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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2535/2021

ATAS/306/2022 du 31.03.2022 ( LCA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2535/2021 ATAS/306/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 31 mars 2022

5ème Chambre

 

En la cause

A______, enfant mineure, domiciliée ______, à LE LIGNON, représentée par son représentant légal Monsieur B______, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

demanderesse

 

contre

 

HELSANA ASSURANCES COMPLÉMENTAIRES SA, sise Zürichstrasse 130, DÜBENDORF, c/o HELSANA, DROIT & COMPLIANCE, LAUSANNE

défenderesse

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la demanderesse) est une citoyenne portugaise, née en ______ 2015 au Portugal.

b. Le carnet de santé portugais de l’assurée a été régulièrement complété par des médecins locaux. Il ne contient aucune remarque particulière s’agissant de la vision de l’assurée, la case « visão » (vision) étant en particulier cochée comme validée, sans autre remarque, en date du 1er octobre 2015, du 22 octobre 2015, du 19 novembre 2015, du 15 janvier 2016, du 18 mars 2016, du 17 juin 2016, du 27 septembre 2016, et du 11 mai 2017.

c. Par décision du 23 octobre 2017 du Tribunal judiciaire du district de Coimbra (ou Coïmbre), l’assurée a été placée auprès du couple marié constitué de Madame C______ (ci-après : la gardienne) et de Monsieur B______ (ci-après : le gardien). Ceux-ci sont domiciliés à l’avenue ______, dans le canton de Genève. L’assurée réside en Suisse avec ses gardiens depuis le 28 octobre 2017.

B. a. En date du 25 octobre 2017, le gardien a rempli une déclaration de santé pour l’assurée en vue de conclure une assurance LAMal et plusieurs assurances complémentaires (COMPLETA, HOSPITAL FLEX, DENTAplus et PREVEA) avec la société Helsana assurances complémentaires SA (ci-après : l’assurance ou la défenderesse).

b. En date du 31 octobre 2017, les gardiens ont amené l’assurée chez le docteur D______, spécialiste FMH en pédiatrie. Dans ses notes de consultation, celui-ci a fait état d’un potentiel strabisme divergent, qui ne ressortait pas des éléments médicaux antérieurs mis à sa disposition, et d’un retard dans l’expression du langage. En conséquence, il a renvoyé l’assurée vers des médecins spécialistes, et notamment la doctoresse E______, spécialiste FMH en ophtalmologie avec pour sous-spécialisation l’ophtalmologie chez les enfants et la strabologie.

c. Le même jour, la gardienne a écrit à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM) pour requérir qu’il statue au plus vite sur le droit au séjour de l’assurée, étant donné que l’assurance exigeait la preuve du droit au séjour pour conclure les contrats d’assurance susmentionnés.

d. Le 6 novembre 2017, une nouvelle proposition d’assurance a été réalisée par les gardiens, assistés de Monsieur F______, employé de la défenderesse. Dans ce cadre, une nouvelle déclaration de santé a été remplie. Il y a été mentionné que l’assurée était actuellement suivie par le Dr D______. De plus, à la question 4 : « Êtes-vous atteint(e) d’une invalidité ou d’une infirmité congénitale ? (Veuillez joindre à votre demande la copie de la décision de l’AI) », il a été répondu par la négative. À cette occasion, le courriel susmentionné du 31 octobre 2017, adressé à l’OCPM, a été remis à la défenderesse.

e. Le 7 novembre 2017, la défenderesse a accepté l’offre des gardiens s’agissant des assurances complémentaires COMPLETA, HOSPITAL PLUS, DENTAplus, PREVEA et Advocare EXTRA, avec prise d’effet au 1er décembre 2017. Celles-ci étaient soumises aux conditions générales d’assurance de la défenderesse relatives à ses assurances-maladie complémentaires, dans leur version du 1er janvier 2014.

f. Le 8 décembre 2017, la Dresse E______ a posé, pour la première fois, un diagnostic de strabisme divergent intermittent, facilement décompensé à l’œil droit, probablement de naissance, et un astigmatisme symétrique. Elle a prescrit une correction optique pour l’astigmatisme et une occlusion de l’œil dominant, à savoir l’œil gauche, une heure par jour jusqu’à un nouveau contrôle devant avoir lieu trois mois plus tard.

