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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4264/2020

ATAS/325/2022 du 08.04.2022 ( LAMAL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4264/2020 ATAS/325/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 avril 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés à THÔNEX

 

recourants

contre

 

ASSURA, sise le MONT-SUR-LAUSANNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame B______, née en France en 1948, et Monsieur A______, né en Argovie en 1938 (ci-après : les assurés), se sont mariés à Genève en 1972. Selon la base de données Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), ils se sont établis au 1______ avenue C______, à Thônex le 1er juillet 2018, en provenance d’Ambilly, France. Leurs fils, Monsieur D______, était domicilié au 1______ avenue
C______, jusqu’à son départ pour Ambilly le 1er novembre 2011.

b. Selon le registre du commerce, les assurés et leur fils sont tous les trois administrateurs de la société E______ SA, avec siège au 1______ avenue C______, à Thônex, et ayant pour but la réalisation d’affaires commerciales touchant des marchandises telles que biens de consommation, machines, équipements techniques et matières premières.

B. a. Les assurés ont entrepris des démarches en vue de leur affiliation dès le 1er juillet 2018 pour l’assurance obligatoire des soins auprès d’Assura-Basis SA
(ci-après : l'assurance). Dans ce cadre, ils lui ont notamment adressé plusieurs demandes de renseignements.

b. L'assurance a établi des polices d’assurance en faveur des assurés courant dès le 14 novembre 2018. Elle leur a facturé un supplément de prime en raison de leur affiliation tardive, sanction qu’elle a, dans un premier temps, confirmée par décision du 8 mai 2019. À la suite de nombreux échanges de courriers avec les assurés, l'assurance a en définitive annulé ce supplément de prime par courrier du 29 août 2019, en confirmant l'affiliation des intéressés à l'assurance obligatoire des soins dès le 1er juillet 2018. Elle n’a pas rendu de décision sur opposition formelle sur ce point, en dépit de la demande des assurés.

c. Par courrier du 24 septembre 2019, l’assurance a accepté à titre exceptionnel de maintenir l’entrée en vigueur de l’assurance obligatoire des soins des assurés au 14 novembre 2018. L’assurance a confirmé en outre que le supplément de prime était annulé et qu’il leur serait remboursé.

C. a. L’assuré a été hospitalisé au Centre hospitalier Alpes-Léman (CHAL), sis à ______, France, du 3 au 5 août 2019. Il a par la suite bénéficié d’analyses de laboratoire et d’une consultation de suivi en France. Les originaux des factures relatives à ces prestations, lesquelles mentionnaient une adresse de l’assuré à Ambilly, ont été transmis par celui-ci à l'assurance pour remboursement le 14 janvier 2020.

b. Par décompte de prestations du 28 février 2020, l'assurance a refusé la prise en charge de ces factures, arguant que les traitements à l’étranger n’étaient remboursés que s’ils étaient nécessaires du point de vue médical. Il s’en est suivi un nouvel échange de correspondances avec les assurés, qui ont en substance allégué le caractère urgent de l’hospitalisation. Ils ont en outre à plusieurs reprises exigé la restitution par l'assurance des factures originales qu’ils lui avaient adressées. Cette dernière leur a renvoyé des copies qu’elle a certifiées conformes aux factures reçues, exposant qu’elle avait opté pour la gestion électronique des dossiers, qui impliquait le scannage des documents reçus puis la destruction des pièces originales.

c. Par courrier du 1er mai 2020, l’assurance a expliqué à l’assuré qu’il ne bénéficiait pas d’une couverture et de la prise en charge des soins médicaux lorsqu’il se rendait dans un autre Etat pour se faire traiter. Or, il apparaissait qu’il s’était rendu le 3 août 2019 au CHAL alors même qu’étant légalement domicilié à Thônex, les Hôpitaux universitaires de Genève se situaient à environ cinq kilomètres de son domicile. Il avait également consulté ledit centre le 29 août 2019. Quant au laboratoire d’analyses biologique Mirialis, il était situé à Gaillard (France).

d. Par décision du 11 septembre 2020, l'assurance, se fondant sur le contenu d’un courrier des assurés du 16 septembre 2019, a considéré que ceux-ci n’étaient pas domiciliés en Suisse et a par conséquent résilié leurs polices au 14 novembre 2018. Pour ce motif, elle ne pouvait pas prendre en charge les soins prodigués en France en été 2019. Elle a pour le surplus réitéré ses explications sur la gestion électronique des dossiers.

e. Les assurés ont contesté cette décision par opposition du 16 octobre 2020, que l'assurance a rejetée par décision du 2 décembre 2020.

D. a. Par écriture du 15 décembre 2020, complétée le 16 janvier 2021, les assurés ont interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à ce qu’il soit reconnu que l’assurance avait résilié les polices à tort, que ses agissements étaient abusifs, que les assurés étaient légalement domiciliés à Thônex et que les polices d’assurance du 7 janvier 2021 soient acceptées, ainsi qu’à l’allocation de dépens pour les frais encourus dans le cadre de la défense de leurs intérêts.

