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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1338/2023

ATAS/659/2023 du 05.09.2023 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1338/2023 ATAS/659/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 5 septembre 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

représenté par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Le 23 avril 2019, Monsieur A______ (ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1961, marié et domicilié en France voisine, a fait l'objet d'une "déclaration de sinistre LAA" de la part de la société de déménagements (ci-après: l'employeur), sise dans le canton de Genève, auprès de laquelle il avait été engagé, le 1er janvier 2013 et pour une durée déterminée, en qualité de chauffeur déménageur au taux de 100% (45 heures par semaine).

La date du sinistre indiquée était le 13 avril 2019, et les faits étaient décrits comme il suit : « Bricolage / travaux d’entretien : l’assuré est tombé d’une échelle » (accident non professionnel). Les lésions consistaient en des fractures au bassin à gauche ainsi qu’au poignet gauche.

2.        À partir du 26 avril 2019, des certificats d'incapacité de travail à 100% pour accident ont été régulièrement établis par le service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur (ci-après : le service orthopédique) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG), sous la signature notamment des docteurs B______ ou C______, médecins chefs de clinique, service qui a aussi procédé à une intervention chirurgicale le 19 avril 2019 pour la « fracture colonne antérieure et hémi-transverse postérieure cotyle gauche », durant une hospitalisation du 13 au 26 avril 2019, l’intéressé bénéficiant au surplus de séances de physiothérapie.

3.        Dans le cadre de l'assurance-accidents obligatoire, l'assureur-accidents compétent, à savoir la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: la SUVA, la caisse ou l’intimée), a, à la suite de son courrier du 7 mai 2019, pris en charge ce cas, par des indemnités journalières et prises en charge de traitements, et l'a instruit, en particulier en recueillant des avis médicaux ainsi que des renseignements mentionnés ci-après.

Des procès-verbaux d’entretien avec l’assuré ont été établis les 29 août et 11 octobre 2019 par la SUVA.

Le 11 octobre 2019, l’intéressé a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après: AI), mesures professionnelles et/ou rente, en raison des suites de l’accident susmentionné.

Le 3 décembre 2019, il a été opéré à l’épaule gauche (en raison d’une rupture traumatique du sus-épineux, infra-épineux et sous-scapulaire – tendinopathie du long chef du biceps) au service orthopédique des HUG, avec séjour jusqu’au 5 décembre suivant.

Le 14 mai 2020, le Dr B______ a établi une « note de suite ».

À la suite d’un examen clinique du 15 septembre 2020, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la SUVA, a, dans un rapport du 18 septembre suivant, estimé que l'incapacité de travail était toujours justifiée. Les diagnostics étaient : - fracture non déplacée de l’extrémité distale du radius gauche ; - fracture de la colonne antérieure du cotyle ; - rupture massive de la coiffe des rotateurs ; - chirurgie sur le cotyle et sur l’épaule.

Les 22 et 27 octobre, 30 novembre 2020, le Dr B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, désormais en cabinet privé, a émis des rapports à l’intention de la caisse.

Le 30 novembre 2020, le service orthopédique des HUG, sous la signature notamment du Dr C______, a rédigé un rapport à l’intention du Dr B______ et, le 16 décembre 2020, a considéré qu’une IRM de l’épaule gauche réalisée le 4 décembre précédent était rassurante, IRM objet également d’un rapport du service de radiologie des HUG du même 4 décembre 2020 (après un premier rapport du 9 juillet 2019 au sujet d’une IRM de l’épaule réalisée le même jour).

Par « appréciation médicale » du 18 janvier 2021, le Dr D______ a considéré que l’incapacité de travail n’était plus justifiée, l’activité professionnelle habituelle de déménageur n’étant toutefois plus exigible. Des limitations fonctionnelles existaient pour la hanche (le travail statique en position debout prolongée, les déplacements rapides et/ou fréquents et/ou prolongés, le piétinement ainsi que le port de charges de plus de 15 kg) et pour l’épaule gauche (tout travail nécessitant une élévation rapide ou fréquente en direction de l’horizontal, tout travail le bras au-dessus de l’horizontal, « tout soulèvement de charges de plus de 15 kg et en direction de l’horizontal au maximum 10 kg s’il s’agit de soulèvements en élévation et en porte-à-faux »). Quatre mois de rééducation étaient encore nécessaires. Le même jour, le médecin d’arrondissement a proposé une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 20%.

