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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/742/2022

ATAS/1125/2022 du 19.12.2022 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/742/2022 ATAS/1125/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 décembre 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître David METZGER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1998, ressortissante du Nigéria, est arrivée en Suisse le ______ 2016. Mère de deux enfants nées les ______ 2016 et ______ 2021, elle vit en couple avec le père de sa deuxième fille. Elle a été mise au bénéfice d’un livret N, puis d’un livret F le
12 avril 2019. Sans aucune formation, l’intéressée a exercé une activité non lucrative d’utilité communautaire dans un centre d’hébergement, entre 2016 et 2020, et a été engagée en qualité de figurante par D______ de Genève du 9 mars au 8 avril 2020. Cette activité a été interrompue le 14 mars 2020 en raison du COVID. Elle est suivie par l’Hospice général depuis le mois d’août 2016.

b. Le 15 janvier 2021, l’intéressée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), mentionnant souffrir de psychose non organique depuis 2016 et être en incapacité de travail depuis le mois de septembre 2020.

c. Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’OAI a reçu plusieurs documents, dont un rapport du 21 octobre 2020 de la doctoresse B______, médecin adjointe agréée au service de néphrologie des Hôpitaux universitaires du canton de Genève (ci-après : HUG), laquelle a diagnostiqué une insuffisance rénale terminale sur une probable hyalinose focale et segmentaire, des troubles psychiatriques avec des troubles de la personnalité borderline avec une psychose associée, et une anémie d’origine rénale, atteintes entrainant une totale incapacité de travail ; un rapport du 5 août 2021 du service de néphrologie des HUG aux termes duquel il ne semblait en l’état pas envisageable de commencer une formation professionnelle au vu des différents problèmes de santé, en particulier une embolie pulmonaire, une dyspnée persistante, la mise en dialyses trois fois par semaine pendant quatre heures, une anémie ; les lettres de sortie du service de psychiatrie des HUG suite à des séjours du 25 juillet au 13 août 2018, du 14 au
25 octobre 2018, du 14 au 21 janvier 2019, du 26 janvier au 3 février 2020, le
20 août 2020 ; un rapport du 13 juillet 2021 de la doctoresse C______, médecin psychiatre au centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrés de la Servette (ci-après : CAPPI), retenant le diagnostic de psychose non organique sans précision (F29) et estimant qu’un travail à taux diminué (50%), adapté aux capacités, pourrait être envisagé pendant les périodes de rémission, en tenant compte du fait que l’état psychique restait toujours fragile.

d. Par avis du 18 novembre 2021, le service médical régional de l’OAI
(ci-après : le SMR) a retenu les atteintes d’insuffisance rénale terminale sur une hyalinose segmentaire et focale en dialyse et de psychose non organique sans précision. Il a rappelé que l’intéressée était sous traitement neuroleptique depuis août 2017 et estimé que l’incapacité de travail était totale dans toute activité depuis lors.

B. a. Le 26 novembre 2021, l’OAI a informé l’intéressée qu’il envisageait de rejeter sa demande. Il a retenu une incapacité totale de travail dans toute activité depuis le mois d’août 2017 et fixé le degré d’invalidité à 100%, ce qui donnait en principe droit à une rente entière. Toutefois, une telle prestation ne pouvait être octroyée que si les conditions d’assurance étaient réunies. Or, au moment de la survenance de l’invalidité, en août 2018, l’intéressée ne comptait pas trois années au moins de cotisations, de sorte que le droit à une rente ordinaire d’invalidité ne pouvait lui être reconnu. Par ailleurs, une rente extraordinaire, destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces, ne rentrait pas en ligne de compte.

b. Le 14 décembre 2021, l’intéressée, représentée par une avocate, a contesté le refus de rente extraordinaire. Elle a relevé que les bonifications pour tâches éducatives n’avaient pas été prises en considération dans le calcul et qu’elle n’avait pas été autorisée à s’affilier en raison de son statut (permis F). En outre, au moment de la survenance de l’invalidité, elle avait 19 ans et était sans activité. Elle n’était donc pas tenue de payer des cotisations et les conditions d’une rente extraordinaire semblaient remplies. Enfin, suite à l’ouverture du droit à l’invalidité, une affiliation était possible. Elle avait d’ailleurs déposé une demande d’affiliation rétroactive auprès du service des non-actifs.

