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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3802/2020

ATAS/552/2023 du 05.07.2023 ( AVS ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : BÉNÉFICIAIRE DE RENTE;RENTE DE VEUF;ÉGALITÉ ENTRE HOMME ET FEMME;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE
Normes : LAVS.23; LAVS.24; Cst.8; Cst.190; CEDH protocole 7.5
Résumé : Refus d’une rente de veuf à un homme qui, au décès de son épouse en 2019, d’une part avait deux enfants majeurs (âgés alors d’une trentaine d’années) issus d’une précédente union conjugale et d’autre part avait 45 ans révolus et était marié depuis au moins cinq ans. Rente revendiquée pour cause de discrimination entre femmes et hommes, la LAVS prévoyant l’octroi, à vie, d’une rente de veuve en faveur d’une femme se retrouvant veuve dans ces deux mêmes circonstances. Le 11 octobre 2022, dans la cause Beeler c/ Suisse (n° 78630/12), la Grande Chambre de la CourEDH a jugé que l’extinction de la rente de veuf au 18ème anniversaire du cadet des enfants d’un veuf bénéficiant depuis de nombreuses années d’une rente de veuf consacrait une discrimination fondée sur le sexe contraire à l’art. 14 CEDH appliqué en combinaison avec l’art. 8 CEDH garantissant le respect de la vie familiale. Le refus d’une rente de veuf au recourant constitue une discrimination fondée sur le sexe contraire à l’art. 8 Cst. et – dans la mesure où cette disposition serait applicable – à l’art. 14 CEDH. Cette discrimination ne peut toutefois être sanctionnée, ni en tant qu’elle est contraire à l’art. 8 Cst., eu égard à l’obligation d’appliquer les art. 23 et 24 LAVS dictée par l’art. 190 Cst., ni en tant qu’elle n’est pas compatible avec l’art. 14 CEDH. Cette disposition-ci n’a pas à trouver application en l’espèce, du fait que – contrairement à ceux de la cause Beeler jugée par la CourEDH – les faits de la présente cause ne tombent pas sous l’empire d’un article pertinent qui serait applicable de la CEDH ou d’un de ses Protocoles additionnels, en particulier de l’art. 8 CEDH sur le respect de la vie familiale (dans les deux cas de figure évoqués, on ne peut retenir que la rente de conjoint survivant vise à favoriser la vie familiale ni surtout qu’elle a nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci) ou de l’art. 5 sur l’égalité entre époux du Protocole n° 7 (cet art. 5 a une portée limitée au droit civil, à l’exclusion notamment du droit des assurances sociales).
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3802/2020 ATAS/552/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 juillet 2023

 

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1967, a épousé, en date du 18 août 2006, Madame B______ née C______ le ______ 1958. Il a depuis lors été domicilié dans le canton de Genève, avec son épouse précitée. Aucun enfant n’est issu de l’union de l’assuré et de B______.

Cette dernière était mère de deux enfants issus de deux premières unions conjugales, nés respectivement les ______ 1977 et ______ 1982, qui n'ont jamais vécu dans le ménage commun de leur mère et son époux précité, l'assuré.

De son côté, l’assuré était père de deux enfants issus d’une précédente union conjugale, nés respectivement le ______ 1987 et le ______ 1991, qui, lors de son mariage avec B______, avaient 19 et 15 ans, et qui, sous réserve de périodes de vacances pour le cadet, n’ont pas vécu dans le ménage commun de l’assuré et B______.

2.        Mme B_____ est décédée le 29 décembre 2019.

3.        Le 11 mai 2020, l'assuré a saisi la caisse cantonale genevoise de compensation (ci‑après : la CCGC ou l'intimée) d'une demande de rente de conjoint survivant (autrement dit d'une rente de veuf), en exprimant le souhait que « les dispositions spéciales accordées aux femmes le soient aussi en toute égalité de droit de la famille à l'homme ».

4.        Par décision du 14 mai 2020, la CCGC lui a refusé l'octroi d'une telle rente, pour le motif qu'il ne remplissait pas la condition d'avoir des enfants âgés de moins de 18 ans prévue, s'agissant d'un veuf, par l'art. 24 al. 2 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

5.        Le 16 mai 2020, l'assuré a formé opposition à cette décision, en revendiquant, au nom de l'égalité de traitement entre femmes et hommes, d'être mis au bénéfice d'une rente de veuf aux conditions que prévoit en faveur des femmes l'art. 24 al. 1 LAVS pour l'octroi d'une rente de veuve, à savoir « si, au décès de leur conjoint, elles n'ont pas d'enfant ou d'enfant recueilli au sens de l'art. 23, mais qu'elles ont atteint 45 ans révolus et ont été mariées pendant cinq ans au moins (…) ». Il faisait en outre référence aux art. 19 et 20a al. 1 let. a de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), traitant du droit à une rente de conjoint survivant, ainsi qu'à la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et à la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1).

6.        Le 20 octobre 2020, la troisième section de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), a jugé, dans la cause Beeler contre Suisse (n° 78630/12), qu’en tant qu’il prévoit l’extinction de la rente de veuf (mais pas de veuve) lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans, l'art. 24 al. 2 LAVS viole l’art. 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

7.        Par décision sur opposition du 27 octobre 2020, la CCGC a rejeté l'opposition de l'assuré et confirmé sa décision du 14 mai 2020. Les motifs que l'assuré avait invoqués dans son opposition pouvaient rester ouverts, la décision précitée devant quoi qu'il en soit être confirmée. Sa qualité de veuf n'était pas contestée, mais en l'absence d'enfant de moins de 18 ans, les conditions d'ouverture du droit à une rente de veuf en sa faveur n'étaient pas réalisées. La loi était limpide sur ce point ; il avait déjà été jugé que les art. 23 et 24 LAVS n'avaient pas un caractère discriminatoire contrevenant à l'art. 8 Cst. (référence étant faite à un ATAS/803/2014 du 27 juin 2014).

8.        Par acte du 23 novembre 2020, l'assuré a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : CJCAS). Il persistait intégralement dans les motifs et conclusions de son opposition et faisait grief à la CCGC de se référer exclusivement à l'art. 23 LAVS, et d'ignorer, sans explication, l'art. 19 LPP, dont l'al. 1 let. b prévoyait que le conjoint survivant avait droit à une rente si, au décès de son conjoint, il avait atteint l'âge de 45 ans et le mariage avait duré au moins cinq ans. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3802/2020.

9.        Le 22 décembre 2020, la CCGC a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. L'assuré ne remplissait pas la condition prévue par l'art. 23 LAVS pour l'octroi d'une rente de veuf, lui et son épouse n'ayant pas eu d'enfant(s) au décès de cette dernière.

10.    Le 18 janvier 2021, l'assuré a persisté dans ses écritures antérieures, continuant en particulier à faire grief à la CCGC de ne pas intégrer dans son raisonnement l'art. 19 LPP.

11.    La CCGC n'a pas présenté d'observations complémentaires, et la CJCAS a indiqué que la cause était gardée à juger dès le 8 février 2021.

12.    Le 24 août 2021, la CJCAS a rouvert l'instruction de cette cause, déjà parce que, dans la décision attaquée comme dans sa réponse au recours, la CCGC ne s'était pas prononcée sur le grief de violation de l'art. 19 LPP soulevé par l'assuré, et aussi et surtout parce qu'elle avait plaidé, dans sa réponse au recours, que l'assuré n'avait pas droit à une rente de veuf « motif pris que la condition de l'art. 23 LAVS n'était pas remplie », alors qu'il résultait de l'ensemble du dossier qu'il revendiquait, au nom du principe de l'égalité entre femmes et hommes, d'être mis au bénéfice d'une rente de veuf aux conditions que prévoyait en faveur des femmes l'art. 24 al. 1 LAVS pour l'octroi d'une rente de veuve. Faisant au surplus référence à l'arrêt précité du 20 octobre 2020 de la troisième section de la CourEDH dans la cause Beeler contre Suisse (n° 78630/12), reconnaissant le caractère discriminatoire de l'art. 24 al. 2 LAVS, la CJCAS a demandé aux parties si elles étaient d'accord que la cause A/3802/2020 soit suspendue jusqu'à ce que la Grande Chambre de la CourEDH ait rendu son arrêt suite à la demande de renvoi dont le gouvernement suisse l’avait saisie contre cet arrêt. Elle leur a indiqué qu'elle les inviterait encore à se déterminer sur les questions liées à une transposition du raisonnement de la CourEDH, concernant une discrimination à raison du sexe résultant de l'art. 24 al. 2 LAVS, à la différence de traitement, ici en jeu, consacrée par l'art. 24 al. 1 LAVS, en envisageant au demeurant non seulement l'applicabilité de l'art. 8 CEDH (sur le droit au respect de la vie privée et familiale), mais aussi celle de l'art. 5 (sur l'égalité entre époux) du Protocole n° 7 à la CEDH du 22 novembre 1984 (Protocole n° 7 - RS 0.101.7).

