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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2297/2022

ATAS/553/2023 du 06.07.2023 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2297/2022 ATAS/553/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 juillet 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Thierry STICHER, avocat

 

 

recourante

 

contre

VAUDOISE GENERALE COMPAGNIE D'ASSURANCES SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1991, est employée comme avocate collaboratrice auprès de l’étude B______. À ce titre, elle est assurée obligatoirement contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de de la VAUDOISE GÉNÉRALE COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée).

b. Le 3 juillet 2021, lors d’un séjour en Espagne, l’assurée s’est blessée à l’épaule droite. Par déclaration de sinistre du 20 octobre 2021, elle décrit l’évènement comme suit : « En faisant un appui facial sur les mains, j’ai soudainement senti une douleur dans l’épaule droite avec une sensation et un bruit de craquement/claquement qui m’a empêchée de poursuivre l’appui, ce qui m’a forcé à me relever ». Sous la rubrique « description de la blessure » est mentionné : « douleurs en faisant les mouvements du quotidien ».

c. Par courrier du 21 octobre 2021, l’assureur a fait part de son refus d’intervenir pour les suites de l’évènement du 3 juillet 2021, celui-ci ne constituant pas un accident et ne répondant pas non plus à l’ensemble des critères d’une lésion assimilée à un accident au sens de la législation applicable.

d. Le 19 novembre 2021, l’assurée a sollicité que l’assurance revoie sa position et prenne en charge les frais en lien avec le sinistre du 3 juillet 2021. En annexe à son courrier, elle a produit un rapport d’arthrographie avec arthro-IRM de l’épaule droite du 27 octobre 2021, établi par les docteurs C______ et D______, spécialistes en radiologie, révélant une lésion des tendons du sus-épineux et du sous-scapulaire. Selon l’intéressée, ces lésions étaient d’origine traumatique et directement en lien avec l’évènement annoncé.

e. Le 13 décembre 2021, la docteure E______, spécialiste en médecine du sport, médecine physique et rééducation et médecin traitante de l’assurée, a adressé un rapport à l’assurance. Elle y a fait état de l’apparition brusque de douleurs et d’une sensation de blocage à l’épaule droite, suite à un mouvement forcé en surf. Les diagnostics de lésions traumatiques du sus-épineux et du sous-scapulaire droits étaient posés et le lien de causalité entre ceux-ci et l’évènement du 3 juillet 2021 était considéré plausible.

f. Le 28 janvier 2022, le docteur F______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin conseil de l’assurance, a posé le diagnostic de lésion partielle face profonde avec fissuration partielle intratendineuse du tendon du sus-épineux droit. Faute de déchirure du tendon, il a indiqué que le diagnostic posé n’entrait pas dans la catégorie des lésions corporelles assimilées à un accident.

g. Le 8 février 2022, l’assurée a répondu à un questionnaire de l’assurance. Elle a expliqué l’origine de ses douleurs comme suit : « lors d’un entraînement (activité sportive), je faisais un appui facial (sur les mains uniquement) quand soudain, en perdant l’équilibre, j’ai senti une douleur dans l’épaule droite qui m’a empêchée de poursuivre l’appui. Je me suis retrouvée au sol et j’ai été forcée de me relever sans utiliser mon bras droit ». Interrogée quant à la survenance d’un facteur particulier lors de l’évènement, elle a fait état d’un déséquilibre, d’une chute, ainsi que d’une sensation et d’un « bruit de craquement/claquement » dans l’épaule. Après 27 séances de physiothérapie, le traitement conservateur était provisoirement interrompu, faute d’amélioration. La lésion n’était pas guérie et un avis avait été sollicité auprès du docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

B. a. Par décision du 9 février 2022, l’assurance a refusé d’intervenir concernant les suites de l’évènement du 3 juillet 2021. Les affections étaient survenues lors de l’exercice d’une activité sportive, dans l’accomplissement de gestes usuels propres à une telle activité, en l’absence d’une cause extérieure extraordinaire. Il ne s’agissait donc pas d’un accident. En outre, en l’absence de lésion corporelle assimilée à un accident, l’atteinte à la santé devait être considérée comme une maladie.

b. Par courrier du 14 mars 2022, l’assurée s’est opposée à cette décision, concluant à son annulation et à la prise en charge par l’assurance des suites du sinistre du 3 juillet 2021.

Lors de son entraînement sportif, elle avait effectué un appui facial sur les deux mains (sans appui des pieds ou genoux). Elle avait alors soudainement perdu l’équilibre et basculé vers l’avant. Elle avait alors très rapidement senti un craquement douloureux dans l’épaule droite en chutant et n’avait, ensuite, pas pu utiliser son bras droit pour se relever. Un appui facial n’était pas un geste de la vie courante mais correspondait à une sollicitation du corps plus élevée que la normale, de sorte que la perte d’équilibre subie de manière soudaine s’assimilait à un mouvement non coordonné et non programmé ayant provoqué la chute et les lésions. Il s’agissait donc bien d’un accident.

