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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/815/2022

ATAS/1182/2022 du 22.12.2022 ( CHOMAG ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : COTISATION AVS/AI/APG;DURÉE DE COTISATION;DURÉE MINIMALE DE COTISATION;PÉRIODE DE COTISATION À L'ÉTRANGER
Normes : LACI.121.al1.leta; LPtra.5; 883/2004.6; 883/2004.66
Résumé : Dans le cadre de l'application de la disposition transitoire de la modification du 19 mars 2021 de la LACI, qui subordonne l'octroi des indemnités journalières transitoires à une durée minimale de 20 ans de cotisations à l'AVS, il y a lieu, conformément à l'art. 6 du règlement européen n° 883/2004, de tenir compte des périodes d'assurance accomplies en Espagne, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation suisse (principe de la totalisation des périodes). En outre, si cette disposition transitoire vise certes, en premier lieu, les chômeurs âgés susceptibles de bénéficier de prestations complémentaires transitoires sur la base de la LPtra, elle ne subordonne toutefois nullement l'octroi des indemnités journalières transitoires à la condition de remplir l'ensemble des conditions prévues par cette loi, en particulier celle relative à la période minimale de cotisations à l'AVS (art. 5 al. 1 let. b LPtra), laquelle ne comprend que les cotisations à l'AVS suisse (cf. ATAS/154/2022 du 18 février 2022).
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/815/2022 ATAS/1182/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2022

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o M. B______, à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou l’assuré), ressortissant espagnol, né le ______ 1960 à Alicante (Espagne) s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) le 25 juillet 2019 pour un placement dès le 1er août 2019.

b. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert du 1er août 2019 au 30 avril 2022.

c. Il a épuisé ses indemnités de chômage le 10 février 2021.

B. a. Le 4 août 2021, il a formé une demande de prestations transitoires pour les chômeurs âgés auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) sur la base de la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés (LPtra – RS 837.2).

b. Par décision du 13 août 2021, confirmée sur opposition le 15 septembre 2021, le SPC a rejeté la demande de prestations transitoires. À la lecture de l’extrait de son compte individuel, l’intéressé n’avait pas été assuré à l’AVS pendant au moins 20 ans, dont au moins cinq ans après avoir atteint l’âge de 50 ans.

c. Le recours formé par l’assuré contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) a été rejeté par arrêt du 18 février 2022 (ATAS/154/2022).

C. a. Parallèlement, soit le 6 août 2021, se fondant sur la disposition transitoire de la modification du 19 mars 2021 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) (ci-après : disposition transitoire de la LACI), l’assuré a sollicité le versement d’indemnités journalières transitoires pour les chômeurs âgés (ci-après aussi : ICtra) auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) pour la période du 11 février au 1er juillet 2021.

b. Par courriel du 11 août 2021, la caisse a informé l’assuré que seules les périodes de cotisations réalisées à l’AVS en Suisse pouvaient être prises en compte pour déterminer le droit aux indemnités journalières transitoires.

c. Le 6 octobre 2021, répondant à un courrier de l’assuré du 24 août 2021, la Caisse suisse de compensation (ci-après : CSC) a répondu que le document annexé et obtenu de l’organisme de sécurité sociale espagnol validait les périodes de cotisation le concernant.

d. Par décision du 1er décembre 2021, la caisse a nié le droit de l’assuré aux indemnités journalières transitoires au motif qu’il ne pouvait pas justifier d’au moins 20 ans de cotisations à l’AVS en Suisse.

e. Le 10 décembre 2021, l’assuré a formé opposition à cette décision, faisant valoir que l’application de la LPtra n’était pas de la compétence de la caisse. Le traitement des ICtra était une prestation de chômage au sens du chapitre 6 du Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des régimes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1). Au vu de l’art. 61 al. 1 du règlement, les périodes pour lesquelles il avait cotisé en Espagne devaient être prises en compte comme si elles avaient été accomplies sous la législation suisse. En vertu de l’art. 121 LACI, le règlement était applicable dans son intégralité.

