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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/984/2024

ATA/1199/2025 du 28.10.2025 sur JTAPI/1002/2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/984/2024-LCI ATA/1199/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Julien PACOT, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 octobre 2024 (JTAPI/1002/2024)


EN FAIT

A. a. Par décision du 31 mars 2022, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré à A______ (ci-après : A______) une autorisation de construire (DD 1______) concernant un habitat groupé (48% THPE), des places de stationnement, un couvert à vélos, une pompe à chaleur et l'abattage d'arbres, sur les parcelles nos 3'873 et 3'886 de la commune de B______.

Cette autorisation de construire a été contestée par des propriétaires voisins par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), lequel a rejeté leur recours sous réserve d'une modification du chiffre 5 de l'autorisation de construire ayant trait aux conditions imposées par la police du feu (JTAPI/324/2023 du 15 mars 2023).

b. Ce jugement a ensuite été porté par les propriétaires voisins devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) qui, par arrêt du 14 novembre 2023 (ATA/1242/2023), a partiellement admis le recours et conditionné l'autorisation de construire DD 1______ à la preuve que l'accès était garanti au sens des considérants, au plus tard au moment de la réalisation du projet.

La chambre administrative a retenu, au considérant 3.2 de son arrêt, que selon la jurisprudence, en cas de doute sur la capacité de l’accès prévu à répondre aux besoins de la future construction, l’autorisation de construire devait en principe être refusée, la condition de l’art. 22 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) n’étant alors pas réalisée. S’il apparaissait toutefois vraisemblable que la parcelle en cause disposait d’un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartenait aux recourants s’opposant au projet de démontrer que tel n’était pas le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.2.1 et les références citées).

Au considérant 3.6 de son arrêt, la chambre administrative a jugé que « l'accès à la parcelle n° 3'886 n'était juridiquement pas garanti, puisqu'à teneur de la jurisprudence, si une servitude n'était pas suffisante, l'accès n'était pas garanti (arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2020 du 18 février 2022, consid. 3.2). A fortiori, en l'absence de toute servitude, l'accès tel que prévu par l'impasse, exclusivement sur des parcelles privées appartenant aux opposants, n'était pas garanti ».

Non contesté, cet arrêt est entré en force.

c. Par courriel du 6 février 2024, A______ a interpellé le département afin qu’il lui confirme que la condition imposée par la chambre administrative dans son arrêt était réalisée, de sorte qu'elle était légitimée à procéder à l'ouverture du chantier. À cette occasion, A______ a présenté une nouvelle argumentation juridique, basée sur la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) et la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), qui selon elle démontrait que l'accès à la parcelle n° 3'886 par le chemin C______, voie publique librement utilisable sous l'angle du droit public, était juridiquement garanti au sens des art. 19 et 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Pour appuyer son raisonnement, elle faisait valoir la prise de position demandée à ce sujet à l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) du département de la santé et des mobilités (ci-après : DSM).

d. Par courriel du 27 février 2024, le département a répondu qu'il considérait que la condition imposée par la chambre administrative n'était pas réalisée en l'état, dès lors qu'en l'absence de servitude, l'accès n'était pas garanti. Partant, le chantier de la DD 1______ ne pouvait pas être ouvert.

B. a. Par acte daté du 20 mars 2024, A______ a interjeté recours contre le courriel du 27 février 2024 auprès du TAPI, concluant à son annulation, « à ce qu'il soit dit et constaté que les circonstances d'espèce satisfaisaient à la condition imposée par la chambre administrative au terme de son arrêt du 14 novembre 2023 et que, ce faisant, rien ne s'opposait à l'ouverture du chantier propre à l'autorisation de construire DD 1______ ». Elle sollicitait l'audition de l'OCT, soit pour lui D______.