C. a. Le Dr D______ a continué de suivre l’assurée, en lien avec divers médecins spécialistes, dont la Dresse E______ pour ce qui était des problèmes ophtalmologiques. Il ressort des saisies de consultation du Dr D______ que l’assurée a accepté le port de lunettes et l’occlusion de son œil gauche une heure par jour.

b. Par courrier daté du 10 mai 2019 et reçu le 14 mai suivant, la Dresse E______ a écrit à l’assurance pour l’informer qu’il convenait d’opérer l’assurée pour corriger son problème de strabisme, ce qui impliquait une nuit d’hospitalisation. Dans cette optique, elle a requis une confirmation que ces prestations seraient prises en charge par ladite assurance.

c. Par courrier du 9 juillet 2019, l’assurance a écrit au Dr D______ et à la Dresse E______ pour leur demander des informations complémentaires. Ceux-ci ont répondu par des courriers datés, respectivement, du 24 juillet 2019 et du 26 juillet 2019.

d. Par courrier daté du 6 août 2019, l’assurance a résilié les assurances COMPLETA, HOSPITAL PLUS et Advocare EXTRA au 31 août 2019 en invoquant une réticence. Dans ce courrier, l’assurance affirmait qu’il avait été répondu incorrectement à la quatrième question du questionnaire de santé du 25 octobre 2017 mentionnée plus haut ; les gardiens auraient dû signaler que « leur fille » présentait son strabisme depuis son plus jeune âge.

e. Par courriel du 14 août 2019, la gardienne a écrit à l’assurance pour lui demander de reconsidérer sa position dès lors que l’assurée ne vivait avec ses gardiens que depuis le mois d’octobre 2017 et que rien ne leur avait laissé penser qu’elle souffrait d’un problème de vue notable qui nécessitait le port de lunettes, tel un strabisme, avant leur visite chez la Dresse E______.

f. Par courrier daté du 9 septembre 2019, l’assurance a demandé à la gardienne des documents complémentaires.

g. Par courrier du 20 novembre 2019, le conseil de l’assurée a informé l’assurance qu’il représentait désormais ladite assurée, et a requis l’accès au dossier de sa mandante. Il s’en est suivi divers échanges épistolaires, qui se sont conclus par un courrier de l’assurance daté du 10 janvier 2020, par lequel elle déclarait maintenir sa résiliation pour cause de réticence.

D. a. Par mémoire du 23 juillet 2021, l’assurée a introduit une demande auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en concluant à ce qu’il soit constaté que l’assurance restait liée par les assurances complémentaires COMPLETA et HOSPITAL PLUS, sous suite de dépens.

b. Par courrier du 11 août 2021, la demanderesse a requis la tenue d’une audience de débats.

c. Par mémoire du 18 août 2021, l’assurance a répondu en concluant à l’irrecevabilité de la demande du 23 juillet 2021, et subsidiairement à son rejet au fond, sous suite de frais et dépens.

d. La demanderesse a répliqué par mémoire du 17 septembre 2021. La défenderesse a dupliqué par mémoire du 13 octobre 2021. Sur quoi, la demanderesse a spontanément tripliqué en date du 25 octobre 2021. Par courrier du même jour, la demanderesse a, en outre, maintenu sa requête de tenue d’une audience de débats.

e. Une audience de débats s’est tenue le 2 décembre 2021. Dans le cadre de celle-ci, les parties ont requis l’audition de divers témoins. Sur quoi, la chambre de céans a décidé de limiter, dans un premier temps, l’objet de la procédure à la question de la validité de la résiliation des contrats d’assurances-maladie par la défenderesse, une instruction plus étendue devant, si nécessaire, être réalisée une fois cette question tranchée. Les parties ont acquiescé.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévues par la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 31 des conditions générales d’assurance pour les assurances-maladie complémentaires du 1er janvier 2014 applicables au présent litige (ci-après : les CGA), prévoit que les tribunaux du domicile suisse de la personne assurée sont compétents pour toute action liée à un contrat d’assurance auquel ces conditions générales se rapportent.

L’assurée ayant son domicile dans le canton de Genève, la chambre de céans est donc compétente à raison du lieu pour connaître de sa demande en constatation.

3.             Les litiges que les cantons ont décidé de soumettre à une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 consid. 2 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 3), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

Il n’est pas contesté par l’assurance que le gardien de l’assurée ait qualité pour représenter celle-ci en justice et pour élire un conseil professionnel à cette fin. Cela ressort d’ailleurs des motifs de la décision du 23 octobre 2017 du Tribunal judiciaire du district de Coimbra qui précisent que les « parrains » exercent les responsabilités réservées aux parents.

Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC, ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC.

4.             La défenderesse conteste la recevabilité de la demande en constatation dès lors qu’il est, de son opinion, loisible à l’assurée de déposer une demande en paiement.

4.1 Une conclusion constatatoire n'est en principe recevable que lorsqu'une conclusion condamnatoire ou formatrice visant le même objectif n’est pas possible (ATF 135 III 378 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_51/2021 du 23 mars 2021 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1). En outre, une conclusion constatatoire nécessite un intérêt de fait à la constatation immédiate d'une situation juridique (ATF 136 III 523 consid. 5 ; ATF 135 III 378 consid. 2.2 ; ATF 123 III 49 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_51/2021 du 23 mars 2021 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2).

Tant le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 5C.151/2002 du 30 septembre 2002 consid. 1.2) que la chambre de céans (ATAS/1220/2021 du 30 novembre 2021 consid. 4.1) ont déjà établi qu’un intérêt à une constatation immédiate existait notamment lorsque survient entre une assurance et un prétendu assuré un litige portant sur la couverture des frais futurs conséquents d’un sinistre. Dans un tel cas, il se justifie de trancher la question de la couverture desdits frais avant que ceux-ci soient engagés ; on ne saurait en effet exiger d’une personne qu’elle paie dans le doute, puis dépose une action condamnatoire contre l’assurance. Comme la défenderesse l’admet elle-même (cf. mémoire de réponse du 23 juillet 2021, p. 4), rejeter une telle action constatatoire ne ferait d’ailleurs dans la plupart des cas que repousser la procédure judiciaire au détriment tant de l’assurance, que, surtout, du prétendu assuré.

4.2 En l’espèce, l’assurée requiert la couverture d’une opération de son strabisme divergent à l’œil droit avec hospitalisation (cf. pièce 9 défenderesse). Il n’est pas contesté que cette opération n’a pas encore eu lieu. Une éventuelle obligation de prester de la défenderesse fondée sur les contrats d’assurances COMPLETA, HOSPITAL PLUS et Advocare EXTRA n’existe donc pas encore.

De plus, il n’est pas contesté que ledit traitement médical est susceptible d’engendrer des frais notables, soit pour l’assurance, soit pour l’assurée, respectivement ses gardiens. La demanderesse dispose en conséquence d’un intérêt manifeste à une clarification de la situation juridique, outre que ce n’est pas seulement cette opération, mais l’ensemble de sa couverture par les assurances COMPLETA, HOSPITAL PLUS et Advocare EXTRA qui est en cause.

Conformément à la jurisprudence précitée, l’action en constatation de droit est donc recevable.

5.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC). En outre, la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC ; ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

5.1 Selon la maxime inquisitoire sociale, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige, le juge se contentant le cas échéant de poser des questions adéquates ; l'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). Ce devoir d’interpellation accru du juge est en outre nettement réduit lorsque les parties sont assistées de professionnels du droit, et notamment d’un avocat (ATF 141 III 569 consid. 2.3.2 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.1 ; ATAS/840/2015 du 29 octobre 2015 consid. 3b ; Stephan MAZAN, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 19, ad. art. 247 CPC). Dans un tel cas, il ne revient notamment pas au juge d’élargir de lui-même le complexe de fait ou de rechercher les faits à l’aide de moyens de preuve allant au-delà de ceux proposés par la ou les partie(s) concernée(s) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_875/2015 du 22 avril 2016 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2 ; ATAS/1177/2021 du 15 novembre 2021 consid. 5.1).

5.2 Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est, en revanche, pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF 142 III 402 consid. 2.1 ; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

6.             Par décision d’instruction inscrite au procès-verbal de l’audience du 2 décembre 2021, et non contestée par les parties, la chambre de céans a limité l’objet du litige à la question de la validité de la résiliation du contrat par la défenderesse pour cause de réticence, comme le permet l’art. 125 let. a CPC (voir également : arrêt du Tribunal fédéral 4A_142/2014 du 2 octobre 2014 consid. 2)

6.1 Selon la demanderesse, cette résiliation est invalide. Cela d’une part car le courrier de résiliation du 6 août 2019 a été signé sous la raison sociale « Helsana Assurances SA », alors que seule la défenderesse, qui est une société distincte, avait qualité pour réaliser une résiliation pour cause de réticence. D’autre part, les conditions d’une résiliation pour cause de réticence ne sont, de l’avis de la demanderesse, pas remplies dès lors que les gardiens de l’assurée n’avaient pas connaissance de son strabisme au moment de remplir la déclaration de santé, soit le 25 octobre 2017, et ont tenu par la suite l’assurance informée des développements médicaux en lien avec l’assurée. En outre, le strabisme n’est dans tous les cas pas un élément suffisamment important pour être annoncé sur une déclaration de santé.