À l’appui de leur recours, les intéressés ont notamment produit :

-          un courrier des assurés du 27 juin 2019 par lequel ces derniers souhaitaient que l’assurance leur confirme que toute personne qui quitte son domicile en Suisse n’est plus soumise à l’assurance obligatoire des soins dès la date de son départ ;

-          une note d’honoraire de « Mirialis Biologie médicale » du 14 août 2019 pour un montant de EUR 29.56, adressée à l’assuré, sis au 2______ rue F______, Ambilly ;

-          une facture du 27 août 2019 du CHAL pour un montant de EUR 2'112.- à titre de « frais de séjour » pour « urgence médicale », adressée à l’assuré, sis au 2______ rue F______, Ambilly ;

-          un reçu de paiement du CHAL daté du 29 août 2019 pour un montant de EUR 30.- ;

-          une note d’honoraire de « Mirialis Biologie médicale » du 5 septembre 2019 pour un montant de EUR 238.24, adressée à l’assuré, sis au 2______ rue F______, Ambilly ;

-          un courrier des assurés du 16 septembre 2019, informant l’assurance de ce qu’ils avaient quitté la Suisse en 1975 et y étaient « revenus temporairement en date du 1er juillet 2018 venant de France pour [leur] permettre de régler plus facilement sur place certaines affaires personnelles sans toutefois avoir l’intention de [s]’y installer. D’ailleurs [ils] n’av[aient] jamais emménagé en Suisse et tous [leurs] meubles et effets personnels se trouv[aient] toujours à l’étranger. Dans [leur] cas, lors de [leur] départ de Suisse, il ne s’agir[ait] donc pas d’un transfert de [leur] domicile dans un État de l’UE/AELE [ ], puisqu’[ils] y [étaient] déjà installés ». Ils ont ajouté qu’ils étaient « actuellement couverts par une assurance en France et par une autre en Suisse, ce qui n’[était] pas normal ».

-          une facture du 19 novembre 2019 du CHAL pour un montant de EUR 2'855.94 à titre d’« autres prestations » pour « urgence médicale », adressée à l’assuré, sis au 2______ rue F______, Ambilly ;

-          des attestations de domicile de l’OCPM des assurés attestant d’une date d’arrivée à Thônex le 1er juillet 2018 ;

-          des cartes de vote des assurés pour la votation du 27 septembre 2020.

b. Dans sa réponse du 16 février 2021, l'assurance a conclu au rejet du recours.

c. Les assurés ont répliqué le 22 mars 2021, en prenant de nouvelles conclusions tendant au versement d'un dédommagement ainsi qu’à la prise en charge par l’intimée de leurs frais de défense, qu'ils ont ensuite chiffrés à CHF 15'663.75 selon un décompte transmis à la chambre de céans le 6 avril 2021.

À l’appui de leur réplique, ils ont notamment produit :

-          un courrier d’Assura du 31 décembre 2020, informant les assurés qu’elle acceptait de remettre en vigueur l’assurance obligatoire des soins au 29 juillet 2020, étant précisé qu’il appartiendrait à la chambre de céans de trancher la question de leur domiciliation pour les années 2018 et 2019 et de fixer la date de leur résidence effective en Suisse en 2020 ;

-          une police d’assurance d’Assura pour l’assurance obligatoire des soins entrée en vigueur le 29 juillet 2020 ;

-          un courrier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, daté du 8 février 2021 et adressé à l’assuré à l’adresse, sise 2______ rue F______ à Ambilly, contenant des informations sur la vaccination du COVID-19.

d. Par duplique du 26 avril 2021, l'assurance a souligné qu’il ne lui appartenait pas de prendre en charge d’autres frais que ceux dont le remboursement était prévu par la législation sur l’assurance-maladie.

e. Par déterminations du 29 avril 2021, les assurés ont persisté dans leurs conclusions.

f. Le 5 janvier 2022, sur demande de la chambre de céans, le Service de
l'assurance-maladie (ci-après : SAM) a produit un rapport d’entraide administrative interdépartementale de l’OCPM du 18 décembre 2020. D’après les conclusions de cette enquête, les assurés résideraient effectivement et de façon permanente à l’avenue C______ 1______, 1226 Thônex. Après avoir interrogé les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) au sujet de la consommation d’électricité de l’appartement depuis 2018, ils avaient constaté que l’énergie consommée au sein du logement en question, d’une moyenne annuelle de 1'560 kWh de 2018 à 2020, ne correspondait pas à la consommation moyenne par an et pour un ménage similaire soit d’environ 2’610kWh pour deux personnes. Ils s’étaient présentés à 10h30 le 17 décembre 2020, mais personne n’était présent. Ils avaient néanmoins constaté que les noms « E______ A______ » étaient effectivement inscrits sur la boîte aux lettres et la porte palière de l’appartement. Le concierge avait précisé les voir tous les jours. L’enquête de voisinage avait permis d’avoir plusieurs confirmations quant à la présence effective des concernés. D’après les registres de la poste, ces derniers recevaient, de façon correcte, leurs courriers à l’adresse dont il était question. Aucun ordre de réexpédition, de changement d’adresse ou de garde de courrier n’avait été établi au nom des assurés.

g. Le 21 février 2022, invités à se déterminer sur le rapport du SAM, les assurés ont persisté dans leurs conclusions.

h. Le 23 février 2022, l’assurance a relevé que si les assurés occupaient l’appartement de Thônex une partie de la journée, c’était principalement pour des raisons professionnelles et pour y retirer les envois qui leur étaient destinés, mais sans pour autant y résider de manière permanente. Seulement deux kilomètres séparaient les deux communes de Thônex et d’Ambilly, ce qui permettait aux assurés de résider alternativement en Suisse ou en France. L’électricité consommée ne correspondait du reste pas à la consommation moyenne pour un couple.

