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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2016/2022

ATAS/525/2023 du 30.06.2023 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2016/2022 ATAS/525/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Selina MULLER, avocate

et

B______

représenté par Me Selina MULLER, avocate

 

recourants

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1

 

intimée

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le gérant 1 ou le recourant 1) a été inscrit comme gérant, avec signature individuelle, de la société à responsabilité limitée C______ SÀRL (ci-après : la société), pour la période allant du 13 avril 2015 jusqu’au 26 juillet 2016 à teneur des informations figurant au registre du commerce (ci-après : RC).

b. Monsieur B______ (ci-après : le gérant 2 ou le recourant 2) a été inscrit comme gérant de la société, avec signature individuelle, pour la période allant du 11 juin 2013 jusqu’au 26 juillet 2016, à teneur des informations figurant au RC.

c. Au mois de février 2016, la caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) a initié des poursuites contre la société pour le paiement des arriérés de cotisations sociales.

d. Les deux gérants ont formellement demandé à « l’assemblée générale extraordinaire » de la société de prendre note de leurs démissions respectives, par courriers du 6 juin 2016, tout en sommant le gérant président et fondateur de la société, à savoir Monsieur D______ (ci-après : le fondateur), de faire le nécessaire auprès du RC afin d’effectuer les changements utiles suite aux démissions des gérants. La société et son fondateur n’ayant pas réagi, les gérants ont interpellé directement le RC pour demander leur radiation, par courrier de la société E______ SA, daté du 27 juin 2016. Ce n’est toutefois qu’en date du 26 juillet 2016 que le RC a procédé, formellement, à la radiation des pouvoirs des deux gérants.

e. Dans l’intervalle, par courrier du 20 juillet 2016, la caisse a octroyé à la société un sursis au paiement. Par la suite, la caisse a accordé plusieurs prolongations de délai, ainsi que des sursis de paiement à la société et a envoyé des rappels de paiement à la société ainsi qu’aux deux recourants.

f. La faillite de la société a été prononcée par jugement du tribunal de première instance (ci-après : TPI) du 5 mars 2018. Par arrêt du 22 mars 2018, la chambre civile de la Cour de justice a annulé le jugement du 5 mars 2018. Par nouveau jugement du TPI, la faillite de la société a été à nouveau prononcée en date du 7 mai 2018. Par jugement du 4 juin 2018, le TPI a annulé le précédent jugement.

g. La société a été finalement dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du TPI du 1er septembre 2020 entré en force de chose jugée.

B.            a. Par deux décisions du 28 octobre 2020, la caisse a enjoint les gérants 1 et 2 de réparer les dommages causés à la société, conjointement et solidairement, à hauteur de CHF 41’491.70. Ce montant correspondait aux cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC de la société faillie pour la période allant de mai à décembre 2015, du bouclement d’acomptes 2015 et pour la période allant de janvier à juin 2016. Le détail des différentes cotisations, les frais administratifs, les intérêts moratoires, les frais de poursuites et les frais de sommation étaient énumérés dans les deux décisions. Les deux décisions étaient motivées par les retards de paiement des cotisations sociales qui avaient occasionné des rappels et des sommations, dès l’année 2015, puis avaient entraîné des poursuites à partir du mois de février 2016. La caisse ajoutait qu’en date du 4 mai 2016, elle avait menacé la société de déposer plainte pénale pour soustraction de cotisations puis, par courrier du 20 juillet 2016, elle avait confirmé à la société son accord de principe pour l’établissement d’un sursis au paiement, portant sur les cotisations paritaires arriérées pour la période allant de janvier à février 2015, mars à décembre 2015, le bouclement d’acomptes 2015 et la période allant de janvier à mai 2016. Le montant dû s’élevait alors à CHF 86’533.65 (sans intérêt ou frais). En date du 11 novembre 2016, la caisse avait constaté que les termes du sursis au paiement n’étaient pas respectés et avait fixé à la société un ultime délai au 25 novembre 2016. Par courrier du 9 mars 2017, la caisse avait demandé aux ex-gérants 1 et 2 de s’acquitter de la dette de la société ou de faire une proposition de paiement concrète d’ici au 20 mars 2017, sans quoi une plainte pénale pour soustraction de cotisations sociales serait déposée contre eux. Il était également demandé aux deux ex-gérants, dans le même courrier, de fournir à la caisse l’adresse du fondateur.

