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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3440/2021

ATAS/1175/2022 du 15.12.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3440/2021 ATAS/1175/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 décembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée rue B______ 11, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe VON BREDOW

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Depuis de nombreuses années, Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), bénéficie de prestations cantonales et fédérales servies par le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

b. Fin mars 2021, le SPC a ouvert une révision périodique du dossier.

c. Invitée à faire parvenir au SPC un certain nombre de justificatifs d’ici au 30 avril 2021, la bénéficiaire, par courrier du 21 avril 2021, les lui a transmis.

Au nombre des documents joints, figurait un formulaire de révision périodique, dans lequel l'intéressée avait mentionné, à titre de personne partageant son logement : Monsieur C______, se référant pour le surplus à son courrier d'accompagnement, lequel précisait :

« Pour votre information, ayant des problèmes de santé assez importants qui m’ont conduite à plusieurs reprises aux urgences ou à une hospitalisation, Monsieur C______ est présent partiellement à titre préventif pour éviter de me trouver seule dans une situation de santé de forme sévère ou grave irréversible ».

d. La consultation du registre de l’office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a confirmé au SPC que feu Monsieur C______ (il est en effet décédé le 6 juin 2021) avait été domicilié à l’adresse de la bénéficiaire (11, rue B______), du 15 mars 2008 jusqu'à son décès.

B. a. Par décision du 26 mai 2021, le SPC, après avoir repris le calcul des prestations avec effet rétroactif au 1er juin 2014 en tenant compte du fait que la bénéficiaire avait partagé son appartement avec M. C______, d'une part, de la baisse de son loyer à compter du 1er juillet 2018, d'autre part, a réclamé à l'intéressée le remboursement d’un montant de CHF 30'825.-, correspondant aux prestations qu’il estimait lui avoir versées à tort du 1er juin 2014 au 31 mai 2021.

b. Par courrier du 9 juin 2021, Mme A______ a informé le SPC que :

« Monsieur C______, né le ______1947, domicilié rue B______ 11, à Genève, originaire de Genève, est décédé le 6 juin 2021, à Genève, étant précisé qu’il a été hospitalisé du 28 mai 2021 jusqu’au jour de son décès ».

c. Par courrier du 11 juin 2021, la bénéficiaire s'est opposée à la décision du 26 mai 2021, reçue dans l'intervalle.

En substance, elle y accusait M. C______ d'avoir fait « des déclarations mensongères » à l’OCPM. Elle disait avoir ignoré que cette personne s'était domicilié chez elle auprès de l'OCPM, dont elle soulignait qu'il ne l'avait pas consultée sur la question. Elle connaissait certes cette personne, qui lui rendait visite « partiellement », mais disait n'avoir pas cohabité avec elle. M. C______ lui rendait de temps en temps service depuis le début de la pandémie. Ce n’est que début mai 2021, lors de l’une de ses visites, qu'il lui avait demandé s’il pouvait passer quelques jours chez elle, car il ne se sentait pas très bien et se plaignait de douleurs insupportables. Il avait perdu toute mobilité et avait finalement dû être hospitalisé le 28 mai 2021, jusqu’à son décès, quelques jours plus tard. Elle avait accepté sa demande, « humainement parlant », parce qu’il lui rendait service de temps en temps. En bref, cette personne n’avait jamais cohabité avec elle en dehors du mois de mai 2021.

La bénéficiaire contestait également ne pas avoir prévenu le SPC de la baisse de son loyer, effective à compter du 1er juillet 2018 (cf. courrier du 14 juin 2021).

d. La bénéficiaire a complété son opposition le 2 juillet 2021 en indiquant être désormais assistée d’un conseil, lequel avait entrepris des démarches auprès de l’OCPM afin de clarifier la situation. La bénéficiaire répétait que M. C______ avait demandé à l’OCPM de le domicilier chez elle sans obtenir son aval. Il s’agissait d’un ancien collègue de son fils, qui le lui avait présenté afin qu’il l’aide à effectuer certaines tâches. Il n’avait cependant jamais été question d’une cohabitation, en dehors du mois de mai 2021, durant lequel elle l’avait hébergé quelques jours en raison de ses problèmes de santé. La décision du SPC semblait reposer uniquement sur l’inscription de M. C______ chez elle dans le registre de l’OCPM. Or, elle n’avait jamais donné son consentement à une telle inscription et n’en n’avait jamais été informée.