En tant que destinataire de la décision précitée, elle était particulièrement touchée par cette dernière, laquelle refusait de considérer comme réalisée la condition assortie à l'autorisation de construire DD 1______ et empêchait ainsi l'ouverture du chantier faisant l'objet dudit permis. Elle était donc légitimée à se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de cette décision en constatation. Son intérêt ne pouvait en outre pas être préservé d'une autre manière que par une décision de constatation dès lors qu'elle ne pouvait pas faire valoir ses droits par une action formatrice puisque, sous réserve de procéder à l'ouverture du chantier nonobstant la décision litigieuse, elle n'était pas en mesure d'obtenir une décision formatrice au sujet du respect de la condition imposée par l'arrêt de la chambre.

Au fond, les art. 19 al. 1 et 22 LAT étaient respectés si la voie d'accès était garantie par un fondement juridique. Le fait de bénéficier d'un titre juridique permettant son utilisation était un cas de figure envisageable, mais il ne s'agissait pas d'un critère imposé par la loi.

Contrairement à ce que soutenait le DT, dans son arrêt, la chambre administrative n'avait pas imposé l'inscription d'une servitude de passage en faveur des parcelles nos 3'873 et 3'886. Elle s'était limitée à la contraindre à apporter la preuve que l'accès au projet de construction litigieux était garanti, au plus tard lors de sa réalisation.

b. Le 21 mars 2024, le département s'est déterminé sur le recours. À la forme, il devait être déclaré irrecevable et, au fond, rejeté.

Le courriel du 27 février 2024 ne constituait pas une décision mais une simple prise de position ou avis de sa part, sans effet sur la situation juridique de la recourante. Il ne s'agissait dès lors pas d'une décision au sens de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Dans sa demande du 6 février 2024, A______ souhaitait obtenir son avis quant à la nouvelle thèse qu'elle défendait, fondée sur la LRoutes et qui permettrait selon elle d'affirmer que l'accès requis par les art. 19 et 22 LAT était en l'occurrence juridiquement garanti et la condition imposée par la chambre administrative, réalisée. La société n'avait nullement sollicité le prononcé formel d'une décision constatatoire. Si elle l'avait fait, il ne serait d'ailleurs pas entré en matière au vu du caractère subsidiaire de ce type de décision et de la possibilité pour A______ de présenter son argumentation juridique par devant les instances judiciaires dans le cadre de la procédure de recours contre l'autorisation de construire DD 1______. En outre, reconnaître un caractère constatatoire à son propre courriel aurait pour effet de permettre à la titulaire de l’autorisation de remettre en cause par ce biais une décision judiciaire en force et d'ouvrir, indirectement, des voies de droit à son encontre, soit une possibilité non prévue par la LPA. A______ n'avait donc pas d'intérêt digne de protection au prononcé d'une décision constatatoire.

A______ ne demandait aucune clarification quant à la portée de la DD 1______ telle que modifiée par la chambre administrative, et pour cause puisque sa situation juridique avait déjà été réglée de façon définitive, préalablement au courriel litigieux, par l'arrêt du 14 novembre 2023, qui spécifiait qu'à défaut de servitude, l'accès n'était pas juridiquement garanti. Cet arrêt ne comportait aucune incertitude nécessitant une clarification par le biais d'une décision constatatoire sur la portée des droits et obligations de la société.

En outre, dans sa réponse, qui ne mentionnait pas les voies de recours, il n'avait fait que prendre position sur l'argumentation présentée, confirmant qu'à son sens, le chantier ne pouvait pas être ouvert. Cette prise de position pouvait être assimilée à un renseignement donné par l'administration sur l'application de dispositions légales. À ce titre, le courriel litigieux, à l'instar de la prise de position de l'OCT, n'avait aucun effet obligatoire sur la situation de A______ puisqu'il ne réglait pas celle‑ci de façon contraignante et impérative contrairement à l'arrêt de la chambre administrative. En effet, dans l'hypothèse où cette dernière ouvrirait son chantier, les éventuelles mesures et sanctions prononcées par le département le seraient pour non-respect des conditions de l'autorisation de construire DD 1______ telle que modifiée par l'arrêt en question et non pour le non-respect de son courriel du 27 février 2024.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué.

d. Par jugement du 9 octobre 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, faute de décision attaquable.