4.        Par lettre du 12 février 2021, la SUVA a annoncé à l’assuré qu’elle mettrait fin au paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière avec effet au 30 juin 2021 au soir, tout en continuant à prendre en charge les contrôles médicaux encore nécessaires.

5.        Ont suivi les éléments médicaux qui suivent.

Les 31 mai et 22 octobre 2021, le Dr B______ a établi un rapport à l’intention du médecin d’arrondissement de la caisse.

Le 15 novembre 2021, le Dr D______ a persisté dans sa position.

6.        Par décision du 9 juin 2022, à la suite d’un calcul du taux d'invalidité avec les chiffres de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après: ESS) effectué la veille (retenant, en 2022, un gain annuel sans invalidité de CHF 67'267.- et avec invalidité de CHF 69'061.-, pour un homme de niveau de compétence 1, sans perte de rendement ni abattement) ainsi que d’un « résumé des documents déterminants pour la fixation de la rente » établi ledit 9 juin 2022, la SUVA, faisant siennes les conclusions du Dr D______, y compris en matière de limitation fonctionnelles, et constatant l’absence de perte de gain, a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité mais a alloué à l’assuré une IPAI de CHF 29'640.- fondée sur une diminution de l’intégrité de 20%.

7.        Les 16 et 29 juin 2022, avec compléments le 3 août et 27 septembre 2022, par l’intermédiaire d’un avocat, l’intéressé a formé opposition contre cette décision, se fondant sur un rapport du Dr B______ 20 juin précédent, précisant en outre qu’une mesure auprès d’Intégration et formation professionnelle (ci-après : l’ORIF) – mise en œuvre à la demande de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) – n’avait pas permis d’aboutir à un quelconque projet professionnel, et concluant principalement à l’octroi d’une rente d’invalidité sur la base d’un degré d’invalidité de 100%, subsidiairement 19%, voire – implicitement – 39%.

Ledit taux d’invalidité du 19% correspondait à la perte de gain reconnue dans un projet de décision de l’OAI du 2 juin 2022 qui avait reconnu à l’assuré le droit à une rente AI entière de 1er avril 2020 au 28 février 2021, puis plus aucune prestation, pas même des mesures professionnelles supplémentaires, projet de décision contre lequel l’assuré avait formé opposition le même 29 juin 2022. La décision de l’OAI du 22 septembre 2022 avait confirmé les conclusions de ce projet de décision, tout en retenant une perte de gain de 39%, inférieur au degré d’invalidité de 40% requis pour l’octroi d’une rente, sur la base d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée « avec une possible baisse de rendement de 25% en raison de la nécessité de pauses régulières depuis le 17 novembre 2020 ».

Etait joint au complément d’opposition à la décision de la SUVA précitée un rapport d’intégration socioprofessionnelle établi le 18 mars 2022 à l’intention de l’OAI par l’ORIF, plus précisément l’atelier d’intégration professionnel (AIP), faisant état d’une mesure du 27 septembre 2021 au 28 février 2022 (105 jours), y compris un stage en entreprise de 14 jours (auprès d’un salon de coiffure – celui où la fille de l’intéressé travaillait – au taux de 50% qui n’avait pas pu être prolongé car le taux d’activité de 100% requis par ce salon pour une prolongation de stage n’avait pas été accepté par le médecin de l’assuré). À teneur de ce rapport, malgré notamment une très bonne motivation de l’intéressé, aucun réel projet professionnel n’avait pu être identifié lors cette mesure.

8.        Dans le cadre de l’instruction de l’opposition par la caisse, un avis de l’Hôpital de La Tour a été sollicité le 23 septembre 2022 par le Dr B______ au sujet des douleurs du patient à la hanche gauche.

Cela étant, des rapports ont été établis le 24 octobre 2022 puis le 20 janvier 2023 par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, en particulier de la hanche et du genou.