En outre, les différents examens médicaux auxquels l’assurée s’était soumise suite à l’évènement du 3 juillet 2021 avaient révélé une déchirure profonde des tendons sous-scapulaire et sus-épineux. Ces lésions et leur origine traumatique étaient confirmées par le Dr G______ dont un rapport, daté du 8 mars 2022, était joint à l’opposition. Il ne faisait ainsi aucun doute, au vu des documents médicaux figurant au dossier, que l’accident du 3 juillet 2021 avait provoqué une lésion corporelle assimilée à un accident, plus spécifiquement une déchirure de tendons. La prise en charge, par l’assureur, du traitement ultérieur devait ainsi également intervenir à ce titre.

c. Le 25 mars 2022, le docteur H______, généraliste et médecin traitant de l’assurée, a retourné à l’assureur un questionnaire dûment rempli. Il a retenu les diagnostics de lésion partielle du sus-épineux et de lésion du tendon sous-scapulaire de l’épaule droite. Concernant les indications de la patiente relatives au déroulement du sinistre, il a indiqué : « selon la patiente, suite à une pratique de surf intense, elle a ressenti une douleur à l’épaule droite avec une perte de force lors du port de charges. Elle a pris des AINS [anti-inflammatoires non stéroïdiens] afin de calmer les douleurs. Probables chutes multiples en surf, chutes avec appui facial sur les deux mains ».

d. Les 4 avril et 5 mai 2022, le Dr F______ a maintenu la position exprimée dans son rapport précédent. Il a souligné qu’une tendinopathie fissuraire n’était pas une déchirure tendineuse. Il en allait de même de la lésion partielle au niveau de la face profonde du tendon du sous-scapulaire et de l’instabilité tendineuse. Aucune de ces atteintes ne pouvait donc être considérée comme une lésion assimilée à un accident.

En outre, même s’il y avait lieu de retenir une déchirure tendineuse, les lésions objectivées par l’imagerie réalisée le 27 octobre 2021 étaient dues de manière prépondérante, soit à plus de 50 %, à l’usure, s’agissant « de lésions d’apparition progressive par sur-utilisation/sur-sollicitation des épaules ».

e. Par décision du 8 juin 2022, l’assureur a rejeté l’opposition de l’assurée. Celle-ci ayant donné différentes versions de l’évènement du 3 juillet 2021, il convenait de se fier à ses premières explications, soit celles faites auprès des Drs H______ et E______, ainsi que dans la déclaration d’accident. Or, il n’en ressortait aucun élément particulier excédant la norme des gestes et efforts courants dans le cadre de l’activité sportive réalisée. Dès lors, faute de cause extérieure de nature extraordinaire, l’atteinte dommageable ne relevait pas d’un accident au sens de la loi.

Par ailleurs, l’existence d’une lésion corporelle assimilée ne pouvait pas non plus être admise au vu des différentes appréciations de son médecin-conseil.

C. a. Le 11 juillet 2022, l’assurée a recouru contre cette décision par l’intermédiaire de son avocat. Elle a conclu à son annulation et à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge les suites de l’évènement du 3 juillet 2021 ainsi que les frais et dépens relatifs à la procédure. À titre préalable, elle a sollicité l’audition de Monsieur I______ et du Dr G______ en tant que témoins.

En substance, elle a tout d’abord contesté avoir donné plusieurs versions de l’accident. Son employeur avait fourni les premiers renseignements après un bref entretien et de manière contrainte par un formulaire comportant notamment des menus déroulant. Par la suite elle avait donné des explications détaillées, ce sans que ces « versions » ne se contredisent, vu qu’il était chaque fois mentionné un appui facial, une perte d’équilibre, un craquement douloureux et une chute. Elle devait ainsi bénéficier d’une présomption de vraisemblance. En cas de doute, il appartenait en outre à l’intimée d’instruire la question, notamment en sollicitant des renseignements auprès M. I______, qui avait été témoin de l’accident. La recourante a ensuite souligné qu’au moment de l’évènement, elle se trouvait « en position de "crow pose", en cours de transition dans une position de colonne droite ». Elle avait alors perdu la maîtrise de ses mouvements et son équilibre et c’était « en tentant d’éviter la chute qu’une tension importante était survenue, laquelle avait provoqué un bruit de claquement et de craquement et une douleur immédiate ». Il ne s’agissait manifestement pas d’un mouvement du quotidien, mais bien d’une situation extraordinaire correspondant précisément à ce que la jurisprudence qualifiait de « mouvements non coordonnés ». Les lésions ayant en outre été décrites comme traumatiques par la Dre E______ et le Dr G______, toutes les conditions de la définition de l’accident étaient réunies.

Enfin, à titre subsidiaire, la recourante a indiqué qu’il convenait de toute manière de reconnaître ses atteintes au niveau de l’épaule comme des lésions assimilées à un accident au vu du rapport du Dr G______ relevant que l’arthro-IRM montrait « une déchirure profonde du sous-scapulaire et du sus-épineux ainsi que de la poulie du biceps ».

b. L’intimée a répondu au recours le 5 septembre 2022, concluant à son rejet. L’atteinte à la santé avait résulté de la réalisation du risque inhérent à l’activité sportive entreprise, sans que ne survienne un incident particulier. En l’absence d’un facteur extérieur extraordinaire, la qualification d’accident devait donc être rejetée. Pour le surplus, concernant la notion de lésion assimilée à un accident, il était relevé que l’imagerie du 27 octobre 2021 avait mis en évidence des lésions que le Dr F______ avait qualifiées de tendinopathie, mais non des déchirures stricto sensu.

c. La recourante a répliqué le 22 septembre 2022. Elle a réitéré que la qualification d’accident devait être admise au vu des jurisprudences relatives à la notion de mouvements non coordonnés, plus pertinentes en l’espèce que celles concernant les lésions consécutives à l’exercice d’un sport. Pour ce qui était de la question des lésions assimilées, elle a rappelé que les différents avis médicaux au dossier démontraient une déchirure de deux tendons au moins. Elle a également produit un rapport du 13 juillet 2022 du Dr G______ confirmant deux déchirures partielles constatées à l’IRM, concernant les tendons sus-épineux et sous-scapulaire. Le chirurgien y précisait que ces lésions articulaires étaient majoritairement traumatiques et correspondaient au mécanisme rapporté par la patiente.

d. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le 15 février 2023.

