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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1242/2022

ATAS/894/2022 du 11.10.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1242/2022 ATAS/894/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 octobre 2022

15ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, B______, ______, GENÈVE

 

recourante

 

contre

GASTROSOCIAL, CAISSE DE PENSION, sis Buchserstrasse 1, AARAU

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ SA (ci-après : la société) exploite l’établissement B______ depuis le 2 décembre 2011.

b. Le 5 juin 2020, Monsieur C______ est devenu administrateur avec signature individuelle de la société (extrait du registre du commerce) et employé de celle-ci à 100%.

c. La société ne lui a jamais versé de salaire. Elle a néanmoins établi des fiches de salaire dès le mois de juin 2020 en indiquant les montants qu’il aurait dû recevoir et les montants des cotisations sociales dues sur ces montants. La société a établi une fiche de salaire pour le mois d’août 2020 faisant état d’un salaire brut de CHF 7'580.-, une fiche pour le mois de septembre 2020 avec le même montant et une fiche relative au salaire d’octobre 2020 identique.

d. Du mois d'août au mois de décembre 2021, l’établissement a été fermé en raison d’une décision sanctionnant le travail au noir.

B. a. Le 3 janvier 2022, la société a demandé l'octroi d'une allocation pour perte de gain due au coronavirus (ci-après : APG-COVID) pour son employé avec une position assimilable à celle d'un employeur, M. C______, à partir du 17 septembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2021, à la caisse de pension GASTROSOCIAL (ci-après : la caisse). Dans sa demande, l’employeur indiquait que M. C______ avait reçu des salaires de CHF 5'760.- par mois dès le mois de septembre 2020 jusqu’au 31 décembre 2021.

b. Dans une autre demande d’APG-COVID relative au mois de mai 2021 adressée à la caisse le 28 mai 2021, l’employeur a indiqué que M. C______ avait droit à un salaire de CHF 7’580.- qu’il ne pouvait pas lui verser à cause de la fermeture de son établissement.

c. Par plusieurs décisions du 7 janvier 2022, la caisse a refusé d’octroyer des APG-COVID pour la période du 17 septembre 2020 au 31 décembre 2021 au motif que, à teneur de ses fiches de salaire, M. C______ avait reçu tous ses salaires de sorte qu’il n'avait subi aucune perte de salaire pendant la période susmentionnée, étant précisé que pour la période du 1er août 2021 au 31 décembre 2021, l’établissement avait été fermé par le service de police du commerce et non en raison des mesures sanitaires.

d. Le 13 janvier 2022, la société a fait opposition en indiquant n’avoir jamais versé le moindre salaire à M. C______, relevés bancaires à l’appui. Les montants déclarés sur les certificats de salaire et à la caisse étaient les montants que l’employé dirigeant aurait dû percevoir si la société avait pu verser des salaires.

e. Le 19 janvier 2022 et le 23 février 2022, la caisse a demandé à la société si elle avait au moins versé un salaire à son employé dirigeant avant le mois de septembre 2020, en précisant que pour pouvoir prétendre à des indemnités APG-COVID, une société ayant débuté son exploitation ou repris une exploitation doit avoir versé au moins un salaire soumis à l’AVS à l’employé pour lequel les indemnités APG-COVID sont demandées.

f. Par lettre du 23 février 2022, la société a indiqué n’avoir jamais versé de salaire à son employé dirigeant depuis le mois de juin 2020. Ledit employé a également attesté par écrit ce fait.

g. Dans une unique décision du 14 mars 2022, la caisse a rejeté les oppositions formées contre les décisions du 7 janvier 2022, au motif que l’employé dirigeant de la société n’avait pas perçu de salaire de sorte qu’il ne pouvait pas prétendre à des indemnités APG-COVID. Elle a exposé que selon la loi, peuvent prétendre à l'allocation, les indépendants et les personnes dont la position est assimilable à celle d'un employeur qui sont frappés par une perte de gain ou de salaire. Faute de salaire, l’employé dirigeant ne pouvait pas dans ce cas prétendre à des APG-COVID. En ce qui concernait la période du 1er août 2021 au 31 décembre 2021, la demande était rejetée au motif qu'il n'existait aucun contexte justifiant le droit à l'indemnité, l’activité ayant été arrêtée sur décision de la police du commerce en raison de travail au noir. Le droit à l'allocation pour perte de gain en raison de la fermeture d'une entreprise n'existe en effet que pour les fermetures d'entreprises qui résultent d'une décision de l'autorité fédérale ou cantonale fondée sur l'art. 6, al. 2, let. a et b, et l'art. 40 LEP (loi sur les épidémies ; chiffre 1041 Circulaire relative à l'indemnisation des mesures de lutte contre le coronavirus - Allocation pour perte de gain coronavirus).

