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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/516/2022

ATAS/557/2023 du 11.07.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/516/2022 ATAS/557/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 juillet 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______

représenté par Me Sandro VECCHIO, avocat

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1971, a été administrateur, avec signature individuelle, de la société B______, sise dans le canton de Genève, ayant pour but social l'exploitation d'établissements publics, tels que bars, cafés-restaurants, tea-rooms, débit de boissons, cantines, et notamment du restaurant C______.

b. Le bail relatif à la location de l'espace commercial pour ce restaurant a été résilié avec effet au 31 janvier 2021 en raison du non-paiement d'arriérés de loyer (de janvier à septembre 2020) à hauteur de CHF 65'938.50.

c. Par jugement du 20 mai 2021, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la dissolution de cette société, par suite de faillite. Par décision du 28 mai 2021, la Cour de justice a accordé la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement de faillite du 20 mai 2021 ainsi que la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite. Par arrêt du 3 août 2021, la Cour de justice a rejeté le recours contre le jugement du 20 mai 2021. Par conséquent, la faillite a été prononcée avec effet à partir du 3 août 2021. Le 20 octobre 2022, la procédure de faillite a été suspendue faute d'actif, et la société radiée d'office le 9 janvier 2023.

d. Le 20 juillet 2021, l'assuré s'est annoncé à l'office cantonal de l'emploi en déclarant vouloir retrouver un poste à plein temps.

e. Par pli du 4 octobre 2021, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse ou l'intimée) a sollicité de l'assuré divers documents, dont notamment la copie des relevés de compte bancaire/postal justifiant le versement de son salaire pour 2019 à 2021, et une attestation établie par une fiduciaire mentionnant les salaires versés mensuellement pour 2019 à 2021 si versement en cash.

f. Le 5 novembre 2021, l'assuré a transmis à la caisse la demande d'indemnités de chômage, dans laquelle il a indiqué requérir l'indemnité journalière à partir de juin 2021, en précisant que son dernier employeur avait été le restaurant C______ pour le compte de laquelle il avait travaillé du 17 juillet 2017 à juin 2021, date à laquelle avait pris effet la résiliation du contrat de travail consécutive à la perte du bail à loyer (commercial). Le dernier jour de travail effectué remontait au 15 juin 2021.

Il a joint :

- l'attestation de l'employeur signée le 15 octobre 2021 par C______, dans laquelle il est mentionné que l'assuré a exercé la fonction de responsable exploitant du 1er avril 2019 au 9 juin 2021, période durant laquelle le salaire total soumis à cotisation AVS s'était élevé à CHF 128'212.50 ;

- deux fiches de salaire, l'une pour la période de juillet 2019 à juin 2020 faisant état d'un salaire brut de CHF 58'500.- et d'un salaire payé de CHF 44'573.40, l'autre de juillet 2020 à juin 2021 faisant état d'un salaire brut de CHF 55'087.50 et d'un salaire payé de CHF 41'189.50 ;

- une attestation signée le 27 octobre 2021 par C______, B______, certifiant que les salaires nets mensuels de l'assuré, employé du 1er mars 2019 au 9 juin 2021, lui avaient été payés comptant pour un total de CHF 96'714.70 pour la période complète de son emploi ;

- l'avis de taxation du 20 janvier 2021 relatif aux impôts cantonaux et communaux 2019, ainsi que celui afférant à l'impôt fédéral direct 2019, y compris un courrier de l'administration fiscale cantonale (AFC) informant l'assuré qu'il lui restait à payer avant le 22 février 2021 un montant de CHF 36'457.20 au titre des impôts cantonaux, communaux et fédéral direct 2019 ;

- la déclaration fiscale 2020 transcrivant un revenu brut de CHF 58'500.- pour l'activité dépendante auprès de B______ ; et

- l'extrait du compte individuel AVS, état au 3 novembre 2021, enregistrant un revenu de CHF 43'875.- pour l'activité déployée auprès de « D______ » d'avril à décembre 2019, et de CHF 58'500.- en 2020.

