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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3371/2022

ATAS/348/2023 du 19.05.2023 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3371/2022 ATAS/348/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 mai 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par APAS-association pour la permanence de défense des patients et des assurés, soit pour elle Maëlle KOLLY, mandataire

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


 

EN FAIT

A.           a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée, la bénéficiaire ou la recourante), née en ______ 1963, est bénéficiaire de prestations complémentaires et de subsides d’assurance-maladie. Depuis 2015, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a rendu régulièrement des décisions concernant les prestations complémentaires et les subsides d’assurance-maladie de l’intéressée, qui sont systématiquement entrées en force.

b. L’intéressée est mariée avec Monsieur B_______ (ci-après : l’époux ou le conjoint), né en décembre 1966, qui souffre de troubles de la santé et a déposé un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales), contre une décision de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI). Le recours est enregistré sous no de procédure A/2731/2022.

c. En date du 22 décembre 2021, une travailleuse sociale de la ville de Carouge, agissant au nom de l’intéressée, a informé le SPC que le service des affaires sociales soutenait cette dernière dans ses démarches administratives, en joignant en annexe une procuration.

La mandataire informait le SPC d’un changement de domicile et du fait que l’intéressée ne percevait plus du tout d’allocation logement depuis quatre ou cinq ans ; elle n’avait pas compris qu’elle devait en informer le SPC de manière à ce qu’il n’en tienne plus compte dans le calcul des prestations.

Il était également mentionné que le conjoint avait d’importants problèmes de santé et n’était plus du tout en état de travailler depuis 2021 et avait déposé une demande auprès de l’OAI ; il était dans l’attente d’une décision et considérait qu’aucun gain hypothétique ne devait être retenu pour lui, vu son état de santé.

Enfin, le SPC était informé que les conjoints possédaient un bien immobilier au Portugal qui avait été déclaré à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) ; l’intéressée alléguait ne pas savoir qu’elle aurait déjà dû en informer le SPC auparavant. Compte tenu de ces informations, l’intéressée restait dans l’attente d’une nouvelle décision du SPC.

B.            a. Par décision de prestations complémentaires du 18 mars 2022, le SPC a recalculé le droit de l’intéressée aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC) ainsi qu’aux subsides de l’assurance-maladie, en tenant compte de la suppression de l’allocation de logement et de la prise en compte des biens immobiliers. Suite à la mise à jour du dossier, l’intéressée était invitée à contrôler attentivement les montants indiqués sur les plans de calcul annexés à la décision et qui en faisaient partie intégrante, pour la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2022. L’intéressée n’avait droit à aucune prestation complémentaire rétroactive, néanmoins, dès le 1er avril 2022, elle avait droit à un montant mensuel de PCC de CHF 718.-. Étaient joints à la décision du 18 mars 2022, les plans de calcul des prestations complémentaires, avec les rubriques détaillées concernant les dépenses reconnues et les revenus déterminants allant du 1er avril 2015 jusqu’au 1er janvier 2022.

b. Dans le plan de calcul, le SPC retenait notamment, un revenu hypothétique pour le conjoint, ainsi qu’un nouveau montant correspondant à une fortune immobilière et un nouveau revenu correspondant au produit des biens immobiliers.

c. Par courrier du 24 mars 2022, le service des affaires sociales de la ville de Carouge a communiqué au SPC, le CV du conjoint de l’intéressée et les copies des recherches d’emploi qu’il avait effectuées, avec l’appui du service des affaires sociales, pour les mois de février et mars 2022. Étaient jointes plusieurs candidatures spontanées en tant qu’employé polyvalent, comme cordonnier, serveur ou livreur, bénéficiant d’une expérience professionnelle de plus de 20 ans et libre tout de suite.