À la demande formulée le 10 octobre 2022 par le Dr D______, l’assuré a fait l’objet d’une hospitalisation du 29 novembre au 13 décembre 2022 auprès de la Clinique romande de réadaptation à Sion (ci-après: CRR), qui a établi divers documents, dont, notamment, un rapport du 29 décembre 2022 effectuant une synthèse, des rapports relatifs à des ateliers professionnels et aux capacités fonctionnelles ainsi qu’un rapport relatif à un ultrason de l'épaule gauche du 6 décembre 2022. Le diagnostic principal consistait en des « thérapies physiques et fonctionnelles pour douleur hanche et épaule gauche », sans nouveau diagnostic pour ces parties du corps, les diagnostics secondaires en « 13.04.2019 : chute d’une échelle : - fracture colonne antérieure et hémi-transverse postérieure cotyle gauche ; - fracture non déplacées EDR poignet gauche ; - rupture transfixiante du supra-épineux gauche avec une rétraction tendineuse de grade II-III ». À teneur du rapport de synthèse, les plaintes et limitations fonctionnelles s’expliquaient principalement par les lésions objectives constatées pendant le séjour ; des facteurs contextuels pourraient influencer négativement les aptitudes fonctionnelles rapportées par le patient, notamment une kinésiophobie modérée, un catastrophisme élevé et une perception du handicap fonctionnel élevé (sous-estimation des aptitudes fonctionnelles, d’après l’évaluation des capacités fonctionnelles). La participation de l’intéressé aux thérapies avait été bonne, à savoir que la douleur avait représenté un frein à la mise en place d’un traitement de physiothérapie intensive adéquat, et aucune incohérence n’avait été relevée pendant le séjour. Les limitations fonctionnelles suivantes étaient retenues pour la hanche gauche : le travail statique en positions debout prolongées, les déplacements rapides ou fréquents ou prolongés ainsi que le port de charges lourdes de manière répétitive ; pour l’épaule gauche : tout travail nécessitant une élévation rapide ou fréquente au-dessus des épaules, tout soulèvement de charges répétitif de plus de 5 à 10 kg au-dessus des épaules et en porte-à-faux. Aucune nouvelle intervention chirurgicale n’était proposée. La situation était pratiquement stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles, une stabilisation du cas étant attendue dans un à trois mois. Une reprise de l’activité habituelle de déménageur semblait illusoire à court et long terme, mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée était attendue.

Selon une « appréciation médicale » du 16 février 2023 du Dr D______ tenant compte des nouveaux éléments médicaux apparus dans le cadre de la procédure d’opposition, en lien avec l’accident, l’état de santé de l’assuré était stabilisé, selon son appréciation du 15 (recte : 18) janvier 2021. De la physiothérapie et un traitement médicamenteux en réserve en cas de douleurs étaient néanmoins prévus. L’IPAI était de 20%. L’activité habituelle de déménageur n’était plus exigible, mais une activité adaptée était exigible à 100% et sans perte de rendement, respectant les mêmes limitations fonctionnelles que selon son appréciation médicale du 18 janvier 2021 (réponses aux questions 2 et 4) si ce n’est qu’il fallait éviter apparemment aussi un « travail nécessitant en complément une élévation rapide ou fréquente au-dessus des épaules dans tout soulèvement de charges répétitif de plus de 5 à 10 kg au-dessus des épaules ou en porte-à-faux », une activité sédentaire devant être privilégiée (réponse à la question 6).

9.        Par décision sur opposition rendue le 3 mars 2023, à la suite d’un calcul du taux d'invalidité avec les chiffres de l’ESS effectué le 27 février 2023 (retenant, en 2022, un gain annuel sans invalidité de CHF 67'396.- et avec invalidité de CHF 66'073.-, pour un homme de niveau de compétence 1, sans perte de rendement ni abattement, d’où un taux d’invalidité de 2%), la SUVA a rejeté l’opposition formée contre sa décision – initiale – du 9 juin 2022, l’effet suspensif étant retiré à un éventuel recours contre ladite décision sur opposition.