B. a. Par décision du 16 novembre 2021, la caisse a nié le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage, au motif que, durant le délai-cadre de cotisation du 20 juillet 2019 au 19 juillet 2021, il ne pouvait pas justifier de la perception de ses salaires. La caisse relevait qu'il lui avait été demandé de fournir les documents permettant d'établir avec certitude les périodes de cotisation, du fait qu'il avait perçu ses salaires en espèces. À ce jour, l'assuré n'avait été en mesure de produire que le relevé des cotisations AVS pour 2019 et 2020. L'attestation à établir par une fiduciaire prouvant la sortie des salaires avait été établie par lui-même et n'avait donc aucune valeur. Quant aux déclarations d'impôts, celle de 2019 montrait qu'il ne s'était pas acquitté d'un montant dû de CHF 36'457.20 et celle de 2020 n'avait pas encore était traitée.

b. Le 8 décembre 2021, l'assuré s'est opposé à cette décision.

c. Par décision sur opposition du 11 janvier 2022, la caisse a rejeté l'opposition, en considérant que l'assuré n'avait apporté aucun élément permettant une appréciation différente du cas.

C. a. Par acte du 11 février 2022, l'assuré, représenté par son conseil, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) d'un recours contre cette décision sur opposition, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation, et à la constatation qu'il remplissait les conditions du droit à l'indemnité de chômage, et subsidiairement, au renvoi de la cause à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il a annexé :

- l'extrait de son compte individuel AVS, état au 24 janvier 2022, mentionnant, outre les données inscrites dans l'extrait qui figurait déjà au dossier, un revenu de CHF 25'837.- pour l'activité déployée auprès de « D______ » de janvier à juin 2021 ;

- les décomptes de salaire pour les mois d'avril 2019 à juin 2021 ;

- les certificats de salaire pour les années 2019 à 2021, établis par B______ le 28 février 2020, respectivement, le 2 février 2021 et le 31 juillet 2021 ;

- un extrait de sa déclaration fiscale 2019 (page A1) indiquant un revenu brut de CHF 43'875.- pour l'activité dépendante auprès de B______, ainsi qu'un extrait (également page A1) pour l'année 2020 (déjà au dossier).

b. Dans sa réponse du 10 mars 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 29 mars 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a produit :

- l'avis de taxation rectificatif du 9 février 2022 relatif aux impôts cantonaux et communaux 2019 faisant état, s'agissant du recourant, de revenus bruts à hauteur de CHF 43'875.- ;

- les relevés du compte bancaire de la société B______ pour les années 2019 et 2020 ;

- les bilans et comptes de profits et pertes de la société B______ pour les années 2016 à 2018 établis par Gastroconsult.

d. Dans sa duplique du 12 avril 2022, l'intimée a maintenu sa position.

e. Dans son écriture du 10 mai 2022, le recourant en a fait de même.

Il a versé au dossier :

- une attestation de la caisse de compensation Gastrosocial non datée relative à B______ – C______, faisant état d'un revenu de CHF 58'500.- pour le recourant en 2020 et de CHF 25'837.50 en 2021 ;

- l'avis de taxation du 27 avril 2022 en lien avec les impôts cantonaux et communaux 2020, mentionnant des salaires bruts à hauteur de CHF 58'500.- pour le recourant ;

- un courrier de l'AFC du 9 février 2022 (en partie caviardée) concernant la réclamation qu'il avait déposée le 12 février 2021 au sujet des impôts cantonaux et communaux 2019.

f. Le 14 septembre 2022, le recourant a produit :

- une attestation signée le 3 avril 2022 par Monsieur E______, dans laquelle ce dernier déclare qu'il a collaboré dans le restaurant C______ du 17 juillet 2019 jusqu'à sa fermeture en juin 2021, et que le recourant y a travaillé en tant que gérant tous les jours excepté le dimanche ;

- une attestation signée le 3 mai 2022 par Monsieur F______, dans laquelle il affirme être un collaborateur du G______, à côté du restaurant C______, et avoir rencontré le recourant en juillet 2017, lequel travaillait comme gérant tous les jours sauf le dimanche, jusqu'à la fermeture de l'établissement ;

- une attestation signée le 4 mai 2022 par Monsieur H______, dans laquelle il indique être un collaborateur de I______, à côté du restaurant C______, et fait la même déclaration que M. F______ à propos du recourant ;