d. Par courrier du 25 mars 2022, le SPC a informé l’intéressée qu’il avait repris le calcul des prestations complémentaires et subsides de l’assurance-maladie, avec effet au 1er janvier 2022. Il a expliqué que le loyer avait été mis à jour et la prise en compte de l’allocation logement avait été supprimée ; l’enfant Libania avait été exclue. Il était indiqué que la prise en compte du revenu hypothétique du conjoint était maintenue, le SPC restant dans l’attente de la décision de l’OAI le concernant. Par ailleurs, le SPC mentionnait que l’intéressée possédait trois biens immobiliers sis au Portugal, qu’elle n’avait jamais annoncés, ce qui avait entraîné la reprise du calcul des prestations complémentaires et subsides d’assurance-maladie, au 1er avril 2015, en tenant compte, notamment, des indications qui figuraient sur la page « immeuble D » des déclarations fiscales de l’intéressée, depuis l’année 2015. Compte tenu de ces éléments, le SPC était parvenu à la conclusion que l’intéressée avait perçu trop de prestations, pour la période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2021, soit un montant total de CHF 46’756.80, principalement composé de subsides d’assurance-maladie accordés depuis 2015. Ledit montant devait être remboursé dans les 30 jours ou son paiement devait faire l’objet d’une demande relative aux modalités de remboursement.

e. En date du 30 mars 2022, le conjoint s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) en indiquant rechercher, dès le jour de l’inscription, un emploi à plein temps.

f. En date du 28 avril 2022 la travailleuse sociale a fait opposition à la décision du 18 mars 2022, au nom de l’intéressée, en indiquant devoir consulter des documents en lien avec les biens immobiliers sis au Portugal, pour évaluer la situation. L’opposition a été complétée en date du 25 mai 2022, en précisant notamment que, suite à sa demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité, le conjoint de la bénéficiaire avait reçu un projet de décision de l’OAI, daté du 16 mai 2022, qui concluait à une absence de droit au reclassement ou à une rente d’invalidité. L’OAI considérait, au vu des documents professionnels et médicaux, que le conjoint était dans l’incapacité totale de travailler dans son activité habituelle, depuis le 14 décembre 2020, mais qu’il était médicalement reconnu qu’une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles était raisonnablement exigible, à raison de 100%, dès cette même date. Selon l’OAI, le degré d’invalidité avait été calculé en se fondant sur la tabelle statistique des salaires (ESS) et en appliquant un abattement de 10%, suite à quoi le degré d’invalidité retenu était de 10%, ce qui ne donnait pas droit à des mesures de reclassement ou à une rente.

g. Par courrier du 15 juin 2022, le SPC a demandé à la bénéficiaire de lui faire parvenir les estimations de la valeur vénale (valor de mercado) des trois biens immobiliers sis au Portugal, pour les années 2016 à 2022. Il était également demandé à la bénéficiaire pour quelles raisons son époux s’était inscrit auprès de l’ORP alors même qu’il avait déposé une demande de prestations d’invalidité. La travailleuse sociale, agissant au nom de la bénéficiaire, a répondu au SPC, en date du 26 juillet 2022, que c’était suite aux conseils donnés par un collaborateur du SPC que le conjoint s’était inscrit au chômage, en rapport avec la prise en compte d’un gain potentiel.

h. Par courrier du 11 août 2022, le SPC a demandé à l’OAI de lui transmettre le dossier complet du conjoint de la bénéficiaire afin de déterminer s’il était exact que son état de santé ne lui permettait l’exercice d’aucune activité lucrative dans le marché primaire. Le même jour, le SPC a demandé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) de lui transmettre une copie intégrale du dossier du conjoint de la bénéficiaire. Dans les documents transmis par ce service figurait, notamment, le formulaire de préinscription dans lequel le conjoint de la bénéficiaire avait répondu, quant aux motifs de son inscription, qu’il s’était inscrit suite à une demande du SPC.