i. Le 21 mars 2022, la chambre de céans a entendu les parties à une audience de comparution personnelle, lors de laquelle l’assuré a déclaré avoir quitté officiellement la France pour l’appartement de Thônex le 15 mai 2018. Le départ avait été annoncé à la Sécurité sociale française et au Centre des finances publiques, ainsi que l’attestaient les pièces déposées à l’audience. Il a affirmé habiter avec son épouse à l’appartement de Thônex. Il s’agissait d’un appartement de 72 m2 composé de trois pièces, plus une cuisine. Leur fils venait leur rendre visite de temps en temps mais il habitait dans un appartement en France, sis rue F______ 2______ à Ambilly. Il travaillait à Genève en qualité d’employé de commerce. L’appartement français était composé de deux appartements réunis, comprenant en tout quatre pièces, plus une cuisine. Les assurés ont indiqué qu’ils ignoraient depuis quand leur fils était propriétaire de l’appartement en France. Ils ont précisé que c’était la procédure d’obtention d’une rente AVS qui les avait motivés à s’installer en Suisse. Leurs meubles se trouvaient toujours en France dans un garage, car ils ne savaient pas où les mettre. Ils avaient été très mal accueillis à Genève, de sorte qu’ils ne savaient pas combien de temps ils allaient rester. Il était « fort probable » qu’ils allaient quitter Genève « tôt ou tard ». Lors de l’hospitalisation de l’assuré en août 2019, ils étaient chez leur fils à Ambilly. L’assuré avait eu une urgence médicale durant la nuit. Le cabinet médical de leur médecin-traitant, le Dr G______, était situé aux Eaux-Vives. Ils contestaient être assurés en France, bien que la sécurité sociale française leur envoyait toujours des courriers. S’agissant des factures d’électricité, ils n’avaient ni télévision, ni machine à laver, ni séchoir. Ils ont refusé de répondre à la question de savoir si leur fils était marié et s’il avait des enfants. Sur question de l’intimée, ils ont répondu qu’ils ignoraient s’ils étaient encore assurés en France, précisant que leur revenu était en-dessous du seuil. Ils n’avaient qu’une seule connaissance à Genève, qu’ils ne voyaient pas régulièrement. Ils ne sortaient jamais, faute de moyens. Ils refusaient de répondre à la question de savoir comment se déplaçait leur fils.

À l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

E. a. En parallèle à la procédure introduite devant la chambre de céans, par courrier du 22 décembre 2020, le SAM a invité l'assurance à réintégrer les intéressés dans le cercle de ses assurés.

b. Par courrier du 31 décembre 2020 aux assurés, l'assurance, se référant aux injonctions du SAM, a accepté de remettre en vigueur leur assurance obligatoire des soins dès le 29 juillet 2020, considérant qu’il était établi qu’ils résidaient à Thônex depuis cette date. Les cartes de vote pour la votation populaire du 27 septembre 2020 et une facture des SIG portant sur la consommation d’électricité du 29 juillet au 24 septembre 2020 permettaient d’attester qu’ils résidaient effectivement à Thônex.

c. Le 7 janvier 2021, l'assurance a émis de nouvelles polices d'assurance courant dès le 29 juillet 2020.

d. Par courrier du 19 janvier 2021, les assurés ont formulé plusieurs conditions auxquelles ils accepteraient ces nouvelles polices.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où le présent recours était pendant devant la chambre de céans à cette date, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             En ce qui concerne la recevabilité du recours, la chambre de céans relève ce qui suit.

3.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, seuls peuvent en principe être examinés et jugés les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision, en règle générale sur opposition. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, si aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé
(ATF 
131 V 164 consid. 2.1, arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 12/01 du 9 juillet 2001 consid. 1).

L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué. D'après cette définition, l'objet de contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige. Les questions qui ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l'objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit avec l'objet du litige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_441/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.2).

3.2 En l'espèce, la décision sur opposition attaquée porte sur l'affiliation des recourants à l'assurance obligatoire des soins, plus précisément sur le point de savoir s'ils étaient domiciliés en Suisse et devaient partant être affiliés après le 14 novembre 2018, date à laquelle la couverture d'assurance a été rétroactivement résiliée. Cette décision tranche également le droit du recourant à la prise en charge des prestations médicales qui lui ont été dispensées en août et septembre 2019 en France. Ce sont donc ces points qui font l'objet du litige.

3.2.1 S'agissant des considérants de la décision sur opposition relatifs à la restitution des factures originales aux recourants, il est douteux qu’ils relèvent d'une décision. En effet, si la décision n'est pas définie dans la LPGA, elle correspond à la notion contenue à l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative
(PA - RS 172.021; ATF 131 V 42 consid. 2.4). Selon cette disposition, sont considérées comme décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a); de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations (let. b); de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). En droit cantonal, la définition de la décision contenue à l'art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative (LPA - E 5 10) reprend presque exactement celle prévue au plan fédéral. Or, les explications données par l'intimée au sujet du traitement numérisé des factures ne paraissent pas correspondre à cette définition, dès lors qu'elles n'ont ni pour fonction ni pour effet de trancher de manière contraignante un rapport de droit au sens des art. 5 PA et 4 LPA. Les recourants n'ont du reste pas pris de conclusions expresses sur ce point dans le cadre du présent recours. L'eussent-ils fait qu'elles devraient être considérées irrecevables. En effet, la recevabilité d'un recours dépend notamment de circonstances liées à la personne du recourant, qui doit entre autres se voir reconnaître la qualité pour recourir (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, 2018, nn. 1 et 11 ad art. 59). L'art. 59 LPGA dispose que quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d'être protégé à ce qu'elle soit annulée ou modifiée a qualité pour recourir. L'intérêt digne de protection consiste ainsi en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. L'intérêt doit être direct et concret (ATF 130 V 196 consid. 3). Or, en l'espèce, la destruction des factures originales par l'intimée n'a pas causé de préjudice concret aux recourants, puisque ces derniers ont admis dans leurs écritures qu’ils avaient pu obtenir l'émission de nouvelles factures par les prestataires de soins, de sorte qu’ils n’auraient en toute hypothèse aucun intérêt à recourir sur ce point. La chambre de céans n'a ainsi pas à examiner la légitimité du procédé adopté par l'intimée en matière de numérisation des données.