- les décomptes « Journal cumulatif employés » et « Récapitulation totale Journal cumulatif employés » de janvier à décembre 2019 établis par Gastroconsult le 13 septembre 2022 ;

- les décomptes « Journal cumulatif employés » et « Récapitulation totale Journal cumulatif employés » de janvier à décembre 2020 établis par Gastroconsult le 13 septembre 2022 ;

- les décomptes « Journal cumulatif employés » et « Récapitulation totale Journal cumulatif employés » de janvier à décembre 2021 établis par Gastroconsult le 13 septembre 2022 ;

- le décompte « Journal cumulatif employés » de janvier à décembre 2019, ainsi que les relevés du compte bancaire de la société B______ du 8 février au 20 décembre 2019, sur lesquels figurent des annotations manuscrites.

g. Dans sa détermination du 20 octobre 2022, l'intimée a persisté dans ses conclusions, en faisant valoir que lesdites pièces ne suffisaient pas à attester de la période de cotisation ni du montant des éventuels salaires.

h. Le 16 novembre 2022, le recourant a informé la chambre de céans n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

i. Le 2 mai 2023, une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue.

j. À la demande de la chambre de céans, Gastroconsult a indiqué, dans un courrier du 23 mai 2023, auquel étaient annexées les déclarations de salaire 2019 à 2021 adressées à la caisse de compensation Gastrosocial, ne pas pouvoir fournir les bilans et comptes de pertes & profits de la société B______, C______ pour les années 2019 à 2021 en raison du non-paiement des factures d'honoraires par cette société. Par ailleurs, la fiduciaire n'avait aucun document comptable attestant du versement effectif du salaire au recourant. Elle précisait que dans le secteur de la restauration, grands nombres des salaires étaient payés au comptant aux collaborateurs.

k. Par courrier du 25 mai 2023, la caisse de compensation Gastrosocial a indiqué que la part des cotisations AVS et assurance-chômage retenue des salaires des employés de la société B______ avait été versée pour l'année 2019, à l'inverse des cotisations dues pour les années 2020 et 2021.

l. Dans ses observations du 6 juin 2023, l'intimée a persisté dans ses conclusions, en considérant que les dernières pièces produites n'attestaient pas du versement effectif des salaires en faveur du recourant, et par voie de conséquence, de la période de cotisation.

m. Le 12 juin 2023, Gastroconsult a, en complément de son précédent courrier, indiqué que les certificats de salaires annuels avaient été établis pour les années 2019 à 2021.

n. Le 15 juin 2023, le recourant a fait savoir qu'un arrangement de paiement lui avait été accordé par la caisse de compensation Gastrosocial concernant les cotisations sociales impayées. Il a joint :

- la décision de plan d'amortissement du 6 mars 2023 faisant état d'un solde en faveur de la caisse de compensation de CHF 47'920.45 dans le cadre d'une procédure en réparation du dommage, dont le recourant devait s'acquitter par neuf mensualités de CHF 200.- et une de CHF 46'120.45.-, la première devant intervenir jusqu'à la fin du mois de mars 2023 ;

- un courrier du 7 juin 2023, par lequel cette caisse a accordé une prolongation du délai au 15 juillet 2023.

o. Le 21 juin 2023, l'intimée a maintenu sa position.

p. Le 26 juin 2023, le recourant en a fait de même.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-chômage, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 11 février 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Au vu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur le droit éventuel du recourant à l'indemnité de chômage à partir du 9 juin 2021, singulièrement sur le point de savoir s'il a exercé durant douze mois au moins une activité salariée soumise à cotisation dans les limites du délai-cadre de cotisation couvrant la période du 20 juillet 2019 au 19 juillet 2021.

5.             Selon la loi, pour avoir droit à l'indemnité de chômage, l'assuré doit, entre autres conditions, remplir celles relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e LACI).

5.1 Aux termes de l'art. 9 LACI, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire de la LACI (al. 1). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (al. 2). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (al. 3).

5.2 Selon l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.

5.2.1 En vue de prévenir les abus qui pourraient advenir en cas d'accord fictif entre l'employeur et un travailleur au sujet du salaire que le premier s'engage contractuellement à verser au second, la jurisprudence considère que la réalisation des conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e et art. 13 LACI) présuppose qu'un salaire a été réellement versé au travailleur (DTA 2001 p. 228 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral C.174/05 du 26 juillet 2006 consid. 1.2).

