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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3101/2020

ATAS/847/2021 du 17.08.2021 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3101/2020 ATAS/847/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 août 2021

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à RUSSIN

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1958, exerce une activité de consultant.

b. Le 5 juin 2014, il a formé une demande d’affiliation auprès de la caisse genevoise de compensation (ci-après : la caisse).

c. Par courrier du 27 juin 2014, la caisse a confirmé à l’assuré son affiliation au 1er juin 2012 en qualité de salarié d’un employeur non tenu de payer des cotisations.

d. Par décision du 12 février 2020, la caisse a fixé le montant des cotisations de l’assuré pour l’année 2019 à CHF 16'017.65, compte tenu d’un salaire déterminant de CHF 105'151.-.

B.       a. Le 8 avril 2020, l’assuré a formé une demande d’allocations pour perte de gain en lien avec le coronavirus (ci-après : APG-Covid).

b. Par décision du 5 mai 2020, la caisse lui a nié le droit aux APG-Covid, au motif qu’il n’était pas affilié en qualité d’indépendant.

c. Le 22 mai 2020, l’assuré a formé opposition contre cette décision, faisant valoir qu’il n’était plus salarié d’un employeur non soumis à cotisations depuis le 1er janvier 2014. Depuis cette date, il travaillait en qualité de consultant indépendant et était mandaté pour des missions temporaires de deux mois. Il n’avait aucune garantie de travail à la fin des missions.

d. Le 17 août 2020, l’assuré a sollicité de la caisse un changement de statut.

e. Par décision du 3 septembre 2020, la caisse a confirmé sa décision du 5 mai 2020. L’allocation en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus s’adressait aux indépendants qui, au moment de l’interruption de leur activité lucrative, exerçaient une activité lucrative indépendante. L’élément déterminant était que la caisse ait reconnu à ces personnes le statut d’indépendant. Or, le recourant ne disposait pas du statut d’indépendant reconnu au 17 mars 2020. Aucune démarche n’avait été entreprise en ce sens. La décision entreprise était partant conforme au droit, étant précisé que la caisse ne disposait pas d’une marge d’appréciation lui permettant d’abonder dans un sens contraire.

C.       a. Par acte du 2 octobre 2020, l’assuré a recouru contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). Il n’avait plus été salarié depuis le 31 décembre 2011. Une erreur s’était produite lors de son affiliation en 2014, raison pour laquelle il avait fait une demande de correction de statut le 17 août 2020. Lors de son inscription à la caisse, il avait indiqué qu’il était indépendant.

b. Par réponse du 26 octobre 2020, la caisse a conclu au rejet du recours. La décision du 27 juin 2014 avait été prise sur la base des justificatifs transmis par l’assuré dans le cadre de sa demande d’affiliation du 5 juin 2014. Il n’était pas nécessaire de savoir si l’assuré aurait dû ou non être affilié en qualité d’indépendant en 2014, étant donné que l’intéressé n’avait pas contesté son affiliation en qualité de salarié d’un employeur non tenu de payer des cotisations et qu’une demande de révision formée après le 17 mars 2020 ne saurait affecter l’issue du présent litige. Pour avoir droit à l’APG-Covid, la personne devait avoir été affiliée comme indépendante avant le 17 mars 2020 ou la procédure d’affiliation comme indépendant devait avoir été initiée avant cette date. Or, l’assuré ne se trouvait dans aucun de ces deux cas de figure. À titre superfétatoire, il convenait de relever que la demande d’APG-Covid de l’assuré aurait de toute façon été rejetée dès lors que son revenu définitif déterminant de l’année 2019 s’élevait à CHF 105'151.-, soit au-dessus du barème fixé par le Conseil fédéral à l’égard des cas de rigueur (entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.-).

c. Par réplique du 17 novembre 2020, l’assuré a persisté dans ses conclusions. La caisse avait fait une erreur en l’affiliant en qualité de salarié d’un employeur non tenu de payer des cotisations. Il n’avait pas été informé des conséquences de son affiliation. Enfin, il contestait la limite supérieure de CHF 90'000.- du barème fixée par le Conseil fédéral.

