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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3255/2022

ATAS/411/2023 du 06.06.2023 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

Recours TF déposé le 24.07.2023, 8C_456/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3255/2022 ATAS/411/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 juin 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

recourante

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1947, était titulaire depuis 1995, avec son ex-époux, Monsieur B______, d’un droit d’habitation grevant l’appartement dans lequel elle habitait, appartement dont sa fille, Madame C______, était propriétaire.

b. En décembre 2003, l’assurée a requis, auprès de l'office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA), devenu par la suite le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé), des prestations complémentaires à la rente d'invalidité qu’elle percevait depuis le 1er février 2001. Dans le formulaire de demande, elle a indiqué assumer, notamment, CHF 800.- par mois pour l’appartement qu’elle occupait avec son père et qui appartenait à sa fille.

c. Par décision du 27 mai 2004, l'OCPA a mis l'assurée au bénéfice, à compter de février 2002, de prestations complémentaires fédérales et cantonales ainsi que d'un subside d'assurance-maladie, retenant notamment un loyer de CHF 9'600.- (soit 12 x CHF 800.-).

d. Ces prestations ont régulièrement été mises à jour, afin de tenir compte, notamment, du décès de l’ex-époux de l’assurée et du fait que désormais, celle-ci était seule titulaire du droit d’habitation et qu’elle allait devoir s’acquitter seule d’un montant mensuel de CHF 2'500.- à titre de loyer et de charges pour l’appartement qu’elle occupait. Ainsi, dès novembre 2012, le loyer pris en considération à titre de dépense reconnue s’élevait à CHF 23'600.- (soit 12 x CHF 2'550.-), pris en considération à hauteur de CHF 13'200.-.

B. a. En mai 2018, le SPC a entrepris une révision périodique du dossier de l'assurée, à l’issue de laquelle il a supprimé, par décision du 18 septembre 2018, les prestations complémentaires fédérales, ne reconnaissant à l'assurée, dès septembre 2018, que le droit à des prestations complémentaires cantonales, suite à la prise en considération de la valeur locative, d’un montant de CHF 24'000.-, du droit d’habitation dont bénéficiait l’assurée.

b. Le SPC a confirmé cette décision, sur opposition, le 18 décembre 2018, expliquant que le droit d'habitation devait être pris en considération, dans le calcul du droit aux prestations de l’assurée, à titre de revenu déterminant (comme produit de la fortune), à hauteur de la valeur locative de l’immeuble qu’il grevait. Le SPC relevait également que les décisions précédentes étaient erronées, dès lors qu’elles ne tenaient pas compte du fait que l’assurée était en réalité titulaire d’un droit d’habitation sur l’appartement qu’elle occupait.

c. Sur recours, la Chambre de céans a confirmé la décision sur opposition du 18 décembre 2018, considérant que le droit d'habitation de l'assurée représentait une valeur économique, dès lors qu’elle profitait, grâce à lui, d'une prestation dont elle ne pouvait, à défaut, bénéficier sans engager d'autres moyens financiers. Par ailleurs, l'assurée n'était pas empêchée d'exercer son droit d'habitation, par exemple pour des raisons de santé. Même si elle s'acquittait de charges supérieures aux seuls frais d'entretien incombant au titulaire d'un droit d'habitation, sa situation se rapprochait sensiblement de celle d'un usufruitier, qui ne devait pas payer de loyer mais devait supporter, en plus des frais ordinaires d'entretien, les intérêts de la dette hypothécaire, les impôts et les assurances, et qui voyait la valeur locative de son usufruit être intégrée dans ses revenus déterminants pour le calcul de son droit aux prestations complémentaires. La Chambre de céans a ainsi considéré que le SPC était fondé à tenir compte de la valeur locative de l'appartement occupé par l'assurée au titre de son revenu déterminant (soit un montant, incontesté en lui-même, de CHF 24'000.00), étant ajouté qu'il avait pris en compte, au titre des dépenses reconnues, les frais d'entretien (CHF 4'800.00), les intérêts hypothécaires (CHF 6'960.00) et le forfait de CHF 13'200.00 pour le « loyer » et les frais accessoires de l'immeuble ; des frais effectifs d'entretien supérieurs audit forfait ne pouvant être retenus, et pas non plus l'impôt et les assurances afférents à l'immeuble (ATAS/812/2020 du 28 septembre 2020).