-          La recourante a expliqué que l’évènement du 3 juillet 2021 s’était produit lors d’exercices de yoga, effectués de manière autonome sur un tapis dans l’herbe. Depuis la période du COVID-19, elle pratiquait le yoga seule, à l’aide de vidéos. Elle n’avait suivi qu’un cours en présentiel en 2015. Le jour du sinistre, tout s’était passé en quelques secondes, de sorte qu’il était difficile de décrire précisément les évènements. Elle avait tenté une transition, non usuelle pour elle et non maîtrisée, de la position du corbeau vers celle de la colonne droite. Elle avait perdu la maîtrise de la position et ressenti une tension l’attirant vers l'avant. En essayant de retenir le poids de son corps, elle était tombée et avait entendu et senti un craquement. C’était lorsque les jambes étaient en train de se lever qu’elle avait basculé. Elle avait senti la tension dans le haut du corps en résistant au mouvement l’attirant vers l'avant et le craquement dans l'épaule droite. Elle s’était effondrée sur l'avant, tête-épaule. En s’asseyant, elle avait remarqué qu’elle avait la mobilité de l'épaule extrêmement réduite ainsi que des douleurs assez aiguës lorsqu’elle soulevait le bras. Si elle le soulevait plus haut que l’épaule, elle ressentait même un craquement dans celle-ci, qualifié de réhaussement. Elle devait alors faire un mouvement vers le bas pour remettre l'épaule en place.

Concernant la déclaration de sinistre, c’était la comptable qui l’avait remplie sur la base des explications qu’elle lui avait fournies.

La recourante a enfin précisé que si elle avait bien pratiqué le surf durant la semaine du 3 juillet 2021, elle ne s’était nullement blessée à cette occasion. Elle ne s’expliquait pas pourquoi deux de ses médecins avaient indiqué cela. Elle leur avait peut-être mentionné avoir fait du surf pendant ses vacances.

-          Madame J______, représentant l’intimée a pour sa part indiqué qu’elle ignorait si le Dr F______ avait vu directement les images de l'arthro-IRM du 27 octobre 2021 ou uniquement le rapport y relatif du 29 avril 2021.

-          Toujours le 15 février 2023, M. I______, compagnon de la recourante, a été entendu en tant que témoin. Il n’avait pas assisté directement à l'évènement du 3 juillet 2021 dans la mesure où il prenait une douche pendant que la recourante faisait des étirements. À son retour, elle lui avait indiqué s’être faite mal en tombant alors qu'elle faisait un « arbre droit » sur les deux mains. Ils avaient fait du surf une seule fois durant les vacances, soit le jour de l'évènement. Ils avaient suivi un cours qui, faute de vague, s’était avéré très théorique.

La recourante ne s'était jamais plainte de douleurs à l'épaule auparavant. Elle faisait du yoga occasionnellement. Avant la date de l’accident, il l’avait aidée, de temps en temps, à faire la colonne droite en partant de debout. Le jour de l'évènement, il lui semblait qu’ils avaient fait du surf en début d'après-midi et que l'événement avait eu lieu vers 18h. Entre les deux, la recourante n’avait pas dit au témoin qu'elle avait mal à l'épaule.

e. Par courrier du 22 février 2023, l’intimée a indiqué que sa collaboration avec le Dr F______ s’était terminée suite à son départ à la retraite. Elle n’avait donc plus aucun lien avec lui, mais il lui paraissait vraisemblable qu’il avait visionné les images de l’arthro-IRM du 27 octobre 2021. En effet, c’était à la demande du médecin-conseil que le centre d’imagerie avait transmis à l’intimée un CD-Rom contenant les images en date du 30 mars 2022. Celui-ci avait été remis au Dr F______ le 4 avril 2022.

f. Par courrier du 6 mars 2023, la recourante a relevé que les déterminations de l’intimée du 22 février 2023 ne permettaient pas de déterminer que le Dr F______ avait bien vu les images de l’arthro-IRM du 27 octobre 2021. Or, la formulation du rapport du 5 mai 2022 du médecin-conseil tendait à indiquer le contraire. Il n’était pas rendu hautement vraisemblable que ces images lui avaient été remises, ni qu’il les avait visionnées. Les appréciations du Dr F______ figurant dans son rapport précité n’avaient ainsi aucune valeur probante.

g. Suite à un questionnaire médical de la chambre de céans, complété par les parties, le Dr D______ a envoyé ses réponses le 10 mai 2023.