13.    Par écriture du 22 septembre 2021, la CCGC a relevé que l'art. 19 LPP n'était pas applicable à la prétention de l'assuré, chacun des deux piliers que constituaient d'une part l'assurance-vieillesse et survivants et d'autre part la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité étant financé selon un système propre et ayant un but et des prestations spécifiques. Elle s'opposait à une suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par la Grande Chambre de la CourEDH dans la cause n° 78630/12 ; celle-ci était fondée sur l'art. 24 al. 2 LAVS et concernait l'extinction d'un droit pour les veufs, alors que la cause A/3802/2020 devant la CJCAS avait pour objet l'art. 23 al. 1 LAVS concernant des conditions mises à la naissance d'un droit. Une différence de traitement ne constituait une discrimination prohibée par l'art. 14 CEDH que si elle ne bénéficiait d'aucune justification objective et raisonnable, question à propos de laquelle les États contractants jouissaient d'une certaine marge d'appréciation A teneur de l'art. 23 al. 1 LAVS, l'existence d'enfant(s) au moment du décès d'un assuré était une condition sine qua non de la naissance du droit du conjoint survivant à une rente de veuf ou de veuve ; il relevait de la marge de manœuvre reconnue aux États contractants (donc à la Suisse) de prévoir des conditions particulières (soit celles fixées par l'art. 24 al. 1 LAVS) pour la naissance d'un droit à une rente de veuve en l'absence d'enfant(s). La CCGC persistait dans les conclusions de la décision attaquée.

14.    Le 7 octobre 2021, l'assuré s'est prononcé en faveur d'une suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par la Grande Chambre de la CourEDH dans la cause précitée, en dépit du fait que le cas soumis à cette juridiction européenne n'était pas identique à celui faisant l'objet de son recours A/3802/2020. Seules des considérations très fortes pouvaient amener à estimer compatible avec la CEDH une différence de traitement fondée sur le sexe, indépendamment du point de savoir si la discrimination alléguée frappait une femme ou un homme. Si les principes énoncés dans l'arrêt de la CourEDH du 20 octobre 2020 étaient confirmés par la Grande Chambre, ils s'appliqueraient à l'inégalité de traitement résultant aussi bien de l'art. 24 al. 1 LAVS que de l'art. 24 al. 2 LAVS.

15.    Par arrêt incident du 28 octobre 2021 (ATAS/1089/2021), la CJCAS a suspendu l’instruction de la cause A/3802/2020 jusqu’à droit jugé par la Grande Chambre de la CourEDH dans la cause n° 78630/12, en application de l’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), estimant qu’il était important de savoir si l’art. 24 al. 2 LAVS constituait une discrimination incompatible avec la CEDH pour juger du point de savoir si la différence de traitement que consacre l’art. 24 al. 1 LAVS a un caractère discriminatoire condamné par l’art. 14 CEDH, en envisageant non seulement l’applicabilité de l’art. 8 CEDH mais aussi celle de l’art. 5 du Protocole n° 7. Le raisonnement que retiendrait la Grande Chambre de la CourEDH s’agissant de la validité de l’art. 24 al. 2 LAVS ne serait certes pas forcément transposable à l’examen de la validité de l’art. 24 al. 1 LAVS, mais il n’apparaissait pas s’imposer d’emblée qu’une distinction devait être faite, pour l’admission ou non d’une discrimination fondée sur le sexe, entre les deux situations visées par ces dispositions parce que cette disposition-ci traite d’un cas particulier d’ouverture du droit à une rente de veuve (mais pas de veuf), tandis que cette disposition-là prévoit un cas d’extinction (en réalité aussi, le cas échéant, de non-ouverture) du droit à une rente de veuf (mais pas de veuve). Il se justifiait d’admettre que l’arrêt que rendrait la Grande Chambre de la CourEDH revêtirait suffisamment, au sens de l’art. 14 al. 1 LPA, un caractère préjudiciel pour statuer sur le recours A/3802/2020.

16.    Par arrêt du 11 octobre 2022 statuant dans la cause n° 78630/12 précitée, la Grande Chambre de la CourEDH a jugé d’une part que les faits de l’espèce tombaient sous l’empire de l’art. 8 CEDH garantissant le respect de la vie familiale du requérant, si bien que l’art. 14 CEDH trouvait application, et d’autre part que cette disposition-ci était violée en tant que la suppression de la rente de veuf allouée au requérant, fondée sur l’art. 24 al. 2 LAVS, consacrait une discrimination fondée sur le sexe injustifiée. Il n’était pas démontré qu’existaient des considérations très fortes ou des raisons particulièrement solides et convaincantes propres à justifier cette différence de traitement fondée sur le sexe. Il n’était plus possible, en Suisse, de se prévaloir de la présomption selon laquelle l’époux entretient financièrement son épouse (concept du « mari pourvoyeur ») afin de justifier une différence de traitement défavorisant les veufs par rapport aux veuves. La législation considérée contribuait plutôt à perpétuer des préjugés et des stéréotypes concernant la nature ou le rôle des femmes au sein de la société et constituait un désavantage tant pour la carrière des femmes que pour la vie familiale des hommes.

17.    Le 1er novembre 2022, la CJCAS a ordonné la reprise de l’instruction de la cause A/3802/2020.

18.    Après avoir obtenu de la CCGC (service des comptes individuels), le 9 novembre 2022, la production des rassemblements des comptes individuels d’une part de l’assuré et d’autre part de feue son épouse B______, la CJCAS a procédé, le 30 novembre 2022, à la comparution personnelle des parties, lors de laquelle les situations familiales et financières de l’assuré et feue son épouse précitée ont été passées en revue. Il a été confirmé que les deux enfants de cette dernière, âgés de 29 et 24 ans lors de son mariage avec l’assuré, n’avaient jamais vécu dans leur foyer et qu’aucun enfant n’était issu du mariage de l’assuré avec B______ ; il s’est avéré que l’assuré avait eu deux enfants d’une première union conjugale, qui, lors de son mariage avec B______, avaient respectivement 19 et 15 ans ; seul le cadet avait vécu très occasionnellement (essentiellement pour des vacances) dans le foyer de l’assuré et B______, l’aîné s’étant engagé dans l’armée française en 2005. L’assuré travaillait à plein temps comme ébéniste restaurateur de meubles depuis août 2003, en tant que frontalier habitant Saint-Julien-en-Genevois (F) puis, dès son mariage avec B______, comme résident à Genève chez et avec cette dernière ; ses revenus suffisaient tout juste à couvrir les besoins de son foyer. B______ avait réalisé de faibles revenus (en moyenne CHF 14'000.- par année de 1999 à 2005), avant d’être au chômage d’octobre 2005 à mai 2006 (en percevant au total CHF 6'966.- d’indemnités de chômage durant toute cette période) ; dès juin 2006, elle n’avait plus exercé d’activité lucrative, mais elle avait assisté l’assuré dans son activité professionnelle en effectuant des travaux administratifs (établissement de devis et de factures, tenue de la comptabilité) et des travaux de tapisserie ; elle avait dû payer la cotisation AVS minimale au titre de personne sans activité lucrative pour chacune des années 2017, 2018 et 2019, durant lesquelles les revenus de l’assuré avaient été insuffisants pour lui servir de « couverture mariage ». L’assuré ne percevait pas de rente de conjoint survivant du 2ème pilier, alors que feue son épouse précitée avait travaillé depuis 1996 comme salariée durant plusieurs années et, pensait-il, devait avoir été affiliée à une ou des caisses de prévoyance professionnelle.

19.    Le 1er décembre 2022, comme annoncé au terme de cette audience de comparution personnelle, la CJCAS, compte tenu de la question de principe posée par le recours A/3802/2020, a invité l’office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) à présenter une détermination dûment motivée sur ce recours, notamment sur le point de savoir si le refus de l’ouverture du droit à une rente de conjoint survivant résultant de l’art. 24 al. 1 LAVS pour un homme (mais pas pour une femme) a ou non un caractère discriminatoire condamné par l’art. 14 CEDH, et ce en envisageant non seulement l’applicabilité de l’art. 8 CEDH (sur le droit au respect de la vie privée et familiale) mais aussi celle de l’art. 5 (sur l’égalité entre époux) du Protocole n° 7.