6.2 Selon la défenderesse, l’erreur relative à sa raison sociale constitue une erreur aisément décelable et rectifiable et qui ne porte donc pas à conséquence. Dans tous les cas, la défenderesse a ratifié la résiliation réalisée sous la raison de commerce « Helsana Assurances SA » dans son mémoire de réponse. En ce qui concerne les conditions d’une résiliation extraordinaire pour cause de réticence, elles sont manifestement remplies, dès lors que les gardiens n’ont pas annoncé à l’assurance l’existence d’une invalidité ou d’une infirmité congénitale, alors même qu’ils savaient que l’assurée souffrait d’un strabisme, depuis son plus jeune âge.

7.             Il convient d’examiner en premier lieu l’argument de la demanderesse relatif à la question de l’imputation de la résiliation extraordinaire du 6 août 2019 à la défenderesse, ou à une autre société du groupe de sociétés éponyme.

7.1 Pour qu'un effet de représentation se produise, le représentant doit agir de façon reconnaissable au nom du représenté (1), et être autorisé à la représentation dans une mesure qui dépend de l'acte d'octroi des pouvoirs de représentation (condition d'existence de pouvoirs) (2) (ATF 146 III 121 consid. 3.2.1 ; ATF 126 III 59 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2.1). La condition d’octroi des pouvoirs peut notamment être remplie par le biais d’une ratification selon l’art. 38 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), norme qui trouve également application à la représentation de la personne morale (ATF 128 III 129 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2011 du 16 mai 2011 consid. 2.1).

Selon l’art. 954a al. 1 CO, la raison de commerce doit figurer de manière complète et inchangée dans la correspondance, les bulletins de commande, les factures et les communications d’une société. Lorsqu'une personne morale change de raison de commerce, cela n'a toutefois pas d'impact sur sa capacité à devenir titulaire de droits et d'obligations ; si l'ancienne raison sociale est encore utilisée, il existe uniquement une erreur de dénomination qui doit être écartée par l'interprétation de l'acte juridique en cause (ATF 130 III 633 consid. 2.2.2.2.1).

7.2 En l’espèce, il ne fait pas de doute que la condition d’existence des pouvoirs de représentation est remplie, dès lors que la résiliation extraordinaire du 6 août 2019 a fait l’objet d’une ratification, en tout cas, par le biais du mémoire de réponse de la défenderesse du 18 août 2021. Ce mémoire a en effet été signé par des personnes titulaires d’une procuration générale, soit des mandataires commerciaux autorisés à représenter une personne morale en justice au sens de la jurisprudence fédérale (cf. ATF 141 III 159 consid. 1.2.2 ; ATF 141 III 80 consid. 1.3 et 1.4). Cette procuration a, quant à elle, été accordée par deux personnes autorisées à signer conjointement pour la défenderesse au registre du commerce (ci-après : RC).

Comme le souligne à juste titre la demanderesse dans son mémoire de réplique, une ratification ne peut, en revanche, guérir l’absence de la première condition de l’effet de représentation, à savoir le caractère reconnaissable de celle-ci pour le récepteur de l’acte en cause.

Toutefois, il ressort du RC que la raison sociale « Helsana Assurances SA » est une ancienne raison sociale de la défenderesse. Celle-ci se distingue de la raison sociale de la société anonyme indépendante qui pratique l’assurance de base selon la LAMal, à savoir « Helsana SA ». Bien que le non-respect des prescriptions posées par l’art. 954a CO par l’assurance, en ce qui concerne son papier à lettre, soit de nature à créer une certaine confusion dans l’esprit du récepteur d’un de ses courriers, il apparaît, en l’espèce, que le contenu de la résiliation se rapporte clairement et uniquement à des contrats conclus par la défenderesse. De la même manière que ce qui était le cas dans l’arrêt ATAS/1220/2021 du 30 novembre 2021 (consid. 6.2), la demanderesse, respectivement ses gardiens, pouvaient donc clairement identifier que la résiliation extraordinaire était un acte de la défenderesse, et non d’une autre personne morale, en particulier d’Helsana SA.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que la résiliation extraordinaire du 6 août 2019 peut bien être imputée à la défenderesse. L’argumentation de la demanderesse pouvant, sur ce point, être écartée.

