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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3123/2022

ATAS/163/2023 du 13.03.2023 ( AJ ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3123/2022 ATAS/163/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 mars 2023

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à COINTRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Nicolas POZZI

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1985, d’origine suisse, mère de deux enfants nés en 2008 et 2013 de deux pères différents, au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) de gestionnaire de vente, a travaillé dès 2009 à temps partiel en tant qu’animatrice parascolaire auprès du Groupement intercommunal pour l’animation parascolaire (ci-après : le GIAP). En 2016, elle a obtenu un CFC d'assistante socio-éducative.

b. Le 27 septembre 2018, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

B. a. Par rapport du 6 décembre 2018, la doctoresse B______, spécialiste en médecine interne générale, et la doctoresse C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, mandatées par la Mobilière Suisse société d’assurances S.A. (ci-après : l’assureur perte de gain maladie), ont diagnostiqué une cure chirurgicale d’un rectocèle et sphinctéroplastie d’origine obstétricale, des lombalgies et un épisode dépressif moyen. En raison de ces atteintes, la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité. Dès le 1er janvier 2019, elle était à 50% de son taux habituel, et dès le 1er mars 2019, à 100% de son taux habituel.

b. Le docteur D______, spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique, a diagnostiqué un trouble mictionnel et périnéal complexe en 2017. Il n’avait pas revu l’assurée depuis le 4 mai 2018 (rapport reçu le 3 avril 2019 par l’OAI).

c. Le 28 juin 2019, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitant, a diagnostiqué un épisode dépressif moyen sans syndrome somatique et une personnalité anxieuse (évitante). Sa patiente, qu’il suivait depuis le 1er février 2019, présentait depuis lors une incapacité de travail totale.

d. L’assurée ne s’étant pas présentée au cabinet du docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie mandaté conjointement par l’assureur perte de gain maladie et l’OAI, celui-ci l’a sommée de se rendre à l’entretien fixé par l’expert (courrier du 26 septembre 2019).

En raison de l’absence de collaboration de l’assurée lors de cet entretien, le Dr F______ n’a pas été en mesure de l’expertiser (courrier du Dr F______ du 14 octobre 2019).

e. Par courrier du 21 octobre 2019, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a indiqué que son état de santé psychique expliquait son comportement lors de l’expertise.

f. Le 28 novembre 2019, l’assurée ne s’est pas présentée au cabinet du docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, expert mandaté par l’OAI et l’assureur perte de gain maladie.

g. Par projet de décision du 23 décembre 2019, l’OAI, statuant en l’état du dossier suite au refus de collaborer de l’assurée, a rejeté sa demande de prestations.

h. Par rapport du 7 février 2020, le Dr E______ a diagnostiqué un trouble mixte de la personnalité (traits borderline et évitants), avec une péjoration significative depuis 2018. Dans son activité habituelle, la capacité de travail de l’assurée était de 50% au maximum, mais l’imprévisibilité des épisodes de désorganisation pouvait entraîner une incapacité de travail totale. Il n’y avait pas de capacité de travail dans une activité adaptée.

i. Le 4 juin 2020, l’assurée ne s’étant pas présentée au cabinet du docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, mandaté à titre d’expert par l’OAI, une deuxième sommation lui a été notifiée en date du 5 juin 2020.

j. Par rapport du 15 octobre 2020, le Dr H______ et Madame I______, psychologue FSP, ont diagnostiqué un trouble dépressif en rémission, sans répercussion sur la capacité de travail, et une personnalité état limite du registre impulsif et abandonnique ayant une répercussion sur la capacité de travail. Celle-ci s’élevait à 50% de son taux habituel dès le 1er janvier 2019, et à 100% de son taux habituel dès le 1er mars 2019 dans une activité adaptée aux problèmes d’incontinence, soit au maximum quatre heures par jour.