c. Par décision du 3 février 2022, l’OAI a rejeté la demande de l’intéressée. Il a maintenu que les conditions de durée minimale de cotisations n’étaient pas réalisées pour ouvrir le droit à une rente ordinaire d’invalidité. La prise en compte d’éventuelles bonifications pour tâches éducatives, lesquelles intervenaient le cas échéant dans le cadre du calcul de la rente, n’étaient pas pertinentes. Par ailleurs, une rente extraordinaire, destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces, ne rentrait pas en ligne de compte.

C. a. Par acte du 4 mars 2022, l’intéressée, représentée par un avocat, a interjeté recours par-devant la chambre de céans. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de la décision entreprise et à ce que l’intimé soit condamné à lui verser une rente entière extraordinaire d’invalidité avec effet au
1er juillet 2021. La recourante a rappelé être née le 24 décembre 1998, être arrivée en Suisse le 6 avril 2016, soit à l’âge de 17 ans et 3 mois, et être devenue invalide à 100% en août 2018, comme retenu par l’intimée. À cette date, elle était âgée de 19 ans et 7 mois, et résidait en Suisse depuis 2 ans et 4 mois. Compte tenu de son statut (permis F), elle n’avait pas été autorisée à s’affilier à l’AVS/AI/APG, mais elle avait demandé son affiliation rétroactive au 1er janvier 2019 au vu de la reconnaissance de son invalidité. Selon elle, les conditions d’octroi étaient réalisées puisqu’elle était entrée en Suisse avant le 1er janvier suivant l’accomplissement de ses 20 ans révolus, qu’elle avait rempli dans son enfance, soit jusqu’à ses 20 ans, les conditions du droit aux mesures de réadaptation, notamment la condition de résidence. La rente extraordinaire ne pouvait être versée qu’une fois échu le délai de carence requis. Dans la mesure où le droit à la rente prenait naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations, elle sollicitait une rente entière extraordinaire depuis le 1er juillet 2021, soit six mois après le dépôt de sa demande.

b. Par décision du 14 mars 2022, la recourante a été mise au bénéfice de l’assistance juridique avec effet au 21 févier 2022.

c. Dans sa réponse du 31 mars 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. En substance, il a soutenu qu’il ressortait des éléments médicaux du dossier que la recourante présentait une incapacité totale de travail dès le mois d’août 2017, de sorte que la survenance de l’invalidité devait être fixée en août 2018. Pour pouvoir prétendre à une rente extraordinaire, elle devait remplir, en tant qu’enfant, soit jusqu’à l’âge de 20 ans, les conditions de l’art. 9 al. 3 LAI. Or, elle ne les remplissait pas. Elle ne remplissait par ailleurs pas les conditions d’assurance prévues par l’art. 6 al. 2 LAI car elle ne présentait pas une année de cotisations, ni une résidence ininterrompue de dix ans en Suisse à l’échéance du délai de carence d’une année. Partant, le droit à une rente extraordinaire n’était pas ouvert.

d. En date du 14 avril 2022, la recourante a persisté.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du
19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité extraordinaire, étant rappelé qu'elle ne conteste pas le refus d'une rente ordinaire.

6.             Selon l’art. 6 LAI, les ressortissants suisses et étrangers ainsi que les apatrides ont droit aux prestations conformément aux dispositions ci-après. L’art. 39 est réservé (al. 1). Lorsqu’une convention de sécurité sociale conclue par la Suisse prévoit que les prestations ne sont à la charge que de l’un des États contractants, il n’y a pas de droit à la rente d’invalidité si la législation de l’autre État accorde un tel droit du fait de la totalisation des périodes d’assurance accomplies dans les deux pays par les ressortissants suisses ou ceux de l’État contractant (al. 1bis). Les étrangers ont droit aux prestations, sous réserve de l’art. 9 al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent, lors de la survenance de l’invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse. Aucune prestation n’est allouée aux proches de ces étrangers s’ils sont domiciliés hors de Suisse (al. 2).

