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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4113/2021

ATAS/1076/2022 du 07.12.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4113/2021 ATAS/1076/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 décembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à VERNIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Audrey PION

recourante

 

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

Monsieur B______, domicilié à CAROUGE

 

 

 

intimée


appelé en cause

 

 

EN FAIT

A. a. A______ SA (si après : la société ou la recourante) est inscrite au registre du commerce depuis le 4 juin 2014. Elle a pour but les conseils et services dans le secteur du génie civil, de la construction, réparations et démolition de bâtiments, entreprise générale, de même que toutes autres activités dans le domaine des travaux et de la tenue de chantier, vente et gérance de biens immobiliers. La société a été enregistrée contre les accidents professionnels auprès de la SUVA caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée) le 17 juillet 2014. Depuis le 24 février 2020, Monsieur C______ en est l’administrateur président et Monsieur D______ l’administrateur.

b. Monsieur B______ (ci-après : l’intéressé ou l’appelé en cause) a été inscrit au registre du commerce en entreprise individuelle le 16 août 2008, laquelle a été radiée le 27 juin 2008, après faillite. L’entreprise faisait des travaux de terrassement et de génie civil et louait des machines.

Dès le 16 février 2012, l’intéressé a été directeur de E______ SA, qui exploitait une entreprise de travaux publics ainsi que de divers travaux de génie civil et qui a été radiée le 21 juin 2017 du registre du commerce.

B. a. La SUVA a adressé un courrier à l’intéressé le 23 novembre 2011 l’informant avoir constaté qu’il effectuait régulièrement des travaux en sous-traitance pour F______ Sàrl. Elle devait en conséquence procéder à un nouvel examen de son statut en matière d’assurances sociales. Afin d’apprécier si son activité était de nature indépendante ou dépendante, il était prié de répondre à un questionnaire et de lui transmettre plusieurs documents.

b. Deux rappels ont été adressés à l’intéressé.

c. Le 8 mai 2012, la SUVA a informé celui-ci qu’au vu des pièces dont elle disposait, il était considéré comme exerçant une activité dépendante. Il était invité à informer ses employeurs que ceux-ci étaient tenus de décompter de son salaire les cotisations d’assurances sociales de l’AVS et de l’assurance-accidents.

C. a. La SUVA a informé la société le 26 juillet 2021 avoir constaté que l’intéressé avait été considéré à tort comme indépendant et elle lui a adressé le lendemain des factures après révision représentant les cotisations pour l’assurance-accidents obligatoire sur les montants qui avaient été facturés à la société par l’intéressé du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020.

b. Le 5 août 2021, l’administrateur de la société a formé opposition à ces factures, relevant que l’intéressé avait facturé son travail à la société et qu’il travaillait pour plusieurs de ses collègues qui disaient qu’il était indépendant et affilié. Il avait travaillé avec l’intéressé sur la base de la confiance et se retrouvait à devoir payer pour lui des cotisations.

c. Par décision du 18 août 2021, la SUVA a informé l’intéressé qu’il était considéré comme exerçant une activité dépendante pour la société et que son employeur était tenu de déduire les primes d’assurance de l’assurance obligatoire contre les accidents de son salaire. Le 25 juillet 2021, elle avait fait parvenir à cet effet une facture de prime à la société. En tant que partie prenante, il avait la possibilité de s’opposer à cette facture de prime dans le délai de 30 jours.

d. Le 7 octobre 2021, la SUVA a demandé à la société, dans le cadre de son opposition à la facture de prime après révision du 27 juillet 2021 concernant les rémunérations versées à l’intéressé, de lui transmettre la description détaillée de l’activité concrètement exercée par celui-ci pour elle ainsi que les factures établies par l’intéressé de 2016 à 2019.

e. Le 18 octobre 2021, la société a répondu à la SUVA que l’intéressé avait exécuté plusieurs terrassements pour ses chantiers et lui a transmis les factures de celui-ci.

f. Par décision sur opposition du 8 novembre 2021, la SUVA a rejeté l’opposition, considérant que la société aurait dû se faire confirmer le statut d’indépendant de l’intéressé avant de lui confier des travaux. Si elle s’était adressée à la caisse de compensation AVS, elle aurait appris que celui-ci n’était pas reconnu comme personne de condition indépendante.