Le Dr H______ a, par la suite, confirmé ses conclusions, dans le sens notamment que l’activité habituelle était adaptée (courrier du 29 janvier 2021).

k. Le 15 octobre 2020, le docteur J______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant, et le docteur K______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin traitant, ont attesté une incapacité de travail totale depuis le 31 juillet 2019 dans toute activité en raison de douleurs abdominales persistantes, d’une incontinence fécale et urinaire, d’un trouble anxio-dépressif épisode actuel sévère et d’une ostéotomie des métatarses III et IV (intervention effectuée le 27 août 2020).

l. Le 15 février 2021, le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) a retenu qu’en raison d’un trouble mixte de la personnalité, d’un épisode dépressif moyen en rémission et d’un status post-cure chirurgicale d’un rectocèle et sphinctéroplastie obstétricales, l’assurée présentait des limitations fonctionnelles somatiques et une capacité de travail nulle dès le 18 décembre 2017, à 25% dès le 1er janvier 2019 et à 50% dès le 1er mars 2019 dans son activité habituelle, laquelle était adaptée.

m. Le 3 avril 2021, l’assurée, bénéficiaire de l’Hospice général, a rempli un questionnaire relatif à son statut.

n. Par rapport du 1er juillet 2021, la doctoresse L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitant, a diagnostiqué un trouble de la personnalité émotionnellement labile, type borderline, et un trouble anxieux généralisé entraînant une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle ; la capacité de travail était de 50% avec une formation dans une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles étaient une basse estime de soi, le manque de formation, des difficultés de concentration, une anxiété de performance et un spectre relationnel pas toujours compris.

o. Le 7 juillet 2021, le SMR a estimé que ce rapport ne modifiait pas notablement ses conclusions précédentes dès lors que le Dr H______ considérait que l’activité habituelle était adaptée aux troubles psychiques.

p. Le 30 août 2021, une enquête économique sur le ménage a été réalisée au domicile de l’assurée, concluant à un empêchement pondéré (sans exigibilité) de 18% (rapport du 1er septembre 2021).

q. Le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie proctologique, a indiqué que sa patiente présentait toujours des problèmes d’incontinence fécale malgré la physiothérapie (rapport du 6 octobre 2021), quant au docteur N______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, il a relevé que les douleurs au pied l’empêchaient de rester longtemps debout ; sa capacité de travail était de 50% dès le 26 octobre 2021 (rapport du 19 octobre 2021).

r. Après avoir estimé que l’exigibilité concernant l’incontinence fécale devait être éclaircie (note de travail du 23 novembre 2021), l'OAI s’est déterminé sur le statut de l’assurée et sur son degré d’invalidité (note du 24 novembre 2021).

s. Par projet de décision du 25 novembre 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations. L’assurée, qui avait un statut mixte (48% dans une activité professionnelle et 52% dans les travaux ménagers), avait eu une incapacité de travail totale dans son activité habituelle dès le 18 décembre 2017. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 25% dès le 1er janvier 2019 et de 50% dès le 1er mars 2019. Le degré d’invalidité total de 27% était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

t. Par l’intermédiaire de la Dresse L______, l’assurée a contesté ce projet. Selon ce médecin, l'incapacité de travail de l'intéressée était totale (rapport du 10 décembre 2021).

Dans le cadre de la procédure d’audition de l’assurée, les rapports du Dr D______ du 28 janvier 2022 et du Dr M______ du 31 janvier 2022 ont été adressés à l’OAI.

Interrogé par le SMR, le Dr M______ a indiqué notamment que la double incontinence limitait l'activité habituelle en raison des soins liés à l'hygiène. Un traitement médicamenteux associé à des protections intimes pourrait permettre un travail à mi-temps dans une activité adaptée, pour autant que des commodités sanitaires soient à disposition. Il avait sollicité l’avis du docteur O______, spécialiste FMH en chirurgie, pour une neuromodulation (courrier et rapport des 12 et 31 mai 2022).

u. Le 17 juin 2022, Maître Nicolas POZZI s’est constitué pour la défense des intérêts de l’assurée.

v. Par décision du 14 juillet 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations pour les motifs indiqués dans son projet du 25 novembre 2021. Après examen des derniers rapports médicaux versés au dossier, le SMR avait estimé qu’il n’y avait pas de nouveaux éléments permettant de modifier ses précédentes conclusions (avis du 13 juillet 2022).

w. Le 25 juillet 2022, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a relevé que la décision lui avait été adressée directement alors qu’elle avait élu domicile chez son conseil. Elle sollicitait l’octroi de l’assistance juridique gratuite.