8.             En second lieu, il convient d’examiner l’argument de la demanderesse relatif à la validité matérielle de la résiliation pour cause de réticence.

8.1 Selon l'art. 4 al. 1 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à l'assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque. Le preneur n'a en revanche pas à annoncer des faits au sujet desquels il n'est pas interrogé (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2008 du 19 novembre 2008 consid 3.1.2). Pour qu'il y ait réticence, il faut, d'un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude ; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité (ATF 136 III 334 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2017 du 29 mars 2017 consid. 2.1). Il n'existe pas de réticence si la question était ambiguë de telle sorte que la réponse donnée apparait véridique selon la manière dont la question pouvait être comprise, de bonne foi, par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3 : ATF 134 III 511 consid. 3.3.3 ; ATF 118 II 333 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 2). Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s'il réfléchit sérieusement à la question posée (ATF 136 III 334 consid. 2.3 ; ATF 134 III 511 consid 3.3.3 ; ATF 118 II 333 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_94/2019 du 17 juin 2019 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2018 du 13 décembre 2018 consid. 3.1.1).

8.2 Pour constituer un cas de réticence, il faut encore que la réponse inexacte porte sur un fait important pour l'appréciation du risque (art. 4 al. 1 et 6 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). Autrement dit, les faits qu'il faut déclarer sont non seulement ceux qui peuvent constituer une cause de risque, mais aussi ceux qui permettent de supposer l'existence d'une cause de risque (ATF 136 III 334 consid 2.4 ; ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 ; ATF 118 II 333 consid. 2a), en tout cas lorsque les informations sur lesquelles l'assuré est interrogé sont effectivement valides pour estimer la probabilité de réalisation du risque assuré (arrêt du Tribunal fédéral 4A_150/2015 du 29 octobre 2015 consid. 7.5). Pour faciliter le processus décisionnel, l'art. 4 al. 3 LCA pose la présomption qu’un fait est important s'il a fait l'objet d'une question écrite de l'assureur, précise et non équivoque. L’ayant droit peut toutefois renverser cette présomption (ATF 136 III 334 consid. 2.4 ; ATF 134 III 511 consid. 3.3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 2) ; en effet, même dans ce cas, celui qui tait des indispositions sporadiques qu'il pouvait raisonnablement de bonne foi considérer sans importance pour l'évaluation du risque, sans devoir les tenir pour une cause de rechute ou de symptômes d'une maladie imminente aigüe, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 134 III 511 consid. 3.3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2018 du 13 décembre 2018 consid. 3.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2017 du 29 mars 2017 consid. 2.1).

8.3 Jusqu’au 1er janvier 2022, tous les faits questionnés et importants survenus avant la conclusion du contrat devaient être déclarés à l’assureur, indépendamment du moment de prise d’effet de celui-ci (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_488/2007 du 5 février 2008 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.51/2006 du 17 juillet 2006 consid. 4.2). Cela signifie que si le moment où le preneur d’assurance remplissait le questionnaire de santé ne correspondait pas au moment de la conclusion du contrat, il devait spontanément annoncer à l’assurance la survenance de faits faisant l’objet du devoir d’annonce de l’art. 4 LCA (ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 7.3 ; Jürg NEF, Basler Kommentar VVG, 2001 [2012], ad. art. 6 LCA n. 7). Depuis le 1er janvier 2022, le moment déterminant est en revanche celui où le questionnaire de santé est rempli (FF 2017 4767, p. 4789).

8.4 La conséquence de l’existence d’un cas de réticence, est la possibilité donnée à l’assureur de résilier le contrat d’assurance (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 ; ATAS/1220/2021 du 30 novembre 2021 consid. 7.1.1).

La jurisprudence exige que la déclaration - écrite (cf. art. 6 al. 1 LCA) - par laquelle l'assureur se départit du contrat décrive de manière circonstanciée le fait important non déclaré ou inexactement déclaré ; de plus, une déclaration de résiliation qui ne précise pas suffisamment la question à laquelle il a été répondu inexactement n'est pas suffisamment détaillée (ausführlich) (ATF 129 III 713 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2014 du 27 avril 2015 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_289/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_488/2007 du 5 février 2008 consid. 3.1 ; arrêt du tribunal fédéral 5C.134/2006 du 21 novembre 2006 consid. 2.2).