Dans son arrêt, la chambre administrative s'était penchée sur la question de l'accès juridique aux parcelles de A______ visées par la DD 1______ et avait considéré qu'en l'absence de toute servitude, l’accès à la parcelle no 3'886 prévu par l’impasse, laquelle était intégralement sise sur des parcelles privées appartenant aux opposants au projet, n’était pas garanti. La chambre administrative avait complété l’autorisation de construire en ajoutant comme condition celle d’apporter la preuve que l’accès soit garanti au sens des considérants au plus tard au moment de la réalisation du projet.

La qualification du chemin C______ n’avait pas été abordée sous l’angle qui était désormais présenté par A______, mais la question de la garantie juridique de l’accès à sa parcelle avait largement été débattue par les parties durant la procédure de recours. L’arrêt de la chambre administrative était définitif.

La société n’avait au surplus jamais sollicité du département qu’il rende une décision de constatation de ses droits et obligations, lesquels ressortaient clairement de l’arrêt du 14 novembre 2023, mais avait demandé au département s’il partageait la position de l’OCT selon laquelle l’accès aux parcelles nos 3'873 et 3'986 était garanti et de lui confirmer que la condition imposée par la chambre administrative était réalisée. Le département s’était contenté de relever qu’en l’absence de servitude, la condition n’était pas réalisée, de sorte que le chantier ne pouvait pas être ouvert. Le TAPI a retenu que A______ aurait pu porter l’arrêt de la chambre de novembre 2023 devant le Tribunal fédéral si elle estimait qu’une interprétation juridique différente aurait dû être discutée.

Le courriel du département se contentait en définitive de répéter le contenu de l’arrêt de la chambre administrative entré en force et ne constituait pas une décision constatatoire sujette à recours. Ce courriel n’avait aucun effet contraignant pour la recourante autre que celui résultant déjà dudit arrêt. Par son courriel, A______ contestait en réalité le bien-fondé de l’arrêt de la chambre. Une requête de décision constatatoire ne pouvait permettre de faire valoir des griefs qui auraient pu être invoqués dans un recours pour lequel le délai était échu.

C. a. Par acte du 29 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative à l’encontre du jugement précité, concluant à son annulation, à l’annulation de la décision rendue le 27 février 2024 par le département, à ce qu’il soit constaté que les circonstances du cas d’espèce satisfaisaient à la condition imposée par la chambre de céans dans son arrêt du 14 novembre 2023 et à autoriser l’ouverture du chantier concernant l’autorisation DD 1______.

Si elle n’avait pas formellement sollicité le prononcé d’une décision constatatoire, une telle demande découlait toutefois du texte et du sens de sa requête ainsi que des circonstances du cas d’espèce. Elle contestait la réponse de l’OAC du 27 février 2024 selon laquelle son courrier n’avait « aucun effet contraignant pour la recourante autre que celui résultant de l’arrêt de la chambre administrative ». Au contraire, l’effet contraignant du courrier du 27 février 2024 était clair car il portait sur l’interdiction de procéder à l’ouverture du chantier. La seule voie alternative pour la recourante était de commencer les travaux, ce qui avait pour conséquence que l’OAC lui aurait signifié une décision d’arrêt de chantier. Ce cas de figure lui aurait causé un dommage considérable (contrats avec les entreprises et prestataires, libération des fonds pour la mise en œuvre des corps de métier, commande et livraison du matériel) et l’aurait mise en porte à faux avec le département.