À la question de savoir s’il pouvait identifier, à teneur de l’imagerie, des déchirures même partielles de tendons, il a indiqué : « la réponse est oui. On identifie avec un certain degré de confiance des lésions partielles ou complètes. Selon les études compilant différentes études (méta-analyses), la sensibilité et la spécificité de l’arthro-IRM pour la détection des lésions complètes des tendons de l’épaule est de 95.4 et 98.9% et de 85.9 et 96% pour les déchirures partielles ».

h. Amené à se déterminer sur le rapport du Dr D______, l’intimée l’a soumis à son médecin-conseil, le docteur K______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie. Par rapport du 29 mai 2023 versé à la procédure le 31 mai 2023, le médecin-conseil a relevé que le Dr D______ ne mentionnait que le terme de lésion et non celui de déchirures traumatiques. En outre, il était difficile de faire la différence, à l’IRM, entre une lésion d’usure et une lésion traumatique. Dans le cas de la recourante, elle présentait une fissuration du sus-épineux et une lésion partielle de la partie profonde du sous-scapulaire, soit, selon le médecin conseil des lésions de tendinopathie par sur-sollicitation de ces deux tendons et en aucun cas une rupture franche et traumatique. Il a enfin indiqué que cette analyse était corroborée par le contexte de l’évènement, la douleur étant survenue alors que l’intéressée s’appuyait exclusivement sur les mains. S’agissant d’une sportive sollicitant grandement ses deux épaules et l’être humain n’étant pas constitué pour marcher sur les mains, il s’agissait d’une lésion dégénérative. Dit contexte ne permettait pas non plus de qualifier l’atteinte de lésion assimilée à un accident au sens de la loi.

i. Le 31 mai 2023, la recourante a relevé que le Dr D______ avait bien confirmé que l’imagerie du 27 octobre 2021 permettait d’identifier les déchirures de tendons avec un certain degré de confiance, attestant ainsi d’une lésion assimilée à un accident.

Au-delà de l’appréciation du Dr D______, celle du Dr G______ était également univoque, contrairement à l’avis du Dr F______ qui paraissait moins probant, dans la mesure où il jouait sur les mots, utilisant systématiquement la terminologie de « lésions » et prenant soin de ne jamais se prononcer complètement sur l’existence ou non d’une déchirure.

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l’assurance-accident pour les suites de l’évènement du 3 juillet 2021.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 3.1).

4.2  

4.2.1 L'exigence d'un facteur dommageable extérieur n'est pas remplie lorsque l'assuré fait état de douleurs, apparues pour la première fois, après avoir accompli un geste de la vie courante (en se levant, en s'asseyant, en se couchant, en se déplaçant dans une pièce, etc.), à moins que ce geste n'ait requis une sollicitation du corps, en particulier des membres, plus élevée que la normale du point de vue physiologique et dépasse ce qui est normalement maîtrisé de ce point de vue. La notion de cause extérieure suppose en effet un événement générant un risque de lésion accru. Tel est le cas, notamment, lors d'un changement de position du corps, qui est fréquemment de nature à provoquer des lésions corporelles selon les constations de la médecine des accidents (brusque redressement du corps à partir de la position accroupie, accomplissement d'un geste violent ou d'un mouvement en étant lourdement chargé, changement de position corporelle de manière incontrôlée sous l'influence de phénomènes extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral U 315/03 du 23 novembre 2004).

Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que, par rapport aux mouvements de la vie quotidienne, le basketball, respectivement le football, présentaient à l'évidence un potentiel de danger accru (course, accélérations, mouvements brusques en avant, en arrière et de côté, arrêts brusques). Même pour une personne qui pratiquait régulièrement ces sports, cela ne représentait pas des gestes de la vie courante, comme le fait de se déplacer dans une pièce, se lever, se coucher ou s'asseoir. Une brusque rotation du haut du corps dans une phase de jeu plus ou moins critique, alors que les pieds restaient fixés, constituait une sollicitation du corps plus importante que la normale. Dans de telles situations, la condition du facteur extérieur était remplie par ce mouvement plus ou moins antinomique du point de vue physiologique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2007 et 8C_218/2007 du 12 mars 2008 consid. 4.3, respectivement arrêt du Tribunal fédéral U 71/07 du 15 juin 2007 consid. 6.2). Le Tribunal fédéral a toutefois considéré que la brusque rotation du corps effectuée lors d'un match de basketball ne constituait pas un mouvement non coordonné, qui survenait quand le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel était interrompu par un empêchement non programmé lié à l'environnement extérieur, tel le fait de glisser, de s'encoubler, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute. Le caractère extraordinaire du facteur faisait donc défaut (arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2007 et 8C_218/2007 du 12 mars 2008 consid. 5). Toujours dans le cadre du sport, le Tribunal fédéral des assurances a bien qualifié de cause extérieure la modification de la pression subie par le corps humain dans l'exercice de la plongée (arrêt R. du 7 février 1984, U 32/82 publié dans CNA 1984 n° 2, p. 3) ou en cas d'accélération de la pesanteur lors du brusque changement de la trajectoire d'un avion (arrêt non publié F. du 28 juin 2002, U 370/01), il a en revanche nié le caractère extraordinaire de ces facteurs extérieurs.

4.2.2 À cet égard, concernant toujours l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2).