d. Par duplique du 7 décembre 2020, la caisse a persisté dans ses conclusions. Elle regrettait que son assuré ait le sentiment d’avoir été éconduit dans le cadre de son affiliation, ce qui n’était pas le cas. Quand bien même la demande d’ajustement volontaire aboutirait à la reconnaissance de son statut d’indépendant, elle ne permettrait pas à la caisse de revenir sur sa décision. Enfin, l’assuré ayant déposé une demande d’APG-Covid pour la période du 16 mars au 16 septembre 2020, l’exigence du barème fixé par le Conseil fédéral entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.- lui était applicable.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s’appliquent aux allocations pertes de gain en lien avec le coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain en lien avec le coronavirus du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La Chambre de céans est ainsi compétente pour connaître du recours (cf. ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

2.        Interjeté en temps utile et dans les formes légales par une personne directement touchée par la décision attaquée, le recours est recevable.

3.        Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimée de verser des APG-Covid au recourant.

4.        En application de l’art. 185 al. 3 Cst., le Conseil fédéral a édicté, le 20 mars 2020,
l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19. Étant donné que sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références) et que le juge des assurances sociales se fonde sur l’état de fait tel qu’il se présente jusqu’à la date de la décision litigieuse (in casu : 3 septembre 2020 ; cf. ATF 121 V 366 consid. 1b), il convient d’appliquer les dispositions de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans leur teneur en vigueur à ce moment précis (cf. ATF 132 V 215 consid. 3.1.2), ce qui revient, en l’occurrence, à appliquer l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans son état au 6 juillet 2020. Aussi, la chambre de céans citera-t-elle les dispositions matérielles de cette ordonnance telles qu’elles se présentaient à cette date.

Selon l’art. 2 al. 3 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, état au 6 juillet 2020, les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui subissent une perte de gain en raison d’une mesure prévue à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24) ont droit à l’allocation pour autant qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS ; RS 831.10).

Selon l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, état au 6 juillet 2020, les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 ont droit à l’allocation pour autant qu’elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.- et pour autant qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la LAVS ; l’art. 5 al. 2 2ème phrase s’applique par analogie au calcul du revenu déterminant de l’année 2019.

En vertu de l’art. 5 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, état au 6 juillet 2020, l’indemnité journalière est égale à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie. Après la fixation du montant de l’allocation, cette dernière ne peut faire l’objet d’un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l’ayant droit d’ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d’ici à cette date (al. 2).

Conformément à l’art. 11 al. 1 phr. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS.

5.        L’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) a émis des lignes directrices relatives à l’application de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans la circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après : CCPG). Il sera fait référence ci-après à la teneur de cette circulaire valable au 3 juillet 2020.

De telles directives ne créent pas de nouvelles règles de droit, mais sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d’exécution. Elles ont notamment pour but d’établir des critères généraux d’après lesquels sera tranché chaque cas d’espèce et cela aussi bien dans l’intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n’ont d’effet qu’à l’égard de l’administration dont elles donnent le point de vue sur l’application d’une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n’en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu’elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d’espèce. Il ne s’en écarte que dans la mesure où les directives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (voir ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 et les références).

D’après le ch. 1065 CCPG, dans sa version 6 valable dès le 3 juillet 2020, la base de calcul de l’indemnité pour les indépendants correspond en principe au revenu réalisé en 2019. Pour ce faire, c’est le revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisations) qui est déterminant. Par contre, si, au moment où l’indemnité est déterminée, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, celle-ci doit être prise comme base de calcul.

Le ch. 1065.1 CCPG précise que si l’indemnité a été fixée sur la base des revenus utilisés pour les acomptes de cotisation 2019 et que ceux-ci n’ont pas été adaptés depuis la dernière décision définitive de cotisations, les revenus de la dernière décision définitive de cotisations doivent être pris en compte sur demande du bénéficiaire. Si, au moment de la demande, la taxation fiscale pour 2019 est déjà disponible, c’est celle-ci qui doit être prise en compte. La demande de nouveau calcul, respectivement de révision ou de reconsidération, doit être adressée à la caisse de compensation au plus tard le 16 septembre 2020.