8.5 En ce qui concerne le délai de quatre semaines prévu par l’art. 6 al. 2 LCA, il s’agit d’un délai de péremption dont le fardeau de la preuve pèse sur l’assureur (ATF 118 II 333 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 4.1 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 7.5 ; ATAS/825/2018 du 20 septembre 2018 consid. 7). De manière générale, celui qui se prévaut de l’extinction d’une obligation doit prouver les faits qui permettent d’établir celle-ci (ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1).

Le délai de résiliation extraordinaire ne commence à courir que lorsque l'assureur « est complètement orienté sur tous les points touchant la réticence et qu'il en a une connaissance effective, de simples doutes à cet égard étant insuffisants » (ATF 118 II 333 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2018 du 13 décembre 2018 consid. 3.2.1). L'assureur est censé connaître des faits ou disposer de renseignements dès que cette information est accessible au sein de son organisation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_294/2014 du 30 octobre 2014 consid. 4 ; ATAS/1222/2021 du 29 novembre 2021 consid. 7.5).

9.             En l’espèce, l’assurée a rempli deux déclarations de santé : la première le 25 octobre 2017, et la seconde le 6 novembre 2017. Cette seconde déclaration a été réalisée en présence d’un employé de la défenderesse dont la signature figure en bas de l’offre d’assurance correspondante (cf. pièce 2 défenderesse, p. 1 ; voir également : mémoire de réponse du 18 août 2019, al. 2, p. 2). C’est donc bien le contenu de la seconde déclaration de santé qui est seul pertinent.

En outre, les contrats d’assurance objets de la présente procédure ont été conclus le lendemain, les faits survenus postérieurement ne peuvent donc fonder une réticence permettant leur résiliation extraordinaire.

L’assurée a répondu ainsi aux questions suivantes en remplissant sa déclaration de santé du 6 novembre 2017 (cf. pièce 2 défenderesse, p. 5) :

« 2a. Etes-vous actuellement traitée ou suivie par un médecin, dentiste, naturopathe, thérapeute, etc. ou cela est-il prévu? »

« Oui. Vaccin chez le pédiatre + contrôle ; 31.10.2017 ; D______ »

« 2b. Vous a-t-on recommandé une visite médicale/des examens médicaux, qui n'ont toutefois pas encore été effectués? »

« Non »

« 4. Êtes-vous atteint(e) d’une invalidité ou d’une infirmité congénitale? (Veuillez joindre à votre demande la copie de la décision de l’AI) »

« Non »

L’assurance considère qu’il a été répondu incorrectement aux questions 2a et 4 (cf. mémoire de réponse du 18 août 2019, §3, p. 6). Il convient donc d’examiner successivement ces deux aspects.

9.1 En ce qui concerne la question 2a, l’argumentation de la défenderesse repose sur la déclaration de santé du 25 octobre 2017, et non sur la déclaration de santé pertinente, qui est celle du 6 novembre 2017. En outre, la résiliation extraordinaire pour cause de réticence ne fait pas référence à cette question alors que la jurisprudence fédérale a posé des exigences strictes en matière de précision de l’information incorrecte qui est reprochée, lors de l’invocation d’une réticence. La résiliation extraordinaire du 6 août 2019 ne peut donc être fondée sur une réponse incorrecte à la question 2a.

Pour le même motif, cette résiliation ne peut être fondée sur la question 2b. La défenderesse ne s’est en effet pas prévalue d’une réponse incorrecte à cette question dans son courrier de résiliation pour cause de réticence.

En outre, il apparaît que le courriel de la gardienne à l’OCPM daté du 31 octobre 2017, et qui fait mention de visites à venir chez des spécialistes, a été remis à un employé de la défenderesse le 6 novembre 2017 (cf. mémoire de réponse du 18 août 2019, al. 2, p. 2). Dans cette situation, on peut se demander s’il ne revenait pas à l’assurance de clarifier la question de ces visites, et notamment de demander des informations complémentaires aux gardiens, dans un délai raisonnable (dans le même sens : ATF 141 I 97 consid. 7.1 ; ATF 129 III 363 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_15/2016 consid. 2.2), et pas uniquement au 9 juillet 2019 une fois qu’était requis d’elle la couverture de frais d’une certaine importance, après quoi le délai de péremption de quatre semaines commençait à courir. Vu l’absence de mention de la question 2b dans le courrier de résiliation du 6 août 2019 et le fait que le délai de péremption soit désormais dans tous les cas écoulé, la question peut toutefois rester ouverte.