C. a. Par décision du 19 décembre 2018, le SPC a nié le droit de l'assurée à toute prestation complémentaire (tant fédérale que cantonale) dès janvier 2019, suite à la suppression des intérêts hypothécaires dans le calcul du droit aux prestations.

b. Le 29 décembre 2018, l'assurée a formé opposition contre la décision précitée, rappelant qu’elle n'était pas propriétaire de l'appartement qu'elle occupait.

c. Elle a complété son opposition en date du 16 janvier 2019, transmettant notamment au SPC divers documents, dont il ressort qu’elle était titulaire d’un droit d’habitation intransmissible lequel grevait l’appartement qu’elle habitait et dont sa fille était la propriétaire et qu’en échange, elle devait s’acquitter de toutes les charges y afférentes.

d. Par décision du 2 décembre 2019, le SPC a également nié le droit de l'assurée à des prestations complémentaires (tant fédérales que cantonales) dès janvier 2020, en retenant les mêmes montants que dans sa décision précitée du 19 décembre 2018.

e. L'assurée a formé opposition contre cette décision le 3 janvier 2020, expliquant à nouveau qu'elle était titulaire d'un droit d'habitation et non propriétaire de l'appartement qu'elle occupait.

f. Par décision sur opposition du 11 novembre 2020, le SPC a confirmé les décisions des 19 décembre 2018 et 2 décembre 2019, considérant en substance que la valeur locative de l'immeuble occupé par le bénéficiaire d'un droit d'habitation (comme par le propriétaire ou l'usufruitier) devait être prise en compte à titre de revenu dans le calcul du droit aux prestations complémentaires. Le fait que l'assurée supportait les charges liées à l'appartement en question au-delà de celles qu'il lui incombait légalement d'assumer n'y changeait rien. Pour les frais d'entretien d'un immeuble, seule la déduction forfaitaire applicable pour l'impôt cantonal direct du canton de domicile devait être prise en compte au titre des dépenses reconnues ; ni l'impôt ni les assurances concernant l'immeuble en question ne pouvaient l'être. En résumé, les décisions contestées étaient conformes au droit, dans la mesure où elles tenaient compte, dans les revenus déterminants, de la valeur locative de l'appartement qu'occupait l'assurée grâce à son droit d'habitation, et, dans les dépenses reconnues, des frais d'entretien à hauteur du forfait autorisé par le droit fiscal cantonal.

g. Sur recours, la Chambre de céans a confirmé, dans son ATAS/770/2021 du 22 juillet 2021, la décision sur opposition du 11 novembre 2020, en tant qu’elle reprenait les montants articulés dans les précédentes décisions, confirmés dans l’ATAS/812/2020 du 28 septembre 2020 Elle a cependant annulé ladite décision sur opposition, en tant que les intérêts hypothécaires assumés par l’assurée, à savoir – sous réserve d'une actualisation dudit montant pour les deux années 2019 et 2020 concernées – un montant annuel de CHF 6'960.-, n’étaient pas pris en intégrés dans le plan de calcul. Aussi, la cause était-elle renvoyée au SPC pour que celui-ci recalcule le droit aux prestations complémentaires de l’assurée en intégrant lesdits intérêts hypothécaires.

h. Faisant suite au renvoi de la cause, le SPC a rendu, en date du 9 novembre 2021, une nouvelle décision sur opposition, laquelle annulait et remplaçait celle rendue le 11 novembre 2020 pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020. Il y a repris les calculs dès le 1er janvier 2019 en comptabilisant les intérêts hypothécaires de CHF 6'960.- annuels, ce qui a conduit à l’octroi de prestations complémentaires cantonales, d’un montant mensuel de CHF 190.-.

D. a. En parallèle, conformément aux dispositions transitoires de la réforme des prestations complémentaires, entrant en vigueur le 1er janvier 2021, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’assurée et lui a reconnu, par décision du 5 décembre 2020, dès janvier 2021, des prestations complémentaires cantonales de CHF 606.00.

b. L'assurée a formé opposition contre cette décision les 4 et 6 janvier 2021, expliquant notamment qu’elle avait requis du registre foncier la radiation de son droit d’habitation, de sorte qu’elle demandait que le calcul soit repris pour tenir compte du fait qu’elle n’était plus titulaire d’un tel droit.

c. Par décision sur opposition du 9 novembre 2021, le SPC a très partiellement admis l’opposition précité, en ce sens que le calcul devait être repris uniquement en intégrant les intérêts hypothécaires, ce qui conduisait à un solde rétroactif en faveur de l’assurée de CHF 4'610.-.