20.    Par écriture du 26 janvier 2023, l’OFAS a indiqué qu’à la suite de l’arrêt de la Grande Chambre de la CourEDH du 11 octobre 2022 dans la cause n° 78630/12, et en attendant que la LAVS soit révisée, il avait émis le « Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC n° 460 » en date du 21 octobre 2022 (ci-après : Bulletin n° 460), pour mettre en place un régime transitoire évitant la répétition de la violation de la CEDH constatée par la CourEDH. L’arrêt de cette dernière ne se référait qu’à la suppression de la rente de veuf à la majorité du dernier enfant ; il ne se prononçait pas sur les autres différences de traitement existant entre veuves et veufs en matière de rentes de survivants. Il ne revenait pas à l’OFAS de se déterminer sur la conformité du droit fédéral, adopté par le pouvoir législatif, au droit supérieur. La situation de l’assuré ne relevait pas d’un état de fait identique ou similaire à celui que la Grande Chambre de la CourEDH avait analysé ; la CCGC avait statué à bon droit dans le cadre de la loi en déniant à l’assuré un droit à la rente de veuf. Il fallait appliquer les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants s’étaient produits.

21.    Invitée à son tour à présenter une détermination, la CCGC, par écriture du 8 février 2023, a indiqué prendre à son compte l’intégralité des moyens et arguments développés par l’OFAS le 26 janvier 2023, et elle a pour le surplus renvoyé à son écriture du 22 septembre 2021. Il n’y avait aucune discrimination. Il y avait lieu de rejeter le recours de l’assuré et de confirmer la décision attaquée.

22.    Invité à présenter une détermination, l’assuré, par écriture du 9 mars 2023, a conclu à l’admission de son recours. L’OFAS et la CCGC limitaient leur argumentation au fait que la Grande Chambre de la CourEDH s’était prononcée sur un état de fait non identique ou similaire au sien. Les états de fait n’étaient certes pas identiques, mais, par identité de motifs, l’art. 24 al. 1 LAVS, en prévoyant un droit à une rente de veuve alors qu’il ne le prévoyait pas en faveur d’un veuf dans les mêmes circonstances, créait une différence de traitement fondée sur le sexe de la personne concernée, et ce sans que des considérations très fortes ne la rendent compatible avec la CEDH. La CourEDH avait attaché une importance fondamentale au fait que, comme l’avait énoncé le Tribunal fédéral en 2012 à propos de l’introduction de la rente de veuf, le législateur fédéral était conscient que la différenciation des conditions d’octroi de la rente de survivant selon qu’il s’agissait d’une veuve ou d’un veuf, fondée sur le sexe, était contraire à la Constitution et ne s’imposait ni pour des motifs biologiques ni pour des motifs fonctionnels. Ne reposant pas sur une justification raisonnable et objective, la différence de traitement résultant de l’art. 24 al. 1 LAVS violait l’art. 14 CEDH, aussi au regard de l’art. 5 du Protocole n° 7 en tant qu’il créait une inégalité de droits lors de la dissolution du mariage par le décès de l’un ou l’autre des conjoints.

23.    Le 3 mai 2023, considérant le fait, jusque-là non discuté, que l’assuré avait eu deux enfants d’une précédente union conjugale (plus âgés que 18 ans lors du décès de B______), la CJCAS a invité l’assuré à fournir des pièces l’établissant, ce que l’assuré a fait les 15 et 22 mai 2023. La CJCAS a par ailleurs invité l’OFAS et la CCGC à répondre à quelques questions relatives à la portée de l’art. 23 al. 1 LAVS, pour le cas où une femme qui, au décès de son conjoint, aurait un ou des enfants majeurs aurait droit à une rente de veuve en application de l’art. 23 al. 1 LAVS.

24.    Par écriture du 8 juin 2023, l’OFAS a indiqué qu’en vertu de l’art. 23 al. 1 LAVS, une femme qui, au décès de son conjoint, a un ou plusieurs enfants a droit à une rente de veuve, sans que l’âge (en particulier la minorité ou la majorité), le domicile ou la situation sociale de ses enfants ne soient déterminants pour ouvrir le droit à la rente de veuve ; ce droit existait indépendamment de l’âge et du nombre d’années de mariage de la veuve (contrairement au cas prévu par l’art. 24 al. 1 LAVS). Le Bulletin n° 460 ne réglait que les cas similaires à celui que la Grande Chambre de la CourEDH avait tranché dans la cause Beeler, en particulier à celui de veufs avec au moins un enfant mineur et dont la rente était en cours de versement le 11 octobre 2022 (date de l’arrêt définitif de la CourEDH), à celui de veufs dont l’enfant mineur était devenu majeur avant le 11 octobre 2022 et dont la décision de suppression de leur rente avait été et restait contestée au 11 octobre 2022, et à celui de veufs non divorcés avec enfants (mineurs ou majeurs) devenus veufs après le 11 octobre 2022. Ce régime transitoire déployait ses effets à partir du 11 octobre 2022, jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme à venir en matière de rentes de survivants dans l’AVS. La situation de l’assuré était différente de celle jugée par la CourEDH ; l’assuré n’avait jamais perçu de rente de veuf, dès lors qu’au décès de sa femme, ses deux enfants étaient déjà majeurs et ne présentaient pas de rapport de dépendance nécessitant qu’il organise sa vie familiale pour s’en occuper.

25.    Le 16 juin 2023, la CCGC a indiqué n’avoir pas d’observation complémentaire à formuler à la prise de position de l’OFAS.

26.    Par écriture du 23 juin 2023, l’assuré a persisté dans les termes et conclusions de ses précédentes écritures. L’OFAS admettait que dans une situation comparable à la sienne, une femme bénéficierait d’une rente de conjoint survivant, dont le refus à lui-même constituait une violation des art. 8 Cst. et 14 CEDH.

27.    La cause a alors été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAVS. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), dans le respect des exigences de forme et de contenu prescrites (art. 61 let. b LPGA ; art. 89B LPA).

Le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Le recours reste cependant soumis à l'ancien droit, dès lors qu'il était pendant devant la CJCAS au 1er janvier 2021 (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass.féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.        Le recourant revendique le droit à une rente de veuf. Les dispositions pertinentes à ce sujet figurent aux art. 23 et 24 LAVS.

Selon l’art. 23 LAVS, les veuves et les veufs ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, ils ont un ou plusieurs enfants (al. 1). Sont assimilés aux enfants de veuves ou de veufs (al. 2) : (a) les enfants du conjoint décédé qui, lors du décès, vivaient en ménage commun avec la veuve ou le veuf et qui sont recueillis par le survivant, au sens de l’art. 25 al. 3 (selon lequel le Conseil fédéral règle le droit à la rente d’orphelin pour les enfants recueillis) ; (b) les enfants recueillis au sens de l’art. 25 al. 3, qui, lors du décès, vivaient en ménage commun avec la veuve ou le veuf et qui sont adoptés par le conjoint survivant. Le droit à la rente de veuve ou de veuf s’éteint (al. 4) : (a) par le remariage ; (b) par le décès de la veuve ou du veuf. Il renaît en cas d’annulation du mariage ou de divorce (al. 5).

Selon les « Dispositions spéciales » prévues par l’art. 24 LAVS, les veuves ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, elles n’ont pas d’enfant ou d’enfant recueilli au sens de l’art. 23, mais qu’elles ont atteint 45 ans révolus et ont été mariées pendant cinq ans au moins (al. 1 phr. 1). Outre les causes d’extinction mentionnées à l’art. 23 al. 4, le droit à la rente de veuf s’éteint lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans (al. 2).

4.        a. Le litige porte plus précisément sur le point de savoir si le recourant a droit à une rente de veuf en application du principe de non-discrimination entre femmes et hommes, du fait qu’il remplit les conditions auxquelles les art. 23 et 24 LAVS subordonnent l’ouverture d’une rente de veuve (mais pas de veuf), donc uniquement en faveur de femmes placées dans la même situation que lui.

Deux cas de figure sont évoqués.

b. Ne remettant pas en cause l’hypothèse apparemment retenue par l’intimée qu’il était un veuf sans enfant, le recourant a fait valoir qu’au moment du décès de sa conjointe, il avait 45 ans révolus et avait été marié durant cinq ans au moins, si bien que, estimait-il, il avait droit à une rente de veuf, à l’égal d’une femme à laquelle l’art. 24 al. 1 LAVS reconnaissait, dans la même situation, le droit à une rente de veuve. Il est constant que le recourant avait alors 52 ans révolus et avait été marié durant plus de 13 ans avec feue son épouse B______ (au demeurant sans compter les années de mariage avec sa précédente épouse, Madame D______, années qui, pour une femme, seraient au besoin prises en considération dans le calcul des cinq ans de mariage requis par l’art. 24 al. 1 phr. 1 LAVS [cf. art. 24 al. 1 phr. 2 LAVS]).

c. En cours d’instruction du recours, il a été établi que le recourant, au moment du décès de son épouse, avait deux enfants alors majeurs (âgés de 32 et 28 ans), issus d’une précédente union conjugale. La question s’est alors posée de savoir si cela ne faisait pas de lui un veuf avec enfants ayant droit à une rente de veuf au sens de l’art. 23 al. 1 LAVS, à l’égal d’une femme placée dans la même situation, dont, en revanche, le droit à la rente de veuve ne s’éteindrait pas au 18ème anniversaire du dernier enfant à teneur de l’art. 24 al. 2 LAVS. Cette disposition-ci, au-delà de sa lettre, s’opposerait certes dans un tel cas à l’ouverture du droit à une rente de veuf en faveur du recourant, mais son applicabilité même, niée par la CourEDH dans la cause Beeler précitée dans un contexte factuel différent, devrait faire l’objet d’un examen, sous l’angle de l’interdiction d’une discrimination fondée sur le sexe, pour le cas où une femme qui, au décès de son époux, aurait des enfants déjà majeurs se verrait quant à elle reconnaître le droit à une rente de veuve en application de l’art. 23 al. 1 LAVS.