Suite à un entretien téléphonique avec l’OAI le 17 août 2022, l’assurée a ensuite requis la confirmation de l’annulation de la décision du 14 juillet 2022 et la reprise de l’instruction concernant les atteintes à sa santé, l’enquête économique sur le ménage, son statut et le calcul du degré d’invalidité, étant précisé qu’une consultation à l’unité de proctologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) devait avoir lieu le 21 novembre 2022 (courriel du 18 août 2022).

x. Le 19 août 2022, l’OAI a annulé sa décision du 14 juillet 2022. Un nouvel examen du dossier allait être effectué, avec éventuellement des mesures d'instruction complémentaires, puis une décision sujette à recours serait notifiée.

y. Par décision du 29 août 2022, l'OAI a rejeté la demande d'assistance juridique au motif que les particularités du cas et sa complexité ne justifiaient pas l'assistance d'un avocat dans le cadre de la procédure d'audition de l’assurée. Partant, les conditions relatives aux chances de succès et à la situation financière de l’intéressée ne nécessitaient pas une analyse approfondie.

C. a. Par acte du 23 septembre 2022, l'assurée, représentée par son conseil, a interjeté recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi de l'assistance juridique à compter du 25 juillet 2022. L’assistance d’un avocat ne pouvait lui être refusée dès lors que les problématiques de son dossier étaient complexes, qu’elle était au bénéfice de l’assistance publique et que c’était grâce à son conseil qu’elle pouvait faire valoir adéquatement les éléments qui devaient l’être avant qu’une nouvelle décision ne soit rendue.

b. Par décision du 18 octobre 2022, le Tribunal de première instance a mis la recourante au bénéfice de l'assistance juridique s'agissant de la présente procédure.

c. Par réponse du 24 octobre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours. Le dossier se trouvait au stade de l'instruction, sans particularité sur le plan procédural. Il ne présentait pas d’éléments de fait ou de droit compliqués.

d. Le 15 novembre 2022, la recourante a fait valoir que c’était grâce à l’intervention de son conseil que la décision du 14 juillet 2022 avait été annulée. L’intimé ayant indiqué dans son courrier du 19 août 2022 qu’une décision sujette à recours allait être notifiée, la recourante se trouvait dans une insécurité juridique totale puisqu’elle ne savait pas si la procédure de préavis allait être reprise ; à ce stade de la procédure, elle doutait que les personnes qui l’assistaient disposent des connaissances juridiques nécessaires pour accomplir les démarches nécessitées par son cas ; en outre, l’étendue des investigations médicales et la multiplicité des questions d’ordre économique, ainsi que leurs interactions dans l’évaluation de l’invalidité posaient des difficultés particulières dont la compréhension nécessitait des connaissances que la recourante n’avait pas.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Les décisions qui accordent ou refusent l'assistance gratuite d'un conseil juridique (art. 37 al. 4 LPGA) sont des décisions d'ordonnancement de la procédure au sens de l'art. 52 al. 1 LPGA (ATF 131 V 153 consid. 1), de sorte qu'elles sont directement attaquables par la voie du recours devant les tribunaux des assurances institués par les cantons (art. 56 al. 1 et 57 LPGA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Est litigieux le droit de la recourante à l’assistance juridique suite à l’annulation, par l’intimé, de la décision du 14 juillet 2022 pour vice de forme et à la reprise de l’instruction de son dossier.

4.             Aux termes de l'art. 29 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. -  RS 101), toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L'octroi de l'assistance juridique gratuite signifie que la personne indigente est dispensée de payer les avances de frais et les sûretés exigées par l'autorité et que les frais d'avocat sont couverts par l'Etat. La dispense concerne également les frais inhérents à l'administration des preuves, comme les indemnités de témoins, d'interprètes ou les expertises (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3e éd., 2013, n. 1619).

5.             Dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, l'assistance gratuite d'un conseil juridique est accordée au demandeur lorsque les circonstances l'exigent (art. 37 al. 4 LPGA).