À l’appui de ses dires, la bénéficiaire produisait une attestation de Monsieur I______, frère du défunt, rédigée en ces termes :

« À la suite de nombreuses difficultés existentielles et financières, mon frère aîné, C______ ( ) vivait sans domicile fixe. Très secret sur sa vie privée, nous savions qu’il menait une vie mystérieuse de vagabond en logeant à gauche et à droite chez des connaissances à lui. Quand notre père vivait encore, il lui arrivait d’occuper épisodiquement une chambre chez lui. Il m’est même arrivé de le recueillir quelques fois pour de courtes périodes. Nous savions qu’il était aux poursuites depuis trente ou quarante ans ce qui l’a poussé à mener une vie un peu marginale, vie qui, sur la fin, il n’aimait plus du tout. Peu avant son décès, il m’avait prévenu, ainsi que ma sœur et mon autre frère de renoncer à sa succession sans quoi nous risquerions de nous mettre dans la misère » (sic).

Était joint à cette attestation le dernier courrier adressé par M. C______ à son frère et rédigé de la manière suivante :

« Voilà ! J’arrive gentiment au bout ! Je n’aimais pas vraiment cette vie, qui me l’a bien rendu. Et puis, c’est quand même plus élégant qu’un suicide. Et moins salissant ! Je suis vraiment prêt et pars sans amertume, sans appréhension. Merci de vous réjouir avec moi. C’est généreux de votre part. Je compte sur vous pour m’éviter tout acharnement thérapeutique, échange d’organes et autre fantaisie. Il n’y a pas de succession à accepter, ça vous mettrait dans la misère. Je refuse toute cérémonie, rassemblement. De la morgue au trou ! ça évitera de prendre congé. Il y en a paraît-il pour quelques mois. Je sais que vous m’aiderez à les subir. ( ) » (courrier daté de mai 2021)

La bénéficiaire joignait également un courrier que lui avait adressé l’OCPM en date du 29 juin 2021, accusant réception d’un pli qu’elle leur avait adressé le 14 juin 2021 et lui expliquant que l’enregistrement de M. C______ à son adresse avait été effectuée conformément à la pratique en vigueur en 2008, sur la base des seules déclarations de l’intéressé. Le chef de secteur de l’OCPM ajoutait :

« Nous trouvons surprenant que vous ne vous manifestiez que maintenant alors que tous courriers au nom de M. C______, nous pensons notamment aux votations, ont été adressés à l’intéressé chez vous, à l’adresse indiquée ».

e. Par décision du 7 septembre 2021, le SPC a rejeté l’opposition.

Le SPC rappelait avoir pris en compte une augmentation de loyer en faveur de la bénéficiaire, rétroactivement, du 1er juin 2014 au 30 juin 2018, correspondant à une augmentation des dépenses annuelles de CHF 336.- à CHF 360.- (loyer de CHF 15'960.- en lieu en place de CHF 15'936.- par le passé).

Il n’était pas contesté que la baisse de loyer annuelle à CHF 15'600.- à compter du 1er juillet 2018 avait, quant à elle, été annoncée par l’intéressée avant la révision, respectivement les 24 mai 2018 et 19 septembre 2018, ce dont le SPC expliquait avoir tenu compte dans une décision du 20 septembre 2018 rétroagissant au 1er juillet 2018.

Pour le reste, la prise en charge d’un loyer proportionnel, compte tenu de la présence de M. D______, était confirmée.

C. a. Par écriture du 8 octobre 2021, la bénéficiaire a interjeté recours contre cette décision en demandant son annulation, avec suite de frais et dépens.

En substance, la recourante allègue n’avoir jamais cohabité avec feu M. C______ durant la période litigieuse, exception faite d’une très courte période, du 1er au 28 mai 2021, un seul mois durant lequel l’état de santé de M. C______ s’était fortement dégradé, jusqu’à son hospitalisation, le 28 mai 2021. Il est décédé quelques jours plus tard, le 6 juin.