L’art. 23 al. 1 LAVS prévoit que les veuves et les veufs ont droit à une rente si, au décès de leur conjoint, ils ont un ou plusieurs enfants, sans poser de conditions telles qu’il s’agisse d’enfants communs, ou d’enfants « à charge » (contrairement à l’art. 19 al. 1 let. a LPP pour la rente de conjoint survivant du 2ème pilier), ou que les enfants aient droit à une rente d’orphelin ou fassent ménage commun avec le conjoint survivant (cf. art. 29 al. 3 de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 - LAA - RS 832.20). Les Directives concernant les rentes de l’AVS (DR, n° 3401.1 ; n° 3402 dans des versions antérieures) indiquent que, pour une veuve, l’existence du droit à la rente est subordonnée à la condition que la personne intéressée ait au moins un enfant en vie au moment du décès de son conjoint, l’âge des enfants et le fait qu’ils aient ou non droit à une rente d’orphelin étant sans importance. Le Conseil fédéral dit la même chose notamment dans son Message du 19 novembre 2014 concernant la réforme de la prévoyance professionnelle 2020 (FF 2015 153). Plusieurs auteurs font de même (Stéphanie PERRENOUD, Familles et sécurité sociale en Suisse : l’état civil, un critère pertinent ?, 2022, n° 663 [cf. n° 671 déjà pour la situation antérieure à l’introduction de la rente de veuf lors de la 10ème révision de l’AVS] ; Dieter WIDMER, Die Sozialversicherung in der Schweiz, 13ème éd., 2021, p. 45 s. ; Marco REICHMUTH, § 24 AHV-Renten, in Recht der Sozialen Sicherheit, éd. par Sabine STEIGER-SACKMANN / Hans-Jakob MOSIMANN, 2014, n° 24.61 ; Michel VALTERIO, Droit de l’AVS et de l’AI. Commentaire thématique, 2011, n° 810 ; Pierre-Yves GREBER, L’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, in Droit suisse de la sécurité sociale, éd. par Pierre-Yves GREBER / Bettina KAHIL-WOLFF / Ghislaine FRESARD-FELLAY / Romolo MOLO, 2010, p. 137 ss, 195 n° 147).

Dans sa détermination du 8 juin 2023, l’OFAS a confirmé qu’en vertu de l’art. 23 al. 1 LAVS, une femme qui, au décès de son conjoint, a un ou plusieurs enfants a droit à une rente de veuve, sans que l’âge (en particulier la minorité ou la majorité), le domicile ou la situation sociale de ses enfants ne soient déterminants pour ouvrir le droit à la rente de veuve. Il a cependant nié que le recourant, qui n’avait plus d’enfant mineur au décès de son épouse (survenu avant le 11 octobre 2022), se trouvait dans une situation comparable à celle du requérant Beeler, autrement dit que l’art. 24 al. 2 LAVS ne lui serait pas applicable.

d. C’est dire que si l’art. 24 al. 2 LAVS, en tant qu’il s’oppose à l’ouverture d’une rente de veuf (mais pas de veuve) dans le cas d’un veuf avec enfant majeur au décès de son épouse, devait ne pas trouver application pour cause de discrimination fondée sur le sexe, le recourant aurait droit à une rente de veuf fondée sur l’art. 23 al. 1 LAVS, à l’égal d’une femme dans une même situation, soit en tant que veuf avec enfant.

Si, en revanche, l’art. 24 al. 2 LAVS devait trouver application dans ce cas de figure, il faudrait assimiler le recourant à un veuf sans enfant « au sens de l’art. 23 LAVS » (art. 24 al. 1 LAVS), ledit art. 24 al. 2 venant restreindre la notion de veuf avec enfant prévue par l’art. 23 al. 1 LAVS, si bien que se poserait la question de savoir s’il aurait droit, pour cause de discrimination fondée sur le sexe, à une rente de veuf fondée sur l’art. 24 al. 1 LAVS, en tant qu’au décès de son épouse il avait atteint 45 ans révolus et avait été marié pendant cinq ans au moins, à l’égal d’une femme sans enfant dans la même situation.

e. Il se justifie que la CJCAS envisage au besoin les deux cas de figure évoqués, en commençant par examiner si un problème de discrimination se pose (infra consi. 5-7) avant de se pencher, dans l’affirmative, sur le point de savoir si une discrimination peut être sanctionnée (infra cons. 8-12).

5.        a. Le principe de non-discrimination entre femmes et hommes figure à l’art. 8 al. 2 Cst.

En effet, après avoir posé le principe que tous les êtres humains sont égaux devant la loi (art. 8 al. 1 Cst.) et avant de répéter le droit fondamental s’en déduisant déjà que l’homme et la femme sont égaux en droit (art. 8 al. 3 phr. 1 Cst.) et de donner au surplus au pouvoir législatif le mandat de pourvoir à leur égalité de fait par la loi (art. 8 al. 3 phr. 2 Cst.), l’art. 8 al. 2 Cst. dit explicitement que « Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. »

b. A teneur de cette disposition, il y a discrimination lorsqu’une personne, se trouvant dans une situation similaire à une autre personne, fait l’objet d’un traitement inégal qualifié ayant pour but ou pour effet de la défavoriser, sur la base d’un critère de distinction qui porte sur un élément essentiel de son identité ne pouvant pas ou que difficilement être modifié (cf. not. ATF 138 I 205 cons. 5.4 et la jurisprudence citée par la doctrine indiquée ci-après). L’application de l’art. 8 al. 2 Cst. suppose un désavantage résultant d’un traitement différent fondé sur un motif de discrimination et non justifié par de fortes considérations (Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, 4ème éd. 2021, vol. II, n° 1168 ss ; Commentaire romand de la Constitution fédérale, éd. par Vincent MARTENET / Jacques DUBEY, 2021 [ci-après : CR Cst.] – Vincent MARTENET, art. 8 n° 52 ss).

Le sexe représente un des motifs de discrimination visés par l’art. 8 al. 2 Cst. L’homme et la femme doivent être traités de manière égale dans tous les domaines juridiques et sociaux, à tous les niveaux étatiques, sauf dans les cas dans lesquels une différence biologique ou fonctionnelle due au sexe exclut absolument une égalité de traitement ; une différence de traitement peut être admise, en particulier, pour des raisons liées à la grossesse, à l’accouchement et à la protection de la maternité, voire pour des considérations fondamentales d’équité ou, à des conditions strictes, pour des mesures positives impératives pour promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes ; les différences biologiques ou fonctionnelles ne doivent pas servir à perpétuer des répartitions de rôles stéréotypés (ATF 140 I 305 cons. 4 ; 129 I 265 cons. 3.3 ; 108 Ia 22 cons. 5 ; Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., vol. II, n° 1231 ss, 1241 ss ; CR Cst. - Vincent MARTENET, art. 8 n° 67 i.f., 76, 101 s., 106 s.).

c. Avec la précision importante qu’il ne peut être invoqué seul (infra cons. 9c), l’art. 14 CEDH interdit lui aussi les discriminations fondées sur des critères semblables à ceux qu’énumère exemplativement l’art. 8 al. 2 Cst., puisqu’il prévoit que « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Comme la Grande Chambre de la CourEDH l’a relevé dans son arrêt du 11 octobre 2022 dans la cause Beeler (n° 93 ss et 105), au sens de l’art. 14 CEDH, une différence fondée sur de tels critères dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables est discriminatoire si elle ne repose pas sur une justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En particulier, les différences exclusivement fondées sur le sexe doivent être justifiées par des « considérations très fortes », des « motifs impérieux », des « raisons particulièrement solides et convaincantes » ; des références aux traditions, présupposés d’ordre général ou attitudes sociales majoritaires ayant cours dans un pays donné ne suffisent pas à justifier une différence de traitement fondée sur le sexe ; la marge d’appréciation des Etats est étroite.