3.2.2 S'agissant des suppléments de prime initialement facturés en raison de l'affiliation prétendument tardive, sur lesquels les recourants sont très longuement revenus dans leurs écritures, soutenant que ce différend illustrait « le machiavélisme » de l'intimée, ils ne sont plus litigieux à ce stade dès lors que l’intimée y a renoncé, comme cela ressort du courrier de l'intimée du 29 août 2019. Il n’y a pas lieu d’y revenir.

3.2.3 Dans leur complément de recours du 16 janvier 2021, les recourants ont conclu à ce qu'il soit reconnu que l’intimée avait résilié leurs polices à tort ; à ce que les agissements de l’intimée soient considérés comme abusifs ; à ce qu’il soit reconnu qu’ils étaient domiciliés à Thônex ; à ce que la décision attaquée soit considérée comme abusive ; à ce que les polices d'assurance du 7 janvier 2021 soient acceptées avec toutes les modifications demandées ; et à ce que leurs frais effectifs pour défendre leurs intérêts soient mis à la charge de l’intimée à hauteur d’un montant à déterminer par la chambre de céans – montant qu’ils ont chiffré à CHF 15'663.75 le 6 avril 2021. Dans leur réplique du 22 mars 2021, ils ont en outre conclu à ce que la chambre de céans déclare que l’intimée avait fait preuve d’abus de pouvoir dans la présente cause ; à ce que les frais d'hospitalisation d'urgence du recourant et les frais annexes correspondants leur soient remboursés ; et à ce que l’intimée soit condamnée à leur verser un dédommagement de CHF 10'000.-.

Plusieurs de ces conclusions sont de nature constatatoire, et sont ainsi irrecevables en raison de leur caractère subsidiaire par rapport à une action condamnatoire (ATF 129 V 289 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 149/06 du 11 juin 2007 consid. 5.2). Il en va ainsi de la reconnaissance du caractère abusif des agissements et de la décision de l'intimée et de « l'abus de pouvoir » qu'elle aurait commis, puisque les recourants peuvent prendre des conclusions formatrices tendant à l’annulation de la décision pour ces motifs. La constatation de la domiciliation des recourants à Thônex a également un caractère constatatoire, de sorte que cette conclusion est également en principe irrecevable. Elle n'a cependant pas de portée propre, mais constitue en réalité la prémisse juridique de l'obligation pour l'intimée d’assurer les recourants, qui peut faire l’objet d’un jugement condamnatoire. En ce qui concerne le dédommagement réclamé par les recourants pour compenser les inconvénients entraînés par la procédure, l'art. 78 LPGA prévoit que les corporations de droit public, les organisations fondatrices privées et les assureurs répondent, en leur qualité de garants de l’activité des organes d’exécution des assurances sociales, des dommages causés illicitement à un assuré ou à des tiers par leurs organes d’exécution ou par leur personnel (al. 1). L’autorité compétente rend une décision sur les demandes en réparation (al. 2). L'autorité au sens de l'art. 78 al. 2 LPGA est déterminée dans les lois spéciales. En matière
d'assurance-maladie, l'art. 78a LAMal prévoit à ce titre la compétence de l'assureur (Alexis OVERNEY in Commentaire romand LPGA, 2018, n. 46 ad art. 78 LPGA). Ce n'est ainsi pas la chambre de céans, mais l'intimée qui devrait trancher une éventuelle demande des recourants tendant à la réparation du dommage allégué. Le défaut de compétence ratione materiae de la chambre de céans entraîne l'irrecevabilité de cette conclusion.

Quant aux conclusions des recourants exigeant certaines modifications des polices établies le 7 janvier 2021, elles sont exorbitantes au litige, défini par la décision sur opposition dont est recours. De plus, compte tenu de l'effet dévolutif du recours en assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_975/2010 du 21 juin 2011 consid. 3.2; art. 67 al. 1 LPA), l'intimée a perdu la maîtrise de l'objet du litige dès le dépôt de cet acte, de sorte qu'elle n'était en principe pas fondée à statuer une nouvelle fois sur l'affiliation des recourants durant la période litigieuse. Certes, en exception au principe de l'effet dévolutif du recours, l'assureur peut conformément à l'art. 53 al. 3 LPGA reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé jusqu'à l'envoi de son préavis à l'autorité de recours (reconsidération pendente lite). Ce n'est cependant pas dans le cadre visé par cette disposition que s'inscrit l'établissement par l'intimée des nouvelles polices d’assurance, qu'elle a adressées aux recourants sans formellement revenir sur sa décision dans la procédure devant la chambre de céans.

3.3 Eu égard à ce qui précède, le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), est recevable en tant qu'il porte sur l'affiliation des recourants depuis le 1er juillet 2018 et sur la prise en charge des soins dispensés au recourant en France en août et septembre 2019.

4.             Le litige porte donc sur le point de savoir si, comme le prétendent les recourants, ceux-ci étaient soumis à l’assurance obligatoire des soins dès le 1er juillet 2018.

4.1 Aux termes de l’art. 3 LAMal, toute personne domiciliée en Suisse doit s'assurer pour les soins en cas de maladie, ou être assurée par son représentant légal, dans les trois mois qui suivent sa prise de domicile ou sa naissance en Suisse (al. 1).

Cette disposition concrétise un des buts principaux de la LAMal, qui est de rendre l'assurance-maladie obligatoire pour l'ensemble de la population en Suisse (ATF 126 V 265 consid. 3b).

L’art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal – RS 832.102) précise que les personnes domiciliées en Suisse au sens des art. 23 à 26 du code civil suisse (CC – RS 210) sont tenues de s'assurer, conformément à l'art. 3 de la loi.

