi de tremblements ressemblant presque à des convulsions. Les yeux fermés, il avait hyperventilé, se penchant sur la table, finissant plié en deux, proche de la chute de la chaise. Il avait prévenu l’expert qu’il fallait simplement attendre que la crise se passe. Effectivement, après cette crise, le recourant s’était montré beaucoup plus présent, il était rapide et efficient dans les tâches. Il évaluait sa fatigue de manière très élevée après la séance, sans toutefois que l’on constate de signes cliniques correspondants. Il n’y avait pas de comportement associé à une exagération de symptômes, il n’était pas revendicateur ni démonstratif et n’était pas non plus exagérément plaintif. A l’issue des tests, le neuropsychologue a noté des performances excellentes, en général supérieures à la moyenne, hormis dans un test. Il n’y avait aucun ralentissement attentionnel, et seul le fléchissement dans le rythme de réponse au cours d’une tâche d’attention soutenue pouvait signaler un peu de fatigabilité. On pouvait relever quelques difficultés ponctuelles de mémoire sur les faits récents, mais dans l’ensemble, la mémoire des faits de vie apparaissait plutôt fonctionnelle. M. K______ a uniquement rapporté un déficit en rappel différé en apprentissage de liste, qui était curieux et pouvait résulter de la conviction psychologique du recourant qu’il était incapable d’une telle tâche. Il y avait une disproportion entre les plaintes et les constats objectifs pendant l’examen. Le trouble de la mémoire partiel et le fléchissement à un test durant l’examen correspondaient au pire à des troubles neuropsychologiques minimaux selon la classification de l’Association suisse des neuropsychologues, sans incidence sur la capacité de travail en tant que gardien d’immeuble. Le Dr L______ a indiqué qu’on ne pouvait retenir de cause traumatique malgré la relation chronologique. En effet, un traumatisme crânien cérébral léger sans séquelles cliniques et radiologiques objectivables ne permettait pas d’expliquer la symptomatologie persistante. Une cause vasculaire ne pouvait pas non plus être retenue, en présence uniquement d’une ancienne lésion ischémique cérébelleuse asymptomatique. Une maladie neurodégénérative ne pouvait être totalement écartée, comme une ophtalmoplégie supranucléaire progressive. Après presque deux ans, il n’y avait cependant pas d’éléments cliniques suffisants pour retenir un tel diagnostic. Les nombreuses investigations n’avaient pas permis de trouver une cause aux différents troubles. La Dre E______ avait évoqué un parkinsonisme, mais il n’y avait actuellement pas de signes cliniques clairs en faveur de cette étiologie. Un syndrome de l’homme raide, suspecté par les neurologues des HUG, avait été exclu par le dosage négatif des anticorps. S’agissant de la cohérence, on notait une discordance entre l’importance de la symptomatologie et la quasi normalité des examens cliniques et paracliniques. Le recourant ne disposait actuellement pas de capacité ou de ressources pour accomplir une activité professionnelle (sic). La capacité de travail était complète du point de vue neurologique. Il n’y avait pas de limitation fonctionnelle sur ce plan. Le diagnostic le plus probable était celui de troubles d’origine psychologique. Les experts ont proposé la réalisation d’une expertise psychiatrique.

10.9 Dans un avis du 22 mars 2021, le Dr G______ a posé le diagnostic de gonarthrose tricompartimentale avancée gauche. À ce stade d’usure, seule une prothèse totale du genou pourrait améliorer la mobilité durablement. Le recourant ayant très peu de douleurs, l’indication à cette intervention restait pour le moment relative.

10.10 La Dre E______ a noté le 15 octobre 2020 que les symptômes dépassaient le cadre d’un syndrome post commotionnel, sans qu’elle fût en mesure de poser un diagnostic précis. Elle a mentionné quelques signes cliniques qui pourraient être en faveur d’une entrée dans une maladie extrapyramidale, mais ces signes étaient discrets et un suivi clinique était nécessaire avant d’aller plus loin. S’agissant des crises de tremblement, il était possible qu’une composante fonctionnelle surajoutée existe, et une prise en charge avec un psychologue était conseillée.

Dans son rapport du 24 novembre 2020, cette neurologue a diagnostiqué avec répercussions sur la capacité de travail des troubles cognitifs avec un déficit de tâches d’apprentissage en mémoire épisodique, associés à une bradykinésie, une hypersomnolence, des tremblements qui pourraient être le début d’une maladie neurodégénérative, ainsi qu’à une fatigue. La séquelle ischémique cérébelleuse n’avait pas d’incidence sur la capacité de travail. Aucun traitement n’était prescrit, il y avait lieu d’attendre l’évolution, imprévisible. Les restrictions étaient liées aux limitations découlant des troubles mnésiques. Les atteintes avaient en outre d’importantes répercussions dans les loisirs et les activités sociales, ainsi que dans les tâches ménagères. Le recourant était soutenu par son épouse, très présente. Au plan neurologique, il n’était pas simple de reprendre une activité professionnelle. L’évolution n’était pas encore terminée et il fallait un délai de plusieurs mois. La capacité de travail était nulle. La situation était complexe et relevait également de la sphère psychiatrique.