La recourante explique que M. C______ était une connaissance, rencontrée par le biais de son fils, de nombreuses années auparavant.

M. C______ a été présent pour elle lorsqu’elle a dû faire face à des problèmes de santé et durant la pandémie. Il lui rendait régulièrement de petits services, lui faisant notamment ses courses. Il n’a toutefois jamais résidé chez elle, hormis en mai 2021.

La recourante ajoute qu’elle ignorait totalement que M. C______ avait annoncé à l’OCPM être domicilié chez elle. Cette inscription est intervenue sans qu’elle en soit informée et elle ignore les raisons qui ont motivé la demande de M. C______.

La recourante indique que plusieurs membres de sa famille et connaissances lui rendant visite de manière régulière peuvent attester qu’elle vivait bel et bien seule. Elle affirme que son fils, qui relève son courrier plusieurs fois par semaine en fin de journée, n’a jamais trouvé d’autres lettres que celles qui lui étaient adressées.

A l'appui de sa position, elle produit notamment :

-          une attestation rédigée le 14 septembre 2021 par son fils, Monsieur E______, expliquant qu’il lui rend visite plusieurs fois par semaine, que lors de ses passages, il relève, généralement en fin de journée, le courrier se trouvant dans la boîte aux lettres et ce, depuis plusieurs années, mais n’a jamais trouvé d’autres courriers que ceux adressés à sa mère ; M. E______ atteste également que sa mère vit seule depuis de nombreuses années ;

-          une attestation rédigée le 25 septembre 2021 par Monsieur E______, indiquant qu’il connaît la recourante, qu’il s’est rendu chez elle à plusieurs reprises entre 1995 et 2021 et qu’il a pu constater qu’elle vivait seule ;

-          une attestation rédigée le 24 septembre 2021 par Monsieur G______, mari de la nièce de la recourante, confirmant se rendre régulièrement chez cette dernière en compagnie de son épouse (une fois toutes les deux semaines environ) et confirmant que la recourante vit seule ;

-          une attestation rédigée le même jour par Madame H______, nièce de la recourante, confirmant se rendre chez sa tante en moyenne une fois toutes les deux semaines depuis 1998 et confirmant qu’elle vit seule.

Quant à la baisse de son loyer, le 1er juillet 2018, la recourante répète qu'elle l'a annoncée au SPC, ce que ce dernier a d'ailleurs admis.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 1er novembre 2021, a conclu au rejet du recours.

Il souligne qu’en raison d’une compensation avec un rétroactif de prestations de CHF 1'290.- - ressortant d’une décision rendue le 13 août 2021 -, le montant litigieux ne s’élève plus qu’à CHF 29'535.-

c. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 10 février 2022.

Monsieur E______, fils de la recourante, a expliqué avoir connu M. C______ sur son lieu de travail, dans le domaine des télécommunications. M. C______ était électricien. Ils ont travaillé ensemble sur des projets et ont sympathisé. M. C______ l’appelait régulièrement pour solliciter son aide en informatique et en télécommunications ; à l'inverse, au même titre que d'autres personnes, il lui avait demandé d’apporter de l’aide à sa mère lorsqu’il était indisponible. Il était ainsi arrivé à M. C______ de lui faire les courses.

Le fils de la recourante a affirmé que M. C______ n'avait jamais vécu chez sa mère en dehors de mai 2021 : au début de ce mois-là, sa mère l’a appelé en urgence, car M. C______ avait fait un malaise chez elle après lui avoir amené les courses. M. C______ a demandé à pouvoir rester quelques heures, puis quelques jours. Au vu des services qu'il avait rendus à sa mère, il n’avait pu refuser sa demande. Il avait ainsi dormi deux semaines dans le salon, sur le canapé. Il avait toujours avec lui un sac à dos. Le témoin a affirmé ignorer totalement où M. C______ habitait. Il communiquait toujours avec lui par téléphone.

Le témoin a expliqué que sa mère vit dans un appartement de cinq pièces comportant un salon, une cuisine, une grande chambre et deux plus petites, servant, l’une de pièce de repos et de prière, l'autre, de dressing.