C. a. Par acte du 20 avril 2022, la société a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision pour les motifs invoqués précédemment. Elle n’avait pas pu payer de salaire à son employé dirigeant depuis l’engagement de ce dernier en juin 2020.

b. Dans sa réponse du 12 mai 2022, la caisse a conclu au rejet du recours.

c. Un délai au 8 juin 2022 a été imparti à la société pour consulter le dossier et se déterminer si elle le souhaitait. Cette dernière n’a pas fait d’observation.

d. La cause a dès lors été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations perte de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

1.2 La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître des recours (ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

1.3 La question de la qualité pour recourir de la société employeuse, laquelle n’est pas l’ayant-droit de l’APG-COVID peut rester ouverte au vu sort du litige (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 2022 9C_356/2021 consid. 1.4.1 et suivants).

1.4 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant à l’employé dirigeant de la recourante le droit aux APG-COVID pour les mois de septembre 2020 à décembre 2021, plus particulièrement sur la question de savoir si l’administrateur ayant un rôle assimilable à l’employeur remplit les conditions de revenu pour prétendre à l’APG-COVID.

2.1 En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RS 818.101.24 ; RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; RO 2020 773).

2.2 Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en ordonnant la fermeture des restaurants, bars, discothèques et boîtes de nuit (art. 6 al. 1 et 2).

2.3 Le 19 juin 2020, à la suite d’une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la « situation extraordinaire » en « situation particulière » et restructuré ses mesures notamment en édictant l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26). Selon cette ordonnance, chaque personne était tenue de respecter les recommandations de l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : l’OFSP) en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de COVID-19 (art. 3). Ces recommandations comprenaient notamment le maintien des distances, le port du masque et le respect du nombre maximum de personnes. Si possible, les personnes devaient se rencontrer à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur

2.4 Après un certain assouplissement des mesures durant l’été 2020, la situation sanitaire s’est à nouveau dégradée durant l’automne 2020, contraignant les autorités à prendre de nouvelles mesures (al. 2).

2.5 À partir du 22 décembre 2020, les restaurants, établissements culturels et sportifs, ainsi que les lieux de loisirs ont dû fermer leurs portes.

2.6 Au vu de l’évolution favorable de la situation épidémiologique, les mesures ont été assouplies les 19 avril et 31 mai 2021. Les restaurants et centres thermaux ont notamment pu rouvrir et les événements publics ont pu accueillir jusqu’à 300 personnes. Le 26 juin 2021, l’ordonnance COVID-19 situation particulière a été révisée en profondeur : le télétravail n’était plus obligatoire, au restaurant le nombre de personnes à chaque table n’était plus limité, les restrictions de la capacité d’accueil et le nombre de participants aux grandes manifestations avec certificat COVID étaient levées, le port du masque plus obligatoire, l’obligation de porter le masque et de respecter les distances était abrogée pour les activités sportives et culturelles et il n’y avait plus de restriction à l’enseignement présentiel dans les universités et établissements de formation.

3.              

3.1 Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral a en outre édicté l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), qui est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020 pour une période d’application limitée au 31 décembre 2021 (art. 11).

3.2 Selon l’art. 2 al. 3, dans sa teneur au 17 septembre 2020, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA ont droit à l’allocation perte de gain, pour autant qu’elles soient assurées au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a) et si elles subissent une perte de gain ou de salaire (let. b).

S’agissant de cette deuxième condition, la chambre de céans a rappelé, dans un arrêt du 4 mars 2021 (ATAS/177/2021), que l’APG-COVID était subordonnée notamment à la condition de l'exercice d'une activité indépendante au moment de l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, de manière à exclure du bénéfice des allocations une activité indépendante qui aurait démarré après le 17 mars 2020 et qui, par ce biais, aurait éventuellement vu son commencement motivé par l'expectative de percevoir des allocations pour compenser les mesures sanitaires restreignant ou empêchant cette activité d'entrée de cause.