f. Par décision sur opposition du 2 mars 2022, la caisse a maintenu sa position. Le parlement fédéral avait décidé le 19 mars 2021 qu’à la suite de la modification de la loi Covid-19, les chômeurs qui remplissaient les critères de base pour bénéficier des prestations transitoires selon la LPtra ne devaient pas arriver en fin de droit entre cette date et celle de l’entrée en vigueur de la LPtra. La disposition transitoire de la LACI avait pour but d’éviter que les personnes qui arrivaient en fin de droit d’indemnités de chômage avant l’entrée en vigueur de la LPtra perdent leur droit aux prestations prévues par cette loi. Or, pour avoir droit à une prestation transitoire selon la LPtra, une personne devait avoir été assurée à l’AVS en Suisse pendant au moins 20 ans, ce qui n’était pas le cas de l’assuré.

D. a. Par acte du 14 mars 2022, l’assuré a recouru par-devant la CJCAS contre cette décision, concluant à son annulation. Il n’était pas contesté qu’il n’avait pas été assuré à l’AVS suisse pendant au moins 20 ans. Pour la période de février à juillet 2021, il avait été soumis aux obligations de contrôle de l’assurance-chômage. La prestation devait donc être qualifiée de prestation de chômage. Or, dans ce cas, les périodes d’assurance accomplies hors de Suisse devaient également être prises en considération selon le règlement européen.

b. Le 10 mai 2022, la caisse a conclu au rejet du recours. Se référant aux travaux parlementaires, elle a rappelé que le but de la disposition transitoire de la LACI était d’éviter que les personnes susceptibles de remplir les conditions de la LPtra arrivent en fin de droit avant l’entrée en vigueur de cette loi. Or, pour remplir ces conditions, les personnes concernées devaient avoir cotisé au moins 20 ans à l’AVS suisse.

c. Par réplique du 20 mai 2022, l’assuré a persisté dans ses conclusions.

d. La chambre de céans a transmis cette réplique à la caisse.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable
(art. 60 et 61 LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant aux indemnités journalières pour la période de février à juillet 2021, singulièrement sur la question de savoir si les cotisations effectuées par l’intéressé en Espagne peuvent être comptabilisées dans le calcul de la durée minimale de 20 ans de cotisations à l’AVS requise par la disposition transitoire de la LACI.

3.              

3.1 Selon la disposition transitoire de la modification du 19 mars 2021 de la LACI, les chômeurs, qui ont atteint l’âge de 60 ans jusqu’au 1er juillet 2021 et qui ont cotisé pendant au moins 20 ans à l’AVS, n’arrivent pas en fin de droit dans l’assurance-chômage à partir du 1er janvier 2021 jusqu’à l’entrée en vigueur de la LPtra.

Cette disposition transitoire est entrée en vigueur rétroactivement au 1er janvier, avec effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la LPtra, soit le 1er juillet 2021
(RO 2021 153).

En tant qu'autorité de surveillance, le Secrétariat d’État à l’économie
(ci-après : SECO) a adopté la directive 2021/09 du 23 avril 2021 sur les indemnités journalières transitoires pour les chômeurs âgés. Si de telles directives ne sont pas contraignantes pour le juge, celui-ci en tient compte dans sa décision, pour autant qu'elles permettent une interprétation des dispositions légales applicables qui soit adaptée au cas d'espèce et lui rende justice. Le juge ne s'écarte donc pas des directives administratives sans motif pertinent si elles représentent une concrétisation convaincante des exigences légales. À cet égard, les efforts de l'administration pour assurer une application égale de la loi par le biais de directives internes sont pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 
8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.2 ; ATF 141 V 365 consid. 2.4).