Le fils de la recourante a indiqué qu’il relève le courrier de sa mère plusieurs fois par semaine depuis des années. Il passe ainsi régulièrement, souvent en fin de journée, récupère le courrier, jette ce qu'elle ne souhaite pas recevoir (GHI, publicités) et lui amène le reste, mais sans l'ouvrir. Le témoin dit ne jamais avoir remarqué de courrier au nom de M. C______ avant le décès de celui-ci. Ce n’est qu’après que trois ou quatre plis sont arrivés, qu’il a ramenés à la Poste.

Le témoin a formellement exclu toute présence autre que celle de sa mère dans l'appartement qu'elle habite. Il peut être aussi formel car il passe lui rendre visite régulièrement, accède à toutes les pièces et l'aide pour les tâches ménagères. Il n’aurait donc pas manqué de remarquer la présence d'objets de toilette ou de pièces d'habillement ne lui appartenant pas.

Le témoin a encore précisé que M. C______ n’avait pas été le seul à qui il avait fait appel pour aider sa mère. S’y ajoutait un certain M. E______ (un ami), ainsi que sa cousine.

Lorsqu’il lui a été fait remarquer que la recourante, dans un courrier adressé au SPC le 21 avril 2021, mais également dans le formulaire de révision périodique rempli à la même époque, confirmait la présence de M. C______ chez elle – avant mai 2021 –, le témoin a allégué que c’est lui qui a rédigé la lettre et rempli le formulaire pour sa mère, qui ne maîtrise pas l’informatique.

Selon lui, par les termes : « ayant des problèmes de santé assez importants, qui m'ont conduite à plusieurs reprises aux urgences ou à une hospitalisation, M. C______ Pierre est présent partiellement à titre préventif pour éviter de me trouver seule dans une situation de santé de forme sévère ou grave irréversible », il faut simplement comprendre que M. C______ venait lui rendre des visites/services lorsqu'elle en avait besoin.

Le témoin a fait part de sa perplexité quant au fait qu’aucun courrier au nom de M. C______ ne soit arrivé au cours de toutes ces années, émettant à cet égard plusieurs hypothèses : avait-il obtenu un double de la clé de la boîte aux lettres ou fait rediriger son courrier par la Poste ? Guettait-il le facteur ?

d. Monsieur E______, entendu à son tour, a expliqué être un ami du fils de la recourante, à laquelle il dit avoir rendu visite trois à quatre fois par année. A ces occasions, il a eu accès au salon et à la salle de bains et n'a pas relevé de signes de présence masculine. Pour le reste, le témoin s’est porté garant de l'honnêteté de son ami, M. E______, « à 200% » (sic).

e. Madame H______, nièce de la recourante, a allégué rendre visite à sa tante de façon régulière, entre deux-trois fois par semaine et une fois par mois. A sa connaissance, elle n’a jamais hébergé personne. Elle ne connaît pas de C______ et ignorait que sa tante l’avait hébergé en mai 2021. Le témoin a expliqué aider sa tante dans les tâches ménagères (repassage, armoires, aspirateur) et avoir donc accès à tout l'appartement. Elle a dit n’avoir jamais constaté la présence d'objets étrangers.

f. Monsieur G______, mari de la nièce de l’assurée, a confirmé rendre visite à cette dernière en compagnie de sa femme en tout cas une fois par mois et pouvoir attester qu’elle a toujours vécu seule. Lui non plus n’a jamais entendu parler d'un M. C______.

g. La recourante, quant à elle, a affirmé n’avoir jamais confié la clé de son appartement ou de sa boîte aux lettres à M. C______, qui n’a jamais non plus relevé son courrier.

h. Par écriture du 25 février 2022, l’intimé a relevé que, parmi les personnes entendues lors des enquêtes, aucune n’avait été en mesure d’indiquer où feu M. C______ aurait été domicilié durant les périodes litigieuses, dans l’hypothèse où il n’aurait pas logé chez la recourante.

L’intimé tient pour incontestable le fait que M. C______ a cohabité avec la recourante à tout le moins dès avril 2021, ainsi que l’intéressée en a convenu par courrier dans le cadre de la révision de son dossier. Il relève là une première contradiction : la recourante a admis par courrier, en avril 2021, une cohabitation, dont, par la suite, elle a allégué qu’elle n’avait débuté qu’en mai 2021.