D. a. Le 2 décembre 2021, la société a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice faisant valoir que l’intéressé avait une activité lucrative indépendante, car les travaux de terrassement réalisés par celui-ci nécessitaient des moyens lourds, tels que des camions, des pelles mécaniques et des engins de terrassement. Ces moyens d’exploitation représentaient des investissements personnels importants. La structure de l’intéressé s’apparentait à une organisation d’entreprise qui permettait de supposer une activité lucrative indépendante.

b. Par réponse du 16 décembre 2021, l’intimée a répondu que les pièces du dossier n’établissaient pas que l’intéressé avait fait des investissements. Le simple établissement de factures, au demeurant très sommaires, ne permettait pas d’admettre l’existence d’une véritable organisation d’entreprise. L’intimé concluait donc au rejet du recours.

c. Par réplique du 28 janvier 2022, la recourante a conclu à l’annulation des factures du 27 juillet 2021. L’intéressé avait toujours participé aux chantiers en qualité d’intervenant indépendant en charge de la phase préliminaire de terrassement, que la recourante n’était pas en mesure de faire, faute de posséder les machines nécessaires. L’intéressé utilisait ses machines et travaillait avec son propre matériel. Les mandats confiés à l’intéressé n’émanaient pas uniquement de la recourante. Il avait au moins été mandaté par deux autres sociétés. Les factures de l’intéressé indiquaient clairement qu’il était un prestataire de services avec ses propres coordonnées professionnelles. Elles étaient établies au gré des chantiers, sans régularité. L’intéressé supportait le risque économique de son entreprise. La recourante n’avait jamais donné d’instructions à celui-ci quant aux modalités d’exécution du mandat qui lui était confié pour le terrassement. L’intéressé était toujours intervenu de manière autonome, puisqu’il organisait son travail comme il l’entendait. Son indépendance était reconnaissable pour les tiers, notamment les employés de la recourante, mais également pour les personnes en charge de la gestion du chantier. Les échanges de courriels produits attestaient que les architectes mettaient sur un pied d’égalité la recourante et l’intéressé. Ce dernier n’avait en aucune manière été subordonné à la recourante. Son activité devait donc être qualifiée d’indépendante et les factures du 27 juillet 2021 devaient en conséquence être annulées.

d. L’intimée a dupliqué le 11 février 2022. Les pièces produites ne permettaient pas de démontrer qu’il existait un rapport de subordination entre l’intéressé et la recourante, en particulier le courriel de Monsieur G______. L’intéressé facturait systématiquement son travail directement à la recourante et non aux clients finaux, ce qui prouvait qu’il ne déployait pas son activité en son nom propre et pour son propre compte. Si l’extrait de la comptabilité de l’entreprise faisait état d’une variation des revenus dégagés par l’intéressé, il démontrait surtout la régularité de sa relation contractuelle avec la recourante. Son seul risque résidait dans le non-paiement de ses factures par la recourante. Il ne faisait dès lors aucun doute que durant les années en question, le risque encouru par l’intéressé s’apparentait à celui d’un salarié plutôt qu’à celui d’un indépendant.

e. Le 21 février 2022, la recourante a persisté dans ses offres de preuves.

f. Le 25 mai 2022, la chambre de céans a entendu M. D______, représentant la recourante, ainsi que l’intéressé, qu’elle a appelé en cause lors de l’audience. Ont également été entendus Monsieur H______ et Monsieur I______, tous deux employés de la recourante.

g. Le 15 juin 2022, la recourante a produit un chargé de pièces complémentaires contenant les devis et factures établis par l’appelé en cause. Elle a également renoncé à l’audition des témoins qui ne s’étaient pas présentés lors de l’audience du 25 mai 2022.

h. Le 28 juin 2022, l’intimée a persisté dans ses conclusions

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de l’intimée de réclamer à la recourante le paiement de primes de l’assurance-accidents obligatoire pour l’activité exercée par l’appelé en cause entre le 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020, singulièrement sur la question du statut de ce dernier (salarié ou indépendant).

4.              