9.2 En ce qui concerne la question 4, elle a en revanche été expressément mentionnée dans la résiliation extraordinaire du 6 août 2019.

9.2.1 Comme établi plus haut, pour qu’une réticence puisse être invoquée, la façon dont une question doit être comprise de bonne foi est déterminante pour savoir si la réponse qui y est donnée est incorrecte.

La question 4 du questionnaire du 6 novembre 2017 fait référence à une invalidité ou à une infirmité congénitale. De bonne foi, on ne peut entendre le concept d’invalidité comme comprenant un strabisme divergent intermittent facilement décompensé.

Il en va de même pour le concept d’infirmité congénitale, dès lors que l’ordonnance concernant les infirmités congénitales du 9 décembre 1985 (OIC - RS 831.232.21), en vigueur à l’époque du complexe de fait en cause, ne retenait comme infirmité congénitale (n. 427) que les strabisme et microstrabisme concomitants unilatéraux, et uniquement lorsqu’il existe une amblyopie de 0,2 ou moins après correction. Cela vaut d’autant plus que le diagnostic de strabisme n’a été posé par une médecin spécialiste que le 7 décembre 2017 (cf. pièce 13 défenderesse, question 6), soit postérieurement à la conclusion des contrats d’assurance en cause, et que cette spécialiste a privilégié des mesures correctrices de faible ampleur dans un premier temps (cf. pièce 11 demanderesse).

En outre, il n’est pas établi que le strabisme de l’assurance soit congénital. Si telle est en effet la supposition de la Dresse E______ (cf. pièce 13 défenderesse, question 3), sur la base des informations qui lui avaient été fournies sur les parents génétiques de l’assurée, cette appréciation entre en contradiction avec le contenu du carnet de santé de la demanderesse qui permet d’établir que ses yeux ont été examinés à neuf reprises depuis sa naissance, sans qu’un problème de strabisme divergent intermittent ait été relevé. Cela laisse plutôt penser que le strabisme dont souffre l’assurée est, soit apparu après la naissance, ce qui n’est pas médicalement extraordinaire (voir le vadémécum de l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin sur le strabisme : https://www.ophtalmique.ch/hopital/maladies-de-la-vue/strabisme/; consulté le 9 mars 2022), soit qu’il était difficile, même pour un pédiatre, de poser un diagnostic clair à cet égard. Il faut par ailleurs se souvenir que l’assurée n’est arrivée auprès de ses gardiens en Suisse qu’à la fin du mois d’octobre 2017. Ceux-ci n’étaient donc pas en mesure de déterminer si elle souffrait d’un problème de vue depuis sa naissance, en l’absence de toute information en ce sens dans le carnet de santé de la demanderesse.

Enfin, la question 4 du questionnaire de santé déterminant précise « Veuillez joindre à votre demande la copie de la décision de l’AI. ». À la lecture de cette phrase, une personne raisonnable comprendra naturellement qu’elle ne doit faire mention que d’une invalidité ou d’une infirmité congénitale constatée par une décision de l’assurance-invalidité, ou à tout le moins faisant l’objet d’une procédure en cours. Si la défenderesse souhaite que les personnes soumises à son questionnaire de santé mentionnent tout strabisme, il lui est loisible d’ajouter une précision en ce sens, par exemple : «, y compris une infirmité légère/curable comme un strabisme. Veuillez joindre à votre demande la copie d’une éventuelle décision de l’AI, ou mentionner si une procédure est en cours ou si aucune demande n’a été déposée ».

En l’état, la question 4 de l’assurance ne peut raisonnablement être comprise comme impliquant une mention d’un potentiel strabisme divergent intermittent, potentiellement de naissance, sans diagnostic clair d’un médecin ophtalmologue. Ce genre d’information pourrait éventuellement devoir être mentionné à la question 2b relative aux examens médicaux recommandés mais n’ayant pas encore été effectués. Pour les raisons mentionnées plus haut, cette question souffre toutefois de rester indécise dans le présent cas.

Il résulte de ce qui précède que la résiliation pour cause de réticence du 6 août 2019 est invalide.