4.2 Aux termes de l’art. 23 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d'éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2). En vertu de l’art. 24 CC, toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l'existence d'un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu'elle a quitté son domicile à l'étranger et n'en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

Cet article consacre la nécessité du domicile en droit suisse. Ainsi, chaque personne physique doit disposer d’un domicile, et un justiciable ne peut se soustraire à une obligation juridique du fait qu’il serait sans domicile (ATF 138 II 300 consid. 3.6.1).

Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). La notion de domicile comporte donc deux éléments : l'un objectif, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits ; l'autre, l'intention d'y résider, soit de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3 et les arrêts cités). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 125 III 100 consid. 3). Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3).

Pour déterminer si une personne réside dans un lieu déterminé avec l'intention de s'y établir durablement (élément subjectif du domicile), la jurisprudence ne se fonde pas sur la volonté interne de l'intéressé; seules sont décisives les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant de déduire une telle intention (ATF 127 V 237 consid. 1 p. 238; 120 III 7 consid. 2b p. 8; 119 II 64 consid. 2b/bb p. 65; arrêts 5A_659/2011 du 5 avril 2012 consid. 2.2.2; 5A_432/2009 du 23 décembre 2009 consid. 5.2.1; OTHENIN-GIRARD, op. cit., p. 857 in fine avec les références). Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels
(ATF 119 II 64 consid. 2b/bb p. 65; arrêt 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN in Basler Kommentar zum ZGB,
6ème éd. 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

4.3 En l’espèce, il ressort de l’extrait de l’OCPM que les recourants sont domiciliés au 1______ avenue C______ à Thônex depuis le 1er juillet 2018. Les recourants ont annoncé leur changement d’adresse à l’OCPM et ont informé la caisse primaire d’assurance-maladie française (CPAM) ainsi que le Centre des finances publiques de leur déménagement en Suisse. Or, ainsi qu'il a été exposé ci-avant, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger.

Dans leur courrier du 16 septembre 2019, les recourants ont exprimé leur volonté de ne pas s’établir durablement en Suisse. Ils ont en effet affirmé avoir quitté la Suisse en 1975 et y être revenus « temporairement » le 1er juillet 2018 venant de France pour régler des affaires personnelles « sans toutefois avoir l’intention de s’y installer ». Leur départ de Suisse ne relèverait ainsi pas d’un transfert de leur domicile dans un État de l’Union européenne, puisqu’ils y étaient « déjà installés ». Cette manifestation de volonté est toutefois partiellement infirmée par leurs propres déclarations selon lesquelles ils « étaient de retour en Suisse après plusieurs décennies passées à l’étranger » et qu’ils avaient appris qu’ils restaient couverts par leur assurance-maladie « à l’étranger » (cf. courrier des assurés du 27 juin 2019). Ils ont également indiqué, dans leur courrier du 9 juillet 2019 qu’ils résilieraient leur assurance « en cas de départ définitif à l’étranger ». Or, l’éventualité de quitter la Suisse et la mention d’un futur départ à l’étranger tendent à démontrer que, dans l’esprit des recourants, ils étaient pour l’heure installés en Suisse, même s’ils n’envisageaient pas d’y rester définitivement, étant précisé que, conformément à la jurisprudence précitée, l’hypothèse d’un déménagement à l’avenir n’exclut pas la constitution d’un domicile.

Quant aux circonstances objectives, elles manifestent, de manière reconnaissable pour les tiers, que les recourants ont fait de leur adresse à Thônex le centre de leurs intérêts personnels et professionnels. Il n’est en effet pas contesté que l’adresse à Thônex correspond au siège de leur société E______ SA dont ils sont administrateurs depuis octobre 2015. Selon les déclarations des recourants à l’audience de comparution personnelle, leur fils, également administrateur de la société depuis 2002, a emménagé dans l’appartement d’Ambilly, ce qui correspond du reste au registre de l’OCPM. Il ressort ensuite du rapport d’entraide administrative interdépartementale de l’OCPM du 18 décembre 2020 que tant le service d’immeuble que les voisins des recourants ont affirmé voir le couple tous les jours au sein du bâtiment, sis à Thônex. D’après les registres de la poste, ces derniers reçoivent de façon correcte leurs courriers à l’adresse de Thônex. Aucun ordre de réexpédition, de changement d’adresse ou de garde de courrier n’a été établi au nom de ces personnes à travers les divers systèmes de la poste jusqu’au jour de l’enquête. Si la consommation d’électricité de l’appartement de Thônex depuis 2018 ne correspond certes pas à la consommation moyenne par an et pour un ménage similaire pour deux personnes, elle révèle néanmoins une présence effective dans le logement depuis 2018. La différence entre la consommation moyenne (2'610 kWh) et la consommation du logement en question (1'560 kWh) peut d’ailleurs s’expliquer par le fait que, comme indiqué en audience, les recourants n’ont ni télévision, ni machine à laver, ni séchoir. Les recourants ont, au demeurant, confirmé en audience que le cabinet de leur médecin traitant était situé aux Eaux-Vives. Ces éléments conduisent ainsi à retenir que les recourants ont effectivement transféré leur domicile à Thônex en juillet 2018, et cela quand bien même leurs meubles se trouvent toujours dans un garage en France, le recourant ayant indiqué en audience qu’il ne savait pas où les mettre. Le fait que les recourants rendent régulièrement visite à leur fils dans l’appartement d’Ambilly, étant rappelé que le recourant s’y trouvait lorsqu’il a été hospitalisé d’urgence au CHAL le 3 août 2019, ne modifie pas cette appréciation. N’est pas non plus déterminant le fait que l’adresse de l’appartement d’Ambilly figure sur les factures médicales établies en relation avec l’hospitalisation d’août 2019. Les recourants ont en effet exposé qu'il s'agissait-là de leur ancienne adresse, qui n'avait pas été actualisée lors de l'hospitalisation d’août 2019 en raison de l’urgence de la prise en charge médicale. La chambre de céans relève en outre qu’un reçu de paiement du CHAL contient la mention « PAYANTETR » sous la rubrique « Particularité », ce qui pourrait signifier que le débiteur de la facture est domicilié à l'étranger, et partant que le recourant aurait informé le CHAL du fait qu’il ne résidait pas en France. Quoi qu'il en soit, l'adresse figurant sur ces factures ne suffit pas à nier la domiciliation des recourants en Suisse à partir du 1er juillet 2018.