La LPGA a ainsi introduit une prétention légale à l'assistance juridique pour ce type de procédure (ATF 131 V 153 consid. 3.1 et les références). La jurisprudence y relative rendue dans le cadre de l'art. 4 aCst. (art. 29 al. 3 Cst.) sur les conditions de l'assistance judiciaire en procédure d'opposition (partie dans le besoin, conclusions non dépourvues de toute chance de succès, assistance objectivement indiquée d'après les circonstances concrètes) continue de s'appliquer, conformément à la volonté du législateur (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références).  

6.             La réglementation cantonale a une teneur identique à la législation fédérale. Elle prévoit que l’assistance juridique est octroyée conformément aux prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l’assurance-vieillesse et survivants, dans l’AI, dans les allocations perte de gain et dans les prestations complémentaires. Elle ne peut être octroyée que si la démarche ne paraît pas vouée à l’échec, si la complexité de l’affaire l’exige et si l’intéressé est dans le besoin ; ces conditions sont cumulatives (art. 27D al. 1 de la loi relative à l’office cantonal des assurances sociales du 20 septembre 2002 [LOCAS - J 4 18] et art. 19 al. 1 et 2 du règlement d'exécution de la loi relative à l'office cantonal des assurances sociales du 23 mars 2005 [ROCAS - J 4 18.01]).

7.             Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125 V 201 consid. 4a ; ATF 125 V 371 consid. 5b et les références).

Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une partie disposant des moyens nécessaires renoncerait, après mûre réflexion, à s'y engager en raison des frais auxquels elle s'exposerait. Le procès ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3 et la référence). Dans tous les cas, les chances de succès ne peuvent pas être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b). L'autorité procédera à une appréciation anticipée et sommaire des preuves, sans toutefois instruire une sorte de procès à titre préjudiciel (ATF 124 I 304 consid. 2c).

Une partie est dans le besoin lorsque ses ressources ne lui permettent pas de supporter les frais de procédure et ses propres frais de défense sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1 et ATF 127 I 202 consid. 3b). Les besoins vitaux selon les règles de procédure se situent au-dessus de ce qui est strictement nécessaire et excèdent le minimum vital admis en droit des poursuites (ATF 118 Ia 369 consid. 4). Pour que la notion d'indigence soit reconnue, il suffit que le demandeur ne dispose pas de moyens supérieurs aux besoins normaux d'une famille modeste (RAMA 1996 p. 208 consid. 2). Les circonstances économiques au moment de la décision sur la requête d'assistance judiciaire sont déterminantes (ATF 108 V 265 consid. 4).

Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse, compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.2 et les références).

8.             Ces conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont applicables à l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure d'opposition (Revue de l'avocat 2005 n. 3 p. 123), respectivement de décision. Toutefois, le point de savoir si elles sont réalisées doit être examiné au regard de critères plus sévères dans la procédure administrative (arrêt du Tribunal fédéral 9C_440/2018 du 22 octobre 2018 consid. 5 et arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.3 et les références).

L’assistance par un avocat s’impose uniquement dans les cas exceptionnels où il est fait appel à un avocat parce que des questions de droit ou de fait difficiles rendent son assistance apparemment nécessaire et qu’une assistance par le représentant d’une association, par un assistant social ou d’autres professionnels ou personnes de confiance d’institutions sociales n’entre pas en considération (ATF 132 V 200 consid. 4.1 et les références). À cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances du cas d’espèce, de la particularité des règles de procédure applicables, ainsi que des spécificités de la procédure administrative en cours. En particulier, il faut mentionner, en plus de la complexité des questions de droit et de l’état de fait, les circonstances qui tiennent à la personne concernée, comme sa capacité de s’orienter dans une procédure. Dès lors, le fait que l’intéressé puisse bénéficier de l’assistance de représentants d’associations, d’assistants sociaux ou encore de spécialistes ou de personnes de confiance œuvrant au sein d’institutions sociales permet d’inférer que l’assistance d’un avocat n’est ni nécessaire ni indiquée. En règle générale, l’assistance gratuite est nécessaire lorsque la procédure est susceptible d’affecter d’une manière particulièrement grave la situation juridique de l’intéressé (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_297/2008 du 23 septembre 2008 consid. 3.3 et la référence).