Dans son arrêt du 14 novembre 2023, la chambre administrative avait certes ajouté une condition mais elle avait surtout validé l’autorisation de construire. Pour le surplus, elle n’avait aucune raison de contester ce résultat auprès du Tribunal fédéral, puisqu’elle considérait que la condition imposée par l’arrêt était d’ores et déjà réalisée sous l’angle du droit public et que son courrier ne visait qu’à en obtenir la confirmation. L’exigence de subsidiarité était donc remplie. Par ailleurs, il existait un intérêt public à ce que soit reconnu le fondement de droit public qu’elle défendait, permettant de considérer qu’une voie d’accès était juridiquement garantie.

b. Le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement querellé du TAPI.

La recourante admettait ne pas avoir formellement demandé de décision constatatoire, alors même qu’elle était « représentée par un avocat rompu aux particularités de la procédure administrative ». Sa demande du 6 février 2024 visait à obtenir une prise de position du département sur sa nouvelle argumentation juridique qui avait essentiellement pour but de contester le bien-fondé de la condition imposée par la chambre administrative dans son arrêt du 14 novembre 2023.

Le TAPI avait clairement confirmé que les droits et obligations de la recourante ressortaient de l’arrêt du 14 novembre 2023. Aucune clarification de ces obligations n’était nécessaire. Dans le courrier dont la nature était querellée, il s’était contenté de répéter le contenu de l’arrêt de la chambre administrative en force, ce qui ne constituait pas une décision constatatoire susceptible de recours.

La recourante était malvenue de prétendre que le courriel du 27 février 2024 avait une incidence excédant celle de l’arrêt du 14 novembre de la chambre administrative dans la mesure où ce dernier ne prévoyait aucune interdiction d’ouvrir le chantier. En effet, dans le dispositif de son arrêt, la chambre de céans conditionnait l’autorisation de construire DD 1______ à la preuve que l’accès était garanti au sens des considérants, au plus tard au moment de la réalisation du projet, moment coïncidant avec l’ouverture du chantier. C’était d’ailleurs ainsi que la recourante l’avait compris, puisqu’elle faisait précisément dépendre l’ouverture du chantier de la réalisation de la condition imposée par la chambre administrative.

C’était à bon droit que le TAPI avait considéré que le courriel du 27 février 2024 du département n’avait aucun effet contraignant autre que celui résultant de l’arrêt de la chambre administrative.

Enfin, il n’existait pas d’intérêt digne de protection pour la recourante à l’obtention d’une décision constatatoire. En effet, elle avait décidé en toute connaissance de cause de ne pas porter l’arrêt de la chambre de céans devant le Tribunal fédéral. Quand bien même elle estimerait désormais que la condition imposée alors par la chambre administrative n’avait aucune raison d’être, cela ne pouvait lui ouvrir la voie à l’obtention d’une décision constatatoire. L’exigence de subsidiarité n’était donc pas satisfaite.

c. La recourante n’ayant pas répliqué dans le délai imparti par la chambre de céans, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que le TAPI a déclaré le recours de la société irrecevable, faute de décision sujette à recours.

2.1 Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), la chambre administrative statue sur les recours formés contre les décisions au sens des art. 4, 4A, et 57 LPA (art. 132 al. 2 LOJ) rendues par les autorités et juridictions administratives mentionnées aux art. 5 et 6 LPA.

2.2 En vertu de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (al. 4).

La notion de décision vise, d’une manière générale, toute mesure que prend une autorité, dans un cas individuel et concret, en vue de produire un certain effet juridique. (ATF 135 II 30 consid. 4.3). En d’autres termes, constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l’intéressé, l’astreignant à faire, à s’abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d’une autre manière obligatoire ses rapports avec l’Etat (ATF 135 II 22 consid. 1.2).

2.3 De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_39/2025 du 25 mars 2025 consid. 4.3). En d’autres termes, constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l’intéressé, l’astreignant à faire, à s’abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d’une autre manière obligatoire ses rapports avec l’État (ATF 135 II 22 consid. 1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte (ATF 150 I 183 consid. 3.4.1 = JdT 2024 I p. 150, 152). Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_107/2024 du 19 août 2024 consid. 5.1 et les références citées).