6.        a. S’agissant de l’extinction du droit à la rente de veuf (mais pas de veuve) prévue par l’art. 24 al. 2 LAVS (soit lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans), la Grande Chambre de la CourEDH a jugé, dans la cause Beeler, que le requérant n’avait pas été traité de la même façon qu’une veuve dans une situation analogue à la sienne, pour le seul motif qu’il était un homme (n° 99 ss), et que le gouvernement suisse n’avait pas démontré qu’il existait des « raisons particulièrement solides et convaincantes » propres à justifier cette différence de traitement (n° 104 ss).

b. En effet, la progression vers l’égalité des sexes était un but important des Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi qu’en témoignait la Recommandation n° R (85) 2 relative à la protection juridique contre la discrimination fondée sur le sexe, adoptée par le Comité des Ministres, appelant à garantir aux hommes et aux femmes un traitement égal tant au niveau de l’affiliation aux régimes de sécurité sociale et de retraite qu’au niveau des prestations payées par ces régimes. La Suisse ne pouvait se prévaloir de la présomption selon laquelle l’époux entretient financièrement son épouse (concept du « mari pourvoyeur ») afin de justifier une différence de traitement défavorisant les veufs par rapport aux veuves.

Le gouvernement suisse avait d’ailleurs reconnu, en 1990 déjà (dans le cadre des travaux ayant abouti à introduire la rente de veuf à l’occasion de la 10ème révision de l’AVS), que les épouses exerçaient de plus en plus souvent une activité lucrative et qu’il était nécessaire d’accorder une protection aux hommes qui se consacraient aux travaux ménagers et à l’éducation des enfants ; il avait cependant estimé qu’une harmonisation complète des conditions relatives à la rente de veuve et de veuf excéderait le cadre financier établi pour cette révision et qu’il était alors encore défendable de favoriser les veuves « plus âgées » eu égard à leurs difficultés de retourner dans la vie active (FF 1990 II 1, 37 s.).

Des tentatives entreprises par le gouvernement suisse à partir de 2000 pour réformer le régime de la rente de conjoint survivant avaient échoué, mais elles n’en étaient pas moins sous-tendues par la considération que le système en vigueur n’était plus adapté au contexte d’alors et était contraire au principe de l’égalité entre hommes et femmes. En témoignait notamment le projet de 11ème révision de l’AVS, rejeté en votation populaire en 2004, par lequel il était prévu, entre autres sujets, de limiter progressivement le droit des veuves à la rente pour l’aligner sur celui des veufs après une phase de transition, tout en assouplissant les conditions d’octroi de la rente de veuf (FF 2000 1771 1862). En témoignait aussi le projet de réforme « Prévoyance vieillesse 2020 », rejeté en votation populaire en 2020, qui, compte tenu du nombre croissant de femmes exerçant une activité lucrative et de l’évolution de la répartition des rôles au sein de la famille et dans la vie professionnelle, prévoyait de couvrir le risque lié au décès de manière plus ciblée, soit de supprimer, au terme d’une longue période transitoire, la rente de veuve pour les femmes sans enfant et de ne modifier que très légèrement les conditions d’obtention de la rente de veuf, dont le versement continuerait à prendre fin au 18ème anniversaire du dernier enfant (FF 2015 5, 153).

c. Dans son arrêt du 4 mai 2012 (9C_617/2011 cons. 3.5), rendu précisément dans la cause Beeler, le Tribunal fédéral s’était estimé tenu d’appliquer l’art. 24 al. 2 LAVS, toutefois non sans relever qu’en différenciant les conditions d’octroi de la rente selon qu’il s’agissait d’une veuve ou d’un veuf, le législateur fédéral avait opéré une distinction en fonction du sexe qui ne s’imposait ni pour des motifs biologiques ni pour des motifs fonctionnels, en violation du principe constitutionnel d’égalité des hommes et des femmes. Pour la CourEDH, la législation en question contribuait à perpétuer des préjugés et des stéréotypes concernant la nature ou le rôle des femmes au sein de la société et constituait un désavantage tant pour la carrière des femmes que pour la vie familiale des hommes. Pour ces motifs, l’inégalité de traitement dont le requérant Beeler avait été victime ne reposait pas sur une justification raisonnable et objective.

Il sied de noter que les cinq juges de la Grande Chambre de la CourEDH qui, dans cette cause Beeler, ont rédigé une opinion dissidente commune ont pris soin d’y indiquer que, du point de vue des principes, la différence de traitement contestée fondée sur le sexe pouvait être jugée dépassée et qu’ils ne l’approuvaient pas (n° 2 et 27 de leur opinion dissidente commune).

7.        a. Les considérants résumés ci-dessus ayant amené la CourEDH à voir une discrimination dans l’extinction du droit à la rente de veuf (mais pas de veuve) au 18ème anniversaire du dernier enfant prévue par l’art. 24 al. 2 LAVS sont certes centrés, logiquement, sur ce cas de figure. Les principaux d’entre eux n’en doivent pas moins s’appliquer aux autres inégalités de traitement affectant le régime légal des rentes de conjoints survivants, en particulier à celles évoquées en l’espèce, à savoir au refus de l’ouverture du droit à une rente en faveur d’un veuf qui, au décès de son conjoint, a un ou des enfants de plus de 18 ans (art. 23 al. 1 et 24 al.  2 LAVS) ou qui est alors sans enfant mais âgé de 45 ans révolus et a été marié pendant cinq ans au moins (art. 24 al. 1 LAVS a contrario).

L’homme se trouvant dans l’une ou l’autre de ces situations n’est pas traité de la même manière qu’une femme dans les mêmes circonstances pour le seul motif qu’il est un homme. Il n’est pas pertinent et, partant, pas admissible de se référer à un concept de « mari pourvoyeur » pour justifier ces différences de traitement, qu’il n’est pas possible de considérer comme s’imposant pour des motifs biologiques ou fonctionnels qui ne perpétueraient pas des répartitions de rôles stéréotypés.

b. Dans son message du 2 février 2000 concernant la 11ème révision de l’AVS, le Conseil fédéral qualifiait explicitement de contraire au principe de l’égalité entre hommes et femmes la réglementation du droit à la rente de veuf et de veuve des art. 23 et 24 LAVS, donc tant la règle selon laquelle les hommes avec enfant n’ont droit à une rente de veuf que si au moins le cadet de leur enfant n’a pas encore atteint son 18ème anniversaire, que la règle selon laquelle les hommes sans enfant n’ont pas droit à une rente de veuf même si, au décès de leur conjointe, ils sont âgés de 45 ans révolus et ont été mariés pendant cinq ans, alors que les femmes, dans les mêmes circonstances, acquièrent et conservent à vie le droit à une rente de veuve (FF 2000 1771 ss, 1862).

c. Le 10 décembre 2021, répondant au postulat 19.4092 « Droit fédéral et inégalités de traitement des femmes et des hommes » adopté le 12 décembre 2019 par le Conseil des États, le Conseil fédéral a adopté un rapport analysant les inégalités de traitement directes entre femmes et hommes dans le droit fédéral (https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-86393.html), rapport s’appuyant sur un avis de droit du 24 juin 2021 établi par Anne-Sylvie DUPONT et Zoé SEILER. Il y relève (p. 21 ss) que le refus d’une rente de veuf à un homme sans enfant qui, au décès de son épouse, a 45 ans et été marié pendant au moins cinq ans, ainsi que la suppression de la rente de veuf lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans, donc dans des situations dans lesquelles les veuves respectivement acquièrent ou maintiennent à vie le droit à une rente de veuve, représentent des inégalités de traitement entre femmes et hommes dues à des considérations révolues.

d. Une telle conclusion se trouve corroborée par le fait que dans la prévoyance professionnelle (donc le 2ème pilier), la LPP a instauré une pleine égalité de traitement entre femmes et hommes en matière de rente de conjoint survivant (Marc HÜRZELER / Jürg BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge, in SBVR, n° 135). Selon l’art. 19 al. 1 LPP, le conjoint survivant a droit à une rente si, au décès de son conjoint, il remplit l’une ou l’autre des conditions suivantes : il a au moins un enfant à charge (let. a), il a atteint l’âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans (let. b). L’introduction dans la LPP d’une rente de veuf aux mêmes conditions et montants que la rente de veuve dès 2005, par le biais de la première révision de cette loi (RO 2004 1677), visait explicitement à rectifier une violation du principe de l’égalité de traitement entre les sexes, ainsi que l’avait préconisé, en 1994 déjà, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (FF 2000 2505 s. ; Marc HÜRZELER / Gustavo SCARTAZZINI, Art. 19, n° 2, in LPP et LFLP, éd. par Jacques-André SCHNEIDER / Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER, 2020). L’art. 19 LPP ne s’applique certes pas à l’AVS (donc pas en l’espèce), mais on ne voit pas de justification à l’égalité de traitement entre femmes et hommes qui serait propre à la prévoyance professionnelle, mais contraire à l’esprit de l’AVS, comme le système de capitalisation prévalant dans le 2ème pilier plutôt que celui de répartition caractéristique du 1er pilier.