Au vu de l'ensemble des éléments, en particulier les démarches administratives entreprises dès 2018, l'enquête mentionnée par le SAM démontrant une résidence effective à Genève en décembre 2020 et les courriers des recourants des 27 juin 2019 et 9 juillet 2019, il apparaît, au degré de la vraisemblance prépondérante requise en droit des assurances sociales, que, dès juillet 2018, les recourants ont transféré leur domicile à Thônex, quand bien même ce lieu de vie était vraisemblablement considéré par ces derniers comme d'emblée temporaire. C’est ainsi à tort que l’intimée a résilié leurs polices d’assurance au 14 novembre 2018, et sa décision doit être annulée sur ce point.

Au vu des circonstances, et des demandes des recourants en lien avec les polices établies le 7 janvier 2021, invitant notamment l’intimée à renoncer à la perception rétroactive des primes, il n'est pas inutile de préciser que le rétablissement de la couverture d'assurance entraîne l'obligation de recouvrer les primes dues pendant la période d’assurance. En effet, le financement de l'assurance-maladie sociale repose sur les assurés et les pouvoirs publics. Il dépend donc étroitement de l'exécution par les assurés de leurs obligations pécuniaires. Ces derniers sont ainsi légalement tenus de s'acquitter du paiement des primes conformément à l'art. 61 LAMal, et les assureurs ne sont pas libres de recouvrer ou non les arriérés de primes et participations aux coûts. Au contraire, au regard des principes de mutualité et d'égalité de traitement prévalant dans le domaine de l'assurance-maladie sociale (art. 13 al. 2 let. a LAMal), ils sont tenus de faire valoir leurs prétentions découlant des obligations financières des assurés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_5/2008  du 13 février 2008 consid. 1.2).

5.             Compte tenu de la couverture d'assurance, il convient de déterminer si l'intimée doit prendre en charge les coûts des soins reçus par le recourant en août et septembre 2019 en France.

5.1 L’assurance-maladie est régie par le principe de territorialité, ancré à
l’art. 34 al. 2 LAMal. Selon ce principe, seules sont à la charge de la caisse-maladie les prestations dispensées en Suisse ou, s’agissant de prestations délivrées sur ordonnance, celles qui sont prescrites par un fournisseur de prestations admis à pratiquer en Suisse afin d’être fournies en Suisse (Martin ZOBL / Kerstin Noëlle VOKINGER in Basler Kommentar, Krankenversicherungsgesetz und Krankenversicherungsaufsichts-gesetz, 2020, n. 3 ad art. 34 LAMal).

L'art. 34 al. 2 let. a LAMal confère au Conseil fédéral la possibilité de prévoir la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins des coûts des prestations visées aux art. 25 al. 2 et 29 qui sont fournies à l’étranger, pour des raisons médicales ou dans le cadre de la coopération transfrontalière, à des assurés qui résident en Suisse.

Aux termes de l'art. 34 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral peut limiter la prise en charge des coûts des prestations fournies à l'étranger. La notion de raisons d’ordre médical prévue à l’art. 34 al. 2 LAMal doit être interprétée de manière restrictive
(ATF 134 V 330 consid. 2.4).

5.2 Sur la base de la délégation de compétence de l’art. 34 LAMal, le Conseil fédéral a édicté l'art. 36 OAMal, qui définit l'étendue de la prise en charge des prestations à l'étranger.

5.2.1 En vertu de l’alinéa premier de cette disposition, le département fédéral de l’intérieur (DFI) désigne, après avoir consulté la commission compétente, les prestations prévues aux art. 25 al. 2 et 29 de la loi dont les coûts occasionnés à l’étranger sont pris en charge par l’assurance obligatoire des soins lorsqu’elles ne peuvent être fournies en Suisse.

L’exception au principe de la territorialité prévue à l'art. 36 al. 1 OAMal n'est ainsi admise que dans deux éventualités du point de vue de la LAMal : soit il n'existe aucune possibilité de traitement de la maladie en Suisse ; soit il est établi, dans un cas particulier, qu'une mesure thérapeutique en Suisse, par rapport à une alternative de traitement à l'étranger, comporte pour le patient des risques importants et notablement plus élevés. Il s'agira, en règle ordinaire, de traitements qui requièrent une technique hautement spécialisée ou de traitements complexes de maladies rares pour lesquelles, en raison précisément de cette rareté, on ne dispose pas en Suisse d'une expérience diagnostique ou thérapeutique suffisante. En revanche, quand des traitements appropriés sont couramment pratiqués en Suisse et qu'ils correspondent à des protocoles largement reconnus, l'assuré n'a pas droit à la prise en charge d'un traitement à l'étranger en vertu de l'art. 34 al. 2 LAMal. C'est pourquoi les avantages minimes, difficiles à estimer ou encore contestés d'une prestation fournie à l'étranger, ne constituent pas des raisons médicales au sens de cette disposition ; il en va de même du fait qu'une clinique à l'étranger dispose d'une plus grande expérience dans le domaine considéré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_11/2007 du 4 mars 2008 consid. 3.1).