À titre d'exemples, le critère du facteur extraordinaire a été admis dans le cas suivants : charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 précité consid. 3), skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420), cavalier qui s'est blessé parce que son cheval est tombé tête la première (les deux jambes avant du cheval ont « lâché » ; arrêt du Tribunal fédéral U 296/05 du 14 février 2006 consid. 2.3), footballeur amateur ayant subi une torsion du genou à la suite d'une obstruction de son adversaire (arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 1992 in RAMA 1993 n° U 165 p.58), assurée s'étant fait une entorse à la cheville après une chute d'environ 2,5 mètres alors qu'elle faisait de l'escalade en salle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018).

En revanche, le critère du facteur extraordinaire a été nié dans les cas suivants : lors d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67), une personne ayant trébuché sur une pierre, sans chuter, pendant une séance de « nordic walking » en extérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_978/2010 du 3 mars 2011 consid. 4.2), joueur professionnel de hockey sur glace qui s'est blessé à l'épaule lors d'un tir (« slapshot ») en frappant avec sa crosse la glace à la place du puck (arrêt du Tribunal fédéral 8C_141/2009 du 2 juillet 2009 consid. 7.2), un footballeur qui, lors d'un tir, a été victime d'une élongation d'un muscle à la cuisse (arrêt du Tribunal fédéral U 611/06 du 12 mars 2007 consid. 4), une personne qui, à l'occasion d'un plongeon d'une hauteur de sept mètres à la piscine, a subi un choc en raison du mauvais positionnement de son corps lors de la pénétration dans l'eau (arrêt du Tribunal fédéral U 17/02 du 10 décembre 2002 consid. 2), un assuré qui s'est blessé à la nuque en effectuant une roulade en avant durant une leçon de gymnastique (arrêt du Tribunal fédéral U 98/01 du 28 juin 2002) ou en exécutant de manière légèrement imparfaite une figure de gymnastique ou un autre mouvement dans l'exercice d'un sport (arrêt du Tribunal fédéral U 134/00 du 21 octobre 2001 et arrêt du Tribunal fédéral U 17/02 du 10 décembre 2002 consid. 2), une cavalière qui a subi une lésion de la colonne cervicale parce que son cheval a brusquement changé d'allure (arrêt du Tribunal fédéral U 296/05 du 14 février 2006 consid. 2.3).

Le critère du facteur extérieur extraordinaire peut encore résulter d'un mouvement non coordonné. Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel du mouvement est influencé par un phénomène extérieur ("mouvement non programmé"). Dans le cas d'un tel mouvement, l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire doit être admise, car le facteur extérieur - l'interaction entre le corps et l'environnement - constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison de l'interruption du déroulement naturel du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 et les références). Le caractère extraordinaire peut ainsi être admis lorsque l'assuré s'encouble, glisse ou se heurte à un objet, ou encore lorsqu'il exécute ou tente d'exécuter un mouvement réflexe pour éviter une chute (RAMA 2004 n° U 502 p. 184 consid. 4.1 in fine; 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b). Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes (arrêt du Tribunal fédéral U 252/06 du 4 mai 2007 consid. 2; RAMA 1999 n° U 345 p. 422 consid. 2b et les références). En particulier, dans le cas d'une lésion survenue dans l'exercice d'un sport, le critère du facteur extraordinaire et, partant, l'existence d'un accident, doivent être niés en l'absence d'un événement particulier (ATF 130 V 118 consid. 2.2 et les arrêts cités). En effet, selon une jurisprudence constante, un acte usuel dans l'exercice d'un sport, même s'il représente un effort violent ou implique une contrainte importante, exécuté dans des conditions familières pour un sportif actif et non accompagné d'un phénomène particulier, ne saurait être qualifié d'exceptionnel (arrêts du Tribunal fédéral U 235/02 du 06 août 2003, U 17/02 du 10 décembre 2002 et les références citées).

4.3 Les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient en contradiction avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 4.3 ; 8C_26/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.2).

5.              

5.1 En l’espèce, il convient tout d’abord de déterminer les circonstances dans lesquelles sont survenues les lésions dont il est question.

5.2 Concernant le contexte général, il appert qu’il y a une contradiction majeure entre d’une part les déclarations de la recourante et l’essentiel des éléments au dossier qui font tous état d’un évènement survenu lors d’une pratique du yoga et, d’autre part, deux rapports émanant de médecins traitants mentionnant un accident lors de la pratique du surf.

Ainsi, le Dr H______ explique que « selon la patiente, suite à une pratique de surf intense, elle a ressenti une douleur à l’épaule droite avec une perte de force lors du port de charges. Elle a pris des AINS [anti-inflammatoires non stéroïdiens] afin de calmer les douleurs. Probables chutes multiples en surf, chutes avec appui facial sur les deux mains » (certificat du 25 mars 2022). Quant à la Dre E______, elle fait état, sous la rubrique « indications du patient » de l’apparition brusque de douleurs et d’une sensation de blocage à l’épaule droite, suite à un mouvement forcé en surf (certificat du 13 décembre 2021).

Au vu du dossier et des explications concordantes de la recourante et du témoin lors de l’audience du 15 février 2023, la chambre de céans écarte cependant la thèse du surf qui résulte visiblement d’une mauvaise compréhension des deux médecins en ayant fait état. Cela semble d’autant plus vraisemblable que les descriptions de l’évènement par la Dre E______ et le Dr H______ ne se recoupent pas même entre elles.