Selon cette directive, ont droit à des ICtra les personnes qui ont l’âge minimum prévu pour bénéficier des prestations transitoires et ont cotisé pendant le nombre d’années requis. Ces personnes percevront des indemnités journalières supplémentaires de l’assurance-chômage pour la période du 1er janvier 2021 au 1er juillet 2021. Plus précisément, les personnes qui bénéficient des ICtra sont âgées de plus de 60 ans (nées avant le 1er juillet 1961), seraient en fin de droit entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2021, c’est-à-dire que leur droit aux indemnités journalières serait épuisé ou que le délai-cadre aurait expiré et ont payé des cotisations AVS pendant 20 ans. Les personnes qui étaient en fin de droit avant l’entrée en vigueur de la LPtra n’ont pas droit aux prestations prévues par la LPtra. Selon la décision du Parlement, les personnes susmentionnées doivent donc bénéficier d’indemnités de chômage pendant une période suffisamment longue pour éviter qu’elles ne perdent leur droit aux prestations prévues par la LPtra parce qu’elles arrivent en fin de droit trop tôt. En conséquence la durée du versement des ICtra a été fixée jusqu’au jour de l’entrée en vigueur de la LPtra inclus. Toutefois, la réglementation transitoire prévue par la LACI est moins restrictive que celle de la LPtra et ne tient par exemple pas compte de la fortune ou de la perception d’une rente de survivant ou de l’AI par les personnes concernées. Par conséquent, la perception d’ICtra ne permet pas de conclure à un droit aux prestations prévues par la LPtra. Les personnes qui atteignent l’âge de la retraite AVS entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2021 toucheront des indemnités journalières jusqu’à la fin du délai-cadre, même si elles n’auront pas droit aux prestations prévues par la LPtra. En revanche, les dispositions suivantes resteront notamment en vigueur : aucune prestation ne peut être perçue au-delà du droit de la rente AVS ordinaire ou si la personne n’est pas apte au placement, et les obligations envers l’assurance-chômage doivent continuer à être respectées.

3.2 Selon l’art. 121 al. 1 let. a LACI, pour les personnes qui sont ou qui ont été soumises à la législation sur la sécurité sociale de la Suisse ou d’un ou de plusieurs États de l’Union européenne et qui sont des ressortissants suisses ou des ressortissants de l’un des États de l’Union européenne, pour les réfugiés ou les apatrides qui résident en Suisse ou dans un État de l’Union européenne, ainsi que pour les membres de la famille et les survivants de ces personnes, le règlement 883/2004, dans sa version qui lie la Suisse en vertu de l’annexe II, section A, de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) est applicable.

Pour être couvert par le champ d'application personnel du règlement 883/2004 prévu par son art. 2 par. 1, il faut, d'une part, que soit réalisée la condition de la nationalité (respectivement du statut d'apatride ou de réfugié avec résidence dans l'un des États membres de l'Union européenne ou en Suisse) ou du statut familial (« membres de la famille ») et, d'autre part, que la cause présente une situation transfrontalière (élément d'extranéité; ATF 143 V 81 consid. 8.1 p. 88; ATF 141 V 521 consid. 4.3.2 p. 525). 

Le règlement 883/2004 prévoit en particulier, à son art. 6, qu’à moins que le règlement n’en dispose autrement, l’institution compétente d’un État membre dont la législation subordonne l’acquisition, le maintien, la durée ou le recouvrement du droit aux prestations à l’accomplissement de périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique.

Cette règle est rappelée, pour les prestations de chômage, à l’art. 61 al. 1 du règlement, selon lequel l'institution compétente d'un État membre dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien, le recouvrement ou la durée du droit aux prestations à l'accomplissement soit de périodes d'assurance, soit de périodes d'emploi, soit de périodes d'activité non salariée, tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance, d'emploi ou d'activité non salariée accomplies sous la législation de tout autre État membre comme si elles avaient été accomplies sous la législation qu'elle applique.

Selon l’art. 66 du règlement, intitulé « préretraite », lorsque la législation applicable subordonne le droit aux prestations de préretraite à l’accomplissement de périodes d’assurance, d’emploi ou d’activité non salariée, l’art. 6 ne s’applique pas. Le terme « prestation de préretraite » désigne toutes les prestations en espèces, autres qu’une prestation de chômage ou une prestation anticipée de vieillesse, servies à partir d’un âge déterminé au travailleur qui a réduit, cessé ou suspendu ses activités professionnelles jusqu’à l’âge auquel il peut être admis à la pension de vieillesse ou à la pension de retraite anticipée et dont le bénéfice n’est pas subordonné à la condition de se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’État compétent. Le terme « prestation anticipée de vieillesse » désigne une prestation servie avant que l’intéressé ait atteint l’âge normal pour accéder au droit à la pension et qui, soit continue à être servie une fois que cet âge est atteint, soit est remplacée par une autre prestation de vieillesse
(art. 1 let. x du règlement 883/2004).