Dans un arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral a précisé cette jurisprudence en indiquant qu'en ce qui concerne la période de cotisation, la seule condition du droit à l'indemnité de chômage est, en principe, que l'assuré ait exercé une activité soumise à cotisation pendant la période minimale de cotisation. La jurisprudence exposée au DTA 2001 n° 27 p. 225 (et les arrêts postérieurs) ne doit pas être comprise en ce sens qu'un salaire doit en outre avoir été effectivement versé ; en revanche, la preuve qu'un salaire a bel et bien été payé est un indice important en ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée (ATF 131 V 444 consid. 3 ; 133 V 515 consid. 2.2). Par ailleurs, lorsqu'un assuré a été au service d'une entité dans laquelle il occupait une position assimilable à celle d'un employeur (gérant, directeur, actionnaire important, titulaire d'une raison individuelle), il existe un risque de délivrance d'une attestation de salaire de complaisance. C'est pourquoi une telle attestation doit être vérifiée de manière stricte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2018 du 13 août 2019 consid. 3).

5.2.2 L'exercice d'une activité salariée pendant douze mois au moins est donc une condition à part entière pour la réalisation de la période de cotisation, tandis que le versement d'un salaire effectif n'est pas forcément exigé, mais permet au besoin de rapporter la preuve de cette activité. Le versement déclaré comme salaire par un employeur ne fonde cependant pas, à lui seul, la présomption de fait qu'une activité salariée soumise à cotisation a été exercée (ATF 133 V 515 consid. 2.3). Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l'assuré destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisation pendant la durée d'un rapport de travail. Cela suppose l'exercice effectif d'une activité salariée suffisamment contrôlable (ATF 133 V 515 consid. 2.4).

5.2.3 Dans ce même arrêt (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral a aussi retenu que lorsque l'assuré ne parvient pas à prouver qu'il a effectivement perçu un salaire, notamment en l'absence de virement périodique d'une rémunération sur un compte bancaire ou postal à son nom, le droit à l'indemnité de chômage ne pourra lui être nié en application des articles 8 al. 1 let. e et 13 LACI que s'il est établi que l'intéressé a totalement renoncé à la rémunération pour le travail effectué - par exemple dans le but de sauver son entreprise (arrêt 8C_466/2018 précité consid. 6.3). Cette renonciation ne peut être admise à la légère. Cela s'explique en particulier par le fait qu'il n'existe pas de prescription de forme pour le paiement du salaire. Il est habituellement soit acquitté en espèces, soit versé sur un compte bancaire ou postal, dont le titulaire n'est pas nécessairement l'employé (cf. pour l'ensemble des motifs : ATF 131 V 444 consid. 3.3, 2e paragraphe). Le défaut de preuve quant au salaire exact doit cependant être pris en considération dans le calcul du gain assuré déterminant (arrêt du Tribunal fédéral C.183/06 du 16 juillet 2007 consid. 4.4 et la référence).

5.2.4 Lorsque la preuve de la perception d'un salaire n'a pas été établie au degré de la vraisemblance prépondérante, cela ne suffit cependant pas pour nier d'emblée l'existence d'une activité soumise à cotisation. Dans de telles circonstances, il incombe à l'assuré qui prétend à une indemnité de chômage de démontrer avoir exercé une activité soumise à cotisation. La jurisprudence a précisé à cet égard que pourraient notamment constituer des pièces aptes à démontrer l'exercice d'une telle activité, les documents comptables de l'ancienne société, le contrat de bail commercial ou encore le témoignage d'ex-employés (arrêt 8C_466/2018 précité consid. 6.4 et les références).

6.             Selon le chiffre B144 de la Directive LACI IC (Bulletin LACI IC) établie par le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), s’agissant de la période de cotisation, non seulement l'assuré doit avoir exercé une activité soumise à cotisation mais il faut encore que le salaire convenu lui ait effectivement été versé. Si la perception effective d'un salaire ne constitue pas en soi une condition du droit à l'indemnité, elle n'en est pas moins déterminante pour reconnaître l'existence d'une activité soumise à cotisation.