5.2.1 Il est ainsi établi au degré de la vraisemblance prépondérante que les lésions sont bien survenues dans le cadre d’une pratique de yoga, comme expliqué de manière constante par la recourante dès le stade de la déclaration d’accident. Il n’en demeure pas moins que le narratif a évolué au fil du temps.

Dans la description initiale de l’accident, la recourante explique qu’alors qu’elle faisait un appui facial sur les mains, elle a soudainement ressenti une douleur à l’épaule droite avec une sensation et un bruit de craquement/claquement qui l’a empêchée de poursuivre l’appui et l’a forcée à se relever. Cette version initiale n’implique aucune chute préalable à la douleur. Tout au plus, est-il vraisemblable que, vu la position dans laquelle la recourante se trouvait au moment de la douleur et du craquement, ceux-ci ont engendré une chute. Comme l’intimée le relève à juste titre, ce narratif n’est pas remis en question par l’assurée, dans ses observations du 19 novembre 2021, faisant suite au refus de prise en charge du cas au motif qu’il ne s’agirait ni d’un accident ni d’une lésion assimilée. Il n’est pas non plus remis en question par les explications subséquentes du 8 février 2022, l’intéressée indiquant que « lors d’un entraînement (activité sportive), je faisais un appui facial (sur les mains uniquement) quand soudain, en perdant l’équilibre, j’ai senti une douleur dans l’épaule droite qui m’a empêchée de poursuivre l’appui. Je me suis retrouvée au sol ». Sans être contradictoire avec la version précédente, le narratif la précise quelque peu en intégrant désormais une perte d’équilibre simultanée à la douleur. La chute demeure cependant postérieure à celle-ci.

Dans le cadre de l’opposition du 15 mars 2022, la chronologie est cette fois différente, vu que la recourante indique désormais qu’après avoir soudainement perdu l’équilibre et basculé vers l’avant, elle a très rapidement senti un craquement douloureux dans l’épaule droite en chutant. Ce serait ainsi désormais la chute qui aurait occasionné la douleur et le craquement et non plus l’inverse.

Dans le cadre du recours, l’intéressé n’indique plus qu’elle se trouvait en position d’appui facial lors de l’évènement, mais en cours de transition entre cette position et celle de la colonne droite. Elle avait alors perdu la maîtrise de ses mouvements et son équilibre et c’était « en tentant d’éviter la chute qu’une tension importante était survenue, laquelle avait provoqué un bruit de claquement et de craquement et une douleur immédiate ».

Enfin, lors de son audition, elle explique tout d’abord que lors du passage de la position du corbeau à celle de la colonne droite, « j'ai perdu la maîtrise de la position. J'ai ressenti une tension qui me tirait vers l'avant et en essayant de retenir le poids du corps qui partait en avant, je suis tombée et j'ai entendu et senti un craquement ». Dans la suite de son audition elle indique en revanche : « J'ai senti la tension dans le haut du corps en résistant au mouvement qui m'attirait vers l'avant - alors qu'en principe on est plutôt attiré vers l'arrière - et le craquement dans l'épaule droite. Je me suis effondrée sur l'avant, tête-épaule ».

Ces différences ne sont pas anodines, vu que dans les explications initiales, la blessure (le craquement) a engendré la chute, alors que dans les versions subséquentes, la temporalité est le plus souvent inversée.

5.2.2 Conformément à la jurisprudence précitée (ATF 143 V 168), il convient de privilégier les déclarations initiales de la recourante, à teneur desquelles c’est le craquement au niveau de l’épaule, lors de l’appui facial, qui a provoqué une perte d’équilibre et donc la chute, et non l’inverse. Cela paraît d’autant plus justifié que cette version initiale ne figure pas uniquement dans la déclaration d’accident, - visiblement remplie par la comptable de l’employeur de la recourante sur la base des informations transmises par celle-ci -, mais également dans les observations du 19 novembre 2021 de l’intéressée, ainsi que dans son courrier du 8 février 2022 où elle indique expressément : « j’ai senti une douleur dans l’épaule droite qui m’a empêchée de poursuivre l’appui ».

Par rapport aux mouvements de la vie quotidienne, un tel exercice présente à l'évidence un potentiel de danger accru. Cela étant, l’appui facial effectué par la recourante ne constitue pas un mouvement du corps non coordonné, qui survient quand le déroulement habituel et normal d'un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé lié à l'environnement extérieur, tel le fait de glisser, de s'encoubler, de se heurter à un objet ou d'éviter une chute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2007 et 8C_218/2007 du 12 mars 2008 consid. 5 et références citées). Un tel empêchement n’est d’ailleurs pas allégué par la recourante, du moins dans sa version initiale des évènements présentement retenue. Il convient donc de nier la qualification juridique d'accident faute d’élément extérieur extraordinaire.

5.2.3 Dans un souci d’exhaustivité, la chambre de céans relève que, même s’il y avait eu lieu de retenir la version ultérieure de la recourante, selon laquelle ce serait la chute en tant que telle, - suite à une perte de contrôle de la position et d’équilibre lors d’une transition entre un appui facial et une colonne droite -, qui aurait occasionné la lésion, il conviendrait de toute manière d’écarter la qualification d’accident. En effet, les pertes d’équilibre font partie intégrante des risques inhérents à la pratique du yoga et en particulier des postures dites d’équilibre, dont l’apprentissage implique forcément des exécutions imparfaites conduisant à des chutes, qui n’ont rien d’exceptionnel. La recourante ne fait d’ailleurs état d’aucun élément extérieur extraordinaire à l’origine de la chute, dont le risque avait probablement été envisagé. Même dans cette hypothèse, l’existence d’une cause extérieure extraordinaire ferait donc également défaut.