i. Par décision sur opposition du 13 septembre 2022, le SPC a partiellement admis l’opposition formée par l’intéressée, en revoyant à la baisse l’estimation des biens immobiliers et les produits de ces derniers, pour la période allant de 2015 à 2022. Le SPC a toutefois maintenu dans ses calculs la prise en compte du revenu hypothétique imputé à l’époux de l’intéressée, tout en ne retenant, dès le 1er novembre 2020, que le revenu d’une activité à mi-temps, en raison des problèmes de santé de ce dernier. La période allant du 1er février au 31 mars 2022 n’était pas non plus prise en compte dans le calcul du gain hypothétique dès lors que le conjoint de l’intéressée avait produit des recherches d’emploi en nombre suffisant. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les calculs pour la période allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2022 faisaient apparaître un montant de prestations dues à hauteur de CHF 3’054.-, ainsi qu’un droit aux subsides de l’assurance maladie de CHF 967.20. Ces chiffres venaient en déduction du précédent montant de CHF 46’756.80 dont le remboursement avait été demandé, ce qui réduisait la somme, dont le remboursement était demandé, à CHF 42’735.60.

C.           a. Par acte de son avocate, déposé le 13 octobre 2022 au greffe universel, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 13 septembre 2022, concluant, principalement, à l’annulation de cette dernière et au re-calcul des prestations, sans imputation d’un revenu hypothétique pour son conjoint. Il était allégué que le conjoint de l’intéressée souffrait depuis plusieurs années de sévères problèmes de santé d’ordre pulmonaire, pour lesquelles une demande de prestations d’invalidité avait été déposée, sur le tard, en février 2021. À cet égard, la recourante communiquait un courrier de l’OAI du 22 septembre 2022 par lequel cet office revoyait sa position, dans la procédure A/2731/2022, pour arriver à la conclusion qu’un degré d’invalidité de 100 % devait finalement être retenu pour le conjoint et une rente entière devait lui être allouée. Selon la recourante, il fallait considérer que son conjoint était déjà en incapacité de travail durable depuis 2015. Elle joignait un certificat médical du médecin traitant de son conjoint, la docteure C______, spécialiste en médecine interne et en pneumologie, daté du 8 août 2022, qui estimait que l’époux avait une capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles de 20 à 30 %. Compte tenu de ces éléments, la recourante considérait que c’était à tort que l’on imputait un revenu hypothétique à son époux depuis l’année 2015 et que ce poste devait être supprimé des revenus pris en compte. Elle demandait à la chambre de céans de pouvoir être auditionnée, ainsi que sa fille et son époux, de manière à démontrer l’état de santé de ce dernier depuis 2015. Subsidiairement, la recourante alléguait qu’elle ne comprenait pas de quelle manière le revenu hypothétique du conjoint avait été fixé par le SPC, en se fondant sur les ESS, sur la période allant de 2015 à 2022.

b. Par réponse du 9 novembre 2022, le SPC a accepté de reconsidérer sa position, estimant que compte tenu de la réponse de l’OAI du 22 septembre 2022 et des facteurs extras médicaux, aucun emploi n’était exigible de la part de l’époux, depuis le 1er novembre 2020. Partant, le SPC concluait à l’admission partielle du recours et au renvoi du dossier à son service, pour nouvelle décision par laquelle le SPC supprimerait le revenu hypothétique du conjoint de la recourante, dès le 1er novembre 2021 et tiendrait compte de la rente AI qui serait prochainement octroyée à l’époux.

c. Par réplique de sa mandataire, datée du 22 novembre 2022, la recourante a pris bonne note du fait que le SPC s’alignait désormais sur la position de l’OAI mais persistait à considérer que l’imputation du revenu hypothétique de son conjoint devait être supprimée, depuis le 1er avril 2015, conformément à l’appréciation de son médecin traitant, selon rapport médical du 8 août 2022. Pour le surplus elle contestait les montants retenus par le SPC en se fondant sur les ESS qui, selon elle, ne correspondaient pas aux directives citées dans le recours et « ne tenaient pas compte des conditions personnelles et spécificités du cas d’espèce » destinées à corriger le salaire statistique et le ramener « à des proportions réalistes ».

d. Par duplique du 8 décembre 2022, le SPC a considéré que la recourante n’invoquait aucun nouvel argument, ni n’apportait de nouveaux éléments susceptibles de conduire à une appréciation différente du cas, raison pour laquelle il a persisté dans le sens de son préavis du 9 novembre 2022.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé que le juge n'a en principe pas à prendre en considération les modifications du droit postérieures à la date déterminante de la décision administrative litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références ; ATF 136 V 24 consid. 4.3; ATF 130 V 445 consid. 1 et les références ; ATF 129 V 1 consid. 1.2 et les références).

Dans la mesure où le recours porte sur la restitution de prestations complémentaires perçues du 1er avril 2015 au 31 octobre 2020, soit une période antérieure au 1er janvier 2021, le présent litige reste soumis à l'ancien droit, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit. Les dispositions légales et réglementaires seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

5.             Compte tenu de la réponse de l’intimé, l’objet du litige se limite désormais à la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution d’un trop perçu, après avoir tenu compte du gain hypothétique de son époux dans le calcul des prestations complémentaires et subsides d’assurance-maladie.

6.              

6.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'Ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

6.2 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

6.3 S’agissant de la restitution des subsides d’assurance-maladie, conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l'article 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie (al. 2).

7.         

7.1 L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

7.2 À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ; ATF 127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence).

7.3 L'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

7.4 Selon l’art. 17 al. 2 LPGA, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changent notablement.

7.5 En cas de modification des circonstances au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, le bénéficiaire de prestations complémentaires peut également être tenu de restituer les prestations allouées à tort en cas de non-respect de l’obligation de renseigner (art. 25 al. 2 let. c et d OPC-AVS/AI; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_747/2018 du 12 mars 2019).

7.6 L’obligation de restituer des prestations complémentaires en cas de versement ultérieur d’une prestation arriérée n’est pas liée à une violation de l’obligation de renseigner. La restitution doit simplement permettre de rétablir l’ordre légal, après la découverte du fait nouveau, soit l’existence d’un élément de revenu inconnu au moment de la décision de prestations complémentaires, mais qui aurait dû être pris en compte parce qu’il existait déjà, du moins sous forme de créance ou de prétention (ATF 146 V 331 consid. 5.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.3 et les références; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 9C_313/2020 du 3 mars 2021 consid. 3.1 et les références).

8.         

8.1 Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

8.2 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

8.3 Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2 1ère phrase aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

8.4 L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (OFAS, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

8.5 Le délai de péremption relatif commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et les références; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références; ATF 139 V 6 consid. 4.1 et les références). Cette jurisprudence vise un double but, à savoir obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d’autre part (ATF 124 V 380 consid. 1). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références; ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). A titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d'une rente par une caisse de compensation à la suite d'un divorce qu'un délai d'un mois pour rassembler les comptes individuels de l'épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3). A défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2. et les références). En revanche, lorsqu'il résulte d'ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu'il y ait lieu d'accorder à l'administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2020 du 11 juin 2021 consid. 5.2 et les références).

8.6 Dans le cas d’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner en détail quel délai de prescription relatif s’applique dès lors que le délai minimum, à savoir une année, est rempli. En effet, les changements de situation ont été communiqués au SPC par la travailleuse sociale, agissant au nom de l’intéressée, dans son courrier du 22 décembre 2021 et le SPC a pris sa décision de demande de remboursement en date du 18 mars 2022, dans un délai inférieur à un an. Aucun élément figurant au dossier ne permettait au SPC de connaître ces informations avant la réception du courrier du 21 décembre 2021 ; la recourante n’allègue d’ailleurs pas que le SPC aurait dû connaître ces informations avant.

9.              

9.1 S’agissant de la période pendant laquelle on peut réclamer la restitution, le délai de péremption est de cinq ans mais l'art. 25 al. 2 2ème phrase LPGA, prévoit que si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Ainsi, tant que le bénéficiaire des prestations est susceptible d’être poursuivi pénalement, une péremption du droit à la restitution ne se justifie pas (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2). Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

9.2 En l’absence d’un jugement pénal, l’administration, respectivement, le juge des assurances sociales, doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

Lorsqu’il y a lieu de décider si la créance en restitution dérive d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, le degré de la preuve requis est celui qui prévaut en procédure pénale ; la présomption d’innocence s’applique, et le degré de la vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales n’est pas suffisant. En tout état de cause, il appartient à l’autorité qui entend se prévaloir d’un délai de prescription selon le droit pénal de produire les moyens permettant d’apporter la preuve d’un comportement punissable, singulièrement la réalisation des conditions objectives et subjectives de l’infraction (ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7 et les références).

9.3 En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les art. 31 LPC (manquement à l’obligation de communiquer), 146 (escroquerie) et 148a (obtention ilicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale) du Code pénal du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) qui entrent en considération lorsqu’il y a lieu de déterminer si le délai pénal doit trouver application.

L'art. 31 LPC - également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC - est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2) et prévoit une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes en cas de violation du devoir d’informer. L’art. 146 al. 1 CP sanctionne l’infraction d’escroquerie d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Quant à l’art. 148a CP, qui vise l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, il prévoit une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende (al. 2).

9.4 Selon l'art. 97 al. 1 CP (art. 70 aCP dans sa teneur entrée en vigueur depuis le 1er octobre 2002), l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par 15 ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans, celui de l’infraction visée à l'art. 146 al. 1 CP de quinze ans.

9.5 Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (ATF 147 IV 73 consid. 3.1 ; ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 ; ATF 135 IV 76 consid. 5.1). La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai.

L'assuré qui, en vertu de l'art. 31 LPGA (RS 830.1), a l'obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n'adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive - par acte concluant - du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d'analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d'autres actions permettant objectivement d'interpréter le comportement de l'assuré comme étant l'expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l'assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l'assureur destinées à établir l'existence de modification de la situation personnelle, médicale ou économique; il n'est en effet plus question alors d'une escroquerie par omission, mais d'une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 et les références).

Une personne mise au bénéfice de prestations complémentaires après avoir sciemment fourni à l'administration des indications erronées sur sa situation patrimoniale ne confirme pas mois après mois son indigence et, partant ne répète pas à chaque fois une tromperie par commission, si elle se borne à passivement percevoir lesdites prestations sans jamais spontanément déclarer sa situation financière réelle ni être interrogée à ce propos. Son silence est en revanche constitutif d'une tromperie par commission si elle a été conduite par l'administration à s'exprimer sur sa situation financière, au moins par acte concluant ou silence qualifié (arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.2 et les références).

9.6 En l’espèce, on constate que l’intéressée n’a pas annoncé spontanément, comme elle avait le devoir de le faire, qu’elle était propriétaire d’immeubles sis au Portugal, alors même qu’elle avait une obligation de renseigner le SPC, ce qui lui était rappelé régulièrement dans les communications de ce dernier, sur tous les changements dans sa situation personnelle et/ou financière, ce qui inclut, notamment, la propriété d’immeubles en Suisse et à l’étranger. Les mêmes formulaires avertissaient l’intéressée qu’en cas d’omission ou de retard, elle s’exposait à une demande de restitution des prestations versées indûment, voire à des poursuites pénales.

À cet égard, il sera relevé que dans sa demande de prestations complémentaires reçue le 28 janvier 2015, sous la rubrique situation économique et notamment fortune et « propriété immobilière », l’intéressée n’a rien déclaré.

À juste titre, la recourante ne le nie pas et ne remet pas en question le délai de sept ans appliqué par le SPC.

Compte tenu de ces éléments, la demande de restitution du SPC sur une période de sept ans est conforme aux dispositions légales.

10.          

10.1 Les revenus hypothétiques, provenant d'une activité lucrative, fixés schématiquement à l'art. 14a al. 1 OPC-AVS/AI, représentent une présomption juridique. L'assuré peut renverser cette présomption en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2007 du 26 juin 2008 consid. 5.2). Il existe en effet des cas dans lesquels un assuré n'est pas en mesure de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle pour des raisons étrangères à l'invalidité (ATF 117 V 153 consid. 2c).

10.2 Pour examiner la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu. Les critères décisifs ont notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P/17/01 du 16 juillet 2001 consid. 1c et P 88/01 du 8 octobre 2002 consid. 2.1).

10.3 S’agissant plus particulièrement du critère ayant trait à l'état de santé de l’assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a OPC AVS/AI (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3).

10.4 La chambre de céans a estimé que, dans l’hypothèse où une demande de révision était en cours d’instruction auprès de l’OAI, en raison de l’allégation d’une aggravation de l’état de santé du bénéficiaire de prestations, il n’appartenait pas au SPC de se substituer à l’OAI et d’effectuer les investigations relatives à son état de santé. Cas échéant, le SPC modifierait ses décisions en fonction des résultats de l’instruction diligentée par les organes de l’OAI (ATAS/976/2013 ; ATAS/1072/2011 ; ATAS/1014/2010).

Selon les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – valables dès le 1er janvier 2011), l'art. 14a OPC établit une présomption légale aux termes de laquelle les assurés partiellement invalides sont foncièrement en mesure d’obtenir les montants limites prévus. Cette présomption peut être renversée par l’assuré s’il établit que des facteurs objectifs ou subjectifs, étrangers à l’AI, lui interdisent ou compliquent la réalisation du revenu en question (DPC n° 3424.06).

Néanmoins, en dépit de cette présomption, aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de PC à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

- si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’assuré ne trouve aucun emploi ; cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un ORP et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement ;

- lorsqu’il touche des allocations de chômage ;

- s’il est établi que, sans la présence continue de l’assuré à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier ;

- si l’assuré a atteint sa 60ème année (DPC n° 3424.07).

En l’occurrence, aucune des quatre conditions rappelées supra n’est réalisée par l’époux de la recourante.

11.         La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

12.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

13.         Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 469 consid. 4a ; ATF 122 III 223 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b ; ATF 122 V 162 consid. 1d).

14.         En l’espèce, la recourante fait grief à l’intimé d’avoir pris en compte un gain hypothétique pour son époux, depuis le 1er avril 2015, sans avoir suffisamment tenu compte de sa santé, de sa situation personnelle, et des éléments extras médicaux.

L’intimé, de son côté, a modifié sa position dans le cadre de la réponse au recours et a accepté de s’aligner sur les conclusions de l’OAI, sans toutefois admettre une incapacité de travail totale du conjoint avant le 1er novembre 2020.

14.1 Suite au dépôt de la demande de prestations complémentaires du 28 janvier 2015, plusieurs décisions ont été rendues par le SPC et sont entrées en force.

C’est le cas, notamment, de la décision du 10 juin 2015, retenant un montant de CHF 58’342.70 pour le gain potentiel du conjoint dès le 1er janvier 2015 ; la décision du 11 décembre 2015, retenant un montant de CHF 61’568.30 pour le gain potentiel du conjoint dès le 1er janvier 2016 ; la décision du 14 décembre 2016, retenant un gain potentiel du conjoint de CHF 62’060.10 dès le 1er janvier 2017 ; la décision du 13 décembre 2017 retenant un gain potentiel du conjoint de CHF 62’416.15 dès le 1er janvier 2018 ; la décision du 13 décembre 2018 retenant un gain potentiel du conjoint de CHF 62’494.25, dès le 1er janvier 2019 et la décision du 3 décembre 2019, retenant un gain potentiel du conjoint de CHF 62’710.80, dès le 1er janvier 2020.

Ces décisions sont entrées en force sur le principe de la prise en compte, dans les calculs des prestations complémentaires et des subsides d’assurance-maladie, du gain hypothétique du conjoint et de la quotité dudit gain. Aucune de ces décisions n’a été querellée par l’intéressée, alors même que chaque année, depuis 2015, le SPC prenait en compte, dans ses calculs, un revenu correspondant au gain hypothétique que pouvait réaliser le conjoint de l’intéressée en travaillant à 100%.

14.2 Ces décisions non querellées sont désormais entrées en force. Pour qu’elles soient revues, comme le demande la recourante, il faut qu’il existe un motif de révision.

Selon l'art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’intéressé ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

La recourante invoque comme fait nouveau, l’état de santé de son conjoint.

Or, cet élément n’est pas nouveau puisqu’il est connu depuis plusieurs années de l’intéressée, qui ne manque pas de l’invoquer, dans son mémoire de recours sous page 2, chiffre 2 « en effet, ce dernier [le conjoint] souffre depuis plusieurs années de sévères problèmes de santé d’ordre pulmonaire, (bronchopneumopathie chronique obstructive), pour lesquels une demande AI a été déposée sur le tard, en février 2021 ».

Compte tenu de ces déclarations et des pièces au dossier, on ne saurait considérer que l’état de santé du conjoint peut être qualifié de fait nouveau pouvant entraîner la révision des décisions prises par le SPC de 2015 à 2019. Partant, ce motif de révision doit être écarté.

14.3 Il ressort de l’argumentation de la recourante qu’il faut tenir compte de la procédure opposant son conjoint à l’OAI et notamment la réponse de ce dernier, dans le cadre de la procédure A/2731/2022, datée du 22 septembre 2022 et qui conclut à l’octroi en faveur du conjoint d’une rente d’invalidité à 100% dès le 1er décembre 2021.

Cette prise de position, qui doit être encore formalisée par une décision qui, selon les déclarations des parties, n’a pas encore été rendue, justifie la reconsidération par le SPC de sa position exprimée dans la décision querellée du 13 septembre 2022.

Il n’en demeure pas moins que sous l’angle du motif de révision, il ne s’agit nullement d’un nouvel élément de preuve qui ne pouvait pas être produit auparavant dès lors que ce courrier ne vise que la situation à partir du 1er décembre 2021 et que son contenu ne permet aucunement de considérer que le conjoint de l’intéressée était dans l’incapacité totale de travailler avant le 1er novembre 2020.

La recourante invoque également, comme nouveau moyen de preuve, de nouvelles pièces médicales et plus particulièrement le rapport médical du 8 août 2022 de la Dre C______, qui est la pneumologue traitante du conjoint de l’intéressée depuis le mois de décembre 2020. Cette dernière décrit l’état de santé du conjoint et les diagnostics ainsi que les limitations fonctionnelles, reprenant notamment ses conclusions du 9 mars 2021, soit que la capacité de travail résiduelle du conjoint est de 20 à 30 %.

Comme l’a souligné le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR), dans son avis médical, non daté, mais mentionnant le « Recours contre la décision du 28 juin 2022 », sous la plume de la docteure D______, les explications de la pneumologue sont tout à fait pertinentes et il convient de les suivre « mais la date de début de l’incapacité de travail ne peut être que celle du 8 décembre 2020, date de la première consultation de pneumologie et des fonctions pulmonaire mettant en évidence de manière objective le syndrome obstructif sévère ».

À la lecture des rapports médicaux et des conclusions du SMR, il est établi que la capacité de travail du conjoint de l’intéressée est nulle, dans toute activité depuis le 8 décembre 2020 ; il n’est aucunement fait mention de la capacité de travail pendant les années précédentes. Ainsi, ni les rapports médicaux de la pneumologue, ni l’avis médical du SMR ne peuvent être interprétés comme des moyens de preuve nouveaux pouvant entraîner une révision des décisions prises avant le 1er novembre 2020.

Comme le reconnaît la recourante, la demande de prestation d’invalidité du conjoint a été déposée sur le tard en 2021. Il appartenait à cette dernière de contester systématiquement les décisions rendues par le SPC, dès l’année 2015, en offrant de démontrer l’incapacité partielle ou totale de travail de son conjoint, ce qu’elle n’a pas fait.

En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3). La recourante a échoué à démontrer que les conditions d’une révision des décisions antérieures à 2020 étaient remplies. Partant, le grief de la recourante concernant le principe de la prise en compte d’un gain hypothétique du conjoint avant le 1er novembre 2020 doit être écarté.

S’agissant de la demande d’audition de la recourante, de son conjoint et de leur fille, afin de démontrer l’incapacité de travail, il convient de rappeler qu’ils n’ont pas d’expérience médicale et qu’en raison du lien familial étroit qui lie l’intéressée à son conjoint et à sa fille, ces deux derniers ne pourront être entendus qu’à titre de renseignements selon l’art. 31 let. a et f LPA avec la « distance nécessaire » découlant du lien entre l’intéressée et la personne entendue (Code annoté de procédure administrative genevoise, Stéphane GRODECKI et Romain JORDAN, Berne, 2017, ad. art. 31, N. 446).

En se fondant sur une appréciation anticipée des preuves, la chambre de céans considère qu’il n’est pas nécessaire d’y donner suite (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

14.4 Il sied encore d’ajouter que, même si les conditions de la révision ne sont pas réalisées, l’art. 53 al. 2 LPGA formalise un principe général du droit des assurances sociales, qui prévoit que l'assureur peut reconsidérer les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force, lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (ATF 133 V 50 consid. 4.1). Cependant, selon la jurisprudence, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées ; elle en a simplement la faculté et ni l’intéressé ni le juge ne peuvent l'y contraindre.

En l’état, on comprend de la dernière écriture du SPC du 8 décembre 2022 que ce dernier persiste dans son préavis du 9 novembre 2022 et que, par conséquent, il accepte de ne plus tenir compte du gain hypothétique du conjoint « depuis le 1er novembre 2020 » mais refuse de reconsidérer le principe de la prise en compte d’un gain hypothétique du conjoint pour la période allant du 1er avril 2015 au 31 octobre 2020.

14.5 S’agissant du deuxième grief de la recourante, soit la contestation de la quotité des montants retenus par le SPC dans la décision querellée ; après comparaison entre les montants figurant dans chacune des décisions prises, respectivement, en juin 2015, décembre 2015, décembre 2016, décembre 2017, décembre 2018 et décembre 2019, il apparaît que les montants des revenus hypothétiques du conjoint sont identiques, pour chaque année à ceux qui figurent dans le plan de calcul annexé à la décision querellée.

Lesdits montants sont entrés en force pour la période précédant le 1er novembre 2020 et n’ont pas été revus par le SPC depuis lors. Ils ont simplement été repris dans la feuille de calcul récapitulative, jointe à la décision querellée.

Il sied d’ajouter que, malgré les critiques de la recourante, le SPC a tout de même fourni des explications sur la manière dont les montants du gain hypothétique avaient été calculés, en indiquant qu’il s’était fondé sur la dernière version disponible de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), tableau TA1, toutes activités confondues, hommes, activités simples et répétitives, ce qui ne prête pas le flanc à la critique.

Étant précisé que par « dernière version disponible » des ESS le SPC indique très probablement la version qui était en vigueur au moment où les décisions des années, respectivement, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 ont été rendues.

Compte tenu de ces éléments, les montants retenus par le SPC comme gain hypothétique du conjoint pour la période précédant le 1er novembre 2020 sont entrés en force et ne peuvent pas être revus, faute de motifs de révision, comme cela a été examiné supra.

15.         À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’on peut retenir une incapacité de travail totale du conjoint de l’intéressée dès le 1er novembre 2020, ce qui implique qu’un gain hypothétique du conjoint ne peut pas être retenu à partir de cette date. Partant et conformément à la proposition du SPC, le recours sera partiellement admis et la cause renvoyée au SPC pour nouvelle décision, par laquelle ce dernier supprimera le revenu hypothétique, dès le 1er novembre 2020 et tiendra compte de la rente de l’assurance invalidité qui sera prochainement octroyée au conjoint de l’intéressée.

16.         La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

17.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 13 septembre 2022 et renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le