b. Par courriers du 30 novembre 2020 de leur mandataire, les gérants 1 et 2 se sont opposés aux deux décisions en réparation du dommage du 28 octobre 2020, en alléguant que les deux gérants avaient rempli leurs obligations dans la mesure où ils n’avaient pas pu avoir accès à la comptabilité de la société et ceci malgré leurs réitérées demandes. Compte tenu de l’impossibilité d’obtenir des informations financières de la société, ils s’étaient résolus à démissionner de leurs fonctions de gérants et ne pouvaient donc pas être tenus pour responsables du dommage qui avait pu survenir au détriment de la caisse. Ils considéraient que le responsable du dommage était M. D______, contre qui une plainte pénale avait été déposée, suite à son refus de se conformer à une décision du TPI lui enjoignant de communiquer les documents comptables aux gérants.

c. Par deux décisions sur opposition datées du 19 mai 2022, la caisse a écarté les oppositions des gérants 1 et 2 et a confirmé les deux décisions du 28 octobre 2020. La caisse reprenait les motifs déjà exposés dans lesdites décisions tout en soulignant que, même si M. D______ avait été condamné pénalement, cela n’exonérait pas les deux gérants, qui étaient responsables solidaires du dommage subi par la caisse, dès lors qu’ils étaient organes de la société faillie.

C. a. Par deux mémoires de leur mandataire commun, postés le 20 juin 2022, les gérants 1 et 2 ont interjeté recours contre les décisions sur opposition de la caisse du 19 mai 2022 et les deux décisions de réparation des dommages de la caisse du 28 octobre 2020, qui les concernaient respectivement par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Ils ont conclu, principalement, à l’annulation des décisions querellées sous suite de frais et dépens.

Les deux recourants ont fait valoir que ni l’un, ni l’autre, n’avaient perçu de rémunération de la société, que l’accès à la comptabilité de la société et aux pièces y relatives leur avait été refusé par le fondateur, qu’ils avaient tenté, en vain, de convaincre ce dernier de leur donner un accès à la comptabilité de la société, après quoi, vu le refus de ce dernier, ils avaient tous deux « tenté » de résilier leur mandat de gérant à la fin de l’année 2015.

Compte tenu de ces éléments, les recourants considéraient avoir rempli leurs obligations et ne pas être responsables du dommage résultant de la faillite de la société dès lors qu’ils n’avaient pas commis de négligence. Ils concluaient à l’annulation de la décision querellée, subsidiairement, ils constataient que le montant du dommage était erroné et encore plus subsidiairement qu’en raison de la faute concomitante de la caisse, cette dernière était responsable d’une partie du dommage, de sorte que ledit montant devait être sensiblement réduit.

b. Par ordonnance du 28 juin 2022, la chambre de céans a joint les deux procédures sous numéro de procédure A/2016/2022.

c. Par réponse du 2 août 2022, la caisse a persisté dans ses conclusions en relevant, notamment, que le fait que les recourants n’avaient pas eu accès à la comptabilité de la société depuis 2015 aurait dû les conduire à démissionner immédiatement, étant rappelé que ces derniers n’avaient été radiés du RC qu’au mois de juillet 2016. Contrairement à ce que pensaient les deux recourants, le fondateur de la société, M. D______, n’était pas le seul responsable du dommage en raison du mécanisme de solidarité prévu par la loi. Les deux recourants auraient dû quitter beaucoup plus tôt la société s’ils ne voulaient pas que leur responsabilité soit engagée. Enfin, la caisse niait toute responsabilité concomitante.

d. Par écriture du 21 septembre 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions en reprenant les arguments déjà exposés dans le cadre du recours.

e. La chambre de céans a appointé une audience de comparution personnelle en date du 1er juin 2023. La représentante de la caisse a expliqué qu’elle avait eu des contacts avec les recourants alors que ces derniers avaient déjà démissionné de la société et n’étaient plus des organes de cette dernière, en raison du fait qu’il y avait l’aspect pénal lié au non-paiement des cotisations sociales, ce qui pouvait entraîner leur responsabilité pénale pour leur activité précédant leur démission. C’était uniquement dans ce cadre-là que des contacts s’étaient noués.