Lors de sa consultation du 8 février 2021, cette neurologue a relaté un examen neurologique normal et confirmé un syndrome post-commotionnel avec répercussions sur la capacité de travail. Elle a réitéré la proposition d’un suivi psychologique. Le recourant décrivait des symptômes très handicapants aux plans cognitif et physique. Il y avait des restrictions en lien avec la fatigue chronique et avec les troubles lors des efforts de concentration. Une expertise serait nécessaire pour répondre avec précision aux questions sur l’impact des troubles sur les capacités fonctionnelles. Il n’y avait pas d’incapacité de travail du point de vue neurologique.

À la suite d’un examen du 22 avril 2021, la Dre E______ a indiqué que le recourant se disait stable, voire discrètement mieux. Il n’avait pas refait de crises, la dernière datant de décembre. Elle ne constatait aucune modification du statut neurologique. Elle avait répété au recourant que la prise en charge psychiatrique lui semblait très importante. Elle n’avait pas d’autres diagnostics qu’un syndrome post-commotionnel atypique, peut-être accompagné de troubles du comportement. Il n’y avait pas d’autre diagnostic neurologique pouvant expliquer le handicap du recourant.

10.11 Le 1er juin 2022, le Dr H______ a relevé que la sténose C5-C6 était asymptomatique. Il s’est interrogé sur la possibilité d’une pathologie inflammatoire ou infectieuse du système nerveux central non encore investiguée, sans lien direct avec le traumatisme crânien. Il recommandait un bilan neurologique et sanguin extensif. Dans son rapport du 15 juin 2022, ce médecin a retenu que la dernière IRM ne montrait pas de pathologies expliquant la symptomatologie du recourant. On pouvait suspecter un listhésis minimal C5-C6, qui, s’il était mobile, pourrait expliquer la pathologie du recourant par le déclenchement d’un signe de Lhermitte extrêmement atypique. Le bilan ne permettait pas de poser un diagnostic neurochirurgical précis.

10.12 Une IRM du 15 juin 2022 a confirmé la petite séquelle d’allure vasculaire cérébelleuse déjà présente en septembre 2019, sans autre anomalie décelable, notamment pas d’atrophie cortico-sous-corticale en faveur d’un syndrome neurodégénératif, ni d’arguments en faveur d’une maladie de Parkinson, d’une lésion ischémique récente, d’une leucoencéphalopathie, d’une neuroborréliose, d’une pathologie inflammatoire ou d’une hydrocéphalie à pression normale ou d’un processus expansif.

10.13 Le Dr Q______ a dans son rapport du 23 février 2023 fait état d’un traumatisme crânio-cérébral avec syndrome post-commotionnel et post coup du lapin. Un diagnostic de tremblements non organiques (fonctionnels) associés avait été posé. Le Dr Q______ a exclu une dystonie, mais a rapporté deux crises de tremblements en moins d’une heure durant la consultation, chacune de l’ordre d’une minute. Selon le recourant, environ six mois s’étaient écoulés depuis la dernière crise. Les troubles neurologiques fonctionnels pouvaient tout à fait être déclenchés par un évènement traumatisant, même mineur. Il existait donc un lien entre l’accident et ce trouble, notamment eu égard à la chronologie. Il n’y avait cependant pas de lésions organiques du système nerveux central. Les crises de tremblements survenant à des intervalles assez longs, elles n’affectaient pas la capacité de travail. Cependant, le stress pouvait engendrer de telles crises. Le Dr Q______ ne se ralliait pas à la capacité de travail totale retenue par l’intimé. Il a exposé qu’il existait de nombreuses maladies altérant la capacité de travail malgré le caractère principalement subjectif de leurs symptômes, et il pensait que le syndrome post commotionnel en faisait partie.

10.14 L’expertise réalisée par M. K______ et le Dr L______ contient tous les éléments nécessaires selon la jurisprudence pour se voir reconnaître valeur probante. Ces spécialistes ont en effet pris connaissance du dossier du recourant, dont ils ont relaté l’anamnèse et les plaintes, et ils ont détaillé les résultats de leurs examens cliniques. Ils ont également motivé leurs conclusions.