5.2.2 Selon l'art. 36 al. 2 OAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge le coût des traitements effectués en cas d'urgence à l'étranger. Il y a urgence lorsque l'assuré, qui séjourne temporairement à l'étranger, a besoin d'un traitement médical et qu'un retour en Suisse n'est pas approprié. Il n'y a pas d’urgence lorsque l'assuré se rend à l'étranger dans le but de suivre ce traitement.

Ce qui est déterminant dans l’application de cette disposition est que l'assuré ait subitement besoin et de manière imprévue d'un traitement à l'étranger. Il faut que des raisons médicales s'opposent à un report du traitement et qu'un retour en Suisse apparaisse inapproprié (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 65/03 du 5 août 2003 consid. 2.2). Le déplacement à l'étranger en vue d'y effectuer un traitement exclut que ce traitement soit considéré comme urgent (ATF 128 V 75 consid. 2a).

5.2.3 L’art. 36 al. 5 OAMal réserve les dispositions sur l'entraide internationale en matière de prestations.

L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), en vigueur depuis le 1er juin 2002 mentionne notamment à son annexe II le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1) et le règlement n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.11), tous deux entrés en vigueur le 1er janvier 2012.

Selon l’art. 19 par. 1 du règlement n° 883/2004, une personne assurée et les membres de sa famille qui séjournent dans un État membre autre que l’État membre compétent peuvent bénéficier des prestations en nature qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour, compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Ces prestations sont servies pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme si les personnes concernées étaient assurées en vertu de cette législation. L'art. 25 du règlement n° 987/2009 précise la procédure aux fins de l'application de l'art. 19 du règlement n° 883/2004. La notion de prestations nécessaires du point de vue médical se détermine uniquement à l'aune de critères médicaux, quand bien même il faut tenir compte du type de prestation et de la durée prévue du séjour. Seules entrent en ligne de compte les prestations qui ne peuvent être différées jusqu'au retour de l'assuré dans son État de résidence (Jürgen BIEBACK in Maximilian FUCHS [éd.], Europäisches Sozialrecht,
7ème éd. 2018, Baden-Baden, n° 12 ad art. 19 règlement n° 883/2004). 

L’art. 20 du règlement n° 883/2004 prévoit qu’à moins que le règlement n’en dispose autrement, une personne assurée se rendant dans un autre État membre aux fins de bénéficier de prestations en nature pendant son séjour demande une autorisation à l’institution compétente (par. 1). L’autorisation est accordée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et que ces soins ne peuvent lui être dispensés dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie (par. 2 2ème phrase). Les modalités procédurales sont réglées à l'art. 25 du règlement n° 987/2009.

L'autorisation visée à l'art. 20 par. 1 du règlement n° 883/2004 doit être préalable. Il ne s'agit pas d'un accord requis a posteriori (BIEBACK, op. cit., n. 12 ad art. 20 règlement n° 883/2004). Cette autorisation est une condition indispensable de la prise en charge des coûts (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème éd. 2016, n. 589). Le Tribunal fédéral, dans des litiges auxquels s'appliquait le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dont l'art. 22 réglait de manière largement similaire à l'actuel art. 20 par. 1 du règlement n° 883/2004 le droit à la prise en charge de soins programmés à l’étranger, a également retenu qu'un assuré n'ayant pas obtenu d'autorisation pour se rendre à l'étranger pour y recevoir des soins ne pouvait fonder un droit aux prestations sur cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 9C_566/2010 du 25 février 2011 consid. 5 et 9C_479/2008 du 30 décembre 2008 consid. 6.1).

Il convient encore de préciser que le règlement n° 883/2004, du point de vue personnel, s'applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants (art. 2 par. 1). Le critère déterminant pour l’applicabilité des règlements de coordination de sécurité sociale est le rattachement de l'assuré concerné à un régime de sécurité sociale d'un État membre (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes [CJCE ; aujourd'hui Cour de justice de l'Union européenne, CJUE] C 145/03 du 12 avril 2005 KELLER, Rec. I-2529 point 38). L’art. 27 par. 1 et par. 3 du règlement n° 883/2004 prévoit l’applicabilité mutatis mutandis des art. 19 et 20 aux personnes percevant une pension d’un État membre.

On relèvera que les soins litigieux ont été prodigués alors que le recourant ressortissant helvétique domicilié en Suisse, exerçait son droit à la libre circulation dans un État partie à l'ALCP, de sorte que le présent litige présente un caractère transfrontalier justifiant d’examiner le droit aux prestations également à la lumière de cet accord (cf. dans un cas analogue arrêt du Tribunal fédéral 9C_144/2015 du 17 juillet 2015 consid. 2.2).

6.              

6.1 S'agissant du séjour au CHAL du 3 au 5 août 2019 du recourant, la facture mentionne une entrée à 4h24 du matin et porte la mention « Urgence médicale ». Comme le relèvent à juste titre les recourants, l'heure de cette admission suffit à établir qu'il s'agissait de soins urgents ne souffrant aucun report en raison d’une atteinte survenue lors d’un séjour en France voisine. L'intimée ne conteste d'ailleurs plus le caractère urgent de cette hospitalisation.

L’exception liée au caractère urgent visée à l’art. 36 al. 2 OAMal est ainsi réalisée ici, de sorte que le recourant a en principe droit au remboursement des frais d’hospitalisation, dans les limites légales.