E. a. Par décisions des 1er décembre 2021 (période dès le 1er janvier 2022) et 9 juin 2022 (période dès le 1er juillet 2022), le SPC a reconnu à l'assurée le droit mensuel à CHF 359.00 de prestations complémentaires fédérales et de CHF 700.00 de prestations complémentaires cantonales, la valeur locative de CHF 24'000.- continuant à être prise en considération dans le calcul des prestations.

b. L’assurée s’est opposée à la décision du 9 juin 2022 lors d’une visite personnelle du 20 juin 2022 et par courrier du 1er juillet 2022.

c. La décision du 9 juin 2022, laquelle porte sur le droit aux prestations dès le 1er juillet 2022, a été confirmée sur opposition en date du 14 septembre 2022, la situation de l’assurée étant restée inchangée malgré la radiation du droit d’habitation.

F. a. Par courrier du 26 septembre 2022, complété les 1er, 13, 15 et 25 novembre 2022 ainsi que 4 et 5 janvier 2023, l’assurée, agissant en personne, a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée, concluant à son annulation, le droit d’habitation dont elle bénéficiait ne devant pas être pris en considération, dès lors qu’elle y avait renoncé et qu’il avait été radié du registre foncier.

b. De son côté, par écriture des 24 octobre 2022 et 12 janvier 2023, le SPC a persisté dans les termes de sa décision sur opposition du 14 septembre 2022.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.              

3.1 Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

Toutefois, dans la mesure où la recourante était, au 1er janvier 2021, déjà bénéficiaire de prestations complémentaires, le nouveau droit est applicable pour autant qu’il n’entraîne pas, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci (cf. Dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 – Réforme des PC).

3.2 Dans le cas d’espèce, l’intimé a expliqué, dans une décision datée du 5 décembre 2020, que si la réforme était appliquée, le montant des prestations versées à la recourante serait inférieur à celui calculé selon l’ancien droit, de sorte que les prestations avaient été calculées selon la version de la LPC en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020.

Dans ces circonstances, les dispositions de la LPC seront appliquées dans leur ancienne teneur, dans la mesure de leur pertinence.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 43 LPCC; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

5.             Le litige porte sur le montant et le calcul des prestations complémentaires, en particulier sur la prise en considération, à titre de biens dessaisis dès juillet 2022, d’une valeur locative de CHF 24'000.- liée au droit d’habitation auquel la recourante a renoncé, seule la décision du 9 juin 2022, portant sur le droit aux prestations dès juillet 2022, ayant fait l’objet d’une opposition et, par la suite, de la décision sur opposition du 14 septembre 2022.

6.              

6.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 aLPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a aLPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 aLPC). L’art. 9 al. 1er aLPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

6.2 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 aLPCC).

7.              

7.1 A teneur de l’art. 10 al. 1 let. b aLPC, pour les personnes qui ne vivent pas en permanence ni pour une longue période dans un home ou dans un hôpital (personne vivant à domicile), les dépenses reconnues comprennent notamment le loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs ( ) ; le montant annuel maximal reconnu est de CHF 13'200.- pour les personnes seules.

A noter que depuis le 1er janvier 2021, l’art. 10 LPC prévoit à son al. 1 let. c. que pour les personnes qui ne vivent pas en permanence ni pour une période de plus de trois mois dans un home ou un hôpital (personne vivant à domicile), les dépenses reconnues comprennent la valeur locative, en lieu et place du loyer, pour les personnes qui habitent dans un immeuble sur lequel elles ou une autre personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire ont un droit de propriété, un usufruit ou un droit d’habitation.

7.2 Selon la jurisprudence, seul le montant du loyer effectivement payé entre en principe en ligne de compte dans le calcul des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_638/2009 du 12 juillet 2010 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 58/05 du 9 octobre 2006 consid. 6).

Cependant, il y a des exceptions au principe précité dont notamment les deux suivantes.

7.2.1 Dans le cas du bénéficiaire d’un droit d’habitation, une dépense de loyer est également prise en considération. Celle-ci correspond à la valeur locative de l’appartement et inclut notamment le forfait pour frais accessoires selon l’art. 16a OPC-AVS/AI, jusqu’à concurrence des montants prévus à l’art. 10 al. 1 let. b LPC (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_202/2009 du 19 octobre 2009 consid. 3.2 et Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n° 10 ad art. 10 LPC).