6.1 Selon le chiffre B148 de cette directive, s’agissant des personnes qui occupent une position comparable à celle d'un employeur, lorsque le salaire a été perçu en espèces, une déclaration d'impôt accompagnée de certificats de salaire obtenus auprès de l'administration fiscale, des quittances de salaire ou extraits de livre de compte fournis par une fiduciaire corroborés par un extrait de compte individuel AVS peuvent être acceptés à titre de preuve du versement du salaire. Si les montants figurant sur les documents divergent, le plus petit est déterminant pour le gain assuré. Il n'est pas exclu que l'assuré arrive à démontrer par d'autres moyens de preuve la perception effective de son salaire. La perception du salaire ne peut pas être prouvée au seul moyen d'un décompte de salaire, d'une quittance de salaire, d'un contrat de travail, d'une confirmation de licenciement ou d'une production dans une faillite. Ces documents ne sont que de simples allégués de partie dont le contenu ne peut être vérifié que par les explications de l'assuré lui-même.

6.2 Selon la jurisprudence, les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références).

6.3 Dans un arrêt du 31 mai 2020 (ATAS/623/2010), le Tribunal cantonal des assurances sociales, alors compétent, a estimé qu'en exigeant qu'un salaire soit effectivement versé à l'assuré et en y subordonnant la reconnaissance de l'exercice d'une activité soumise à cotisation, la circulaire du SECO relative à l'indemnité de chômage (les chiffres B144 à B148 de cette circulaire ont été repris aux chiffres B144 à B148 de la Directive LACI IC) prévoit une condition qui ne figure pas dans la loi et dont le Tribunal fédéral a à plusieurs reprises rappelé qu'elle n'était pas essentielle pour ouvrir le droit à des indemnités de chômage (cf. ATAS/1293/2014 du 16 décembre 2014 consid. 8 ; dans ce sens également: arrêt ACH 49/15 - 158/2015 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 octobre 2015 consid. 5b).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

8.              

8.1 Le recourant affirme avoir travaillé au sein de la société B______ d'avril 2019 au 9 juin 2021, pendant un an et dix mois, contre rémunération d'un salaire perçu en espèces, pratique très courante dans le domaine de la restauration. À l'appui de ses allégués, il se base sur les certificats de salaire annuels, sur les extraits du compte bancaire de la société (faisant état d'après lui des retraits au bancomat aux fins de payer les salaires des employés et les fournisseurs), ainsi que sur les décomptes de salaire établis, selon ses dires, par sa fiduciaire Gastroconsult. Il ajoute avoir toujours déclaré son salaire à sa caisse de compensation, Gastrosocial. Il en infère avoir prouvé la perception effective d'un salaire durant l'exercice de son activité pour ladite société. De toute manière, dit-il, l'indemnité de chômage ne pourrait pas lui être refusée, dès lors qu'il n'avait pas renoncé à recevoir une rémunération pour le travail effectué. En tout état de cause, la preuve de la perception du salaire n'est pas une condition du droit à l'indemnité de chômage. Il en conclut qu'il a droit à cette prestation dès le 9 juin 2021.

8.2 L'intimée relève que l'avis de taxation du 20 janvier 2021 relatif aux impôts 2019 ne mentionne en ce qui concerne le recourant aucun revenu provenant d'une activité dépendante, et que des revenus n'ont été déclarés qu'au stade d'une réclamation à l'encontre de cette décision de taxation qui avait eu lieu potentiellement après l'inscription au chômage. Elle ajoute que la déclaration d'impôts 2020 a été transmise à l'administration le 20 juillet 2021, date à laquelle le recourant s'est également inscrit au chômage, que la déclaration fiscale pour 2021 n'a pas encore été complétée, et que le recourant n'a pas produit l'attestation d'une fiduciaire confirmant la sortie des salaires durant le délai-cade de cotisation, extraits du livre de compte à l'appui. Elle considère que les extraits du compte bancaire de la société ne permettent pas de déterminer l'affectation des nombreux retraits d'espèces au bancomat, que les fiches de salaires, les attestations de salaires et l'extrait de compte individuel ne sont pas pertinents au vu de la position du recourant assimilable à celle d'un employeur qu'il occupait au sein de la société, de même que les bilans de la société des années 2016 à 2018, antérieurs au délai-cadre de cotisation applicable. Elle en tire la conclusion qu'elle ne peut pas établir si et dans quelle mesure le recourant a exercé une activité soumise à cotisation, la durée de celle-ci et le montant des salaires perçus.