2.4  L’art 49 LPA prévoit que l’autorité compétente peut d’office ou sur demande constater par une décision l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations fondés sur le droit public (al. 1). Elle donne suite à une demande en constatation si le requérant rend vraisemblable qu’il a un intérêt juridique personnel et concret, digne de protection (al. 2).

Ces principes prévalent également sur le plan fédéral, comme cela ressort des art. 5 al. 1 let. b et 25 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA - RS 172.021). Ainsi que le précise la jurisprudence fédérale, une autorité ne peut rendre une décision en constatation que si la constatation immédiate de l'existence ou de l'inexistence d'un rapport de droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait auquel ne s'opposent pas de notables intérêts publics ou privés, à la condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé par une décision formatrice, c'est-à-dire constitutive de droits ou d'obligations (ATF 135 III 378 consid. 2.2. ; 129 V 289 consid. 2.1).

En droit genevois, la qualité pour requérir une décision constatatoire est, à rigueur de texte, plus étroite, puisque l’intérêt invoqué doit être non seulement digne de protection mais également juridique (art. 49 al. 2 LLPA). Il s’ensuit que seuls les titulaires de droits et d’obligations à constater peuvent requérir une décision en constatation, s’ils ont en outre un intérêt digne de protection à ce qu’une telle décision soit rendue (Thierry TANQUEREL/Frédéric BERNARD, Manuel de droit administratif, 3e éd., 2025, n. 824 p. 316).

En ce sens, le droit d'obtenir une décision en constatation est subsidiaire, tout comme celui de l'autorité de prononcer d'office une telle décision (ATF 142 V 2 consid. 1 ; ATA/373/2020 du 16 avril 2020 ; Thierry TANQUEREL/Frédéric BERNARD, op. cit., n. 822 p. 315). Le principe de subsidiarité n’est toutefois pas absolu. Dans les cas où l’intérêt digne de protection du requérant est mieux servi par une décision en constatation que par une décision formatrice ou condamnatoire, notamment si la décision constatatoire tranche une question juridique essentielle et permet d’éviter une procédure complexe, l’autorité saisie ne se montrera pas trop stricte sur la question de la subsidiarité. De même, un intérêt digne de protection peut déjà être reconnu si la décision en constatation de droit permet au recourant d’éviter de prendre des mesures qui lui seraient préjudiciables, ou de ne pas prendre des dispositions qui lui seraient favorables (ATA/975/2022 du 27 septembre 2022 consid. 8b et les références citées).

Les décisions de constatation ne servent pas à modifier la situation juridique, mais uniquement à clarifier celle-ci de façon obligatoire, de telle sorte que les administrés puissent être fixés de façon certaine sur leurs droits et obligations (Thierry TANQUEREL/Frédéric BERNARD, op. cit., n. 819 p. 314). Une requête de décision constatatoire ne saurait permettre de faire valoir des griefs qui auraient pu être invoqués dans un recours pour lequel le délai est échu (JAAC 2001/65 no 7 consid. 2c ; Thierry TANQUEREL/Frédéric BERNARD, op. cit., n. 822 p. 315).