C’est le lieu de préciser que la valeur locative est définie comme le montant que le contribuable aurait dû verser pour un logement identique dans une situation comparable (cf. ATF 126 V 252 consid. 2a).

7.2.2 Le ch. 3237.02 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [DPC] dans leur version en vigueur au 1er janvier 2018 prévoit une autre exception pour le cas où une autorité d'assistance, une organisation d'utilité publique, des parents ou des tiers prennent en charge le loyer à des fins d'assistance. Dans ce cas, une dépense de loyer doit malgré tout être prise en compte. Cela doit également s'appliquer lorsque la personne assurée peut être logée pour un loyer de faveur ou gratuitement chez des proches.

Cette directive concrétise en réalité l'art. 11 al. 3 LPC, selon lequel les aliments fournis par les proches en vertu des art. 328 à 330 CC (let. a), les prestations de l'aide sociale (let. b) et les prestations provenant de personnes et d’institutions publiques ou privées ayant un caractère d'assistance manifeste (let. c) ne doivent pas être pris en compte comme revenus. Cette disposition concrétise le principe selon lequel les prestations complémentaires doivent avoir la priorité sur les prestations sociales, c'est-à-dire que les prestations complémentaires doivent couvrir en priorité les besoins vitaux d'une personne assurée. L'aide des parents, les prestations d'aide sociale publique et d'autres prestations ayant un caractère d'assistance manifeste peuvent consister en la prise en charge des dépenses de loyer d'une personne assurée ou en la couverture gratuite en nature de tout ou partie des besoins en logement de cette personne assurée. Le but de l'art. 11 al. 3 let. a à c LPC ne peut être respecté, en lien avec les dépenses de loyer reconnues selon l'art. 10 al. 1 let. b LPC, que par la prise en compte d'un loyer qui n'est pas dû et qui est donc fictif, puisque les prestations gratuites de ces tiers ne permettent pas qu'une dette de loyer naisse pour la personne assurée. Par ailleurs, l'exclusion dans les dépenses d'un loyer, alors qu'il est pris en charge à titre gratuit par des proches, reviendrait à tenir compte d'un revenu que la loi exclut du calcul des prestations complémentaires (art. 11 al. 3 let. a à c LPC). En revanche, si un logement est mis à disposition gratuitement ou à prix réduit ou si l'on renonce à un loyer pour des raisons autres que celles prévues à l'art. 11 al. 3 let. a à c LPC, la personne assurée n'a pas de dépenses de loyer reconnues, car il n'y a aucune raison de lui imputer un loyer fictif (Ralph JÖHL / Patricia USINGER-EGGER, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung, in SBVR, 2016, p. 1757 n° 67.

En d’autres termes, le loyer, comme d’ailleurs toutes les autres prestations allouées par des tiers autres que ceux mentionnés à l’art. 11 al. 3 let. a et c LPC et qui constituent une contribution substantielle, pas impérativement sous forme de moyens financiers, au paiement des frais d’entretien de la personne sollicitant ou bénéficiant de prestations complémentaires, devraient, sur le principe, être prises en considération comme revenus en tant que « autres prestations périodiques » au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LPC, à moins qu'on ne puisse les ranger dans les hypothèses prévues par l'art. 11 al. 1 let. a-h LPC (ATF 139 V 574).

La jurisprudence fédérale concernant ce point a été fluctuante. Dans un premier temps, le Tribunal fédéral a considéré, dans cas d’un rentier AVS qui habitait à titre gratuit dans l’appartement dont sa compagne était propriétaire, qu’il fallait prendre en compte le loyer à hauteur de la moitié de la valeur locative de l’appartement en question non seulement à titre de dépense reconnue mais également à titre de revenu au titre d’autres prestations périodiques au sens de l’art. 11 al. 1 let. d LPC, la mise en à disposition gratuite du logement n’ayant pas un caractère d’assistance manifeste (ATF 139 V 574). Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral a considéré que dans la mesure où l’assurée n’avait pas de frais de logement, il n'y avait aucune raison de prendre en considération un loyer à titre de dépense reconnue (art. 10 al. 1 let. b LPC et 16c OPC-AVS/AI). A défaut, il faudrait tenir compte simultanément, au titre d'une autre prestation périodique (art. 11 al. 1 let. d LPC), de l'entretien gratuit dont elle bénéficie. C’est le lieu de noter que Michel VALTERIO s’est rallié à cette interprétation, considérant qu’en dehors des hypothèses visées par l’art. 11 al. 3 let. a et c LPC et du ch. 3237.02 DPC, il n’y avait aucune raison de prendre en compte un loyer fictif en présence d’un loyer gratuit ou réduit ou auquel il a été renoncé (Michel VATLERIO, op. cit., n° 15 ad Art.- 10 ; voir dans le même sens Ralph JÖHL / Patricia USINGER-EGGER, op cit., p. 1757 n° 67).