En 1990 déjà, dans une cause concernant une caisse de prévoyance professionnelle régie par le droit cantonal, le Tribunal fédéral a jugé qu’une réglementation cantonale selon laquelle une rente de veuf n'est allouée que si l'intéressé dépendait pendant le mariage du soutien économique de son épouse et s'il n'est pas pleinement capable, par la suite, d'exercer une activité lucrative, tandis que le seul décès du conjoint suffit à fonder le droit à une rente de veuve, établit une distinction spécifiquement fondée sur le sexe, non justifiée par des raisons biologiques ou fonctionnelles, et viole, par conséquent, l’interdiction constitutionnelle de discrimination (ATF 116 V 198 consid. II/2).

e. Il ne fait donc pas de doute que, dans les deux cas de figure considérés, le recourant est victime d’une discrimination contraire à l’art. 8 Cst., de même que – à supposer que cette disposition soit applicable – à l’art. 14 CEDH.

Cela ne suffit toutefois pas à sceller le sort du recours.

8.        a. En effet, s’agissant de la non-conformité des dispositions considérées de la LAVS à l’art. 8 Cst., un contrôle de constitutionnalité se heurte à l’obstacle que, selon l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et – question traitée plus loin (infra cons. 9) – le droit international.

Sans doute l’immunité que cette règle confère aux lois fédérales n’est-elle plus comprise, ainsi qu’elle l’a été durant des décennies, comme comportant une interdiction de tout examen de constitutionnalité des lois fédérales (Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., vol. I, n° 1961 ss ; CR Cst. – Vincent MARTENET, art. 190, n° 25 ss).

b. Conformément au principe de l’interprétation conforme à la Constitution, il y a lieu de s’écarter du texte d’une loi fédérale s’il existe de bonnes raisons d’admettre que celui-ci ne reproduit pas son vrai sens, pour en retenir une interprétation correspondant à son sens véritable, respectueux de la norme de rang supérieur qu’est la Constitution. Encore faut-il pouvoir s’appuyer sur des raisons objectives permettant, au regard notamment des travaux préparatoires, de la systématique de la loi, du but et de l’esprit de la loi fédérale considérée, d’en dégager la véritable portée, conforme à la Constitution.

Comme le Tribunal fédéral l’a déjà dit (ATF 139 I 257 cons. 4.2 ; cf. aussi ATAS/803/2014 du 27 juin 2014 cons. 6b), le texte des art. 23 et 24 LAVS énumère de manière claire et exhaustive les situations où les veuves et les veufs peuvent, au décès de leur conjoint, prétendre à une rente. Des tentatives entreprises sans succès depuis des années en vue de rendre ces dispositions conformes au principe d’égalité entre hommes et femmes ne saurait se déduire qu’elles ne reflètent pas la volonté du législateur fédéral, autrement dit qu’elles ont une véritable portée différente de celle qui résulte de leur texte, si bien que leur inconstitutionnalité, reconnue de longue date, ne peut être corrigée par le biais d’une interprétation conforme à la Constitution.

c. Depuis une trentaine d’années (ATF 117 Ib 367 cons. 2e), il est admis que l’art. 190 Cst. oblige le Tribunal fédéral et les autres autorités à appliquer les lois fédérales, sans pour autant leur interdire d’en examiner la conformité à la Constitution (ATF 144 I 126 cons. 3 ; 140 I 353 cons. 4.1). Si, procédant à un tel contrôle, ils constatent une inconstitutionnalité, ils ne peuvent cependant la sanctionner par une annulation ou un refus d’appliquer la loi en question. L’art. 190 Cst. consacre ainsi, selon la terminologie allemande, un Anwendungsgebot et non un Prüfungsverbot.

L’arrêt précité du Tribunal fédéral sur la réglementation des art. 23 et 24 LAVS (ATF 139 I 257 cons. 4.2) est une illustration de l’étendue mais aussi de la limite des pouvoirs respectivement d’examen et de décision du Tribunal fédéral et des autres autorités en la matière. Si, en l’espèce, il est opportun et même nécessaire de dire, comme la CJCAS le fait en l’espèce (supra cons. 7), que la décision attaquée constitue un refus discriminatoire de rente de veuf, force est de ne pouvoir en tirer la conclusion qu’elle doit être annulée en tant qu’est en jeu l’interdiction de discrimination de l’art. 8 Cst.

9.        a. La question se pose en des termes différents s’agissant de l’interdiction de discrimination fondée sur l’art. 14 CEDH.

b. L’art. 190 Cst. oblige également le Tribunal fédéral et les autres autorités à appliquer le droit international. Cette norme, à elle seule, ne signifie pas à la fois qu’ils doivent appliquer des règles de droit international qui seraient contraires à d’autres normes de droit international, et refuser d’appliquer celles-là en privilégiant celles-ci. Il résulte en revanche du principe de la primauté du droit international sur le droit interne qu’il faut résoudre les conflits entre les lois fédérales et le droit international en faveur de ce dernier, autrement dit ne pas appliquer une loi fédérale contraire à des règles directement applicables figurant dans un traité international liant la Suisse (ATF 131 V 66 cons. 3.2 ; 119 V 178 cons. 4b), particulièrement à des règles de conventions internationales garantissant des droits fondamentaux, comme la CEDH (ATF 147 IV 182 cons. 2.1 ; 129 II 193 ; Michel HOTTELIER, Conventionnalité, in Glossaire scientifique en l’honneur de Pascal MAHON, éd. par. Fanny MATTHEY / Anne-Sylvie DUPONT / Valérie DEFAGO, 2023, p. 63 ss ; Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., vol.  I, n° 1971 ss ; CR Cst. – Vincent MARTENET, art. 190, n° 58 ss).

L’art. 190 Cst. ne fait donc pas en soi obstacle à l’application de l’art. 14 CEDH.

c. Toutefois, contrairement à l’art. 8 Cst., qui offre une garantie indépendante, l’interdiction de discrimination résultant de l’art. 14 CEDH ne peut être invoquée seule, mais uniquement de façon combinée avec des droits et libertés garantis par la CEDH ou des Protocoles additionnels à la CEDH (liant la Suisse, sied-il d’ajouter pour les cas concernant la Suisse).

En effet, selon la jurisprudence constante de la CourEDH, l’art. 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la CEDH et de ses Protocoles, puisqu’il vaut uniquement pour la « jouissance des droits et libertés » qu’elles garantissent. Il n’ajoute pas des droits ou libertés à la liste de ceux que ces autres clauses garantissent, mais il renforce leur protection. Son applicabilité ne saurait cependant être limitée aux seules hypothèses de violation concomitante d’un autre article de la CEDH ou d’un de ses Protocoles, soit de l’un des droits matériels que ces autres clauses garantissent ; dans cette mesure, l’art. 14 CEDH a une portée autonome. Encore faut-il que les faits de la cause tombent sous l’empire de l’un au moins des articles de la CEDH ou d’un de ses Protocoles (arrêt CourEDH Beeler, n° 47 s. et jurisprudence citée ; ATAS/803/2014 du 27 juin 2014 cons. 6d ; Frédéric SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, 16ème éd, 2023, p. 428 ss ; Jean-François RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, 9ème éd., 2021, p. 147 s. ; Mark E. VILLIGER, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention [EMRK], 3ème éd., 2020, p. 494 ss ; Laurence BURGORGUE-LARSEN, La Convention européenne des droits de l'homme, 3ème éd, 2019, p. 198 ss).

d. C’est le lieu d’indiquer que, quant à lui, le Protocole additionnel n° 12 à la CEDH, adopté le 26 juin 2000 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, énonce à son art. 1 une interdiction générale de la discrimination pour « tout droit prévu par la loi ». Il va bien-delà de l’art. 14 CEDH, puisqu’il garantit le droit à la non-discrimination dans la jouissance de tout droit individuel reconnu en droit interne. Il ne saurait cependant trouver application en l’espèce, car la Suisse ne l’a pas signé (Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER / Maya HERTIG RANDALL / Alexandre FLÜCKIGER, op. cit., vol. II, n° 1106 ; Laurence BURGORGUE-LARSEN, op. cit., p. 198).

e. Il s’impose donc d’examiner en l’espèce si les faits de la cause tombent sous l’empire d’un article pertinent de la CEDH ou d’un de ses Protocoles, en particulier de l’art. 8 CEDH en tant que cette disposition garantit le droit à la vie privée ou familiale ainsi que de l’art. 5 du Protocole n° 7 en tant qu’il garantit l’égalité entre époux.