2.5 En l'espèce, il sera relevé que le courriel querellé ne contient aucune voie de droit et n’est pas intitulé « décision ». La recourante, comme l’a souligné le département, n’a jamais formulé clairement qu’elle souhaitait obtenir une décision constatatoire. Son courriel du 6 février 2024 ne contient pas de mise en demeure mais concerne uniquement une demande de prise de position du département sur son interprétation juridique de la situation, soit en particulier son « appréciation sur ce point ». On ne peut ainsi retenir, comme le fait la recourante, que celle-ci souhaitait obtenir par son courriel le prononcé d’une décision constatatoire. Comme elle l’admet, elle n’a pas formellement sollicité une telle décision et les termes utilisés (« appréciation sur ce point », « je vous saurais gré de bien vouloir me confirmer que, au sens de l’OAC, la condition imposée […] est réalisée ») ne permettent pas d’arriver à un autre constat. Le courriel de réponse du département ne crée ni ne constate aucun droit ou obligation pour la recourante, autres que ceux liés à la question posée par cette dernière et déjà tranchée par la chambre administrative. Il ne crée ni ne constate un rapport juridique concret de manière contraignante et ne constitue pas une décision au sens de l’art. 4 LPA. La lecture du courriel du 27 février 2024 ne permet donc pas d'arriver à la conclusion souhaitée par la recourante. Il n'appartenait pas au département d'interpréter autrement le courriel de cette dernière et de rendre une décision sujette à recours sans demande claire et non équivoque de la recourante à cet effet. Au demeurant, à la suite de la réponse du département, il aurait été loisible à la recourante de requérir la prise d'une décision sujette à recours.

Il convient aussi de rappeler que, dans son arrêt du 14 novembre 2023, la chambre de céans s’est précisément penchée sur la question de l’accès juridique aux parcelles de la recourante, visées par la DD 1______. Elle a retenu qu’en l’absence de toute servitude, l’accès à la parcelle no 3'886 par l’impasse, tel que prévu par la DD 1______, n'était pas garanti, celle-ci étant exclusivement sise sur des parcelles privées appartenant aux opposants aux projets. Elle a donc complété l’autorisation de construire en ajoutant la condition suivante « conditionne l’autorisation de construire DD 1______ à la preuve que l’accès est garanti au sens des considérants au plus tard au moment de la réalisation du projet ».

On ne saurait ainsi retenir, comme le fait la recourante, que la question de l’accès juridique à la parcelle en cause, par le chemin C______ puis par l’impasse, n’aurait pas été examinée par la chambre de céans. En effet, la question de l’accès juridiquement garanti à la parcelle, par l’impasse, a déjà été examinée en détail par la chambre administrative. Cet arrêt est entre-temps devenu définitif, n’ayant pas été contesté par devant le Tribunal fédéral. La recourante tente en réalité de contourner l’obligation qui lui est faite par cet arrêt de procéder à l’inscription d’une servitude afin de garantir, juridiquement, l’accès à sa parcelle. Cette obligation de garantir un accès « au sens des considérants » n’a pas été contestée par la recourante. Si celle-ci estimait que la condition imposée par l’arrêt était déjà réalisée sous l’angle du droit public, il convenait qu’elle conteste le résultat auquel la chambre de céans était arrivé auprès du Tribunal fédéral, étant précisé que rien ne s’opposait à un tel recours. Or, comme le TAPI l’a mentionné, une requête de décision constatatoire ne peut permettre de faire valoir des griefs qui auraient pu être invoqués précédemment dans un recours pour lequel le délai était désormais échu, comme dans le cas d’espèce.

S’agissant de la subsidiarité de l’action en constatation, la recourante ne se trouve pas dans un cas où elle dispose d’un intérêt digne de protection à obtenir une décision constatatoire. En effet, elle a renoncé à recourir contre l’arrêt de la chambre administrative concernant la condition qui lui a été imposée. Dans ces circonstances, il faut constater que la recourante est désormais forclose pour contester cet aspect.

Enfin, il va de soi que l’ouverture du chantier ne peut avoir lieu tant que la condition ajoutée par la chambre de céans dans son arrêt du 14 novembre 2023 n’est pas remplie, de sorte qu’il n’est pas exact de retenir que le courriel du 27 février 2024 du département aurait un effet contraignant exorbitant à celui qui découlait de l’arrêt précité.

Ainsi, le présent recours contre le jugement litigieux doit être rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien PACOT, avocat de la recourante, au département du territoire, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :