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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3087/2020

ATAS/167/2023 du 14.03.2023 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3087/2020 ATAS/167/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mars 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry STICHER

 

demanderesse

 

contre

CIEPP - CAISSE INTER-ENTREPRISES DE PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE, sise rue de Saint-Jean 67, GENÈVE

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Le 30 septembre 2020, Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse) a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’une action à l'encontre de la Caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle CIEPP (ci-après : la CIEPP) et la Fondation en faveur du personnel de B______ SA, entretemps en liquidation, (ci-après: la Fondation B______ en liquidation) en concluant à ce que la CIEPP, subsidiairement la Fondation B______, soit condamnée à lui verser les prestations légales et réglementaires en cas d’invalidité à compter du 1er mai 2015, avec intérêts à 5% l’an dès le 4 juillet 2019.

b. Par arrêt du 15 septembre 2021 (ATAS/1006/2021), la chambre de céans a condamné la Fondation B______ en liquidation à octroyer à la demanderesse les prestations légales et réglementaires en cas d’invalidité à compter du 1er mai 2015, en fonction du degré d’invalidité retenu par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2020. Elle a par ailleurs rejeté la demande dirigée contre la CIEPP.

B. a. La Fondation B______ en liquidation a formé recours en matière de droit public contre cet arrêt. L’assurée a également formé recours en concluant à ce que l’arrêt de la chambre de céans soit reformé dans le sens que la CIEPP soit condamnée à lui verser les prestations réglementaires conformément au plan de prévoyance « OPTIMA ».

b. Par arrêt 9C_590/2021 du 17 novembre 2022, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours joint de l’assurée et admis partiellement le recours de la Fondation B______ en liquidation. Il a par ailleurs renvoyé la cause à la chambre de céans pour nouvelle décision en ce qui concerne l’action dirigée contre la CIEPP, ainsi que sur les dépens de la procédure antérieure.

C. a. Par écritures du 12 décembre 2022, l’assurée s’est déterminée suite à l’arrêt du Tribunal fédéral précité. Elle a persisté dans ses conclusions principales prises dans la procédure cantonale, à savoir la condamnation de la CIEPP au versement des prestations d’invalidité légales et réglementaires selon le plan OPTIMA à compter du 1er mai 2015, avec intérêts à 5% l’an à compter du 8 octobre 2019, sous suite de dépens.

b. Par écritures du 16 février 2023, la CIEPP a conclu au rejet de la demande, subsidiairement à ce que le début du droit à la rente et le montant de celle-ci soient fixés en application des dispositions réglementaires de la CIEPP concernant le plan MINIMA.


 

EN DROIT

 

1.             La CIEPP s'oppose à la demande, au motif que les troubles psychiques dont souffre la demanderesse et qui sont à l'origine de son invalidité, sont survenus avant l'assujettissement de celle-ci à sa caisse en date du 1er mars 2010. Elle soutient qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral précité que la demanderesse a réduit son taux d’activité à 80% en 2007 et qu’elle n’a jamais repris une activité professionnelle à plein temps.

1.1 Dans son arrêt 9C_590/2021 du 17 novembre 2022, le Tribunal fédéral constate qu’aucune des pièces, en particulier médicales, versées au dossier n’établit l’existence d’une diminution déterminante de la capacité de travail de l’assurée, voire une diminution de son rendement au travail pendant la période du 1er juin 1997 au 31 octobre 2009 durant laquelle elle était affiliée à la Fondation B______. Pour cette raison, cette fondation, entretemps en liquidation, ne peut être tenue de prendre en charge l’invalidité intervenue ultérieurement, à un moment où l’assurée ne lui était plus affiliée. Notre Haute Cour a par ailleurs renvoyé la cause à la chambre de céans, dans la mesure où celle-ci n’a pas procédé à une constatation de fait concernant la période d’affiliation de l’assurée à la CIEPP.

1.2 Après le 31 octobre 2009, la demanderesse a travaillé dans sa profession de comptable du 12 au 31 octobre 2009 au taux de 80% pour C______ AG. Selon le certificat de travail de cet employeur du 9 novembre 2009, elle avait été engagée avec un contrat de durée déterminée. Il est attesté dans ce certificat qu'elle s'était exécutée de ses tâches avec engagement et professionnalisme à l'entière satisfaction de l'employeur qui a en outre relevé qu'elle était consciencieuse et organisée.

Puis, du 1er novembre 2009 au 28 février 2010, la demanderesse était au chômage, avec une pleine aptitude au placement.

Le 1er mars 2010, elle a été engagée comme comptable à 80% par D______ révision fiscalité fiduciaire SA et était affiliée à ce titre à la CIEPP, ainsi qu’à AXA Vie SA pour la prévoyance professionnelle surobligatoire.

Du 5 au 18 février 2014, la demanderesse était en incapacité de travail totale, puis à 50% pour une durée indéterminée, selon le rapport du 23 octobre 2014 du docteur E______, spécialiste en médecine interne et médecin traitant. Le 26 mars 2018, ce médecin atteste qu'elle avait diminué son taux d'activité à 80% dès 2007 pour des raisons de santé.

Il n'existe dans le dossier aucun certificat médical établissant une incapacité de travail entre le 1er novembre 2009 et le 1er mars 2010, date de l'engagement de la demanderesse par D______ révision fiscalité fiduciaire SA et de son affiliation à la CIEPP, voire avant février 2014. Outre l'attestation du 26 mars 2018 du Dr E______, tous les rapports médicaux faisant état d'un épisode dépressif à cette période y sont par ailleurs largement postérieurs (cf. expertises du 18 novembre 2014 et du 3 juin 2015 du docteur F______, psychiatre-psychothérapeute, rapports des 15 novembre et 2 décembre 2014, ainsi que du 6 juin 2020 du docteur G______, psychiatre-psychothérapeute, rapport du 24 novembre 2016 du docteur H______, spécialiste en médecine interne).

Or, selon le Tribunal fédéral, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée en temps réel selon le droit du travail par une baisse des prestations notamment, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences liées à l’état de santé. Quant au rapport du Dr E______ du 6 mars 2018, il s’agit de considérations établies rétroactivement, plus de dix ans plus tard et dépourvues de toute motivation. Ce médecin n’a en outre pas mentionné avoir délivré à la demanderesse un arrêt de travail durable d’au moins 20% en temps réel pendant la période du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2009, de sorte que son avis doit être considéré comme une supposition, ce qui est insuffisant pour établir au degré de la vraisemblance applicable dans le domaine des assurances sociales que l’assurée avait diminué à l’époque son taux d’occupation pour des raisons médicales.

Ces considérations valent également pour la période qui a directement précédé l'affiliation de la demanderesse à la CIEPP, en l'absence de certificats d'arrêt de travail. Il convient dès lors de constater qu’au moment de son engagement comme comptable à 80% en date du 1er mars 2010 par D______ SA, aucune incapacité de travail n’était attestée. Les premiers arrêts de travail pour des raisons de santé ont été établis par le Dr E______ en février 2014. Il ne peut ainsi pas être retenu que la demanderesse a travaillé à un taux réduit en raison d'une diminution de sa capacité de travail au moment de son affiliation à la CIEPP.

1.3 En février 2014, début des premiers arrêts de travail médicalement attestés, la demanderesse était affiliée à la CIEPP.

Or, comme cela ressort du texte de l’art. 23 LPP, les prestations sont dues par l’institution de prévoyance à laquelle l’intéressé est ou était affilié au moment de la survenance de l’événement assuré. Dans la prévoyance obligatoire, ce moment ne coïncide pas avec la naissance du droit à la rente de l’assurance-invalidité selon l’art. 28 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20), mais correspond à la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité; les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance plus étendue, à tout le moins en l’absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 123 V 262 consid. 5 p. 263).

Cela étant, la CIEPP est l’institution de prévoyance compétente pour la prise en charge de l’invalidité.

2.             Reste à examiner si la demanderesse peut prétendre aux prestations règlementaires, en plus des prestations légales.

2.1 La demanderesse bénéficie en principe du plan de prévoyance complémentaire OPTIMA souscrit par son employeur auprès d'AXA VIE SA, comme cela ressort du certificat de prévoyance valable au 1er janvier 2017 et comme cela est admis par la CIEPP. Celle-ci conteste toutefois que la demanderesse puisse en bénéficier en l'occurrence, en considérant qu'elle était en incapacité de travail partielle lors de son affiliation.

2.1.1 Selon l’art. 12 al. 3 du règlement de la CIEPP, valable en mars 2010, pour que l’assuré puisse bénéficier, sans restriction, des prestations en cas d’invalidité et de décès des autres plans que le plan MINIMA, il doit présenter, lors de son admission, une pleine capacité de travail. L’alinéa 4 de cette disposition précise que l’assuré ne jouissant pas de son entière capacité de travail lors de son affiliation est considéré comme n’étant pas entièrement capable de travailler pour des raisons de santé.

2.1.2 En l’occurrence, la recourante était entièrement capable de travailler au taux de 80% pour lequel elle a été engagée par son employeur en date du 1er mars 2010. Au demeurant, comme relevé ci-dessus, il n'est pas non plus établi que sa capacité de travail était diminuée de 20% à cette date, en l'absence d'arrêts de travail délivrés par ses médecins, notamment le Dr E______. Une incapacité de travail n’est attestée que presque trois ans plus tard. Cela étant, il sied de considérer que, lors de son admission, la demanderesse était entièrement capable de travailler.

2.2 L’art. 12 ch. 3 du règlement précise également que, faute de pleine capacité de travail, l’assurée doit remplir et signer un questionnaire médical détaillé. Par ailleurs, selon le ch. 5 de cette disposition réglementaire, un tel questionnaire est obligatoire pour un assuré de plus de 40 ans lors de son admission. La caisse peut notifier une réserve pour raisons de santé et exclure l’assuré des prestations de la prévoyance étendue, mais doit alors notifier une réserve écrite (art. 13 ch. 3 du règlement).

En l'espèce, la demanderesse était âgée de plus de 40 ans au moment de son affiliation à la CIEPP. Néanmoins, cette dernière a renoncé à lui faire remplir un questionnaire médical détaillé et n’a formulé aucune réserve par écrit.

2.3 Par conséquent, la demanderesse doit être mise au bénéfice du plan OPTIMA, en l'absence d'incapacité de travail attestée à l'époque de son affiliation et de réserve écrite.

3.             Au vu de ce qui précède, il appert que l’incapacité de travail, dont la cause est à l’origine de l’invalidité, est survenue alors que la demanderesse était affiliée à la CIEPP. Il appartient dès lors à celle-ci de verser les prestations d’invalidité légales et réglementaires conformément au plan OPTIMA.

4.             La demanderesse réclame également des intérêts à 5% dès le 8 octobre 2019.

4.1 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral rendue dans le domaine de la prévoyance professionnelle, il y a lieu d'appliquer aux prestations de rente l'art. 105 al. 1 CO, qui prévoit que les intérêts moratoires commencent à courir qu'à partir du jour de la mise en poursuite ou de la demande en justice. Sauf disposition réglementaire dérogeant à l'art. 104 al. 1 CO, le montant des intérêts moratoires s'élève à 5% (Marc HÜRZELER, in SCHNEIDER/GEISER/GÄCHTER, Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, Berne 2020, ad art. 26 LPP N 8 et les références).

4.2 En l'espèce, la demande a été introduite le 30 septembre 2020. Par conséquent, le montant des prestations dues porte intérêt dès cette date au taux de 5%, vu l'absence de disposition réglementaire contraire à ce sujet.

5.             Au vu de ce qui précède, la demande sera presque entièrement admise.

6.             Notre Haute Cour a également renvoyé la cause à la chambre de céans pour statuer sur les dépens dans la procédure cantonale précédente. Dans la mesure où la demanderesse a obtenu finalement presque entièrement gain de cause sur sa conclusion principale, il sied de fixer l'indemnité due à titre de participation à ses dépens à CHF 3'000.- pour la procédure cantonale précédente.

7.             La demanderesse a également droit à des dépens pour la présente procédure, lesquels seront fixés à CHF 1'000.-.

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Admet partiellement la demande à l’encontre de la Caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle CIEPP.

2.        Condamne celle-ci à octroyer à la demanderesse les prestations légales et réglementaires, selon le plan de prévoyance OPTIMA, en cas d’invalidité à compter du 1er mai 2015, en fonction des degrés d’invalidité retenus par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève, avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2020.

3.        La condamne à verser à la demanderesse une indemnité à titre de participation aux dépens de CHF 3'000.- pour la procédure cantonale précédente.

4.        La condamne à verser à la demanderesse une indemnité à titre de participation aux dépens de CHF 1'000.- pour la présente procédure.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le