L’intimé ajoute que, vu son inscription à l’OCPM à l’adresse de la recourante depuis 2008, tout le courrier de M. C______ depuis lors aurait dû arriver chez elle. Il s’étonne que, durant plus de treize ans, M. C______ ait pu relever infailliblement son propre courrier à l’insu de la recourante, sans que jamais aucune correspondance à son nom ne soit interceptée par la bénéficiaire ou son fils, d’autant moins que la recourante a affirmé ne jamais lui avoir confié les clés de sa boîte aux lettres.

De la même manière, l’intimé s’étonne que le fils de la recourante, qui a indiqué connaître M. C______ depuis les années 80, n’en sache que fort peu à son sujet, ignorant jusqu’à son adresse, mais lui confiant néanmoins le soin de rendre des services réguliers à sa mère, ce que M. C______ aurait accepté a priori sans contrepartie, ni rémunération durant une très longue période. Pourtant, en définitive, lorsque M. C______ a rencontré de sérieux problèmes de santé, c’est à la recourante, à laquelle il était supposé porter assistance, qu’il s’est adressé, plutôt qu’à sa propre famille.

L’intimé rappelle que la recourante dispose d’un appartement de cinq pièces, doté de deux chambres pouvant permettre de cohabiter durablement avec une tierce personne.

L’intimé note que M. E______ ne se rendait que rarement chez la recourante.

Quant à la nièce de la recourante, il relève qu’elle dit ne pas avoir remarqué la présence pourtant incontestée de M. C______ chez sa tante en mai 2021 et en tire la conclusion que, de la même manière, sa présence aurait pu lui échapper lors de ses autres visites. L’intimé s’interroge par ailleurs sur le fait que des personnes se disant si proches de la recourante n’aient jamais entendu parler de M. C______, qui lui prêtait pourtant régulièrement assistance depuis 1990.

En définitive, le SPC conclut que, si par impossible la Cour admettait le recours, il soit reconnu que feu M. C______ a été domicilié chez la recourante à tout le moins en avril et mai 2021, deux mois durant lesquels le loyer proportionnel devrait être conservé.

i. Par écriture du 24 mars 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle fait remarquer qu’il lui est difficile d’apporter la preuve d’un fait négatif, à savoir que M. C______ n’a pas cohabité avec elle durant la période litigieuse.

j. Interrogé par la Cour de céans, l’Hospice général a répondu en date du 30 mars 2020 que M. C______ était inconnu de ses services.

k. Les enquêtes se sont poursuivies le 5 mai 2022, avec l’audition de Monsieur I______, frère du défunt.

Le témoin a indiqué que le seul bail à loyer qu'ait eu son frère de toute sa vie était celui de l'appartement qu'il a occupé route de Saint-Julien dans les années 70's.

À la fin des années 70's, il a quitté son travail pour, dans un premier temps, vendre le journal La Suisse. Il s'est ensuite lancé dans le commerce de meubles de rotin avec des amis. Cela s'est très mal passé et a marqué le début de ses difficultés financières, sur lesquelles il s'est toujours montré très discret. Malgré les questions de ses proches, il n'a jamais voulu indiquer à combien s'élevaient ses dettes.

Il a repris ensuite son travail d'électricien.

C'est là qu'a commencé sa « vie de vagabond ». Son frère n'a jamais couché dans la rue, mais chez des amis, des connaissances. Il est possible qu’à un moment, il ait habité en France. Il a aussi été un temps formellement domicilié chez leur père (15, avenue J______) – décédé début 2012 -, qui avait mis une chambre à sa disposition, mais qu'il n'occupait pas systématiquement.

Au décès de leurs parents, le témoin a gardé le contact avec son frère par téléphone et aux fêtes de Noël. Il dit ne l’avoir jamais entendu prononcer le nom de la recourante.

Son frère était très secret sur sa vie privée, se montrait très fuyant, au point que le témoin, ne saurait donner le nom d’amis chez qui il a pu séjourner.