8.3 En l'espèce, les salaires soumis à cotisations du recourant pour 2019 et 2021 selon les décomptes et certificats de salaire qu'il a produits concordent avec les montants figurant sur les fiches de salaire émanant de la fiduciaire, les avis de taxation (pour l'année 2019 : l'avis rectificatif), ainsi que l'extrait de compte individuel AVS. Il n'existe cependant aucune écriture comptable relative au versement effectif du salaire au recourant durant cette période.

Le fait que la société a versé des cotisations paritaires pour l'année 2019 (cf. courrier de Gastrosocial du 25 mai 2023) n'est en principe pas de nature à démontrer le versement effectif du salaire au recourant (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_765/2009 du 2 août 2010 consid. 2.5).

Des extraits de compte bancaire de la société, il ressort que les salaires des employés J______ et K______ sont libellés en tant que tels (cf. p. 20/149, 31/149, ou 74/149 du relevé de compte 2019 ; p. 40/127 du relevé de compte 2020), alors que les retraits que le recourant a effectués qui correspondraient, selon ses dires, aux prélèvements de son salaire, en tant qu'ils ne mentionnent pas la cause de l'opération, ne sont pas propres à attester du paiement effectif de son salaire. Il est en effet impossible de déterminer si les montants retirés l'ont été à titre de salaires ou s'ils étaient destinés à couvrir des dépenses de la société. Le recourant a de surcroît affirmé lors de l'audience de comparution personnelle qu'il payait ses fournisseurs en liquide. Il ressort également des extraits de compte bancaire précités que divers paiements ont été effectués en faveur de l'office des poursuites (cf. p. 18/149, 19/149, 69/149, 70/149, 125/149, 134/149 du relevé de compte pour 2019 ; p. 6/127, 11/127, 12/127, 26/127, 27/127, 29/127 du relevé de compte pour 2020). La société avait du reste une dette de CHF 65'938.50 envers le bailleur commercial (dossier intimée pièce 5). Le recourant a aussi déclaré lors de l'audience que la société lui devait un arriéré de salaire de six mois, mais qu'il n'avait pas produit sa créance dans la faillite de la société.

Il n'en demeure pas moins que le recourant a déclaré à la caisse de compensation un salaire de CHF 43'875.- pour 2019 et de CHF 58'500.- pour 2020. Il a également été taxé en 2019, après rectification, sur le même salaire annoncé à la caisse de compensation et a déclaré le salaire de 2020 à l'administration fiscale. Dans la mesure où il est peu probable que le recourant annonce pour la perception des cotisations sociales et pour sa taxation un revenu plus élevé que ce qu'il a effectivement perçu, il doit en être conclu qu'il a effectivement reçu ces sommes à titre de salaire au degré de la vraisemblance prépondérante.

Des attestations établies par MM. E______, F______ et H______ que le recourant a produites le 14 septembre 2022, attestent également que le recourant a effectivement exercé une activité soumise à cotisations durant la période litigieuse. Le recourant étant gérant de son restaurant, cela paraît en tout état de cause plus que vraisemblable.

Cela étant, le recourant peut prétendre aux indemnités de chômage.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 11 janvier 2022 annulée. Le recourant sera par ailleurs mis au bénéfice des indemnités de chômage afférentes au délai-cadre de cotisation du 20 juillet 2019 au 19 juillet 2021, à condition qu'il remplit également les autres conditions légales pour le droit à celles-ci.

10.         Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera octroyée à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

11.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 11 janvier 2022.

4.        Octroie au recourant les indemnités de chômage afférentes au délai-cadre de cotisation du 20 juillet 2019 au 19 juillet 2021, à condition qu'il remplit également les autres conditions légales pour le droit à celles-ci.

5.        Condamne l'intimée à lui verser une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le