9.             Un litige sur le droit éventuel à une rente d’invalidité n’est pas susceptible d’affecter de manière particulièrement grave la situation juridique de l’intéressé; en revanche, il a une portée considérable. La nécessité de l’assistance gratuite ne peut donc être admise d’emblée, mais n’existe que lorsqu’à la relative difficulté du cas s’ajoute la complexité de l’état de fait ou des questions de droit, à laquelle le requérant n’est pas apte à faire face seul (arrêt du Tribunal fédéral 9C_786/2017 du 21 février 2018 consid. 4.2 et les références).

10.         En l'espèce, l’intimé est d’avis que le dossier de la recourante ne rend pas nécessaire l’assistance d’un avocat dans le cadre de la procédure d’audition, ce que l’intéressée conteste.

10.1 Au vu de la jurisprudence susmentionnée, la nature du litige concernant le droit éventuel à une rente d'invalidité ne permet pas d'admettre que la situation juridique de la recourante est susceptible d'être touchée gravement, de sorte que l'assistance juridique n'apparaît pas d'emblée comme nécessaire. Dès lors, il convient d'examiner si, concrètement, la détermination de la capacité de gain raisonnablement exigible de la recourante pose des difficultés telles d'un point de vue objectif que le recours à un avocat se justifie.

10.2 Le litige porte sur l’évaluation de la capacité de travail de la recourante ainsi que sur le droit de celle-ci à une rente d’invalidité, dans le cadre d’une première demande de prestations.

Si la situation médicale et l'appréciation des atteintes à la santé dont souffre la recourante n'apparaissent pas particulièrement difficiles, autre est la question de son statut, et plus particulièrement de la détermination des parts dévolues à la sphère professionnelle et à la sphère ménagère. A cet égard, la Cour de céans est d’avis qu’il s’agit, en l’occurrence, d’une question de fait complexe, dont la compréhension des enjeux nécessite une connaissance particulière d’un point de vue juridique.

En effet, on rappellera que tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci, il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer [art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201)]. Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et la référence) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b). Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; ATF 141 V 15 consid. 3.1 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 125 V 146 consid. 2c et les références).

En l'occurrence, dans son projet de décision du 25 novembre 2021, l’intimé a considéré que, sans atteinte à la santé, la recourante, née en 1985, exercerait une activité lucrative à un taux de 48%. Dans sa note relative au choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité datée du 24 novembre 2021, l’intimé a justifié ce pourcentage par le fait qu’il correspondait au taux d'occupation contractuel indiqué par le dernier employeur de la recourante avant la survenance de son incapacité de travail (pièce 405 intimé).

On rappellera toutefois que le seul fait qu'avant d'être atteinte dans sa santé, une personne s'occupait dans une grande mesure du ménage, ne permet pas de conclure, sans effectuer un examen complet de l’ensemble des circonstances, qu'elle aurait continué de le faire (cf. p. ex. arrêt du Tribunal fédéral 9C_639/2021 du 22 mars 2022 consid. 4).

Si, dans le cadre de l’expertise réalisée par le Dr H______, la recourante a certes exprimé le souhait de travailler seulement à 50% pour s’occuper de ses enfants (rapport d’expertise, p. 38), rien n’indique pour autant que ce taux correspondrait à ce que l’intéressée aurait fait sans atteinte à la santé. Au contraire, il semblerait que c’est en raison de problèmes de santé que la recourante, au bénéfice d’un CFC de gestionnaire de vente, a été contrainte, à compter de 2010 déjà, d’exercer une activité à temps partiel (pièce 321 intimé). En outre, il apparaît que la recourante n’entendait pas se contenter du revenu qu’elle réalisait à un taux d’occupation de 48%, puisqu’elle effectuait des heures supplémentaires, pouvant atteindre, selon son assistante sociale, Madame P______, un taux d’activité de 70% (cf. formulaire du 31 mai 2021, pièce 332 intimé). Par ailleurs, la recourante a expliqué avoir pour projet, à terme, d’être engagée comme assistante socio-éducative (ASE), formation pour laquelle elle avait fait une reconnaissance d’acquis (rapport d’expertise des Dresses B______ et C______ du 6 décembre 2018, p. 5). Lors de l'enquête économique sur le ménage, effectuée le 30 août 2021, elle a réitéré que son objectif était d'augmenter son taux d'activité à 60% (taux maximum accepté par le GIAP), raison pour laquelle elle avait effectué un CFC d'ASE en 2016. Selon la recourante, ce taux lui aurait permis de pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale, étant donné qu’elle avait la charge complète de ses enfants, nés en 2008 et en 2013 (ch. 2.2 du rapport d'enquête ménagère).