Le gérant 2 a exposé qu’il était expert fiduciaire diplômé depuis 1996 et qu’il connaissait bien la question de la comptabilité dans les sociétés car il avait été gérant de plusieurs autres sociétés et était encore gérant de certaines d’entre elles.

Il a exposé avoir connu M. D______ par les affaires car ce dernier avait un projet de reprise des montres de luxe F______. Une société holding avait été créée, soit G______ SA, qui était la mère de deux sociétés, l’une avec siège dans le canton de Vaud en rapport avec la fabrication des montres et l’autre, qui était la société faillie C______ SÀRL, qui s’occupait du marketing et de la vente ainsi que du contact avec les points de vente et de design. Les gérants 1 et 2 avaient été mis à disposition de la société car M. D______ n’avait pas de domicile en Suisse. Le gérant 2 était propriétaire de la fiduciaire E______ SA, qui avait facturé à la société la mise à disposition des deux gérants, avec un forfait annuel de CHF 3’000.-. La condition sine qua non était que les deux gérants mis à disposition puissent avoir accès à la comptabilité de la société.

Cette collaboration avait été une très mauvaise affaire, car le montant forfaitaire annuel n’avait été payé que pour l’année 2013, soit (pour six mois) un montant de CHF 1’500.-. Par la suite, malgré leurs nombreuses et réitérées demandes, les gérants n’avaient jamais pu avoir accès à la comptabilité de la société et ne connaissaient donc pas ses états financiers. Les seuls éléments financiers dont les gérants avaient eu connaissance étaient ceux de l’année 2013 ; M. D______ s’était versé un salaire de CHF 283'000.- charges comprises, pour l’année 2013 et peut-être celui de sa collaboratrice, Madame H______.

Interrogé sur la chronologie des faits, le gérant 2 exposait qu’au début de l’année 2014, il avait pu faire un bouclement au 31 décembre 2013. Par la suite, il avait eu des contacts téléphoniques avec M. D______, qui lui avait expliqué que l’activité était difficile mais qu’il vendait, ici et là, quelques montres. Il avait attendu le début de l’année 2015 pour demander à M. D______ la communication des chiffres de la société pour l’année 2014 et c’est à ce moment-là qu’il avait compris que ce dernier s’occupait tout seul de la comptabilité, alors qu’il avait déclaré vouloir s’adresser à la fiduciaire vaudoise I______ pour ce faire. Pendant le premier trimestre de l’année 2015, il avait entendu certains bruits selon lesquels des créanciers de la société n’avaient pas perçu les intérêts de leurs prêts et il avait recontacté M. D______, qui l'avait rassuré en lui disant que des investisseurs belges allaient refinancer les sociétés du groupe de manière à ce que la situation financière soit saine. En effet, par contrat du mois de février 2015, des investisseurs s’étaient engagés à l’égard de M. D______ et avaient versé les fonds. Au 30 juin 2015, échéance fiscale, le gérant 2 avait à nouveau essayé de joindre M. D______, avec beaucoup de difficultés car celui-ci sillonnait la planète pour vendre les montres de luxe, qui se vendaient à la pièce entre CHF 200’000 et CHF 300'000.-. Pour faire face au plus pressé, le gérant 2 avait fait une déclaration provisoire auprès de l’administration fiscale cantonale et par la suite n’avait plus reçu aucun document, ce qui lui avait confirmé que M. D______ s’assurait d’être le seul à recevoir les informations financières administratives. Au début de l’année 2016, il avait continué à presser M. D______ de lui remettre des états financiers, en vain ; dès lors, à la fin du premier trimestre de l’année 2016, les gérants 1 et 2 avaient informé M. D______ qu’ils allaient démissionner de la société et avaient demandé la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin de prendre acte de leur démission et d’obtenir la décharge pour leur activité passée. Malgré une sommation du 27 juin 2016, l’assemblée n’avait pas été convoquée et finalement, les deux gérants s’étaient adressés au RC pour obtenir la radiation de leurs inscriptions. À peu près à la même période, soit au mois d’avril ou mai 2016, le gérant 2 avait été alerté par la famille belge qui se plaignait de ne pas obtenir des informations financières prévues par le contrat. En conclusion, le gérant 2 considérait avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir les états financiers mais en vain. S’agissant du gérant 1, il a exposé qu’il était entré comme organe de la société au mois d’avril 2015 car c’était la pratique de la fiduciaire de mettre deux gérants à disposition d’une société au cas où l’un des deux serait empêché. Le gérant 2 a reproché à la caisse de ne pas l’avoir contacté, ce qui lui aurait permis de se rendre compte, beaucoup plus vite, de la problématique des cotisations sociales non payées et d’éviter de se retrouver dans cette situation. Il considérait que la caisse avait une grosse responsabilité dans ce qui s’était produit. La représentante de la caisse a répondu qu’il n’entrait pas dans les tâches de la caisse d’aller rechercher les différents organes dès lors qu’elle s’adressait à la société, lui envoyait des courriers, des sommations et qu’elle n’avait pas à se soucier des éventuels autres interlocuteurs sur le plan interne. Par ailleurs, elle confirmait que les premiers retards dans les paiements des cotisations sociales de la société avaient commencé en 2015 et que les poursuites avaient commencé au mois de février 2016.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société étant domiciliée dans le canton de Genève depuis sa fondation jusqu’au moment de sa faillite, la chambre de céans est compétente ratione loci, quand bien même l’administratrice est domiciliée à Lausanne.