Ces conclusions rejoignent du reste en substance les avis des autres spécialistes en neurologie et neuropsychologie consultés. Les résultats aux tests pratiqués par M. K______ sont essentiellement superposables à ceux décrits par Mme I______, et ne révèlent pas de troubles significatifs. Le Dr C______ envisageait déjà une reprise du travail quelques mois après l’accident, ce qui suppose par définition une capacité de travail. Le Dr D______ n’a pas mentionné d’incapacité de travail en lien avec les atteintes qu’il a décrites. Les rapports de la Dre E______ sont quelque peu contradictoires, dans la mesure où elle exclut tout diagnostic neurologique précis, hormis un syndrome post-commotionnel dont elle souligne qu’il n’explique pas l’ensemble de la symptomatologie, tout en ayant admis dans un premier temps une incapacité de travail en raison des troubles du recourant. On note cependant que son appréciation initiale de la capacité de travail semble se fonder essentiellement sur les limitations subjectivement éprouvées par le recourant, qui ne sont corroborées par aucune observation clinique objective. En ce qui concerne en particulier les troubles de la concentration et les troubles mnésiques, ils ont été exclus par deux bilans neuropsychologiques concordants, qui ont du reste conclu à des performances supérieures à la moyenne. Ainsi, les troubles cognitifs mentionnés à l’appui de l’incapacité de travail ont été écartés par Mme I______ et M. K______. Enfin, les différentes pistes diagnostiques envisagées par la Dre E______ ne suffisent pas à établir une incapacité de travail, dès lors que ces atteintes n’ont en définitive pas été confirmées. Dans son dernier rapport, cette spécialiste a du reste exclu une restriction de la capacité de travail au plan neurologique, à l’instar du Dr L______.

L’avis du Dr Q______ ne suffit pas non plus à établir une incapacité de travail et de gain. En effet, ce médecin évoque un éventuel lien de causalité entre les troubles et l’accident, ce qui est sans pertinence dans l’assurance-invalidité, comme on l’a vu. Par ailleurs, il se prononce de manière essentiellement théorique et générale sur la capacité de travail de personnes souffrant de troubles non objectivés, sans toutefois discuter précisément le cas du recourant – hormis pour exclure une répercussion des crises de tremblements sur ce plan, au vu de leur faible fréquence. On notera à ce sujet que le recourant n’allègue pas que ces crises auraient lieu à des intervalles plus brefs que ceux relatés par le Dr Q______.

Le Dr F______ n’a pas non plus déterminé de substrat organique expliquant les symptômes du recourant. Partant, la seule mention de douleurs cervicales ne suffit en soi pas à admettre une incapacité de travail totale.

Au plan neurochirurgical, aucune atteinte n’a pu être constatée selon les indications du Dr H______.

L’atteinte au genou ne génère pas de douleurs importantes selon le rapport du Dr G______, lequel n’a pas non plus conclu à une incapacité de travail en lien avec cette atteinte.

Les arrêts de travail établis par le Dr B______, motivés par des plaintes du recourant non étayées par des substrats somatiques, ne suffisent pas non plus pour admettre une incapacité de travail totale.

10.15 Compte tenu de ce qui précède, il n’existe aucun motif de s’écarter de l’appréciation des experts mandatés par l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, qui ont conclu à l’absence de trouble neurologique ou neuropsychologique entraînant en soi une limitation de la capacité de travail. Le recourant ne conteste du reste pas formellement l’absence de toute cause organique à ses symptômes, mais affirme que sa capacité de travail et de gain aurait dû être analysée à l’aune des critères développés par la jurisprudence.

11.         Un tel examen s’impose effectivement en principe dans le cadre de troubles sans étiologie claire, et ce n’est qu’au stade de la procédure devant la chambre de céans que le SMR a procédé à une ébauche de cette analyse dans son avis d’avril 2023. Par économie de procédure, la chambre de céans procédera à cette analyse, en rappelant en premier lieu les conclusions de la Dre M______, que le recourant a consultée à la demande de l’intimé.

11.1 Dans son rapport du rapport du 21 juillet 2021, cette psychiatre a écarté tout trouble psychique et toute incapacité de travail de cet ordre. Elle a notamment indiqué que le recourant ne formulait aucune plainte de la sphère psychique, et aucun traitement n’était nécessaire sur ce plan. Il ne présentait ni ralentissement psychomoteur ni troubles du langage. Il n’y avait pas de troubles du cours ou du contenu de la pensée. Le recourant ne présentait pas de symptômes de la lignée dépressive ou psychotique. Durant les deux longs entretiens, il était resté calme et normothymique. Il n’y avait pas de troubles de la vigilance. Durant ses journées, il faisait une promenade après le réveil, puis il écoutait la radio sans y prêter beaucoup d’attention. Il mangeait, dormait environ deux heures et refaisait une promenade. Le soir, il était heureux de retourner se coucher. S’agissant de ses ressources, son épouse était très présente et l’accompagnait. Leur fils, qui travaillait à Berne, était également présent. Le recourant n’avait aucune plainte de l’ordre psychique, et on ne pouvait mettre en évidence une atteinte ayant des répercussions sur la capacité de travail. Il disait ne pas être mal si on le laissait dans son monde. Il s’est dit heureux, précisant que sa famille était heureuse et que son fils était sa fierté.