Au vu de ce qui précède, force est de constater que s’agissant de la détermination du statut de la recourante et des parts dévolues à la sphère professionnelle et à la sphère ménagère, l’état de fait et les questions juridiques qui se posent, sont, dans le cas d’espèce, complexes, ce d’autant plus que l’intimé ne s’est nullement prononcé sur les éléments jurisprudentiels pertinents tels que l’âge de l’intéressée, sa situation financière, son état de santé, l’éducation des enfants, ses qualifications professionnelles et sa formation professionnelle, lesquels sont pourtant nécessaires pour déterminer quelle activité la recourante exercerait et à quel taux, dans des circonstances semblables, mais en l'absence d'atteinte à la santé.

On ne saurait dès lors suivre l'intimé lorsqu'il considère qu'il ne s'agit pas d'un cas complexe qui ne nécessiterait pas de connaissances particulières d'un point de vue juridique. Les enjeux de la procédure administrative sont au contraire, en l’espèce, difficiles à appréhender sans l’aide d’un avocat déjà au stade de la procédure d’instruction de la demande de prestations, la recourante n’étant pas apte à y faire face seule ou avec l’aide de son assistante sociale ou de ses médecins seulement. En effet, ni les assistants sociaux, ni les médecins ne disposent des connaissances juridiques requises pour vérifier que l’administration traite le cas en conformité avec la jurisprudence relative à la détermination du statut d’un assuré.

Ainsi, on se trouve en présence de circonstances rendant objectivement nécessaire l’assistance d’un avocat durant la procédure administrative.

11.         S'agissant de la condition relative aux chances de succès de la démarche, question que l’intimé a laissée ouverte, on rappellera que celles-ci ne peuvent être déniées lorsque la démarche pose des questions complexes et que son issue apparaît incertaine. Contrairement à ce que soutient l'intimé, on ne se trouve pas dans une procédure normale d’instruction dès lors qu'il a déjà rendu deux projets de décisions de refus de prestations, en date des 23 décembre 2019 et 25 novembre 2021, ainsi qu’une décision de refus de prestations, en date du 14 juillet 2022, laquelle a été annulée pour vice de forme. La recourante a sollicité la reprise de l’instruction concernant les atteintes à sa santé, l’enquête économique sur le ménage, le revenu sans invalidité et son statut. Ces griefs n’apparaissent pas dénués de pertinence, puisqu’ils ont amené l’intimé à reprendre l’instruction du dossier de la recourante (courrier du 19 août 2022). Qui plus est, au vu notamment de la question litigieuse relative à la détermination du statut de la recourante et notamment des parts relatives à la sphère professionnelle et à la sphère ménagère, l’évaluation de son degré d’invalidité apparaît, dans le cas d’espèce, comme une question délicate et complexe, dont l’issue apparaît incertaine.

En pareilles circonstances, les chances de succès ne peuvent pas être déniées.

12.         Enfin, il n’est pas contesté que la recourante est à l’aide sociale (cf. courrier de l’Hospice général du 31 mai 2021, pièce 99 intimé et note de l’intimé du 24 novembre 2021, pièce 123 intimé), de sorte que la condition de l’indigence est réalisée.

13.         Etant donné que toutes les conditions cumulatives requises pour l’octroi de l’assistance juridique au stade de la procédure administrative sont réalisées, il y a lieu de mettre la recourante au bénéfice de celle-ci dès le dépôt de la requête d’assistance juridique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_923/2009 du 10 mai 2010 consid. 4.1.3), soit à compter du 25 juillet 2022.

14.         Dès lors, le recours est admis et la décision du 29 août 2022 annulée.

La recourante ayant obtenu gain de cause et étant représentée par un avocat, une indemnité de CHF 1000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

Le litige ne portant pas sur l’octroi ou le refus de prestations de l’AI, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 69 al. 1bis LAI a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 29 août 2022.

4.        Dit que la recourante a droit à l’assistance juridique pour la procédure administrative à compter du 25 juillet 2022.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante CHF 1'000.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le