M. C______ a travaillé jusqu'à sa retraite et n'a pas disposé d'autres sources de revenus.

Le témoin s’est déclaré incapable de se prononcer sur le fait que son frère ait pu séjourner continuellement chez la recourante.

l. Madame K______, sœur du défunt, a indiqué qu’elle non plus n’avait pas beaucoup de relations avec lui et ignore où il a vécu depuis 2008. Lorsqu’elle voulait le contacter, elle le faisait par téléphone.

Elle n’a entendu pour la première fois parler de la recourante que peu avant le décès de son frère, lorsque ce dernier l’a appelée pour lui demander de lui rendre visite chez elle ; il était alors malade. Le témoin ignore depuis quand il était chez la recourante. Il était assis dans le salon. C'était à la mi-mai 2021. Le témoin dit ne pas avoir remarqué d'affaires à lui. Lorsqu’elle l’a interrogé, il a répondu qu’il n'habitait pas là, sans préciser où cependant.

Selon le témoin, M. C______ a vécu par périodes chez leur père, jusqu'au décès de celui-ci, en 2012.

Du 15 août 2007 au 15 mars 2008, il a été officiellement domicilié chez le témoin, où il lui est arrivé de séjourner deux fois, une fois pour deux-trois jours, une autre, pour une semaine tout au plus. Le témoin dit avoir reçu une fois un recommandé à son nom, qu’elle a refusé.

Elle ignorait qu'il avait changé sa domiciliation. Il lui a simplement annoncé qu’elle n’aurait plus de courrier à son nom.

Le témoin dit ne pas se souvenir avoir reçu des avis de primes ou du matériel de vote pour son frère durant cette période. Il ne possédait pourtant pas la clé de sa boîte aux lettres.

Son frère lui a expliqué sa présence chez la recourante par le fait qu'il allait de temps en temps faire des courses pour elle et qu'il avait été saisi d'un malaise chez elle.

Lorsqu’il a été hospitalisé quelques jours tard et qu’elle lui a demandé si elle devait aller récupérer des affaires pour lui quelque part, il lui a répondu par la négative.

À son décès, il a laissé une lettre disant qu'il ne voulait aucune cérémonie. Il avait pour seuls biens les habits et quelques bouquins contenus dans le sac de sport qu'il avait amené avec lui à l'hôpital.

m. Entendue une nouvelle fois, la recourante a répété que M. C______ n'était pour elle qu’un ami de son fils parmi d'autres qui venait parfois aider à la demande de son fils, lorsqu’elle avait trop mal au dos.

Depuis qu’elle habite à cette adresse, c'est-à-dire depuis mars 1992, elle n’a jamais cohabité avec quiconque.

n. La Cour de céans a encore interpellé les offices postaux du quartier de la recourante en leur demandant si M. C______ avait sollicité que son courrier soit gardé en poste restante, ou ouvert une case postale à son nom et, dans l’affirmative, pour quelle période.

Par courrier du 12 mai 2022, la Poste suisse a répondu que l’unique ordre enregistré dans ses systèmes était une réexpédition temporaire du numéro 1, rue B______ à l’office des faillites pour la période du 29 juin au 26 octobre 2021.

o. Par écriture du 27 mai 2022, la recourante a souligné qu’il ressortait du courrier de la Poste suisse que la correspondance de M. C______ était initialement envoyée non pas chez elle (au numéro 11 de la rue B______), mais bien au numéro 1.

p. Réinterrogée, la Poste, par courrier du 8 juin 2022, a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une erreur de plume : M. C______ était bien enregistré dans son système au numéro 1 de la rue B______; c’est à cette adresse que son courrier était distribué.

q. Par écriture du 20 juin 2022, l’intimé a estimé que les informations transmises par la Poste, contradictoires, ne permettaient pas de conclure avec certitude que l’adresse postale au 1, rue B______ avait également été celle de la résidence effective de feu M. C______.

r. Dûment réinterrogée par la Cour de céans, la Poste suisse, par courrier du 30 juin 2022, a indiqué que M. C______ n’avait pas ouvert de case postale auprès de l’office de Saint-Jean ou ailleurs entre 2008 et 2021 et qu’il était en réalité domicilié au numéro 11 de la rue B______ (et non au numéro 1).