3.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n’y déroge expressément. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.             L'objet du litige porte sur la responsabilité des gérants pour le dommage subi par l’intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par la société.

6.              

6.1 À titre liminaire, il convient d’examiner d’office si la prétention de l’intimée n’est pas prescrite.

6.2 Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l’art. 52 al. 3 LAVS avec pour résultat un allongement du délai de prescription relative de deux à trois ans et celui de prescription absolue de cinq à dix ans.

Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c’est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d’espèce.

6.3 Les délais prévus par l’art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2 ; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute, en revanche, dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie que les délais ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec les décisions relatives aux dommages-intérêts ; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

6.4 Le dommage survient dès que l’on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l’art. 52 LAVS lorsque l’employeur ne déclare pas à l’AVS tout ou partie des salaires qu’il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l’art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l’avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de cinq ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l’impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l’état de collocation ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d’actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

6.5 Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO). Cette notion d’acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l’inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d’une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l’instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l’opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

7.             En l’espèce, la faillite de la société a été prononcée définitivement en date du 1er septembre 2020, révoquant le sursis concordataire.

L’intimée, qui avait déjà provisoirement produit ses créances dans le cadre du sursis concordataire, a fait une production provisoire, en date du 18 septembre 2020, dans la société en liquidation.

Dès lors, il convient de se fonder, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, sur le moment du prononcé de la faillite pour fixer le dies a quo de la survenance du dommage et le moment du dépôt de l’état de collocation pour fixer le dies a quo de la connaissance du dommage.

Les décisions de réparation du dommage rendues par l'intimée datent toutes deux du 28 octobre 2020 ; dès lors, ni le délai relatif de deux ans ni le délai absolu de cinq ans ne sont échus.

8.             L’art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101), prescrit que l’employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l’objet de décisions.

9.              

9.1 Selon l’art. 52 al. 1 LAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation. L’obligation de l’employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L’employeur qui ne s’acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l’art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l’obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

9.2 À teneur de l’art. 52 al. 2 LAVS, si l’employeur est une personne morale, les membres de l’administration et toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

9.3 Selon la jurisprudence, si l’employeur est une personne morale, la responsabilité peut s’étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n’existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b ; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d’une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L’art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l’organe d’une personne morale directement débiteur de cotisations d’assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu’il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

La notion d’organe selon l’art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l’art. 754 al. 1 CO. En matière de responsabilité des organes d’une société anonyme, l’art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l’organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a ; Thomas NUSSBAUMER, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d’un dommage selon l’art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

10.         En l’occurrence, à teneur de l’extrait du RC, le gérant 1 a été inscrit comme gérant, avec signature individuelle, pour la période allant du 13 avril 2015, jusqu’au 26 juillet 2016 et le gérant 2 a été inscrit, comme gérant de la société, avec signature individuelle, pour la période allant du 11 juin 2013, jusqu’au 26 juillet 2016.