Les directives administratives de l’OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit et ne lient pas le juge des assurances sociales. Il ne doit en tenir compte que si une interprétation correcte et adaptée au cas particulier des dispositions légales applicables le permet et s’en écarter si elles sont incompatibles avec les dispositions légales (ATF 132 V 321 ; ATF 131 V 45 consid. 2.3 ; ATF 130 V 172 consid. 4.3.1).

Les ch. 1065 et 1065.1 CCPG sont conformes à l’art. 11 al. 1 LAPG, ainsi qu’à l’art. 7 al. 1 du règlement sur les allocations pour perte de gain du 24 novembre 2004 (RAPG - RS 834.11), lequel dispose que pour les personnes exerçant une activité indépendante, l’allocation est calculée d’après le revenu, converti en revenu moyen, qui a servi de base à la dernière décision de cotisation à l’AVS rendue avant l’entrée en service, l’allocation étant ajustée sur demande si, par la suite, une nouvelle décision de cotisations est prise pour l’année pendant laquelle le service a été accompli (arrêt APG 26/20 - 16/2020 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 28 septembre 2020).

6.        Dans sa décision du 3 septembre 2020, l’intimée a refusé l’octroi d’allocations pour perte de gain en cas de coronavirus au motif qu’aucune reconnaissance du statut d’indépendant du recourant n’était intervenue avant le 17 mars 2020. Le recourant fait valoir pour sa part qu’il a toujours eu le statut d’indépendant et qu’une demande de changement de statut était en cours.

En l’occurrence, dans un arrêt rendu en plenum, confirmé à plusieurs reprises, la chambre de céans a retenu que le fait de faire dépendre le droit à l’allocation d’une décision d’affiliation et/ou d’une demande d’affiliation comme indépendant antérieure(s) au 17 mars 2020 équivalait à introduire une condition supplémentaire que l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ne prévoyait pas. Une telle application extensive du ch. 1025 CCPG n’était pas admissible (ATAS/177/2021 du 4 mars 2021 consid. 9 ; ATAS/234/2021 du 15 mars 2021 consid. 11 ; ATAS/286/2021 du 30 mars 2021 consid. 10). C’est donc à tort que l’intimée estime que seule la reconnaissance du statut d’indépendant par la caisse avant le 17 mars 2020 est déterminante. Partant, si la caisse venait à reconnaître à l’assuré un statut d’indépendant avec effet rétroactif, la condition de l’exercice d’une activité indépendante au moment de l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée pourrait alors être le cas échéant remplie. Cela ne conduit toutefois pas à l’admission du recours, dès lors que, comme l’a relevé l’intimée, le revenu déterminant du recourant est au-dessus du seuil maximal fixé par le Conseil fédéral pour l’octroi de l’allocation.

Il ressort en effet du dossier que la profession du recourant (consultant) n’a pas été interdite par le Conseil fédéral. Aussi, en application de l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, les APG ne pouvaient lui être octroyées que si son revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situait entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.-. Contrairement à ce que soutient le recourant, au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, le barème fixé par le Conseil fédéral prévoyait un seuil maximal de CHF 90'000.- (cf. art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, état au 6 juillet 2020). Cette disposition a été abrogée (RO 2020 3705), puis modifiée avec effet au 17 septembre 2020 (RO 2020 4571), en ce sens que le seuil maximal de CHF 90'000.- a été supprimé dès cette date. Dans la mesure où, comme on l’a vu (cf. supra consid. 4), sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, il convient d’appliquer les dispositions de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 dans leur teneur en vigueur au moment de la décision entreprise du 3 septembre 2020. Il s’ensuit que le seuil maximal de CHF 90'000.- s’applique à l’égard du recourant. Or, il n’est pas contesté que son revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 est de CHF 105'151.-. Ce revenu est supérieur au seuil maximal de CHF 90'000.-, qui conditionne le droit aux APG. Il en résulte que c’est à juste titre que l’intimée a rejeté la demande du recourant.

7.        Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa version – applicable en l’occurrence – en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le