3.3 Le 19 juin 2020, le Parlement fédéral a adopté la LPtra, dont le but est d’améliorer la protection sociale des personnes âgées, qui sont arrivées en fin de droit dans l’assurance-chômage, en complément avec les mesures de la Confédération visant à promouvoir l’emploi des travailleurs âgés (art. 2). Cette loi est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 (RO 2021 373).

Selon l’art. 3 al. 1 LPtra, les personnes âgées de 60 ans ou plus qui sont arrivées en fin de droit dans l’assurance-chômage ont droit à des prestations transitoires destinées à couvrir leurs besoins vitaux jusqu’au moment où elles atteignent l’âge ordinaire de la retraite dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS ; let. a) ou ont droit au plus tôt au versement anticipé de la rente de vieillesse, s’il est prévisible qu’elles auront droit à des prestations complémentaires au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006
(LPC – RS 831.30) à l’âge ordinaire de la retraite (let. b). Une personne est arrivée en fin de droit lorsqu’elle a épuisé son droit aux indemnités de l’assurance-chômage ou lorsque son droit aux indemnités de l’assurance-chômage s’est éteint à l’expiration du délai-cadre d’indemnisation et qu’elle n’a pas pu ouvrir un nouveau délai-cadre d’indemnisation (al. 2).

Le droit aux prestations transitoires est régi par l’art. 5 LPtra. Selon l’al. 1, ont droit aux prestations transitoires les personnes ayant leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (art. 13 LPGA) : qui sont arrivées en fin de droit dans l’assurance-chômage au plus tôt pendant le mois au cours duquel elles ont atteint l’âge de 60 ans (let. a) ; qui ont été assurées à l’AVS pendant au moins 20 ans, dont au moins cinq ans après 50 ans, et ont réalisé un revenu annuel provenant d’une activité lucrative qui atteint au moins 75 % du montant maximal de la rente de vieillesse prévu à l’art. 34 al. 3 et 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS), ou qui peuvent faire valoir des bonifications pour tâches d’assistance et tâches éducatives correspondantes selon la LAVS (let. b) et qui disposent d’une fortune nette inférieure à la moitié des seuils fixés à l’art. 9a LPC (let. c).

L’art. 5 al. 5 LPtra précise que le Conseil fédéral peut prévoir que les bénéficiaires de prestations transitoires doivent démontrer qu’ils poursuivent leurs efforts d’intégration du marché du travail. Sur la base de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 5 de l’ordonnance sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés du 11 juin 2021 (OPtra – RS 837.21), intitulé « efforts d’intégration », et selon lequel les bénéficiaires de prestations transitoires doivent démontrer chaque année qu’ils font des efforts pour s’intégrer sur le marché du travail. Selon les directives concernant les prestations transitoires pour les chômeurs âgés (DPtra) du 1er juillet 2021, édictées par l’OFAS, les efforts d’intégration sont définis au sens très large. Il peut s’agir de candidatures au sens habituel du terme ou d’autres engagements. Ces derniers doivent favoriser la participation de la personne à la société ou être favorables à son activité. Il peut s’agir par exemple de travail bénévole dans différents domaines (engagement lors de [grandes] manifestations, participation à des groupes de protection de l’environnement, engagement social, etc.), de soins et de soutien accordés à des proches ou à des connaissances, de cours de langue, de coaching (ch. 2470.02). La preuve des efforts d’intégration fournis doit être présentée au moment de l’adaptation annuelle des prestations. Elle doit attester de manière adéquate les efforts qui ont été déployés. Le formulaire « Preuve du respect des efforts d’intégration » (annexe 5) peut être utilisé à cette fin (ch. 2470.03). Si une personne ne fournit pas la preuve des efforts d’intégration, cela n’a aucun effet sur sa prestation transitoire (ch. 2470.09).