6.             Reste à examiner si la lésion dont il est question correspond à une déchirure de tendons, au sens de l'art. 9 al. 2 let. f de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), justifiant la qualification de lésion assimilée à un accident (art. 6 al. 2 LAA).

6.1  

6.1.1 Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 9 al. 2 OLAA qui prévoit que certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu'elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs: les fractures, les déboîtements d'articulations, les déchirures du ménisque, les déchirures et les élongations de muscles, les déchirures de tendons, les lésions des ligaments et des tympans.

6.1.2 Concernant les tendons, l'obligation de l'assureur-accidents de prendre en charge les suites d'une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de l'art. 9 al. 2 let. f OLAA se limite, conformément à la portée et au but de cette disposition, strictement aux déchirures, à l'exclusion de toute autre pathologie affectant les tendons, notamment celles qui concernent les tissus. Comme, du point de vue clinique, les ruptures partielles de tendons ne se différencient généralement pas des réactions inflammatoires secondaires, l'existence d'une lésion corporelle assimilée ne peut être admise qu'à la condition qu'une rupture partielle de tendon ait été objectivée médicalement de manière manifeste, que ce soit lors d'une opération ou à l'aide d'imagerie par produit de contraste. Il appartient à la personne qui requiert des prestations d'en apporter la preuve, faute de quoi elle risque de devoir en supporter l'absence (ATF 114 V 298 consid. 5c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 4.3).

6.1.3 Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (ATF 146 V 51), lorsqu'une lésion corporelle comprise dans la liste énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA est diagnostiquée, l'assureur-accidents est tenu à prestations aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve libératoire que cette lésion est due de manière prépondérante, c'est-à-dire à plus de 50 % de tous les facteurs en cause, à l'usure ou à une maladie (ATF 146 V 51 consid 8.6). Le seul fait que l'on soit en présence d'une lésion corporelle comprise dans la liste énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA entraîne la présomption qu'il s'agit d'une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être prise en charge par l'assureur-accidents ; celui-ci est dès lors tenu de prester aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve, en s'appuyant sur des avis médicaux probants, que cette lésion est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie (ATF 146 V 51 consid 8.6). Cette jurisprudence a régulièrement été reprise par le Tribunal fédéral depuis lors (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_593/2021 du 6 janvier 2022 consid. 2.3 ; 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 2.3 ; 8C_630/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2). Elle est également régulièrement appliquée par la chambre de céans (cf. ATAS/747/2022 du 30 août 2022 consid. 7.2 ; ATAS/582/2022 du 24 juin 2022 consid. 7.2).

6.2 En l’espèce, la recourante s’est soumise à une arthro-IRM, soit une imagerie par produit de contraste, le 27 octobre 2021. Celle-ci a donné lieu à un rapport du 29 octobre 2021 dans lequel les radiologues concluent à une « lésion partielle de la face profonde du tendon du sus-épineux avec fissuration laminaire intratendineuse. Lésion partielle au niveau de la face profonde du tendon du sous-scapulaire à proximité de son attache médicale et crâniale. Pas d’altération manifeste du labrum ou du LCB ». Invité explicitement par la chambre de céans à indiquer s’il pouvait identifier des « déchirures même partielles de tendons », à teneur de l’imagerie précitée, le Dr D______ a ensuite indiqué : « la réponse est oui. On identifie avec un certain degré de confiance des lésions partielles ou complètes. Selon les études compilant différentes études (méta-analyses), la sensibilité et la spécificité de l’arthro-IRM pour la détection des lésions complètes des tendons de l’épaule est de 95.4 et 98.9% et de 85.9 et 96% pour les déchirures partielles ».

Dans son rapport circonstancié du 8 mars 2022, le Dr G______ relève également que « l’arthro-IRM montre une déchirure profonde du sous-scapulaire et sus-épineux ainsi que de la poulie du biceps » (pièce 13 rec.), ce qu’il confirme le 13 juillet 2022, indiquant que sa patiente « présente à l’IRM deux déchirures partielles, une qui concerne le sus-épineux, l’autre le sous-scapulaire. Ces lésions articulaires, bien que partielles, sont majoritairement traumatiques et correspondent au mécanisme rapporté par la patiente ».