8.              

8.1 Quant aux revenus déterminants, ils comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b aLPC et 5 aLPCC), les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC et 5 aLPCC) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g aLPC et 5 aLPCC).

Toutefois, selon l’art. 11 al. 3 aLPC ne sont pas pris en compte à titre de revenus : les aliments fournis par les proches en vertu des art. 328 à 330 du code civil (let. a); les prestations d’aide sociale (let. b) et les prestations provenant de personnes et d’institutions publiques ou privées ayant un caractère d’assistance manifeste (let. c).

A noter que l’art. 11 al. 1 let. b LPC a été complété avec effet au 1er janvier 2021 et prévoit désormais que les revenus déterminants comprennent le produit de la fortune mobilière et immobilière, y compris la valeur annuelle d’un usufruit ou d’un droit d’habitation ou la valeur locative annuelle d’un immeuble dont le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire, et qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins. En outre, la let. g de l’art. 11 al. 1 aLPC a été supprimée et un art. 11a LPC prévoit, depuis le 1er janvier 2021, que les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé (al. 2).

8.2 Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références; ATF 134 I 65 consid. 3.2 et les références; ATF 131 V 329 consid. 4.2 et les références).

Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références).

Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives. La question de savoir si la renonciation à un élément de fortune en accomplissement d'un devoir moral constitue un dessaisissement de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC, a été laissée ouverte (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).

9.              

9.1 A teneur de l’art. 776 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), le droit d’habitation est le droit de demeurer dans une maison ou d’en occuper une partie (al. 1). Il est incessible et ne passe point aux héritiers (al. 2). Les règles de l’usufruit sont applicables, sauf disposition contraire de la loi (al. 3).

Selon l’art. 777 CC, l’étendue du droit d’habitation est réglée en général par les besoins personnels de celui auquel il appartient (al. 1). Ce droit comprend, s’il n’a été expressément limité à la personne de celui à qui il a été concédé, la faculté pour ce dernier d’habiter l’immeuble grevé avec sa famille et les gens de sa maison (al. 2).

9.2 Selon l’art. 745 CC, un usufruit peut notamment être établi sur des immeubles (al. 1). Il confère à l’usufruitier, sauf disposition contraire, un droit de jouissance complet sur la chose (al. 2).

L’art. 755 CC prévoit que l’usufruitier a la possession, l’usage et la jouissance de la chose (al. 1). Il en a aussi la gestion (al. 2).

L’usufruitier supporte les frais ordinaires d’entretien et les dépenses d’exploitation de la chose, ainsi que les intérêts des dettes dont elle est grevée, et il est tenu d’acquitter les impôts et autres redevances; le tout en proportion de la durée de son droit (art. 765 al. 1 CC).

9.3 Il ressort de ce qui précède qu’à la différence du droit d'usufruit, le droit d'habitation ne peut pas être cédé dans son exercice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2014 du 14 janvier 2015 consid. 4.1.1). Ainsi, le bénéficiaire du droit d'habitation ne saurait louer ou prêter l'appartement à un tiers (Amédéo WERMELINGER, Commentaire romand du Code civil II, 2016, n° 31 ad art. 776).

10.          

10.1 Un droit d'usufruit en faveur de la personne qui demande des prestations complémentaires représente pour sa titulaire une valeur économique, dans la mesure où elle obtient ainsi une prestation dont elle ne pourrait, à défaut, bénéficier sans engager d'autres moyens financiers ; pour ce motif, il importe de prendre en considération le produit de l'usufruit à titre de produit de la fortune, conformément à l'art. 11 al. 1 let. b LPC (ATF 122 V 394 consid. 6a ; voir également Michel VALTERIO, op. cit., p. 140 ch. 38 ; Pierre FERRARI, op. cit., p. 426).