Le recourant ne conteste pas les propos que lui prête la psychiatre. Il ne signale pas non plus de plaintes de la sphère psychique, et n’affirme pas qu’un diagnostic psychiatrique aurait été posé par un autre praticien et ignoré par la Dre M______ ou l’intimé. Par ailleurs, si les médecins somaticiens ont envisagé la possibilité d’une origine psychologique des troubles, en l’absence de toute explication physique à ceux-ci, ils n’ont pas relaté de symptômes particuliers évoquant spécifiquement un trouble de ce registre. Ainsi, on ne saurait pas non plus s’écarter des conclusions de la Dre M______.

11.2 La chambre de céans relève ce qui suit au sujet des différents indicateurs.

En ce qui concerne l’axe « Atteinte à la santé », on relève au sujet de la gravité des troubles, s’agissant du syndrome post-commotionnel, que la fatigabilité décrite par le recourant a été exclue de manière concluante par les neuropsychologues qui l’ont examiné. Les crises de tétanie et les céphalées ne peuvent par ailleurs être considérées comme graves, au vu de leur fréquence limitée et de leur brièveté. Les neurologues n’affirment d’ailleurs pas le contraire. En outre, aucun traitement particulier n’est en cours, le recourant ne s’étant pas vu prescrire de médicaments particuliers selon la Dre E______, et les consultations médicales relevant d’un simple suivi ou d’examens à visée diagnostique. Il n’existe de plus aucune comorbidité psychique selon la psychiatre consultée par le recourant, qui ne présente pas non plus de structure particulière de la personnalité. C’est également le lieu de rappeler que le Tribunal fédéral a considéré dans le cas d’une assurée chez qui aucun trouble mental ou comportemental ou maladie psychiatrique n’avait été diagnostiqué – comme c’est le cas en l’espèce – qu’on ne pouvait retenir de degré de gravité important de la maladie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3). On ne peut ainsi pas retenir que les indicateurs en lien avec l’atteinte à la santé sont remplis. En ce qui concerne le contexte social, une vie de famille intacte ou un mariage considéré comme heureux sont des éléments favorables dans l’analyse de ce critère (Michael E. MEIER, Zwei Jahre neue Schmerzrechtsprechung : Übersicht über das indikatorenorientierte Abklärungsverfahren : Konkretisierungen, Tendenzen und Würdigung in Indikatorenorientierte Abklärungsverfahren, Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft [LBR], 2017, p. 137). Or, le recourant peut compter sur l’appui de son épouse et de son fils, dont il est proche, et qui l’entourent au quotidien. Le dossier médical ne permet pas non plus de conclure à une souffrance d’une intensité particulière en l’absence de recours à des traitements spécifiques, et dès lors que le recourant juge inutile de se soumettre à un suivi psychologique puisqu’il n’éprouve aucune souffrance de cet ordre. En définitive, seul le critère de la limitation uniforme dans tous les domaines de la vie pourrait éventuellement être rempli dans une certaine mesure, dès lors que l’anamnèse révèle une réduction des activités depuis l’accident, désormais limitées à des promenades et à écouter un peu de musique ou regarder distraitement la télévision au quotidien, apparemment en raison de la fatigue éprouvée et d’un manque d’envie. Or, la réalisation éventuelle de ce seul indicateur ne suffit pas à conclure au caractère incapacitant des troubles du recourant.

Partant, l’examen du caractère incapacitant des troubles du recourant à l’aune des indicateurs développés par la jurisprudence conduit à confirmer la position de l’intimé, en tant qu’elle exclut une incapacité de travail durable ouvrant le droit à une rente.

12.         Au vu des circonstances, il convient encore de souligner que si l’intimé n’a pas obtenu les rapports de la rhumatologue consultée par le recourant avant de rendre sa décision, ce seul élément ne suffit pas à admettre le recours en raison d’une instruction incomplète.

En effet, le recourant n’allègue pas qu’une pathologie de cet ordre entraverait sa capacité de travail et son médecin traitant, le Dr B______, ne fait état d’aucune limitation d’ordre rhumatologique dans l’appréciation de la capacité de travail.

L’absence d’un rapport rhumatologique n’impose ainsi pas le renvoi à l’intimé pour complément d’instruction.

12.1 En conséquence de ce qui précède, la décision de l’intimé doit être confirmée.

13.         Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), le recourant supporte l’émolument de CHF 200.-

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le