4.1 Selon l’art. 1a LAA, les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre le risque d’accident. Est réputé travailleur au sens de cette disposition quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS – RS 831.10 ; art. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982, OLAA – RS 832.202). Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l’obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (cf. art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947, RAVS – RS 831.101).

Est considéré comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS).

Quant au revenu provenant d’une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6; ATF 123 V 161 consid. 1 et les références). Il n’existe toutefois aucune présomption juridique en faveur de l’activité salariée ou indépendante (Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD] édictées par l’OFAS, ch. 1020). La notion de dépendance englobe les rapports créés par un contrat de travail, mais elle les déborde largement (cf. GREBER, DUC, SCARTAZZINI, Commentaire des art. 1 à 16 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, 1997, n. 94 ad art. 4 LAVS et les références). Il peut en effet arriver qu’un tribunal civil qualifie une relation juridique de mandat ou de contrat d’entreprise, alors que l’assureur ou le juge social la considère comme un cas d’activité lucrative dépendante (ATF 97 V 134 consid. 3 ; Jean-Philippe DUNAND, in Commentaire romand de la LPGA, n. 56 ad art. 10).

Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination
du travailleur à l’égard de celui-ci, l’obligation de ce dernier d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée. On citera également la prohibition de faire concurrence et le devoir de présence (cf. DSD ch. 1015). Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 334/03 du 10 janvier 2005 consid. 6.2.1). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

Le risque économique encouru par l’entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d’évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l’entreprise. Constituent notamment des indices révélant l’existence d’un risque économique d’entrepreneur le fait que l’assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 6/05 du 19 mai 2006 consid. 2.3).

Un autre facteur concourant à la reconnaissance d’un statut d’indépendant est l’exercice simultané d’activités pour plusieurs sociétés sous son propre nom, sans qu’il y ait dépendance à l’égard de celles-ci (RCC 1982 p. 208). À cet égard, ce n’est pas la possibilité juridique d’accepter des travaux de plusieurs mandants qui est déterminante, mais la situation de mandat effective (cf. RCC 1982 p. 176 consid. 2b). En revanche, on part de l’idée qu’il y a activité dépendante quand des caractéristiques typiques du contrat de travail existent, c’est-à-dire quand l’assuré fournit un travail dans un délai donné, est économiquement dépendant de
l’« employeur » et, pendant la durée du travail, est intégré dans l’entreprise de celui-ci, et ne peut ainsi pratiquement exercer aucune autre activité lucrative (REHBINDER, Schweizerisches Arbeitsrecht, 12ème éd. p. 34 ss ; VISCHER, Der Arbeitsvertrag, SPR VII/1 p. 306). Les indices en ce sens sont l’existence d’un plan de travail déterminé, la nécessité de faire rapport sur l’état des travaux, ainsi que la dépendance de l’infrastructure sur le lieu de travail (RCC 1986 p. 126 consid. 2b, RCC 1986 p. 347 consid. 2d) ou, en cas d’activité régulière, dans le fait qu’en cas de cessation de ce rapport de travail, il se retrouve dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi (ATF 122 V 169 consid. 3c ; Pratique VSI 5/1996 p. 258).

4.2 Ni le droit suisse ni la jurisprudence ne donnent de définition précise de la sous-traitance. Selon la définition communément admise par la doctrine, le contrat de sous-traitance est le contrat d'entreprise par lequel une partie (le sous-traitant) s'engage à l'égard d'une autre (l'entrepreneur principal) à effectuer tout ou partie de la prestation de l'ouvrage que celui-ci s'est engagé à réaliser pour un maître (le maître principal; Peter GAUCH, Der Werkvertrag, 5ème éd. 2011, n. 137 p. 53; Pierre TERCIER/ Pascal G. FAVRE, Les contrats spéciaux, 4ème éd. 2009, p. 644, n. 4290 ; voir également François CHAIX, Le contrat de sous-traitance en droit suisse, 1995, p. 85 ss. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_782/2014 du 25 août 2015 consid. 6.1.1).

Entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, la relation est régie par un contrat d'entreprise au sens de l'art. 363 du code des obligations (CO - RS 220), la seule particularité tenant au fait que c'est un entrepreneur (à l'égard du maître) qui tient le rôle du sous-traitant. Ce contrat étant totalement indépendant du contrat principal passé entre le maître et l'entrepreneur principal, en vertu du principe de la relativité des conventions (ATF 124 III 64, JdT 1998 I 612), c'est donc l'entrepreneur principal qui répond à l'égard du maître principal de l'exécution des travaux effectués par les sous-traitants ; ceux-ci sont en effet des auxiliaires de l'exécution (art. 101 CO ; ATF 116 II 305, JdT 1991 I 173). Pour sa part, en l'absence de convention contraire (par ex. sous forme d'une clause indépendante de garantie du sous-traitant envers le maître principal), le sous-traitant répond uniquement à l'égard de l'entrepreneur principal des éventuels défauts de l'ouvrage (art. 367 ss CO ; Pierre TERCIER/ Pascal G. FAVRE, op. cit. n. 4294 ss).

Se référant à la doctrine, le Tribunal fédéral des assurances a considéré, dans son arrêt H 169/04 du 21 avril 2005, que les sous-traitants et les tâcherons sont généralement réputés exercer une activité dépendante. Ils sont seulement considérés comme personnes exerçant une activité indépendante s'il est prouvé que les caractéristiques de la libre entreprise dominent manifestement et si l'on peut admettre, d'après les circonstances, qu'ils traitent sur un pied d'égalité avec l'entrepreneur qui leur a confié le travail (consid. 4.4). Cette jurisprudence a été confirmée, à plusieurs reprises par la suite (arrêts du Tribunal fédéral 8C_484/2010 du 12 mai 2011 consid. 3.3 ; 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.5, 8C_367/2011 du 12 avril 2012 consid. 2.4 ; 8C_597/2011 du 10 mai8 2012 consid. 2.3 ; 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2).

À chaque fois, le Tribunal fédéral s’est demandé si l’intéressé, qui se prétendait indépendant et intervenait en qualité de sous-traitant, traitait sur un pied d’égalité avec les entreprises principales. Lorsque l’intéressé intervenait majoritairement pour des particuliers, son statut était celui d’indépendant. Lorsqu’il œuvrait principalement, voire exclusivement, en qualité de sous-traitant, il était considéré comme salarié.

Dans un arrêt du 27 février 1970, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu’en présence d’un dossier ne contenant ni convention ni décomptes écrits, on ne pouvait déduire de la simple production de quittances signées par un sous-traitant que celui-ci formait, avec un associé, une société simple mandatée par l’entrepreneur principal. Aussi le TFA a-t-il jugé que les associés A et B ne traitaient pas sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur qui leur avait confié le travail, d’autant que la preuve d’une activité indépendante n’avait pas été apportée (RCC 1970 p. 369-370).

Dans le secteur du gros-œuvre et du second œuvre, la question de savoir si le sous-traitant traite sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur principal dépend notamment de la question de savoir qui répond de l’exécution défectueuse des travaux vis-à-vis du maître de l’ouvrage (arrêt du Tribunal fédéral H 191/05 du 30 juin 2006 consid. 4.1).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.              

5.1 En l’espèce, il ressort des déclarations de l’administrateur de la recourante à la chambre de céans qu’il ne s’est pas assuré du fait que l’appelé en cause avait un statut d’indépendant, se contentant de le croire sur parole sur cette question, au motif qu’ils se connaissaient de longue date.

L’appelé en cause admet qu’il n’avait pas le statut d’indépendant, précisant qu’il pensait que l’administrateur le croyait indépendant, car il l’avait été jusqu'en 2017. Il savait qu’il fallait avoir le statut d'indépendant et était conscient de travailler sans cette attestation dès 2017, mais il avait fait ce choix, car il avait besoin de revenus pour subvenir à ses besoins.

5.2 Le fait que les témoins entendus par la chambre de céans, tous deux employés de la recourante, aient pu penser que l’appelé en cause était indépendant n’est pas déterminant. Il convient d’examiner cette question, sur la base des critères développés par la jurisprudence.

5.2.1 Selon ses dires, l’appelé en cause a également travaillé pour d'autres personnes pendant la période en cause, mais ses revenus provenaient à 80% de la recourante. Ces déclarations sont confirmées par la comptabilité de la recourante, dont il ressort qu’il a travaillé régulièrement pour elle, en particulier entre 2017 et 2019. Une collaboration régulière constitue un indice de rapport de dépendance.