Est alors déterminante la valeur locative du logement estimée selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile, voire par ceux de l’impôt fédéral direct (art. 12 al. 1 et 2 OPC-AVS/AI).

Malgré le silence de l'art. 12 OPC-AVS/AI, celui-ci s'applique également au titulaire d'un droit d'habitation (Michel VALTERIO, op. cit., p. 140 note 422 ; Pierre FERRARI, op. cit. p. 427 ; consid. 4b/cc et 6 non publiés de l'ATF 119 V 436).

En revanche, comme l'usufruitier n'a pas le droit d'en disposer matériellement ou juridiquement, la valeur de la fortune qui est grevée d'un usufruit n'intervient pas dans le calcul du revenu déterminant (Pierre FERRARI, op. cit. p. 426).

10.2 En cas de renonciation à un usufruit ou à un droit d’habitation, notamment s’il est radié du registre foncier ou n’y est même pas inscrit, le revenu hypothétique doit être considéré comme un dessaisissement de revenu (Michel VALTERIO, op. cit., n° 124 ad art. 11).

Dans un arrêt 8C_68/2008 du 27 janvier 2009, le Tribunal fédéral a considéré que, contrairement à une ancienne jurisprudence (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 58/00 du 18 juin 2003, dans lequel un revenu fictif correspondant à la valeur locative du logement grevé d'usufruit avait été retenu après le dessaisissement), en cas de renonciation à un usufruit, il convenait de prendre en considération un revenu fictif correspondant aux intérêts sur la valeur vénale de l'immeuble sur lequel portait ledit usufruit. Le revenu fictif imputé à l'ayant droit devait par ailleurs être déterminé en s'appuyant sur le taux d'intérêt moyen pour les obligations et bons de caisse en Suisse au cours de l'année précédant celle de l'octroi de la prestation complémentaire.

L’application de cette méthode pour déterminer la valeur du dessaisissement résultant de la renonciation à l'usufruit a depuis été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_589/2015 du 5 avril 2016).

Les principes précités sont applicables tant en ce qui concerne la renonciation à un usufruit qu’à celle d’un droit d’habitation (Michel VALTERIO, op. cit., n° 124 ad art. 11 ; Pierre FERRARI, op. cit. p. 427).

10.3  

10.3.1 Selon les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI de l'Office fédéral des assurances sociales (DPC), le revenu de la fortune immobilière comprend les loyers et fermages, l’usufruit, le droit d’habitation, ainsi que la valeur locative du logement de l’assuré dans son propre immeuble, pour autant que cette valeur ne soit pas déjà comprise dans son revenu d’une activité lucrative (ch. 3433.02 DPC).

Pour les immeubles habités par le propriétaire, l'usufruitier ou le bénéficiaire d'un droit d'habitation, la valeur locative de l'immeuble doit être prise en compte dans les revenus. Il en va de même lorsque l'immeuble a précédemment appartenu à l'usufruitier ou au bénéficiaire du droit d'habitation et qu'un revenu hypothétique de la fortune dessaisie a été pris en compte à cet effet (dans cette hypothèse, la valeur locative vient s'ajouter au revenu hypothétique). La valeur locative doit être déterminée d'après les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct. Si le droit cantonal prévoit une éventuelle déduction pour cause d'usage propre, il importe de l'ignorer. À défaut de règles sur l'impôt cantonal direct, celles prévues par la législation sur l'impôt fédéral direct sont déterminantes (ch. 3433.02 DPC).

10.3.2 Lorsqu’une personne renonce totalement à l’exercice d’un droit d’habitation – notamment si celui-ci est radié du registre foncier ou n’y est même pas inscrit –, sa valeur annuelle est prise en compte en tant que revenu de la fortune immobilière. Sont exceptés les cas dans lesquels le droit d’habitation ne peut plus être exercé pour des raisons de santé (cf. ch. 3433.05). La valeur annuelle correspond à la valeur locative, après déduction des coûts que le bénéficiaire a assumés, ou aurait été appelé à assumer, avec le droit d’habitation (notamment les frais d’entretien de l’immeuble). La valeur locative est déterminée selon les critères de l’impôt cantonal direct. En l’absence de tels critères, ce sont ceux de l’impôt fédéral direct qui sont déterminants (ch. 3482.13 DPC).