Les recourants 1 et 2 avaient ainsi la qualité d’organe formel de la société pendant la période de non-paiement des cotisations sociales.

Sur le plan formel, ils répondent donc, à titre subsidiaire, du dommage causé par l’omission de la société de payer les cotisations sociales.

11.         Reste à examiner si les autres conditions de la responsabilité de l’art. 52 al. 1 LAVS sont réalisées.

11.1 L’obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l’employeur, des prescriptions régissant l’assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259 ; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d’une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d’une négligence grave l’employeur qui manque de l’attention qu’un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s’apprécie d’après le devoir de diligence que l’on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d’un employeur de la même catégorie que celle de l’intéressé. En présence d’une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s’impose également lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d’examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l’entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l’entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l’art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l’organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l’attitude du tiers, dans l’incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

11.2 Selon une jurisprudence constante, c'est la démission effective de l'organe qui fixe en principe les limites temporelles de la responsabilité (ATF 123 V 172 consid. 3a ; ATF 112 V 1 consid. 3c p. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_713/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.3.2). Un administrateur ne peut alors être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ses fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires. Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui n'ont déployé leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (ATF 126 V 61 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 263/02 du 6 février 2003 consid. 3.2).

11.3 La responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

La causalité adéquate peut être exclue, c’est-à-dire interrompue, l’enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu’une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d’un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. L’imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate ; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener, en particulier le comportement de l’auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

12.         En l’espèce, les recourants prétendent ne pas être responsables du dommage résultant du non-paiement des cotisations sociales par la société, en raison du fait qu’ils n’avaient pas accès à la comptabilité et qu’ils ont demandé, en vain, au fondateur de la société de leur communiquer les documents financiers.

Ce cas est précisément celui qui est visé par la jurisprudence du Tribunal fédéral (homme de paille), qui considère que commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu’il se trouvait, en raison de l’attitude d'un tiers, dans l’incapacité de prendre les mesures qui s’imposaient s’agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l’incapacité d’exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêts du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3 ; 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2).

Cette description vise la situation des recourants, comme cela a été confirmé en audience de comparution personnelle le 1er juin 2023, lors de laquelle les recourants ont déclaré qu’ils étaient mis à disposition de la société pour apparaître en qualité de gérants, leurs tâches consistant, notamment, à signer les bilans.

La mise à disposition de gérants pour des sociétés tierces était une activité courante mise en place par la fiduciaire E______ SA, dont le gérant 2 est actionnaire, et facturée à raison de CHF 3’000.- par année, avec pour seule condition que les gérants aient un accès complet à la comptabilité.

Les contours de la collaboration entre les gérants mis à disposition par E______ SA et la société ne sont pas documentés par écrit, néanmoins le gérant 2 a déclaré lors de l’audience de comparution personnelle qu’il avait été désigné gérant dans l’acte authentique préparé par le notaire, « étant précisé que ce dernier ne mentionnait pas l’obligation [de la société ou de M. D______] de nous fournir un accès à la comptabilité ».

Il résulte de ce qui précède qu’aucun moyen contraignant n’avait été mis en place, d’emblée, pour que les deux gérants soient certains d’avoir accès aux pièces comptables.

Cette négligence est d’autant plus grave qu’avec sa formation d’agent fiduciaire avec brevet fédéral depuis 2017, accompagnée d’une expérience de 18 ans dans le domaine, et ayant déjà été gérant de plusieurs autres sociétés, le recourant 2 aurait dû se montrer plus prudent, dès la mise en place de la société, étant donné qu’il ne connaissait pas bien M. D______, qu’il avait juste rencontré dans le cadre des affaires.

Dans le courant de l’année 2014, le gérant 2 s’est enquis des activités de la société auprès de M. D______ ; néanmoins, selon ce qui ressort de ses déclarations lors de l’audience du 1er juin 2023, il ne s’est pas montré très pressant et s’est laissé facilement rassurer par les vagues explications de M. D______ sur la santé financière de la société et la vente de quelques montres.