Cet examen doit être fait en tenant compte des spécificités du cas concret, notamment des réalités sociales et familiales de la personne concernée, le but de la CEDH et de ses protocoles additionnels consistant à protéger des droits non théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (Stéphanie PERRENOUD, op. cit., p. 356, n° 531 i.f.). C’est bien ainsi qu’a procédé la Grande Chambre de la CourEDH pour rendre son arrêt dans la cause Beeler (infra cons. 10b). Contrairement à ce que le Tribunal administratif fédéral a retenu dans un arrêt du 27 février 2023 (C-3753/2020 cons. 3.6), qui fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral formé par l’OFAS (cause 9C_248/2023), il ne saurait être déduit sans autre examen de l’arrêt Beeler de la Grande Chambre de la CourEDH que l’art. 24 al. 2 LAVS est en tout état inapplicable, en particulier lorsque, comme en l’espèce, il implique la non-ouverture (et non l’extinction) du droit à une rente de veuf en faveur d’un veuf avec enfant majeur. De son côté, le Tribunal fédéral a jugé que c’est dans des constellations similaires à celle de la cause Beeler qu’il faut renoncer à mettre fin au versement de la rente de veuf pour le seul motif que le plus jeune enfant atteignait sa majorité (arrêts du Tribunal fédéral 9C_481/2021 cons. 2.1 et 9C_749/2020 cons. 2.1, tous deux du 9 janvier 2023). Le régime transitoire que l’OFAS a mis en place par le biais du Bulletin n° 460 vise également des situations analogues à celle du requérant Beeler.

10.    a. L’art. 8 CEDH stipule que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette disposition n’est le cas échéant pertinente en l’espèce que dans la mesure où elle garantit le droit au respect de la vie familiale. Celle-ci se fonde sur un lien effectif de parenté ou d’alliance, à savoir essentiellement sur un lien existant entre parents et enfants, mais aussi entre époux (Frédéric SUDRE, op. cit., p. 779 ss ; Laurence BURGORGUE-LARSEN, op. cit., p. 132 s.).

Ce n’est cependant qu’exceptionnellement que l’art. 8 CEDH, combiné à l’art. 14 CEDH, est compris comme pouvant faire obstacle à une discrimination en matière de prestations sociales. La question relève principalement du droit de propriété que garantit l’art. 1 du Protocole n° 1 additionnel à la CEDH du 20 mars 1952 (Frédéric SUDRE, Inclusion des prestations sociales dans le champ de la « vie familiale », in La Semaine juridique - édition générale - n° 43-44 - act. 1238, 2022, p. 2003 ; Laurence BURGORGUE-LARSEN, op. cit., p. 199), comme l’ont relevé tant la Grande Chambre de la CourEDH dans l’arrêt Beeler (n°54 ss) que le juge suisse ZÜND dans son opinion concordante sur cet arrêt (n° 2 s.), non sans souligner que la Suisse n’a pas ratifié ce Protocole additionnel et ne saurait donc se voir opposer cet instrument (arrêt Beeler, n° 53).

b. Dans l’arrêt qu’elle a rendu dans la cause Beeler, la Grande Chambre de la CourEDH a affiné sa jurisprudence en matière de prestations sociales dans la mesure où elles tombent sous l’empire de l’art. 8 CEDH en tant que cette disposition garantit le droit à la vie familiale. Il n’y a plus lieu de se contenter d’une présomption légale selon laquelle l’Etat témoigne, par le biais d’une prestation sociale déterminée, de son soutien et de son respect pour la vie familiale, ni d’un lien de causalité hypothétique, consistant à rechercher si l’octroi de ladite prestation est susceptible d’influencer l’organisation de la vie familiale. Il faut que la matière sur laquelle porte le désavantage allégué compte parmi les modalités d’exercice du droit au respect de la vie familiale tel que garanti par l’art. 8 CEDH, en ce sens que les mesures considérées visent à favoriser la vie familiale et ont nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci, au regard d’un éventail d’éléments pris dans leur ensemble, tels que le but de la prestation, les conditions de son octroi, de son calcul et de son extinction, de ses effets sur l’organisation familiale. Comme l’a souligné la juge SEIBERT-FOHR dans une opinion concordante (p. 38 ss), il faut un lien étroit entre l’octroi de la prestation sociale et la jouissance de la vie familiale, étroit matériellement et eu égard à un lien direct, sans que l’intention du législateur soit déterminante.

c. Insistant sur les caractéristiques factuelles du cas d’espèce (n° 73-82), la Grande Chambre de la CourEDH a admis que la rente de veuf du requérant Beeler, supprimée au 18ème anniversaire de sa fille cadette en application de l’art. 24 al. 2 LAVS, représentait une prestation sociale tombant sous l’empire de l’art. 8 CEDH garantissant le droit à la vie familiale, si bien que l’art. 14 CEDH s’appliquait (et était violé).

Après le décès accidentel de son épouse en 1994, le requérant Beeler avait décidé de rester au foyer pour élever ses filles alors âgées de quatre ans et de vingt et un mois, privilégiant ainsi sa vie familiale, voie dans laquelle la perception d’une rente de veuf dès l’entrée en vigueur, en 1997, de la 10ème révision de l’AVS votée par le Parlement le 7 octobre 1994 lui avait permis de poursuivre jusqu’en novembre 2010, au 18ème anniversaire de sa fille cadette. Il s’était ensuite retrouvé dans la situation, à l’âge de cinquante-sept ans, de ne pouvoir concrètement réintégrer un marché du travail dont il était absent depuis seize ans et de ne pas encore avoir droit à une rente de vieillesse. Même si le législateur avait pu concevoir la rente de veuve et de veuf comme une prestation visant à couvrir les besoins vitaux du conjoint survivant et lui épargner les difficultés financières causées par le décès du conjoint, il fallait admettre que la prestation sociale considérée visait en réalité à favoriser la vie familiale du conjoint survivant, qui pouvait se consacrer entièrement ou du moins davantage à ses enfants sans avoir à affronter des difficultés financières qui le contraindraient à exercer une activité professionnelle. Le fait de percevoir la rente de veuf avait nécessairement eu une incidence sur l’organisation de sa vie familiale tout au long de la période concernée ; le requérant et sa famille avaient organisé les aspects clés de leur vie quotidienne, au moins en partie, en fonction de l’existence de cette prestation sociale. La situation délicate dans laquelle la perte de sa rente de veuf l’avait placé résultait de la décision qu’il avait prise des années auparavant dans l’intérêt de sa famille, confortée par la perception de ladite rente.

La rente de veuve ou de veuf versée à des conjoints survivants ayant des enfants à charge était étroitement et matériellement liée à la vie familiale, qu’elle contribuait directement à soutenir, même si son bénéficiaire faisait le choix de cesser d’exercer une activité professionnelle pour s’occuper seul de ses enfants et si, ce faisant, il prenait le risque de ne plus pouvoir réintégrer le marché du travail à la majorité du dernier enfant ; aussi ladite rente tombait-elle sous l’empire de l’art. 8 CEDH (opinion concordante de la juge SEIBERT-FOHR, n° 8 ss). Pour le juge suisse ZÜND, ayant lui aussi rédigé une opinion concordante, il était clair qu’une rente octroyée au conjoint survivant d’un couple marié avec des enfants mineurs tombait sous l’empire du droit à la protection de la vie familiale ; le but d’une telle prestation était d’alléger la situation du partenaire survivant, et son impact sur l’organisation de la vie familiale était lié précisément au fait qu’elle offrait au partenaire survivant une marge de manœuvre plus étendue pour l’organisation de la vie familiale (n° 5).

11.    a. Si le législateur fédéral a prévu l’octroi d’une rente de conjoint survivant en faveur d’une femme (mais pas d’un homme) avec enfants sans égard à l’âge de ces derniers (art. 23 al. 1 et 24 al. 2 LAVS ; supra cons. 4c), autrement dit aussi lorsque, au moment du décès de son époux, ils ont tous atteint leur 18ème anniversaire (y compris lorsqu’ils ont quitté le foyer familial et sont totalement indépendants depuis de nombreuses années), ce n’est pas pour lui permettre de s’occuper d’eux, mais bien en considération du fait que, selon les conceptions qui prévalaient lors de l’adoption de la LAVS et de ses premières révisions successives (y compris, dans une moindre mesure, lors de l’introduction de la rente de veuf à l’occasion de la 10ème révision de cette loi), la femme n’avait souvent pas pris ou repris l’exercice d’une activité lucrative une fois que ses enfants étaient devenus majeurs et indépendants, et qu’elle avait donc besoin de recevoir une rente de veuve pour compenser la perte de soutien consécutive au décès de son mari. Contrairement à la situation d’une femme avec enfants encore mineurs au décès de son époux, une telle veuve n’a pas bénéficié d’une rente de survivant dont le versement l’aurait déterminée à ne pas exercer d’activité lucrative et dont la suppression la placerait à ce moment dans de grandes difficultés pour intégrer ou réintégrer le marché du travail, alors qu’elle n’a pas encore droit à une rente de vieillesse.