10.    Par acte du 21 avril 2023, l’assuré, représenté par une nouvel avocate, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette décision sur opposition, concluant, sur mesures provisionnelles, à la restitution de l’effet suspensif au recours jusqu’à ce qu’une décision entrée en force et exécutoire soit rendue, préalablement à son audition et à celle du Dr E______, à l’apport du dossier du docteur F______ et à celui de l’AI ainsi qu’à la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire, au fond, à l’annulation de la décision sur opposition précitée et, cela fait, principalement à la reconnaissance de son droit à l’octroi d’une rente basée sur un taux d’invalidité de 100% et au versement de cette rente à partir du 1er juillet 2021, à une IPAI supérieure à 20% et au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement à la reconnaissance de son droit à l’octroi d’une rente dont le taux serait à définir, à une IPAI supérieure à 20% et au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

11.    Par réponse du 8 mai 2023, l’intimée a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif et du recours au fond.

Etait annexée une « appréciation médicale » du 2 mai 2023 du Dr D______, selon lequel, en conclusion, il n’y avait « pas lieu de changer ce qui [avait] déjà été établi lors de [ses] appréciations précédentes, et en particulier celle issue finalement du rapport de sortie de la CRR ».

12.    Par réplique du 21 juin 2023, le recourant a persisté dans toutes les conclusions de son recours.

Etait entre autres produit un certificat de prolongation d’arrêt de travail à 50% jusqu’au 1er avril 2022 inclus établi le 28 février 2022 par le Dr F______, médecin généraliste exerçant en France voisine, qui précisait que l’état de santé de l’intéressé ne lui permettait pas « une augmentation de sa capacité de travail à ce jour ».

13.    Le 5 juillet 2023, la caisse a fait valoir que la conclusion de l’intéressé tendant à une IPAI supérieure à 20% qui n’avait pas été formulée dans l’opposition contre sa décision initiale, sortait ainsi de l’objet du litige et était irrecevable.

14.    Le dossier de l’AI a été envoyé le 3 juillet 2023 par l’OAI à la chambre de céans, qui l’a reçu le lendemain, ce à la suite de son ordonnance d’apport rendue le 27 juin 2023. Il ressort entre autres ce qui suit de ce dossier.

Le projet de décision de l’OAI du 2 juin 2022 faisait notamment suite à un « rapport final – MOP » établi le 23 mars 2022 par la division réadaptation professionnelle de cet office. Figure au surplus au dossier une « note de travail MOP » rédigée les 8 novembre 2021 par ladite division réadaptation professionnelle.

De surcroît, dans un rapport du 1er juin 2021, le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) considérait qu’il y avait lieu de suivre les conclusions du Dr B______(chirurgien traitant) et du médecin d’arrondissement de la SUVA ; la capacité de travail de l’intéressé avait été nulle dans toute activité dès le 13 avril 2019, mais elle était entière à partir du 17 novembre 2020 dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles suivantes : « éviter la station debout prolongée, les déplacements rapides et/ou fréquente et/ou prolongés, le piétinement, le port de charges de plus de 15 kg, tout travail avec les bras au-dessus de l’horizontal. (Voir évaluation médicale du Dr D______ du [18 janvier 2021]. Privilégier une activité de type sédentaire ». À teneur d’un avis du SMR du 8 mars 2022, ses précédentes conclusions restaient inchangées. Selon un avis du 6 juillet 2022 de ce même service se référant à l’opposition formée par l’assuré contre le projet de l’OAI et au rapport du Dr B______ du 20 juin 2022, ses conclusions du 1er juin 2021 restaient valables ; néanmoins, il était possible d’admettre et d’ajouter les limitations fonctionnelles suivantes : « possibilité d’alterner les positions assis-debout et possibilité de pauses régulières. À raison de 4 pauses de 30 minutes chacune maximum (selon rapport ORIF du [18 mars 2022]), on peut admettre une baisse de rendement de 2 heures [par jour], soit 25% ».

Il sied enfin de préciser ce qui suit. Les arrêts de travail à 50% à tout le moins jusqu’au 1er avril 2022 ont commencé à être prescrits par le Dr F______ à partir du 5 octobre 2021 au moins. Par ailleurs, dans son rapport du 20 juin 2022, le Dr B______ répondait à des questions posées le 16 juin 2022 par le précédent conseil de l’intéressé ; notamment, la capacité de travail pour une activité bien adaptée telle que proposée dans le rapport de l’ORIF et avec des pauses adéquates dans la journée pourrait être complète ; en outre, l’appréciation médicale du Dr D______ du 18 janvier 2021 était tout à fait adéquate, et le Dr B______ partageait l’avis de celui-ci concernant l’estimation de l’atteinte à l’intégrité (IPAI).