3.4 Dans un arrêt du 18 février 2022, concernant le même recourant que dans la présente procédure, la chambre de céans a retenu que la cotisation minimale à l’AVS prévue à l’art. 5 al. 1 let. b LPtra ne comprenait que les cotisations à l’AVS suisse. C’était par conséquent à bon droit que le service des prestations complémentaires n’avait pas tenu compte des périodes d’assurance réalisées en Espagne. La chambre de céans a considéré en substance que les prestations transitoires entraient dans la définition de prestations de préretraite au sens du règlement européen. Si la volonté du législateur était certes de maintenir l’objectif de réinsertion sur le marché du travail dans le cadre de la LPtra, on ne trouvait pas, dans les travaux préparatoires, le souhait de maintenir les obligations de contrôle dans l’assurance-chômage pendant la durée de perception de la prestation transitoire. L’exigence de prouver des efforts d’intégration prévue à l’art. 5 OPtra, en lien avec l’art. 5 al. 5 LPtra, avait un caractère purement incitatif et n’influait pas sur l’octroi ou non des prestations transitoires. Elle ne supposait, en tous les cas, pas que le bénéficiaire se mette à disposition d’un ORP ou d’un service de placement similaire (ATA/154/2022 consid. 5).

3.5 Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique), du but poursuivi, de l'esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation (ATF 147 V 242 consid 7.2 ; ATF 146 V 87 consid. 7.1).  

4.             Dans la décision entreprise, l’intimée a refusé d’accorder les indemnités journalières transitoires au recourant, au motif que l’intéressé ne remplissait pas la condition d’avoir été assuré à l’AVS pendant au moins 20 ans. Le recourant avait certes cotisé, mais pour une partie en Espagne et pour une partie en Suisse. Or, les périodes de cotisations effectuées en Espagne ne pouvaient pas être prises en compte dans le calcul de la durée minimal de 20 ans de cotisations requis par la disposition transitoire de la LACI.

Le recourant conteste ce raisonnement. Il fait valoir que selon l’art. 6 du règlement 883/2004, la Suisse était tenue de prendre en compte les périodes d’assurance accomplies en Espagne. D’après l’intéressé, l’exception à cette disposition que l’art. 66 du règlement 883/2004 réserve aux prestations de préretraite ne s’applique pas aux prestations de l’assurance-chômage.

En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’au 1er juillet 2021, le recourant avait déjà atteint l’âge de 60 ans et qu’il est arrivé en fin de droit dans l’assurance-chômage entre le 1er janvier et le 31 juillet 2021. Est en revanche litigieuse la question de savoir s’il a cotisé pendant au moins 20 ans à l’AVS au sens de la disposition transitoire de la LACI.

C’est le lieu de rappeler à titre liminaire que le recourant ne conteste pas qu’il n’a pas été assuré à l’AVS suisse pendant au moins 20 ans. Il est toutefois constant qu’il a également cotisé à un régime de sécurité sociale en Espagne. La question se pose donc de savoir si l’intimée aurait dû tenir compte des années de cotisation en Espagne dans le calcul des 20 ans de cotisations à l’AVS requis par la disposition transitoire de la LACI.

En tant que ressortissant de l’un des États membres de l’Union européenne et affilié à un régime national de sécurité sociale de la Suisse, le recourant entre dans le champ d’application personnel de l’annexe II ALCP et du règlement 883/2004 (cf. art. 2 par. 1 de ce règlement). Du point de vue de son objet, le règlement s’applique aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations de chômage (let. h) et de préretraite (let. i). Ainsi, qu’elle constitue une prestation de chômage ou de préretraite – ce qui sera examiné ci-après –, la prestation transitoire entre dans le champ d’application matériel de l’annexe II ALCP et du règlement 883/2004 (cf. aussi art. 121 al. 1 let. a LACI selon lequel le règlement 883/2004 est applicable aux prestations comprises dans la LACI).

La disposition transitoire de la LACI, qui subordonne l’octroi d’indemnités journalières transitoires à une durée de cotisations minimale à l’AVS de 20 ans, doit ainsi être conforme au règlement 883/2004 relatif à la totalisation des périodes. Or, à s’en tenir à ses art. 6 et 61, la caisse doit, en principe, tenir compte des périodes d’assurance accomplies en Espagne dans le calcul des périodes d’assurance nécessaires à l’acquisition du droit aux prestations, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation suisse. Contrairement à ce qu’indique l’intimée, l’exception de l’art. 66 dudit règlement en cas de prestations de préretraite ne s’applique pas. Il ressort en effet de la définition retenue dans le règlement que les prestations de préretraite désignent « toutes les prestations en espèces, autres qu’une prestation de chômage ». Or, précisément, les indemnités journalières transitoires prévues par la LACI sont des prestations de chômage, ce qui n’est pas contesté. Les bénéficiaires des indemnités journalières transitoires sont en effet soumis aux obligations de contrôle de l’assurance-chômage pendant toute la durée de perception desdites indemnités. Il s’ensuit qu’à rigueur de texte, le recourant remplit les trois conditions fixées par la disposition transitoire de la LACI pour pouvoir prétendre aux indemnités journalières transitoires.