5.2.2 L’appelé en cause a déclaré qu’après la faillite de E______ SA, il avait continué son activité et n'avait plus qu'une machine. Il avait des locaux à J______ où se trouvaient les machines. Il bricolait un peu. Une dame s'occupait des papiers. Il louait des machines de terrassement et n’avait pas de chantiers importants. Il utilisait également une machine de la recourante qui permettait de faire des petits terrassements. Il ressort des déclarations qui précèdent que l’appelé en cause n’a pas procédé à des investissements importants. Le simple établissement de factures ne permet en outre pas d’admettre l’existence d’une véritable organisation d’entreprise.

5.2.3 La recourante a fait valoir que les architectes la mettaient sur un pied d’égalité avec l’appelé en cause. Elle a produit à cet égard deux courriels de M. G______. Dans le premier, daté du 5 août 2016, celui-ci demandait à l’appelé en cause de préparer un devis pour faire le ménage sur un chantier. Dans le second, daté du 4 septembre 2016, qui était adressé à l’appelé en cause, au fils de celui-ci et à l’administrateur de la société, il leur demandait de faire le ménage sur ledit chantier.

L’appelé en cause a déclaré n’avoir jamais travaillé directement pour M. G______, mais toujours par le biais de la société et que si ce dernier lui avait donné des instructions, c'était pour des chantiers de la recourante. Il lui avait demandé un devis, mais ne l’avait pas accepté.

L’on ne peut déduire de ces seuls courriels que l’appelé en cause était traité à égalité avec l’administrateur de la recourante. Il ne ressort en effet pas du dossier que l’appelé en cause traitait sur pied d’égalité avec l’administrateur de la recourante, quand bien même ils se connaissaient depuis longtemps, ayant été collègues quelques années. En effet, l’appelé en cause était dans une situation financière difficile et il dépendait notamment de l’administrateur de la recourante pour obtenir du travail dont il avait besoin pour subvenir à ses besoins. La situation financière de la recourante était meilleure, puisqu’elle obtenait des mandats et ne travaillait pas comme sous-traitante. Dans ces circonstances, l’activité de l’appelé en cause doit être qualifiée d’activité dépendante, selon la jurisprudence.

5.2.4 L’appelé en cause a encore déclaré que sur les chantiers, l’administrateur de la recourante lui donnait des instructions et des ordres précis, ce qui démontre un lien de subordination, qui constitue encore un indice d’activité dépendante.

Enfin et surtout, il apparaît que l’appelé en cause n’a pas encouru de risque économique, la recourante devant rendre seule des comptes aux entreprises qui l’avaient mandatée.

5.2.5 Au vu de ce qui précède, et conformément aux jurisprudences susmentionnées, il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’appelé en cause n’a pas eu une activité indépendante pour la recourante et les rémunérations qui lui ont été versées par celle-ci ont été correctement considérées comme du salaire par l’intimée, de sorte que le rattrapage de cotisation auquel elle a procédé, par décisions du 27 juillet 2021, doit être confirmé.

6.             Il convient encore de s’assurer que la prétention de l’intimée n’était pas prescrite.

6.1 L’art. 16 LAVS distingue la prescription du droit de fixer les cotisations (al. 1), de recouvrer les cotisations (al. 2) et de réclamer la restitution des cotisations indues (al. 3).

Selon l’art. 16 al. 1 LAVS, les cotisations dont le montant n’a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l’année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S’il s’agit de cotisations visées aux art. 6, al. 1, 8, al. 1, et 10, al. 1, le délai n’échoit toutefois, en dérogation à l’art. 24, al. 1, LPGA, qu’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d’un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant.

6.2 En l’occurrence, l’intimée a facturé les cotisations pour les années 2017 à 2020, le 26 juillet 2021, soit dans le délai légal de cinq ans prévu par l’art. 16 al. 1 LAVS.

Cette décision n’étant pas entrée en force, le délai de prescription pour recouvrer la créance de cotisation au sens de l’art. 16 al. 2 LAVS n’a pas encore commencé à courir.

7.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le