10.3.3 A la suite de l’arrêt 9C_589/2015 du 5 avril 2016, un second paragraphe a été ajouté au ch. 3482.12 DPC pour tenir compte de la situation particulière tranchée dans cet arrêt. Il est ainsi précisé que si l’usufruit d’un bien foncier est remplacé par l’usufruit du produit de la vente dudit bien, seuls les revenus des intérêts du produit de la vente sont pris en compte au titre du revenu.

10.3.4 Les directives de l’administration sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales et n’ont pas force de loi. Elles ne lient dès lors ni les administrés ni les tribunaux; elles ne constituent pas des normes de droit fédéral et n’ont pas à être suivies par le juge. Elles servent tout au plus à créer une pratique administrative uniforme et présentent à ce titre une certaine utilité; elles ne peuvent en revanche sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, les directives ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 131 V 42 cons. 2.3 et les références citées); cela ne signifie toutefois pas que le juge des assurances sociales n'en tienne pas compte. Au contraire, il ne s'en écarte que dans la mesure où les directives administratives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (ATF 133 V 587 cons. 6.1 ; ATF 133 V 257 cons. 3.2).

10.4 Les tribunaux cantonaux n’interprètent et n’appliquent pas de manière uniforme les arrêts du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 et 9C_589/2015 du 5 avril 2016.

10.4.1 La Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais et la Cour des assurances sociales du Tribunal du canton de Vaud ont, pour leur part, considéré qu’on ne pouvait pas déduire des arrêts fédéraux précités que le principe de la prise en considération des intérêts sur la valeur vénale s’appliquait dans toutes les situations où il y avait renonciation à un droit d’usufruit par le bénéficiaire de prestations complémentaires, quel que soit ensuite le sort de l’immeuble grevé. Au contraire, pour ces deux juridictions cantonales, le Tribunal fédéral appliquait ce principe dans le cas très particulier dans lequel l’immeuble sur lequel portait l’usufruit initial avait été aliéné et remplacé, sous l’angle de l’objet sur lequel portait le droit réel limité, par le produit de vente (jugement du 17 août 2020 dans la cause S1 18 252 [Valais] et arrêt du 22 avril 2022 dans la cause PC 32/21 – 9/2022 [Vaud]).

10.4.2 En revanche, pour la Chambre de céans, la IIe Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal de Fribourg et la Cour de droit public du Tribunal cantonal de Neuchâtel, le dessaisissement correspond aux intérêts sur la valeur vénale de l’immeuble sur lequel portait l’usufruit (p. ex. ATAS/280/2021 du 30 mars 2021 et ATAS/972/2012 du 17 août 2012 [Genève] ; arrêt du 8 janvier 2020 dans la cause 608 2019 100 [Fribourg] et arrêt du 3 décembre 2018 dans la cause CDP 2018.190 [Neuchâtel]). La juridiction neuchâteloise a encore précisé que c’était à tort que la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation avait estimé que cette jurisprudence ne s'appliquait qu'en cas de renonciation à l'usufruit en contrepartie d'un usufruit sur le produit de la vente. En effet, les arrêts du Tribunal fédéral commençaient par déterminer comment se calculait la valeur de renonciation à un usufruit pour ensuite, dans un second temps, déduire du montant ainsi obtenu la contrepartie. La manière de déterminer la valeur de renonciation s'appliquait indépendamment de la question de savoir si elle devait ensuite être réduite eu égard à la contrepartie.

10.5 Enfin, pour Michel VALTERIO, il découle de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 que la méthode de prise en compte de la valeur locative telle qu’elle continuait d’être prévue aux ch. 3842.12 et 3482.13 des DPC ne pouvait plus être suivie, ce d’autant plus que les directives n’expliquaient nullement les raisons qui plaidaient en faveur du maintien de ce procédé (Michel VALTERIO, op. cit., note 623 ad Art. 11, p. 182). Pierre FERRARI va dans le même sens (Pierre FERRARI, op. cit. p. 427).

11.          

11.1 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

11.2 Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

12.         En l’espèce, la recourante était titulaire, depuis 1995, d’un droit d’habitation sur l’appartement dont sa fille était propriétaire. Ce droit d’habitation représentait pour elle une valeur économique étant donné qu’elle bénéficiait d’un logement sans devoir verser de loyer. En d’autres termes, elle économisait mensuellement le montant d’un loyer, ce qui doit être pris en considération dans le calcul des prestations complémentaires de la manière suivante.