15.    L’intimée s’est déterminée le 12 juillet 2023 au sujet de ce dossier de l’AI, tandis que le délai pour ce faire a été prolongé jusqu’au 15 septembre 2023 pour le recourant à la demande de ce dernier.


EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, le recours est par conséquent soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours paraît prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [ LPA-GE - E 5 10 ]).

5.        a. Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 LPC dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).

b. Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

6.        Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n’a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

7.        En l’espèce, l’intimée, après avoir rejeté l’opposition formée contre sa décision – initiale – du 9 juin 2022, a retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision sur opposition, sans motivation particulière sur ce point.

Dans son recours, l’assuré sollicite, préalablement à ses conclusions au fond, la restitution de l’effet suspensif au recours jusqu’à ce qu’une décision entrée en force et exécutoire soit rendue, conclusion sur mesures provisionnelles qu’il motive dans sa réplique du 21 juin 2023. Selon lui en effet, son intérêt à obtenir les prestations de la SUVA prime celui de cette dernière à les supprimer, étant précisé qu’il fait état de douleurs persistantes qui seraient en lien de causalité directe avec l’accident subi en 2019 ; en outre, l’issue du litige ne fait d’après lui aucun doute au vu des éléments, notamment médicaux, figurant au dossier, ce en sa faveur.

8.        La question se pose tout d’abord de savoir si une restitution en tant que telle de l’effet suspensif serait juridiquement possible en l’occurrence, étant donné que le recourant, qui ne conteste pas la stabilisation de son état de santé au 30 juin 2021, ne conclut pas à la continuation du versement des indemnités journalières et de la prise en charge des traitements médicaux, mais à l’octroi d’une rente d’invalidité ainsi que d’une IPAI supérieure à 20%, qui constituent des prestations d’une autre nature qui, s’il était fait droit à ces conclusions, seraient nouvelles.

Cette question peut toutefois demeurer indécise pour les motifs qui suivent.

9.        Il n’est en l’état actuel pas possible d'admettre que, selon toute vraisemblance, l’intéressé obtiendra gain de cause sur le fond, en particulier pour les motifs qui suivent.

Le seul médecin du recourant à faire état d’une capacité de travail inférieure à 100%, à savoir de 50%, est le Dr F______, médecin généraliste traitant, mais ce sans aucune motivation ni précisions quant aux activités qui seraient le cas échéant adaptées. Dans son rapport du 20 juin 2022, le Dr B______ ne remet pas en cause le taux d’incapacité de travail de 50%, mais indique que « cela dépend strictement du travail demandé et de la possibilité de faire des petites pauses dans la journée (cf. rapport [de l’ORIF]) » ; en outre, selon ce spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, la capacité de travail pour une activité bien adaptée telle que proposée dans le rapport de l’ORIF et avec des pauses adéquates dans la journée pourrait être complète.

Ainsi, la plupart des médecins ayant examiné le cas de l’assuré, y compris le chirurgien orthopédiste traitant, retiennent une capacité de travail à 100% dans une activité adaptée. Partant, la question litigieuse centrale paraît prima facie être ici de déterminer quelles sont les limitations fonctionnelles et éventuellement quelle baisse de rendement ou quel taux d’abattement elles pourraient le cas échéant justifier, étant à cet égard rappelé que, conformément à l’art. 18 al. 1 LAA, l’octroi d’une rente d’invalidité en matière d’assurance-accidents suppose une invalidité (art. 8 LPGA) de 10 % au moins par suite d’un accident.