9.2.2 En outre, il faut rappeler que la réponse incorrecte à une question d’un assureur ne suffit pas à fonder une résiliation extraordinaire pour cause de réticence, mais qu’il est nécessaire que celle-ci se rapporte à un fait qui peut constituer une cause de risque, ou qui permet de supposer l'existence d'une cause de risque. La réalisation ou non de cette condition ne peut être établie qu’à l’aide de la couverture détaillée de ou des assurance(s) à l’égard de la ou desquelles est invoquée la réticence.

En l’espèce, les pièces produites à la procédure permettent indubitablement de constater que les assurances COMPLETA, HOSPITAL PLUS et Advocare EXTRA ont été conclues entre les parties. En revanche, le contenu détaillé des risques et prestations objets de ces assurances n’a pas été produit à la procédure. Seules l’ont été les conditions générales d’assurance valables pour toutes les assurances complémentaires de la défenderesse, et qui, par définition, ne définissent pas quels risques et prestations sont couverts par des assurances spécifiques. La production à la procédure des conditions générales spécifiques à chaque « produit » d’assurance était donc indispensable, dès lors qu’en leur absence, la chambre de céans ne peut pas établir si la mention d’un strabisme sur le questionnaire de santé est susceptible de faire l’objet d’une prise en charge au titre de toutes les assurances susmentionnées, d’aucune, ou uniquement de certaines d’entre elles.

S’agissant de faits permettant d’établir la validité de sa résiliation extraordinaire pour cause de réticence, le fardeau de la preuve repose sur l’assureur. La défenderesse était en l’espèce représentée par des avocats brevetés qualifiés et rompus aux litiges relatifs à la LCA, de sorte qu’il ne revenait pas à la chambre de céans d’agir activement pour requérir la production de pièces qui étaient à la libre disposition de l’assurance, d’autant que la phase d’allégation n’était pas limitée dans le temps vu l’application de la maxime inquisitoire sociale, et que les pièces en cause auraient donc très bien pu être produites après la duplique, par exemple à l’occasion de l’audience de débats du 2 décembre 2021. Dans le cadre de cette audience, tant la défenderesse que la demanderesse ont d’ailleurs déposé des offres de preuve complémentaires.

Partant, les faits permettant d’établir que la mention d’un strabisme sur le questionnaire de santé est nécessaire à l’aune du risque assuré doivent être considérés comme non prouvés. Il s’ensuit que la seconde condition d’une résiliation pour cause de réticence fait également défaut.

9.3 Les conditions matérielles d’une réticence n’étant pas remplies, la résiliation extraordinaire pour cause de réticence de la défenderesse datée du 6 août 2019 est nulle.

10.         En conclusion, la question incidente à laquelle la procédure a été limitée en date du 2 décembre 2021, doit être tranchée comme suit : la résiliation pour cause de réticence de la défenderesse du 6 août 2019 est nulle.

Ce constat ne met pas toutefois pas fin à la procédure dès lors que la question objet de celle-ci, à savoir si les assurances COMPLETA et HOSPITAL PLUS lient toujours les parties, n’est pas encore tranchée. Il s’agit donc d’une décision incidente au sens de l’art. 237 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_142/2014 du 2 octobre 2014 consid. 2). Celle-ci lie la chambre de céans eu égard à sa décision finale à venir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_498/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_154/2015 du 5 octobre 2015 consid. 2.3.2).

En ce qui concerne la question de la pertinence des offres de preuve complémentaires requises par les parties, il en sera décidé dans la suite de la procédure.

11.         En ce qui concerne les frais et dépens (« Prozesskosten »), l’art. 106 al. 2 CPC prévoit qu’en cas décision incidente au sens de l’art. 237 CPC, ceux qui ont été encourus jusqu’à ce moment peuvent être répartis par le tribunal.

En l’espèce toutefois, aucune des deux parties n’a allégué le montant probable des frais qui devraient être pris en charge par la défenderesse si la demande venait à être admise. En l’état, il n’est donc pas possible à la chambre de céans de fixer d’éventuels dépens, étant entendu qu'il n’est, de toute façon, pas perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC et 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC - E 1 05). Le sort des dépens doit donc également être réservé.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        Constate que la résiliation pour cause de réticence d’Helsana assurances complémentaires SA du 6 août 2019 est nulle.

3.        Réserve la suite de la procédure, ainsi que le sort des frais.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le