s. Par courrier du 9 août 2022, la Poste après avoir procédé à des clarifications, a confirmé qu’une faute de saisie avait été commise : « c’est le No. 1 de la rue B______ à Genève qui avait été enregistré erronément au lieu du No. 11 de cette même rue ».

t. Par écriture du 24 juin 2022, la recourante a protesté une fois de plus de sa bonne foi.

u. Par écriture du 24 août 2022, elle a ajouté que, renseignements pris, tout comme l’OCPM, la Poste avait pour habitude, pour un changement d’adresse de particuliers, de se fier aux dires du demandeur, sans procéder à un quelconque contrôle. On ne saurait dès lors y trouver le moindre argument en faveur d’une cohabitation.

v. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

4.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

5.        Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution de CHF 30'825.-, correspondant aux prestations versées en trop du 1er juin 2014 au 31 mai 2021, plus particulièrement sur celle de savoir si c'est à juste titre que le SPC a considéré que sa bénéficiaire avait partagé son logement avec une tierce personne jusqu'au 31 mai 2021 et comptabilisé dans ses calculs le loyer proportionnellement au nombre d’habitants.

6.        S'agissant des prestations complémentaires (PC) fédérales, l’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les dépenses reconnues comprennent notamment, pour les personnes vivant à domicile, un montant de base destiné à la couverture des besoins vitaux et le montant du loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs.

Sur le plan cantonal, ont droit aux PC les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 5 al. 1 LPCC), il en va de même des dépenses déductibles (art. 6 LPCC).

En vertu de l’art. 16c de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301), lorsque des appartements sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des PC, le loyer doit être réparti entre toutes les personnes. Les parts de loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte lors du calcul de la prestation complémentaire annuelle (al. 1). En principe, le montant du loyer est réparti à parts égales entre toutes les personnes (al. 2).

Selon la jurisprudence, le critère déterminant est le logement commun, indépendamment du fait de savoir s'il y a bail commun ou si l'un des occupants paie seul le loyer. Aussi, lorsque plusieurs personnes occupent le même foyer ou font ménage commun, il y a lieu de partager à parts égales le loyer pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires (ATF 127 V 10ss). Cette règle vise à empêcher le financement indirect de personnes non comprises dans le calcul des prestations complémentaires. En conséquence, peu importe la répartition réelle du paiement du loyer entre les personnes partageant le foyer

7.        Les décisions de prestations complémentaires peuvent être modifiées avec effet ex tunc lorsque sont réalisées les conditions présidant à la révocation, par son auteur, d’une décision administrative.

L’art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA énonce que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Le droit de demander la restitution s’éteint un an dès le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance nait d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

L’obligation de restituer les prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas subordonnées à une violation de l’obligation de renseigner. Il s’agit en effet simplement de rétablir l’ordre légal après la découverte d’un fait nouveau (ATF 122 V 134).

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

8.        Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire.

9.        En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2 1ère phrase aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (OFAS, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

Etant donné que, d'un point de vue temporel, les règles de droit déterminantes sont en principe celles qui s'appliquent lors de l'accomplissement des faits entraînant des conséquences juridiques et que, par ailleurs, le juge se base, en principe, sur les faits survenus jusqu'au moment où la décision litigieuse a été rendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_193/2021 du 31 mars 2022 consid. 2.2 et les références), c’est l’art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 qui est applicable dans le cas présent.

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références; ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue, ni interrompue, et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

10.    Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. aussi ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    En l'espèce, la question litigieuse est de déterminer si la recourante a bel et bien partagé son logement avec feu M. C______ depuis mars 2008 jusqu'à son hospitalisation, en mai 2021, ainsi que peut le faire penser le fait que ce dernier se soit annoncé comme domicilié chez la bénéficiaire auprès de l'OCPM.

C'est le lieu de rappeler que, certes, les autorités doivent pouvoir se fier aux indications officielles, et l'annonce officielle d'un changement d'adresse constitue en ce sens un indice, mais qu'il y aurait toutefois formalisme excessif à refuser de prendre en compte une situation concrète établie et prouvée par pièce (voir par exemple ATF 119 Ia IV). D'autant qu'ainsi que l'a confirmé l'OCPM, ce dernier ne s'est livré à aucune vérification avant d'accéder à la demande de feu M. C______.