On peut toutefois admettre qu’en dépit de ce manque de surveillance, il n’y avait, à l’époque, pas encore d’indice concret sur la situation financière préoccupante de la société.

Cette situation a toutefois changé, au début de l’année 2015, lorsque le gérant 2 a demandé à M. D______ de lui fournir les chiffres et informations nécessaires à l’établissement de la comptabilité pour le bouclement de l’année 2014.

En effet, il ressort de ses déclarations à l’audience qu’au début de l’année 2015, le gérant 2 a commencé à entendre les premiers bruits de la part de créanciers de la société G______, société mère de la société faillie, quant à des difficultés de paiement. Une nouvelle fois, M. D______ a rassuré le gérant en lui faisant part d’un projet de refinancement des sociétés du groupe via des investisseurs d’une famille belge, mais les recourants n’ont reçu aucun document permettant d’établir la comptabilité de la société. Néanmoins, au vu des explications fournies par M. D______ sur la recherche d’investisseurs, ils pouvaient facilement imaginer que la société était surendettée et faisait face à un manque de trésorerie.

C’est à ce moment-là, devant l’absence d’éléments tangibles et de documents établissant la santé financière de la société, que les deux gérants auraient dû réagir et démissionner, ce qu’ils n’ont pas fait.

Dès lors qu’il s’écoule en principe quelques mois entre le moment où l’année civile se termine en décembre et le moment où les chiffres sont disponibles, généralement à l’issue du premier trimestre, ce n’est pas exactement au mois de janvier 2015 que le gérant 2 pouvait se rendre compte des difficultés financières de la société mais seulement à partir du moment où il pouvait raisonnablement s’attendre à recevoir la comptabilité de la société pour l’année 2014, soit au mois d’avril ou de mai 2015.

Cela correspond également à la période pendant laquelle les premiers bruits sur la situation financière obérée de la holding détenant la société ont commencé à circuler.

Partant, la période pendant laquelle la responsabilité des deux gérants est engagée pour le non-paiement des cotisations sociales sera alignée soit, pour tous les deux, du mois de mai 2015 au mois de juin 2016.

Enfin, l’existence du contrat conclu entre la société et les investisseurs belges n’était pas forcément un élément rassurant puisqu’il impliquait une situation financière obérée, nécessitant l’apport de nouveaux fonds. Dès lors que les gérants n’avaient aucun moyen de connaître la quotité des fonds injectés dans la société et leur utilisation, ils ne pouvaient pas se reposer sur l’existence d’investisseurs étrangers pour en conclure que la situation financière de la société était redevenue saine.

À l’aune de ce qui précède, il y a lieu de retenir que la négligence des recourants entraîne leur responsabilité solidaire.

Ce nonobstant, la chambre de céans considère que les explications données par le recourant 2, selon lesquelles il s’efforçait de « sauver » la société et ne voulait pas démissionner sans s’être assuré de la situation financière, sont crédibles ; cependant, elles ne lui sont d’aucun secours dès lors que la jurisprudence du Tribunal fédéral ne requiert pas des gérants qu’ils essayent par tous les moyens de sauver la société, mais bien au contraire qu’ils démissionnent, s’ils n’ont pas les moyens de s’assurer que les cotisations sociales sont payées.

En ce qui concerne l’argument de la faute concomitante de l’intimée, qui aurait dû s’adresser aux gérants, il convient de rappeler que la caisse n’est pas le tuteur de la société et n’a pas pour vocation de s’ingérer dans les rapports internes entre gérants. Partant, on ne saurait considérer que la caisse est responsable de n’avoir pas informé les gérants du non-paiement des cotisations sociales. Compte tenu de l’expérience du gérant 2 dans le domaine des sociétés, on peut même s’étonner qu’il n’ait pas pensé à contacter spontanément l’intimée pour s’assurer que les cotisations sociales de la société étaient à jour.

13.         Enfin, il sied de fixer le montant du dommage.

Le dommage selon l’art. 52 LAVS comprend les cotisations impayées dues selon la LAVS, la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20 ; art. 66 LAI), la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1 ; art. 21 al. 2 LAPG), la loi fédérale sur les allocations familiales dans l’agriculture du 20 juin 1952 (LFA - RS 836.1 ; art. 25 al. LFA), la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2 ; art. 25 let. c LAFam), et la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0 ; art. 6 LACI).

Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations, n. 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

13.1 En l’espèce, la période pour laquelle l’intimée réclame le remboursement du montant du dommage doit correspondre à la période pendant laquelle les deux gérants ont été en activité (et sont restés en poste, malgré le fait qu’ils n’obtenaient pas les documents indispensables à leur fonction), soit du mois de mai 2015 au mois de juin 2016, qui correspond au mois de leur démission.

Néanmoins, comme cela avait été déjà soulevé par le recourant 1 dans le courrier d’opposition du 30 novembre 2020 concernant le gérant 1, le montant réclamé de CHF 41'491.70 est inexact dès lors que, selon ce qui figure dans la décision en réparation du dommage du 28 octobre 2020, le montant en question inclut les mois de janvier et février 2015.

Dès lors que ce montant de CHF 41’491.70 n’a pas été modifié entre la décision du 28 octobre 2020 et la décision sur opposition du 19 mai 2022, il apparaît clairement - et cela est d’ailleurs répété en p. 5 de la décision (§ 8 : période de janvier et février 2015) - que le montant du dommage intègre les mois de janvier et février 2015 alors qu’il figure, sur la première page de la décision querellée, que le montant réclamé de CHF 41'491.70 correspond aux cotisations paritaires pour la période de mai à décembre 2015 et janvier à juin 2016.

Le montant des cotisations réclamées est donc inexact et il y a lieu de le rectifier afin qu’il ne vise que les mois de mai 2015 à juin 2016 inclus. Les intérêts devront également être ajustés. S’agissant du montant des frais administratifs de poursuites et de sommation, ils sont détaillés par la caisse dans les pièces fournies sous cote 14, étant rappelé que les frais administratifs de sommation et de poursuites font partie intégrante du dommage, dans leur principe. Néanmoins, il apparaît que ces frais sont disproportionnés par rapport à la courte période pendant laquelle les deux gérants ont négligé leurs devoirs et engagé leurs responsabilités. En effet, il apparaît que la caisse a pris en compte la totalité des frais administratifs, de sommation et de poursuites alors même que les démarches judiciaires ont eu lieu bien après le départ des gérants et sont relatifs à plusieurs demandes de faillite suivies de révocations et de l’instauration d’un sursis concordataire. Or, les deux recourants, qui ont quitté leurs fonctions en juin 2016, ne sauraient être tenus pour responsables des atermoiements des créanciers qui ont tardé à obtenir la faillite de la société. La caisse devra donc revoir la quotité des frais administratifs, frais de poursuites et frais de sommation imputés aux recourants, de manière à les réduire à la quotité des frais indispensables à une seule procédure de faillite. En effet, il n’y a pas lieu de les tenir pour responsables des révocations de faillite et du sursis concordataire qui s’en est suivi car ces décisions sont de la responsabilité des créanciers, soit notamment de la caisse, et non pas des gérants, qui avaient déjà démissionné en juin 2016, soit bien avant la décision finale de faillite de la société, intervenue quatre ans plus tard, soit en septembre 2020.

13.2 Partant, le principe de la responsabilité des deux gérants pour le paiement des cotisations sociales est admis pour la période allant de mai 2015 à juin 2016. Le principe d’inclure les frais administratifs, de sommation et de poursuites dans le montant du dommage est également admis.

Cependant, comme vu supra, le montant total des cotisations et, partant, le montant des intérêts, est inexact et il y a lieu de renvoyer la cause à l’intimée pour qu’elle corrige ces points, de même qu’elle procède à un nouveau calcul de la quotité des frais administratifs, de sommation et de poursuites imputés aux recourants.

14.    Les recourants, assistés par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant très partiellement gain de cause, ont ainsi droit à une indemnité à titre de participation à leurs frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'000.- pour chacun des recourants (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

15.    Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet très partiellement, dans le sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour qu’elle corrige le montant du dommage dans le sens des considérants.

4.        Alloue un montant de CHF 1'000.- à chacun des recourants, à la charge de l’intimée, à titre de participation aux frais et indemnités.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le