Devant la chambre de céans, l’intimée fait valoir que le but de la disposition transitoire de la LACI était d’éviter que les personnes qui étaient susceptibles de remplir les conditions de la LPtra arrivent en fin de droit à partir du 1er janvier 2021 jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi le 1er juillet 2021. Elle en conclut que, pour prétendre aux indemnités journalières transitoires, les personnes doivent remplir les conditions fixées par la LPtra pour l’octroi des prestations complémentaires transitoires. Or, il n’est pas contesté que le recourant ne remplit pas la condition de l’art. 5 al. 1 let. b LPtra relative à la période minimale de cotisations à l’AVS suisse, de sorte qu’il ne peut prétendre aux prestations complémentaires transitoires (cf. ATA/154/2022).

En l’occurrence, il résulte des travaux parlementaires, notamment des interventions des députés LEVRAT et BAUER, que l’intention du législateur était de régler, de manière transitoire, la situation des chômeurs âgés jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2021, de la LPtra. M. LEVRAT a relevé en particulier que les chômeurs qui auraient droit aux prestations transitoires et qui étaient au chômage au 1er janvier 2021 ne devaient pas perdre leurs droits aux prestations entre le 1er janvier et le 1er juillet 2021 (cf. Conseil des États, session de printemps 2021, septième séance 10.3.2021, 21.016). Cela ne signifie toutefois pas encore que l’octroi des indemnités journalières transitoires était soumis à la condition que les personnes remplissent également les conditions de la LPtra pour obtenir des prestations complémentaires. Contrairement à ce qu’indique l’intimée, une telle condition ne ressort nullement de la disposition transitoire de la LACI. La directive 2021/09 prévoit d’ailleurs le contraire puisqu’elle retient que les personnes atteignant l’âge de la retraite AVS entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2021 toucheront des indemnités journalières jusqu’à la fin du délai-cadre, et cela « même si elles n’auront pas droit aux prestations prévues par la LPtra ». Il appert donc que si la disposition transitoire de la LACI vise en premier lieu les chômeurs âgés susceptibles de bénéficier de prestations complémentaires transitoires sur la base de la LPtra, cette disposition ne subordonne nullement l’octroi des indemnités journalières transitoires à la condition de remplir les conditions de la LPtra, en particulier l’art. 5 al. 1 let. b LPtra.

Ainsi, en application de la disposition transitoire de la LACI, en lien avec l’art. 6 du règlement 883/2004, la caisse doit tenir compte des périodes d’assurance accomplies en Espagne dans le calcul des périodes d’assurance nécessaires à l’acquisition du droit aux prestations, et cela comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation suisse. Or, il ressort du dossier, en particulier du document établi par l’organisme de sécurité sociale espagnol, que le recourant a cotisé pendant au moins 20 ans à l’AVS. Cela est d’ailleurs confirmé par la CSC dans son courrier adressé au recourant le 6 octobre 2021. C’est partant à tort que l’intimée a refusé d’allouer des indemnités journalières transitoires sur la base de la disposition transitoire de la LACI.

5.             En conclusion, le recours doit être admis et la décision querellée annulée. Le dossier sera renvoyé à l’intimée pour calcul des indemnités journalières transitoires auxquelles le recourant a droit pour la période du 11 février au 1er juillet 2021.

Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant qui n'était pas représenté et n’a pas fait valoir de frais engendrés par la procédure (art. 61 let. g LPGA).

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 2 mars 2022 et renvoie la cause à l’intimée pour calcul des indemnités journalières transitoires auxquelles le recourant a droit pour la période du 11 février au 1er juillet 2021.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le