Conformément à l’art. 9 al. 3 LAI, les ressortissants étrangers âgés de moins de
20 ans qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit aux mesures de réadaptation s’ils remplissent eux-mêmes les conditions prévues à l’art. 6 al. 2 ou si : lors de la survenance de l’invalidité, leur père ou mère compte, s’il s’agit d’une personne étrangère, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse (let. a), et si eux-mêmes sont nés invalides en Suisse ou, lors de la survenance de l’invalidité, résidaient en Suisse sans interruption depuis une année au moins ou depuis leur naissance. Sont assimilés aux enfants nés invalides en Suisse les enfants qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, mais qui sont nés invalides à l’étranger, si leur mère a résidé à l’étranger deux mois au plus immédiatement avant leur naissance. ( ) (let. b).

À teneur de l’art. 39 LAI, le droit des ressortissants suisses aux rentes extraordinaires est déterminé par les dispositions de la loi fédérale du
20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (al. 1). Ont aussi droit à une rente extraordinaire les invalides étrangers et apatrides qui remplissaient comme enfants les conditions fixées à l’art. 9 al. 3 LAI (al. 3).

6.1 Le droit à une rente extraordinaire de l'invalidité n'est en principe pas ouvert aux ressortissants étrangers de pays avec lesquels la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale. Selon l'art. 39 al. 1 LAI (réservé par l'art. 6
al. 1 LAI), en relation avec l'art. 42 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), le droit à une rente extraordinaire de l'assurance-invalidité est réservé aux ressortissants suisses (sous réserve d'une convention de sécurité sociale). Une exception à ce principe est prévue par l'art. 39 al. 3 LAI, qui renvoie à l'art. 9 al. 3 LAI, lequel prévoit différentes conditions alternatives (pour le droit aux mesures de réadaptation)
(ATF 140 V 246 consid. 7.1 et les références).

L'art. 39 al. 3 LAI a été introduit lors de la 1ère révision de la LAI sur proposition de la Commission du Conseil national chargée d'examiner le projet de loi modifiant la loi sur l'assurance-invalidité. La Commission avait reconnu qu'à défaut d'une telle disposition et en raison du principe selon lequel la rente extraordinaire n'était allouée qu'à des Suisses (sous réserve de dispositions conventionnelles), les enfants étrangers ou apatrides souvent atteints d'un grave handicap, qui pouvaient bénéficier de prestations de l'assurance-invalidité pendant leur minorité, n'avaient pas droit, une fois majeurs, à une rente extraordinaire d'invalidité faute d'en réaliser les conditions (procès-verbal de la séance
29 août 1967 de ladite commission). Cette lacune avait déjà été mise en évidence par la Commission fédérale d'experts pour la révision de l'assurance-invalidité, qui avait examiné les conséquences de l'octroi d'une rente extraordinaire à des étrangers ou des apatrides devenus invalides pendant leur enfance, une fois la majorité atteinte. Avec l'adoption de l'art. 39 al. 3 LAI, entré en vigueur le
1er janvier 1968, l'Assemblée fédérale entendait accorder aux ressortissants étrangers et aux apatrides une rente extraordinaire à partir de leur dix-huitième année, pour autant qu'ils satisfissent comme enfants aux conditions de l'art. 9
al. 3 LAI (ATF 140 V 246 consid. 7.2 et les références).

Le renvoi opéré par l'art. 39 al. 3 LAI aux conditions de l'art. 9 al. 3 LAI a pour but de définir les conditions d'assurance que doivent réaliser les ressortissants étrangers et apatrides invalides pour bénéficier d'une rente extraordinaire d'invalidité. Les termes « remplissaient comme enfants les conditions fixées à l'art. 9 al. 3 » visent, d'une part, les exigences relatives à l'année entière de cotisations et aux années de résidence en Suisse du ressortissant étranger, respectivement de son père ou de sa mère (conditions d'assurance). Ils impliquent, d'autre part, que l'intéressé a bénéficié ou aurait pu bénéficier de mesures de réadaptation, soit que le droit à ces mesures lui a été ou aurait pu lui être reconnu, parce qu'il satisfaisait ou aurait pu satisfaire aux conditions matérielles de la prestation de réadaptation visée par l'art. 9 LAI. Le point de savoir si les conditions d'assurance étaient réalisées et si la personne concernée a eu droit ou aurait concrètement pu avoir droit à des mesures de réadaptation doit être examiné de manière rétrospective : il faut se demander si « comme enfant », l'intéressé satisfaisait à ces exigences. Selon la jurisprudence, tel n'est pas le cas lorsque pour la période courant avant son dix-huitième anniversaire, l'intéressé ne pouvait prétendre des mesures de réadaptation d'ordre médical ou professionnel, parce qu'il avait bénéficié d'un traitement médical ayant pour objet l'affection en tant que telle (cf. art. 12 al. 1 LAI a contrario) et que son état de santé n'aurait pas permis de mettre en œuvre des mesures de réadaptation professionnelles
(ATF 140 V 246 consid. 7.3 et les références). En raison du renvoi que fait
l'art. 39 al. 3 LAI à l'art. 9 al. 3 LAI, les termes « comme enfants » signifient « avant l'âge de vingt ans révolus » (ATF 140 V 246 consid. 7.3.2 et les références).

6.1.1 Selon les Directives concernant les rentes (DR) de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale (valables dès le 1er janvier 2003, état au
1er janvier 2022), sont mises au bénéfice de la rente extraordinaire d’invalidité les personnes invalides de naissance ou dès leur enfance qui sont domiciliées en Suisse (art. 39 al. 1 LAI). Il s’agit des personnes invalides depuis leur naissance ou qui sont devenues invalides selon un taux justifiant l’octroi d’une rente avant le 1er décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle elles ont atteint 22 ans révolus, mais qui n’ont pas acquis le droit à une rente ordinaire (DR ch. 7006). Pour pouvoir prétendre à une rente extraordinaire d’invalidité, le ressortissant étranger invalide de naissance ou dès son enfance ne doit pas avoir forcément séjourné en Suisse depuis sa naissance. Les conditions d’octroi sont réalisées lorsque la personne concernée est entrée en Suisse avant le 1er janvier suivant l’accomplissement de ses 20 ans révolus. Toutefois, la rente extraordinaire AI ne peut être versée qu’une fois échu le délai de carence requis (DR ch. 7007).

Concernant la situation particulière des étrangers invalides ayant acquis le droit à des mesures de réadaptation avant l’âge de 20 ans, les directives précisent notamment qu’ont également droit à une rente extraordinaire d’invalidité les étrangers invalides qui, dans leur enfance, remplissaient les conditions d’octroi de mesures de réadaptation et qui pourraient ou auraient pu bénéficier de telles mesures de l’AI au plus tard jusqu’à leur 20ème anniversaire (art. 39 al. 3 LAI ; ATF 140 V 246 ; DR ch. 7102). Les personnes étrangères invalides de naissance ou depuis leur enfance peuvent ainsi prétendre à une rente extraordinaire d’invalidité au plus tôt dès le mois qui suit leur 18ème anniversaire si elles ont bénéficié ou auraient pu bénéficier jusque-là de mesures de réadaptation du fait qu’elles remplissaient les conditions de l’art. 9 al. 3 LAI (DR ch. 7103). En revanche, ces personnes n’ont pas droit à une rente extraordinaire de l’AI lorsque, avant leur 20ème anniversaire, elles ne pouvaient prétendre à des prestations en nature, soit parce qu’elles n’étaient pas invalides au sens de la loi, soit parce qu’elles ne remplissaient pas les conditions d’assurance (DR ch. 7104).

6.1.2 Quant à la Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité (ci-après : CIRAI, valable dès le 1er janvier 2022, état au 1er juillet 2022), elle prévoit entre autre que les assurés qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui, lors de la survenance du cas d’assurance, ne présentent pas encore la durée de cotisation requise de trois ans pour le droit à une rente ordinaire ont, le cas échéant, droit à une rente extraordinaire s’ils ont été assujettis sans interruption à l’assurance au plus tard depuis le 1er janvier qui suit leur
20ème anniversaire (date du début de l’obligation générale de cotiser ; art. 39 LAI et 42 LAVS). Cette condition de base s’applique à tous les assurés, quelle que soit leur nationalité. Les ressortissants des États avec lesquels la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale ainsi que les ressortissants israéliens doivent remplir, outre la condition de base, la condition suivante : avoir déjà rempli dans leur enfance (jusqu’à 20 ans) les conditions du droit aux mesures de réadaptation prévues à l’art. 9 al. 3 LAI (art. 39 al. 3 LAI ; cf. aussi ch. 7006ss et 7102ss DR). Soit la personne a déjà bénéficié de mesures de réadaptation avant cet âge, soit elle aurait à tout le moins pu y prétendre (CIRAI ch. 2104).

6.2 Aux termes de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.

Le moment de la survenance de l'invalidité doit être déterminé objectivement, d'après l'état de santé ; des facteurs externes fortuits n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance. La LAI ne repose pas sur une notion uniforme du cas d'assurance. Celui-ci doit être envisagé et déterminé par rapport à chaque prestation entrant concrètement en ligne de compte (« System des leistungsspezifischen Versicherungsfalles ») : il convient d'examiner pour chaque prestation pouvant entrer en considération selon les circonstances, au sens de l'art. 4 al. 2 LAI, quand l'atteinte à la santé est susceptible, de par sa nature et sa gravité, de fonder le droit à la prestation particulière (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les références).

Pour le droit à une rente extraordinaire de l'assurance-invalidité, l'invalidité est réputée survenue lorsque l'assuré a présenté une incapacité de travail d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (art. 28 al. 1
let. b LAI). Le droit à la rente ne prend pas naissance avant le mois qui suit le
18ème anniversaire de l'assuré (art. 29 al. 1 LAI) (ATF 140 V 246 consid. 7.1 et les références).

6.3 En vertu de l’art. 1a al. 1 let. a LAVS, les personnes physiques domiciliées en Suisse sont assurées à l’AVS.

Selon l’art. 3 al. 1 LAVS, les assurés sont tenus de payer des cotisations tant qu’ils exercent une activité lucrative. Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans ; cette obligation cesse à la fin du mois où les femmes atteignent l’âge de 64 ans, les hommes l’âge de 65 ans.

Aux termes de l’art. 50 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS - RS 831.101), une année de cotisations est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens des art. 1a ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps-là, elle a versé la cotisation minimale ou qu'elle présente des périodes de cotisations au sens de l'art. 29ter al. 2 let. b et c LAVS.

Selon l’art. 14 al. 2bis LAVS, les cotisations des requérants d'asile, des personnes admises à titre provisoire et des personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour n'exerçant pas d'activité lucrative ne peuvent être fixées et, sous réserve de l'art. 16 al. 1, versées que lorsqu'ils ont obtenu le statut de réfugié (let. a), lorsqu'ils ont obtenu une autorisation de séjour (let. b), ou lorsque, en raison de leur âge, de leur invalidité ou de leur décès, il naît un droit aux prestations prévues par la présente loi ou par la LAI (let. c).

Cette disposition vise à suspendre la perception des cotisations pour les requérants d’asile, les personnes admises pour raisons humanitaires ou à titre provisoire et les personnes à protéger sans autorisation de séjour n’exerçant pas d’activité lucrative. En cas de survenance de l’événement assuré notamment, les cotisations sont prélevées avec effet rétroactif dès la prise de domicile en Suisse mais sous respect du délai de prescription de cinq ans de l’art. 16 al. 1 LAVS. Cette mesure évite d’enregistrer les personnes n’exerçant pas d’activité lucrative et de percevoir des cotisations pour elles, sans pour autant les libérer d’une façon générale de l’obligation de cotiser. En cas de sinistre, les intéressés pourront prétendre aux prestations prévues dans la mesure où les conditions requises seront remplies. Les éventuelles prestations versées seront ainsi fonction des cotisations perçues rétroactivement (Message concernant la modification de la loi sur l’asile, de la loi fédérale sur l’assurance-maladie et de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 4 septembre 2002, FF 2002 6439).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             En l’espèce, dans sa décision litigieuse du 3 février 2022, l’intimé a retenu que la recourante avait présenté une incapacité totale de travail dans toute activité dès le mois d’août 2017, conformément aux conclusions du SMR, et fixé le moment de la survenance de l’invalidité au mois d’août 2018. Il a constaté que la recourante ne comptait pas trois années de cotisations et a conclu que les conditions d’octroi d’une rente ordinaire d’invalidité n’étaient pas réunies. Il a également nié le droit de l’intéressée à une rente extraordinaire, destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces.

8.1 La recourante ne conteste ni la date de la survenance de l’invalidité, ni le refus du versement d’une rente ordinaire. En revanche, elle considère qu’elle remplit les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire.

8.2 La Suisse n’ayant pas conclu de convention de sécurité sociale avec le Nigéria, la recourante ne peut prétendre à une rente extraordinaire d’invalidité que si l’exception prévue à l’art. 39 al. 3 LAI, lequel renvoie à l’art. 9 al. 3 LAI, est réalisée.

Il est rappelé que cette disposition définit les conditions d’assurance, lesquelles exigent notamment une durée minimale de cotisations ou de résidence en Suisse du ressortissant étranger, respectivement de son père ou de sa mère.

En l’occurrence, les parents de la recourante n’ont jamais résidé ou cotisé en Suisse, de sorte que l’intéressée ne peut remplir les conditions d’assurance que si elle satisfait elle-même aux exigences de durée minimale de cotisations ou de résidence ininterrompue en Suisse. Tel n’est manifestement pas le cas puisqu’en août 2018, soit au moment de la survenance de l’invalidité, la recourante ne comptait ni une année au moins de cotisations, son extrait de compte individuel AVS étant vierge, ni dix ans de résidence ininterrompue en Suisse, l’intéressée étant arrivée en 2016.

8.3 Enfin, la recourante soutient, sans produire le moindre document venant étayer ses allégations, avoir demandé son affiliation rétroactive au
1er janvier 2019.

La chambre de céans relèvera cependant que, même si la recourante pouvait obtenir une affiliation rétroactive, aucune cotisation ne pourrait être prélevée pour la période antérieure au 1er janvier 2019, l’intéressée, sans activité lucrative, ayant eu 20 ans le 24 décembre 2018. Or, la survenance de l’invalidité, qui remonte au mois d’août 2018, est antérieure.

8.4 Ainsi, au moment de la survenance de l’invalidité à l’issue du délai de carence d’une année prévu à l’art. 28 LAI, la recourante ne peut justifier ni d’une durée de cotisations d’une année ni de dix ans de résidence ininterrompue en Suisse.

9.             La décision litigieuse s’avérant bien fondée, le recours doit être rejeté.

Au vu du sort du recours, il y aurait en principe lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument selon l’art. 69 al. 1bis LAI. La recourante étant au bénéfice de l’assistance judiciaire, il convient cependant d’y renoncer selon
l’art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03] (ATAS/907/2022 du
14 octobre 2022 consid. 12 ; ATAS/596/2021 du 10 juin 2021 ; ATAS/291/2021 du 31 mars 2021 consid. 20 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 2018, n. 10 ad. art. 69 LAI).

Dès lors qu’elle succombe, la recourante n’a pas droit à des dépens (art. 61
let. g LPGA a contrario).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Maryline GATTUSO

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le