L’intimée a tout d’abord contesté cette appréciation sur la base des rapports successifs du Dr F______ qui retient les diagnostics de lésion partielle face profonde avec fissuration partielle intratendineuse du tendon du sus-épineux droit et de lésion partielle au niveau de la face profonde du tendon du sous-scapulaire droit, tout en excluant que ces atteintes entrent dans la catégorie des lésions corporelles assimilées à un accident, faute de déchirure des tendons. Suite au départ à la retraite du Dr F______, l’intimée a transmis le rapport du Dr D______ du 10 mai 2023 au Dr K______. Invité à se déterminer sur le rapport précité, le nouveau médecin conseil a relevé, en substance, que le Dr D______ ne mentionnait que le terme de lésion et non celui de déchirures traumatiques. En outre, il était difficile de faire la différence, à l’IRM, entre une lésion d’usure et une lésion traumatique. Dans le cas de la recourante, elle présentait une fissuration du sus-épineux et une lésion partielle de la partie profonde du sous-scapulaire, soit, selon le médecin conseil, des lésions de tendinopathie par sur-sollicitation de ces deux tendons et en aucun cas une rupture franche et traumatique. Il a enfin indiqué que cette analyse était corroborée par le contexte de l’évènement, la douleur étant survenue alors que l’intéressée s’appuyait exclusivement sur les mains. S’agissant d’une sportive sollicitant grandement ses deux épaules et l’être humain n’étant pas constitué pour marcher sur les mains, il s’agissait d’une lésion dégénérative. Dit contexte ne permettait pas non plus de qualifier l’atteinte de lésion assimilée à un accident au sens de la loi.

La chambre de céans relève tout d’abord que seuls deux spécialistes, soit les Drs D______ et G______ se réfèrent directement à l’imagerie du 27 octobre 2021. Tous deux font état, sans ambages et de manière argumentée, de ruptures au moins partielles des tendons visibles à l’arthro-IRM.

Le Dr F______ ne semble pas pour sa part, (à teneur des rapports des 28 janvier, 4 avril et 5 mai 2022), avoir même examiné l’imagerie dont il est question. Non seulement il ne l’indique pas et ne fait état d’aucune constatation en lien avec ces images, mais il mentionne explicitement baser son appréciation sur les conclusions du rapport y relatif (plutôt que l’imagerie). Or, si ce document fait bien état de lésions partielles au niveau du sous-scapulaire et du sus-épineux, il n’est guère plus spécifique quant à la nature précise de celles-ci et notamment sur la présence d’éventuelles déchirures. Le complément ultérieur du Dr D______ (auteur du rapport d’imagerie du 29 octobre 2021) permettra d’ailleurs de corriger cette imprécision de son propre rapport, le radiologue affirmant, sur question, qu’au vu des images, les lésions dont il est question sont bien, à un degré confinant à la certitude, des déchirures au moins partielles de tendons.

Quant au Dr K______, il ne s’exprime pas sur l’imagerie en tant que telle, mais essentiellement sur l’appréciation du Dr D______ et sur les mots utilisés par ce dernier. Pour le surplus, il indique de manière générique qu’à « l’IRM il s’avère difficile de faire la différence entre une lésion d’usure et une section traumatique » et que « l’IRM est très performante pour identifier les lésions mais pas du tout pour identifier clairement leur causalité ». Au final, il ne se prononce pas sur la visibilité ou non de déchirures sur l’arthro-IRM de la recourante, mais essentiellement sur le fait qu’une telle imagerie ne serait au final guère probante et qu’au vu du contexte de l’évènement, la lésion serait de toute manière de type dégénératif et non franche et traumatique.

Vu l’importance reconnue par la jurisprudence aux résultats d’une imagerie par produit de contraste dans l’objectivation partielle d’une rupture partielle de tendons (ATF 114 V 298 consid. 5c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 4.3), il convient de considérer que la position des Drs F______ et K______, faute de se baser sur un tel examen, n’est pas convaincante. Elle n’est en outre pas suffisamment argumentée ni documentée pour remettre en question l’appréciation des Drs G______ et D______, fondée directement sur l’arthro-IRM. Il convient donc de retenir, au degré de preuve requis de la vraisemblance prépondérante, que la recourante présente bien des déchirures partielles du sus-épineux et du sous-scapulaire, de sorte qu’il s’agit bien de lésions assimilées à un accident.

6.3 L’intimée soutient encore, toujours sur la base des rapports du Dr F______ et K______, que même s’il y avait lieu de retenir des déchirures tendineuses, les lésions seraient dues de manière prépondérante, soit à plus de 50%, à l’usure, s’agissant « de lésions d’apparition progressive par sur-utilisation/sur-sollicitation des épaules ».

Outre que cette affirmation est contredite par les différents médecins traitants qui insistent sur l’origine traumatique de la lésion, elle n’est étayée par aucune pièce au dossier et n’est guère motivée que ce soit par l’intimée, ou ses médecins-conseil. L’affirmation par le Dr K______ que la lésion résulterait d’une atteinte dégénérative chez une sportive sollicitant grandement ses deux épaules alors que « l’être humain n’est pas constitué pour marcher sur les mains » n’est guère convaincante. Cette appréciation ne suffit en tout cas pas à renverser la présomption qu’une déchirure même partielle de tendons constitue une lésion corporelle assimilée à un accident, devant être prise en charge par l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid 8.6).

Force est ainsi de constater que la déchirure profonde du sous-scapulaire et sus-épineux constituent des lésions assimilées à un accident, résultant en l’espèce de la surcharge de l’épaule lors d’un appui facial de l’assurée le 3 juillet 2021. En tant qu’assureur-accidents, il incombe donc à l’intimée de prendre en charge les suites de cet évènement sur la base de la LAA.

7.             Partant, le recours est admis.

8.             Étant donné que la recourante obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA ; RS E 5 10.03).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition de l’intimée du 8 juin 2022.

4.        Dit que la recourante a droit aux prestations de l'intimée pour ce qui est des suites de l’évènement du 3 juillet 2021.

5.        Alloue une indemnité de CHF 3'000.- au recourant, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le