Or le dossier contient plusieurs appréciations médicales différentes et parfois divergentes au sujet des limitations fonctionnelles, étant précisé qu’il semble ressortir du dernier avis du SMR que la baisse de rendement de 25% selon celui-ci paraît être liée à la limitation fonctionnelle que constitue la nécessité de pauses totalisant 2h00 sur 8 heures par jour. En particulier, il n’est en l’état pas complètement clair si la SUVA, suivant l’appréciation de son médecin d’arrondissement à laquelle elle reconnaît une pleine valeur probante, et vu les réponses légèrement différentes de celui-ci aux questions 2, 4 et 6, a ou non exclu un « travail nécessitant en complément une élévation rapide ou fréquente au-dessus des épaules dans tout soulèvement de charges répétitif de plus de 5 à 10 kg au-dessus des épaules ou en porte-à-faux » (comme préconisé par la CRR), au lieu de charges de plus de 10 kg. Surtout, le Dr D______ et l’intimée ne paraissent pas avoir suivi le SMR et l’OAI (décision de ce dernier du 22 septembre 2022) qui, en plus des limitations fonctionnelles admises par les premiers, retiennent comme limitations fonctionnelles la nécessité qu’il y ait sur la place de travail une possibilité d’alterner les positions assis-debout – donc aussi de passer d’une position assise à une position debout – et surtout la possibilité de pauses régulières à raison de quatre pauses de 30 minutes chacune maximum, soit une « possible » baisse rendement de 25% (selon la décision du 22 septembre 2022 précitée). À cet égard, notamment, le rapport du 18 mars 2022 de l’ORIF observe, au sujet du « module soudure à l’étain » (haut de la p. 8) : « [L’assuré] a pu réaliser le travail sans trop de difficultés, néanmoins, il a dû se lever régulièrement pour se détendre, car une position principalement assise ne lui est pas favorable. Il doit également utiliser un repose pied pour soulager les douleurs de la hanche », l’observation sous le « module vitrail » (haut de la p. 9) ajoutant ensuite « lors des positions assises ».

La nécessité de quitter à intervalles plus ou moins réguliers la position assise et surtout la nécessité d’effectuer régulièrement des pauses totalisant 2h00 par jour ne constituent manifestement pas des détails en termes d’éventuelle baisse de rendement ou de limitations fonctionnelles. Cela paraît donc être prima facie de manière infondée que l’intimée, dans sa décision sur opposition querellée, écrit que les appréciations du Dr D______ ne sont pas mises en doute, même d’une manière légère, par les autres avis médicaux au dossier.

Ceci ne signifie toutefois pas encore que la SUVA et son médecin d’arrondissement auraient tort de ne pas retenir la nécessité de quitter à intervalles plus ou moins réguliers la position assise ni la nécessité d’effectuer régulièrement des pauses, ce d’autant moins que les rapports de la CRR ne semblent prima facie pas faire état de telles limitations fonctionnelles et/ou baisse de rendement. Cette question devra, comme les autres questions pertinentes, faire l’objet de clarifications et d’investigations plus approfondies au fond avant d’être tranchée.

Il ne paraît en l’état pas possible d'admettre que, selon toute vraisemblance, le recourant présenterait un degré d’invalidité d’au moins 10% (pour l’octroi d’une rente).

10.    Pour le reste, on ne saurait en tout état de cause, si tant est que le recourant le demandait, ordonner d’éventuelles mesures provisionnelles au sujet du taux de l’IPAI, ce d’autant moins que le chirurgien orthopédiste traitant de l’intéressé semble être d’accord avec le Dr D______ et la caisse concernant l’IPAI de 20%.

11.    Dans ces circonstances, les chances de succès du recourant sur le fond ne paraissent pas évidentes à première vue. Dès lors, l’intérêt de l’intimée au non-octroi de l’effet suspensif ou de toutes autres mesures provisionnelles l’emporte sur celui du recourant à obtenir le versement de prestations. L’issue de la procédure étant incertaine, il existe un risque important qu’il ne puisse pas rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort par l’intimée pendant la procédure.

12.    Vu ce qui précède, il ne sera accordé au recourant ni effet suspensif à son recours – si tant que ceci soit juridiquement possible – ni toutes autres mesures provisionnelles.

13.     La suite de la procédure est réservée.

 

 

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PAR CES MOTIFS,
LE président DE LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

1.      Refuse l'octroi de l’effet suspensif au recours ou toutes autres mesures provisionnelles.

2.      Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le