Les recourants n'allèguent pas qu'il s'agit là de prestations urgentes, dont la nécessité s'est imposée lors d’un voyage en France. Ils exposent en substance que ces soins et gestes s'inscrivaient dans le suivi de l'hospitalisation de début août 2019, et visaient à vérifier que l’affection à son origine était guérie. Rien n’indique cependant que la visite de contrôle et les analyses de laboratoire ne pouvaient être réalisées en Suisse pour des raisons médicales au sens de la jurisprudence - il ne s’agit du reste pas là de prestations hautement spécialisées - et les recourants ne l'affirment pas non plus. Les exceptions au principe de territorialité prévues par l’OAMal ne sont ainsi pas réalisées, de sorte que les factures correspondantes n’incombent pas à l’intimée du point de vue du droit interne.

Dès lors que les recourants n'ont pas préalablement sollicité l'autorisation de l'intimée pour ces soins programmés à l’étranger, ils ne peuvent pas non plus se prévaloir des dispositions de droit international pour réclamer le remboursement des factures correspondantes. Quant au fait que l'intimée ne les aurait pas informés des conditions auxquelles les soins à l'étranger sont remboursés, cet argument ne leur est d’aucun secours. L'art. 27 LPGA prévoit certes un devoir d'information générale de l'assurance, ainsi qu'un devoir de conseil dans les cas particuliers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 2.2). S'agissant du devoir d'information générale, il ne peut toutefois pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire et un assuré ne peut en tirer de prétentions en justice (Kurt PÄRLI/Lea MOHLER in Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 8 ad art. 27 LPGA). Quant au devoir de conseil dans les cas particuliers, il ne suppose pas de demande correspondante de l'intéressé, mais doit donner lieu à une information dès que l'assureur constate un tel besoin (Ueli KIESER,
ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 28 ad art. 27 LPGA). Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1). Or, en l'espèce, il n'apparaît pas que les recourants auraient sollicité des informations sur la prise en charge des soins à l'étranger, ni même que l'intimée pouvait savoir qu'ils entendaient se soumettre à un traitement à l'étranger, dont la loi lui imposerait alors de décliner la prise en charge. On doit à ce sujet relever que toutes les factures relatives aux prestations fournies en France voisine lui ont été simultanément adressées en janvier 2020. Elle ne pouvait ainsi déceler un besoin d'information au sujet de soins programmés à l’étranger avant que le traitement litigieux ne soit achevé.

6.2 Eu égard aux éléments qui précèdent, l'intimée doit prendre en charge, dans les limites de la loi, le séjour hospitalier du recourant du 3 au 5 août 2019. Les factures des 14 et 29 août et du 5 septembre 2019, relatives aux analyses de laboratoire et à la consultation de contrôle, ne sont en revanche pas à sa charge.

7.             Conformément à ce qui précède, le recours est partiellement admis.

7.1 Selon l'art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal ; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d’après l’importance et la complexité du litige.

On entend avant tout par-là les coûts de représentation, soit l'indemnité due au représentant et les frais de celui-ci. Ils peuvent également englober les autres dépenses particulières, par exemple celles liées à l'établissement d'une expertise privée qui s'avère déterminante pour la résolution du litige (METRAL, op. cit., n. 103 ad art. 61 LPGA; Susanne BOLLINGER in Basler Kommentar zum ATSG n. 83 ad art. 61 LPGA). Ce n'est qu'exceptionnellement que les frais d'une partie non représentée peuvent être indemnisés (KIESER, op. cit., n. 217 ad art. 61 LPGA). La jurisprudence a ainsi reconnu l'octroi exceptionnel d'une indemnité aux conditions cumulatives suivantes : il s'agit d'un litige compliqué dont la valeur litigieuse est élevée, la défense des intérêts nécessite un travail important dépassant ce qui est usuel dans les démarches personnelles, et il existe un rapport raisonnable entre le travail consenti et le résultat (ATF 110 V 132 consid. 4d).

Conformément à la doctrine, les recourants n'ont ainsi en principe pas droit à des dépens, dès lors qu'ils n'étaient pas représentés. Les conditions cumulatives permettant de déroger à ce principe ne sont pas réunies dans le cas d’espèce : en premier lieu, les questions litigieuses ne sont pas en elles-mêmes particulièrement compliquées. S'agissant de la seconde condition liée à l’importance du travail nécessaire, les recourants ont certes déposé de très longues écritures dont la rédaction a à l’évidence nécessité un investissement temporel important. Les recourants s’y déterminent cependant très longuement sur plusieurs points, dont certains ne sont de leur propre aveu plus litigieux, et ces actes confinent à la prolixité. Force est de constater qu’ils auraient pu faire valoir leur position de manière aussi efficace par des écritures bien plus concises, de sorte qu'on ne saurait retenir que les efforts déployés étaient nécessaires dans une telle ampleur. Enfin, pour ce qui a trait à la proportionnalité entre le travail réalisé et le résultat, plusieurs des conclusions prises par les recourants sont irrecevables, et leur recours n'est que partiellement admis.

Au demeurant, au vu du montant extrêmement élevé auquel concluent les recourants pour leur défense (soit CHF 15'663.75, dont notamment CHF 313.20 pour les envois correspondant à CHF 0.30 par page et CHF 15'226.- pour 662 heures de rédaction), il n'est pas inutile de souligner que le droit cantonal plafonne les frais de procédure incluant les honoraires d'un mandataire à CHF 10'000.- en procédure administrative (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative [RFPA – E 5 10.03]).

Partant, aucune indemnité ne sera versée aux recourants.

7.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020).

 

******


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Admet partiellement le recours, dans la mesure où il est recevable.

2.        Annule la décision sur opposition du 2 décembre 2020 en tant qu'elle résilie l'assurance obligatoire des soins de Monsieur A______ et Madame B______ au 14 novembre 2018, au sens des considérants.

3.        Dit que Monsieur A______ a droit à la prise en charge de son séjour au CHAL du 3 au 5 août 2019, au sens des considérants.

4.        Rejette le recours pour le surplus.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le