La recourante soutient quant à elle que M. C______ n'a habité chez elle que depuis qu'il a été terrassé par la maladie alors qu'il lui amenait ses courses, soit durant quelques semaines à peine avant son hospitalisation, puis son décès.

Il est vrai que cette version paraît difficile à soutenir, d'autant que le courrier adressé par la bénéficiaire elle-même, en avril 2021 à l'intimé, reconnaît sans discussion possible la présence de M. C______, lequel est même mentionné comme "personne partageant le logement" dans le formulaire ad hoc rempli au même moment. Mais on peut penser qu'il y a simplement eu là confusion de dates chez la bénéficiaire et admettre que M. C______ a partagé son salon, non pas à compter du début du mois de mai, mais bien depuis la fin du mois d'avril 2021 déjà.

Il est certes troublant, comme l'ont relevé plusieurs acteurs, que, pas une fois en treize années, le courrier de M. C______ ne soit parvenu à la bénéficiaire, qui affirme pourtant ne jamais lui avoir confié de clé de sa boîte aux lettres et ce, alors que la Poste – pour autant que l'on puisse se fier à ses réponses pour le moins contradictoires – a affirmé que l'intéressé n'avait pris aucune disposition, telle que garde du courrier en poste restante ou ouverture d'une boîte postale.

Les témoignages des proches de la recourante, bien que nombreux et convergents, paraissent parfois également troublants à certains égards. Comme lorsque la nièce de la bénéficiaire affirme ne jamais avoir constaté la présence d'un tiers chez sa tante, même en mai 2021, période durant laquelle ladite présence a pourtant été établie et admise. Ou encore le fait que le fils de la recourante, qui connaissait M. C______ depuis des décennies, dise pourtant tout ignorer de son lieu de vie et lui fasse cependant confiance au point de lui demander de s'occuper régulièrement de sa mère.

Cela étant, il ressort de l'ensemble des témoignages recueillis que feu M. C______ a mené sa vie de manière pour le moins particulière.

C'est finalement le témoignage de ses frère et sœur – qui n'ont aucun intérêt à travestir la réalité – qui emporte la conviction de la Cour de céans.

Il en ressort que M. C______ était effectivement très secret, qu'il a logé de-ci de-là, chez des amis dont sa famille ignorait tout, durant des années, qu'il a gagné suffisamment d'argent, en travaillant jusqu'à sa retraite, pour ne jamais solliciter l'aide sociale, qu'il semblait transporter sur lui l'intégralité de ses biens, dans un sac de sport évoqué par plusieurs intervenants, et qu'il a emporté avec lui à l'hôpital, comme en a témoigné sa sœur. A cette dernière, il a d'ailleurs clairement indiqué qu'il ne logeait effectivement pas chez la recourante.

On ignore par quel stratagème il a réussi à mettre la main sur son courrier durant des années avant qu'il ne parvienne à la recourante. Sans doute le même dont il a usé lorsqu'il était domicilié chez sa sœur, qui dit n'avoir reçu un courrier pour lui qu'à une seule occasion.

Quoi qu'il en soit, de l'ensemble des témoignages, la Cour de céans ressort convaincue, au degré de la vraisemblance prépondérante, que, malgré la subsistance de quelques zones d'ombre, feu M. C______, comme il l'a affirmé à sa sœur à la veille de sa mort, a vécu de divers expédients, logé chez des amis ou la famille, sans jamais poser longuement son maigre bagage et, en particulier, qu'il n'a pas partagé le logement de la bénéficiaire avant la fin du mois d'avril 2021.

Dans ces conditions, la décision de procéder à un recalcul du droit aux prestations en tenant compte d'un loyer proportionnel avant le mois d'avril 2021 apparaît injustifiée. En ce sens, le recours est donc admis partiellement, la cause étant renvoyée à l'intimé à charge pour ce dernier de recalculer le montant à restituer en tenant compte de la compensation à laquelle il a déjà procédé et de la seule période d'avril-mai 2021.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 7 septembre 2021.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouveaux calculs et nouvelle décision au sens des considérants.

5.         Condamne l’intimé à verser à la recourante la somme de CHF 4’800.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le