12.1 Tant que la recourante était encore titulaire du droit d’habitation, la valeur locative de celui-ci devait être prise en considération dans les dépenses reconnues (cf. art. 10 al. 1 let. b LPC et consid. 7.2.1 ci-dessus) et le revenu déterminant (cf. art. 11 al. 1 let. b LPC et consid. 10.1 ci-dessus), étant rappelé que la valeur locative est définie comme le montant que le contribuable aurait dû verser pour un logement identique dans une situation comparable (cf. ATF 126 V 252 consid. 2a) et que, conformément à l'art. 12 OPC-AVS/AI, elle doit être estimée selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile (al. 1) ou à défaut selon les critères de la législation sur l’impôt fédéral direct (al. 2).

C’est donc à juste titre que l’intimé a pris en considération, jusqu’à la radiation du droit d’habitation, en janvier 2021, un montant de CHF 24'000.- à titre de revenu (cf. avis de taxation immobilier concernant l’année 2016), ce qui a d’ailleurs été confirmé par la Chambre de céans dans ses ATAS/8212/2020 du 28 septembre 2010 et ATAS/770/2021 du 22 juillet 2021.

12.2  

12.2.1 Refusant que son droit d’habitation ne soit pris en considération dans le calcul de son droit aux prestations complémentaires, la recourante y a renoncé, ce qui a mené à la radiation dudit droit du registre foncier en janvier 2021.

Conformément à la jurisprudence fédérale et la doctrine en la matière, la renonciation de la recourante à son droit d’habitation doit être considérée comme un dessaisissement de revenu (cf. consid. 10.2 surpa et les références).

L’intimé s’est référé au ch. 3524.05 DPC pour calculer le montant du dessaisissement et a continué à prendre en considération la valeur locative de CHF 24'000.-.

Cette manière de procéder ne saurait toutefois être confirmée par la Chambre de céans au vu des arrêts du Tribunal fédéral 8C_68/2008 du 27 janvier 2009 et 9C_589/2015 du 5 avril 2016, selon lesquels le revenu fictif à prendre en considération, correspond aux intérêts sur la valeur vénale de l'immeuble sur lequel portait le droit d’habitation, calculés selon le taux d'intérêt moyen pour les obligations et bons de caisse en Suisse au cours de l'année précédant celle de l'octroi de la prestation complémentaire.

12.2.2 Par ailleurs, si la recourante a certes renoncé à son droit d’habitation, elle continue à habiter dans l’appartement de sa fille, gratuitement. En effet, rien dans le dossier ou dans les explications qu’elle a données ne permet de considérer qu’elle verse un loyer à sa fille.

Elle n’a pas fait valoir de dépense de loyer.

Or, dans un tel cas, il convient de déterminer si la mise à disposition de cet appartement l’est en vertu des art. 328 à 330 CC ou non. Dans l’affirmative, à savoir dans l’hypothèse où le loyer est pris en charge par un parent à des fins d’assistance, une dépense de loyer doit être prise en considération conformément à la jurisprudence fédérale et à la pratique en la matière. Dans la négative, soit si le loyer est pris en charge à bien plaire, il n’y a pas lieu de retenir de dépense de loyer conformément à la dernière jurisprudence fédérale en la matière (cf. consid. 7.2.2 supra), étant précisé toutefois que dans tous les cas, la renonciation au droit d’habitation doit être prise en considération à titre de biens dessaisis.

Par ailleurs, dans la mesure où la recourante a renoncé à son droit d’habitation, il ne lui appartient plus de prendre en charge des frais d’entretien de l’appartement.

12.2.3 Le dossier ne permet toutefois de déterminer ni la valeur vénale de l’appartement et, partant, le montant à prendre en considération à titre de dessaisissement, ni la nature de la mise à disposition (en vertu d’un devoir d’assistance ou à bien plaire) de l’appartement, avec notamment pour conséquence la prise en considération ou non d’un loyer fictif à titre de dépense reconnue.

C’est pourquoi, la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire sur ces questions et nouvelle décision. Dans ce cadre, la recourante pourra, le cas échéant, faire valoir des éventuels frais effectifs liés au loyer.

13.         Vu ce qui précède, le recours est partiellement admis et la décision sur opposition du 14 septembre 2022 est annulée. La cause est renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

La recourante, agissant en personne, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du14 septembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le