Dans un tel cas, on ne saurait retenir que la rente de conjoint survivant vise en réalité à favoriser la vie familiale, ni surtout qu’elle a nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci, au sens retenu par la Grande Chambre de la CourEDH dans la cause Beeler. Cela vaut également pour un homme qui deviendrait veuf dans un même complexe de faits, soit – à l’instar du recourant – alors que ses enfants issus d’une précédente union conjugale auraient dans la trentaine au décès de sa seconde épouse et ne dépendraient plus de lui depuis longtemps.

b. Tout aussi différente de celle de la cause Beeler, mais proche de celle qui vient d’être examinée, est la situation de la veuve sans enfant qui perd son conjoint à l’âge d’au moins 45 ans et après au moins cinq années de mariage (art. 24 al. 1 LAVS ; supra cons. 4b).

Dès la version d’origine de la LAVS du 20 décembre 1946 (RO 1947 843), de même encore lors de l’introduction de la rente de veuf par la 10ème révision de la LAVS (RO 1996 2466), la rente de veuve que prévoit l’art. 24 al. 1 LAVS (à l’exclusion d’une rente de veuf) a été conçue comme devant compenser la perte de soutien que les femmes mariées subissaient du fait du décès de leur conjoint alors que nombre d’entre elles n’exerçaient alors pas ou plus d’activité professionnelle et qu’on ne pouvait raisonnablement attendre de celles qui avaient au moins 45 ans (40 ans dans la version d’origine de la LAVS) qu’elles commencent à exercer ou reprennent une activité lucrative au moment du décès de leur mari (FF 1946 II 353, 398 s. ; FF 1990 II 1, 37 s.).

Indépendamment au demeurant de l’intention du législateur, on ne voit pas en quoi une rente de veuf sans enfant serait étroitement et matériellement liée à la vie familiale, dont l’octroi ou la non-ouverture déterminerait nécessairement l’organisation. Il ne peut être retenu que des conjoints organisent leur vie familiale, en particulier décident d’exercer ou non une activité lucrative durant les années ou même des décennies précédant un éventuel veuvage, en prévision d’une situation hypothétique dans laquelle ils se retrouveraient veuf ou veuve sans enfant. Dans le cas du recourant, il ne saurait être déduit du fait que, depuis leur mariage, son épouse n’avait pas exercé d’activité lucrative mais l’avait assisté dans son activité professionnelle que tous deux avaient ainsi organisé leur vie de couple et avaient nécessairement été amenés à le faire ainsi dans la perspective, en cas de décès de l’un d’eux, de la perception d’une rente de conjoint survivant.

Comme le juge suisse ZÜND a pris soin de le préciser dans son opinion concordante précitée, au regard des critères adoptés par la Grande Chambre de la CourEDH dans la cause Beeler, la rente de veuve prévue par l’art. 24 al. 1 LAVS « échappe à l’art. 8 CEDH parce qu’elle n’a pas pour but de faciliter l’organisation de la vie familiale, laquelle, par ailleurs, ne dépend pas de cette rente » (n° 7).

Tel paraît être aussi l’avis d’Anne-Sylvie DUPONT (Discrimination des veufs : la Suisse condamnée, in Newsletter décembre 2020, p. 6), pour qui le raisonnement conduit par la CourEDH dans l’affaire Beeler pour l’extinction du droit à la rente de veuf à la majorité du dernier enfant ne peut être transposé au refus d’une rente de veuf à un homme aux conditions prévues par l’art. 24 al. 1 LAVS pour l’ouverture d’une rente de veuve, faute, en l’absence d’enfant, d’une nature familiale de la prestation sociale considérée.

c. Ainsi, dans les deux cas de figure considérés, la situation du recourant ne tombe pas sous l’empire de l’art. 8 CEDH, si bien que l’art. 14 CEDH ne trouve pas à s’appliquer en combinaison avec cette disposition.

12.    a. Le Protocole n° 7, entré en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 1988, comporte un art. 5, intitulé « Égalité entre époux », dont la teneur est la suivante : « Les époux jouissent de l’égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. Le présent article n’empêche pas les États de prendre les mesures nécessaires dans l’intérêt des enfants. »

b. Dans son message du 7 mai 1986 relatif à l’approbation des Protocoles nos 6, 7 et 8 à la Convention européenne des droits de l’homme (FF 1986 II 605), le Conseil fédéral a relevé que son art. 5 ne concerne que des droits et responsabilités de caractère civil, et qu’il ne s’applique « pas à d’autres domaines du droit, tels que le droit pénal, social, administratif, fiscal ou encore le droit du travail » (FF 1986 II 621).

La notion de droits et responsabilités « de caractère civil » employée à l’art. 5 du Protocole n° 7 ne correspond pas en tous points à celle de droits et obligations « de caractère civil » qu’utilise l’art. 6 § 1 CEDH. Aussi a-t-il été jugé, à l’époque par la Commission européenne des droits de l’homme, que l’obligation de payer des cotisations AVS ne porte pas sur des droits et responsabilités de caractère civil au sens de l’art. 5 du Protocole n° 7, même si le contentieux de la sécurité sociale relève des droits et obligations de caractère civil sous l’angle de l’art. 6 § 1 CEDH. Le Rapport explicatif du Protocole précisait que l’art. 5 de cet instrument ne s’appliquait pas, en particulier, au domaine des assurances sociales (décision du 18 janvier 1996 sur la Req. n° 25053/94 dans la cause Klöpper c/ Suisse, D.R. 84-B, p. 103 ; Michel HOTTELIER, La Convention européenne des droits de l’homme. Les droits et libertés garantis. Le Protocole additionnel n° 7 [articles 4 et 5], FJS n° 1387, n° 38-40).

La doctrine souligne unanimement la portée limitée de cette disposition au domaine du droit civil, à l’exclusion notamment du droit des assurances sociales, du droit administratif, fiscal, pénal, social, ecclésiastique ou du travail (Jean-François RENUCCI, op. cit., p. 273 ; Mark E. VILLIGER, op. cit., n° 956 ; Frederik SWENNEN, Equality between sponses, in Theory and Practice of the European Convention on Human Rights, éd. par Pieter VAN DIJK / Fried VAN HOOF / Arjen VAN RIJN / Leo ZWAAK, 5ème éd., 2018, p. 994 ; Jens MEYER-LADEWIG / Martin NETTESHEIM / Stefan VON RAUMER, Europäische Menschenrechtskonvention. Handkommentar, 4ème éd., 2017, p. 819 ; William A. SCHABAS, The European Convention on Human Rights. A Commentary, 2015, 1158 ; Jochen Abr. FROWEIN / Wolfgang PEUKERT, Europäische Menschenrechtskonvention, 3ème éd., 2009, p. 718).

c. L’art. 5 du Protocole n° 7 ne saurait donc impliquer en l’espèce l’application de l’art. 14 CEDH.

13.    a. Il s’ensuit que la violation de l’interdiction de discrimination fondée sur le sexe que constitue le refus d’une rente de veuf au recourant (supra cons. 7) ne peut être sanctionnée, ni en tant qu’elle est contraire à l’art. 8 Cst, eu égard à l’obligation d’appliquer les art. 23 et 24 LAVS dictée par l’art. 190 Cst (supra cons. 8), ni en tant qu’elle n’est pas compatible avec l’art. 14 CEDH, qui n’a pas à trouver application du fait que – contrairement à ceux de la cause Beeler jugée par la CourEDH – les faits de la présente cause ne tombent pas sous l’empire d’un article pertinent qui serait applicable de la CEDH ou d’un de ses Protocoles additionnels, en particulier de l’art. 8 CEDH sur le droit au respect de la vie privée et familiale ou de l’art. 5 sur l’égalité entre époux du Protocole n° 7 (supra cons. 9-12).

Le recours doit en conséquence être rejeté.

b. Il relève indéniablement du législateur fédéral de remédier aux discriminations fondées sur le sexe affectant les art. 23 et 24 LAVS (cf. communiqué de presse de l’OFAS du 28 juin 2023 sur les axes de la réforme du régime des rentes de survivants de l’AVS adoptés par le Conseil fédéral le même jour).

14.    a. Sous réserve d’exceptions ici non réalisées, la procédure en matière d’assurances sociales, en particulier d’AVS, est gratuite pour les parties (art. 61 let. a aLPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

b. Il n’y a pas lieu d’allouer d’indemnité de procédure au recourant, dès lors qu’il n’obtient pas gain de cause (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA), ni à la caisse intimée pas plus d’ailleurs qu’à l’OFAS (qui a été invité à titre exceptionnel à se déterminer sur le recours), dès lors qu’il s’agit d’administrations publiques dotées d’un service juridique (Jean METRAL, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 98 et 100 ad art. 61 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1041).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Stefanie FELLER

 

 

La Présidente

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le