3.3 En vertu de l’art. 5 de l’ordonnance, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie (al. 2).

3.4 L’application des art. 2 al. 3 let. b l’ordonnance, qui conditionne le droit à l’indemnisation à une perte de gain ou de salaire (let. b), et 5 al. 1, qui prévoit que l’indemnité équivaut à 80%, n’ouvre pas le droit à une indemnité lorsque celui qui la réclame n’a pas perçu de revenu avant la période pour laquelle l’APG-COVID est demandée. Pour les ayants droit exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 2, al. 1bis, let. b, ch. 2, al. 3, 3bis ou 3quinquies, non visés à l’al. 2bis, le revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 est déterminant pour le calcul de l’allocation (art. 2ter).

3.5 Le droit à l'APG COVID pour les personnes assurées ayant une position similaire à celle d'un employeur est subsidiaire au maintien du salaire par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_356/2021 du 10 mai 2022 consid. 5.3.5 et également 5.3.4.2).

3.6 Le 25 septembre 2020, le Parlement a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (ci-après : loi COVID-19 - RS 818.102) dont l’art. 15 al. 1, dans sa version au 1er juillet 2021, stipule que le Conseil fédéral peut prévoir le versement d’allocations pour perte de gain aux personnes qui doivent interrompre ou limiter de manière significative leur activité lucrative à cause de mesures prises pour surmonter l’épidémie de COVID-19. Seules les personnes frappées par une perte de gain ou de salaire et qui, dans leur entreprise, ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 30% par rapport au chiffre d’affaires moyen des années 2015 à 2019 sont considérées comme ayant dû limiter de manière significative leur activité lucrative.

3.7 Il ressort notamment de l’avant-propos à la version 18 de la Circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus – Corona-perte de gain (ci-après : CCPG), valable à partir du 17 septembre 2020, qu’à compter du 23 juin 2021, date de modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, il n’existait presque plus de mesures de restrictions prises par les autorités. En conséquence, les caisses de compensation devaient apporter une attention particulière aux motifs invoqués par les assurés pour le droit fondé sur la limitation significative de l’activité lucrative, ces motifs devant être en lien avec les mesures de lutte contre le Coronavirus.

3.8 Dans le cas d’espèce, il est établi que l’employé assimilable à un employeur a commencé à travailler pour la société recourante le 5 juin 2020, alors que les premières mesures prises par les autorités en raison du COVID-19 avaient été assouplies. Il n’a, à teneur des déclarations de l’employeuse qu’il a confirmées par écrit, jamais reçu de salaire, malgré des fiches de salaire indiquant qu’il aurait reçu CHF 7'580.- en août, septembre et octobre 2020 et la mention d’un salaire de CHF 5'760.- dès le mois de septembre 2020 figurant dans la demande d’APG-COVID rédigée par son employeuse.

La société recourante a d’ailleurs justifié sa demande d’APG-COVID en faveur de son administrateur par l’impossibilité de lui verser son salaire, en raison d’une perte de travail ayant résulté de mesures prises par les autorités dès le mois de septembre 2020.

Si l’on retient comme l’allèguent la recourante et son employé que ce dernier n’a, malgré sa prise d’emploi, jamais perçu de salaire notamment en juin, juillet et août 2020, soit durant les mois ayant précédé ceux à partir desquels la société employeuse a demandé l’APG-COVID en raison de l’impact de la pandémie et des nouvelles mesures prises par les autorités, il s'ensuit que l'intéressé ne remplit pas la condition de la perte de gain prévue par l'art. 2 al. 3 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. En effet, seul celui qui subit une perte de salaire par rapport au salaire préalablement perçu peut prétendre à des APG-COVID, ce qui n’était pas le cas de l’administrateur de la recourante. Le montant de l’APG-COVID serait d’ailleurs nul (80% de 0.- ; cf. consid. 3.3).

Il en irait de même si la société avait pu verser son salaire à son employé - comme indiqué dans les fiches de salaire – puisque seule la perte de salaire peut justifier l’octroi d’APG-COVID (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_91/2022 du 22 juin 2022).

Par surabondance, l’on précisera que, durant la période d’août 2021 à décembre 2021, l’administrateur n’aurait en outre pas pu prétendre à des APG-COVID dans la mesure où la fermeture du bar qu’il exploitait était due à une décision des autorités administratives sans lien avec la pandémie.

3.9 La décision querellée a ainsi été prise en conformité à la législation en vigueur et est bien fondée.

4.             Il en résulte que c’est à juste titre que l’intimée a rejeté la demande d’APG-COVID pour les mois de septembre 2020 à décembre 2021.

Infondé, le recours sera rejeté.

 

***

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

1.        Le rejette dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le