Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1031/2025 du 23.09.2025 sur JTAPI/288/2025 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/2299/2024-ICCIFD ATA/1031/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 septembre 2025 | 
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dans la cause
A______ SA recourante
 représentée par Mes Jean-Frédéric MARAIA et Arthur MAGNIN, avocats
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées
 
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2025 (JTAPI/288/2025)
A. a. A______ SA (ci-après : la société) est inscrite au registre du commerce (ci‑après : RC) de Genève depuis le 29 novembre 1954. Elle a pour but toutes activités dans le domaine de l'hôtellerie et résidences meublées et toutes transactions s'y rapportant. Selon ses statuts, elle peut également octroyer des prêts et fournir des garanties à ses actionnaires, de même que faire soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, toutes opérations financières, commerciales, mobilières se rattachant directement ou indirectement à son but et s'intéresser sous toutes formes à toutes entreprises similaires.
B______ en est l'administrateur depuis le 10 octobre 2008.
b. La société est propriétaire de l'immeuble sis au 1______ rue C______ à Genève (ci‑après : l'immeuble), lequel est exploité comme logements pour des étudiants. Cet immeuble constitue son principal actif. Au 31 décembre 2007, sa valeur comptable était de CHF 1'065'446.20.
c. Des travaux de rénovation de l'immeuble ont été exécutés entre le 30 janvier 2008 et le 28 février 2008.
B. a. En décembre 2006, l'un des actionnaires de la société a demandé un accord de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sur la vente future de ses actions pour écarter le risque d'une liquidation partielle indirecte. La demande a été acceptée en janvier 2007.
b. Par convention du 26 juin 2008, les actionnaires (personnes physiques) de A______ SA ont cédé l'intégralité de son capital-actions à deux personnes physiques domiciliées à l'étranger, ou à leur nommable, pour un prix de CHF 8'300'000.‑.
c. Par décision du 5 août 2008, le département de l'économie et de la santé de l'époque a autorisé l'acquisition du capital-actions de A______ SA par les requérants ou leur nommable, avec, à titre de charge, une affectation de l'immeuble exclusivement en tant que résidence pour des étudiants de la « Boston University ».
d. Par convention du 7 octobre 2008, la qualité de cessionnaire découlant de la convention de cession d'actions a été transférée à D______ SA. Celle-ci avait été inscrite au RC le 22 août 2008 puis a été radiée par suite de fusion avec A______ SA le 27 avril 2009 ; B______ en était l'administrateur. Son actionnaire unique était E______ LLC, sise à l'étranger.
D______ SA avait comme but l'acquisition, la vente, la détention et la gestion de participations dans tous types de sociétés, en Suisse et à l'étranger. Ses statuts précisaient qu'elle pouvait faire, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, toutes opérations commerciales, financières, mobilières ou immobilières à l'étranger, se rapportant directement ou indirectement à son but principal.
e. Le 8 octobre 2008, D______ SA a acquis l'intégralité des actions de A______ SA pour CHF 8'400'000.-.
f. Simultanément, par convention du même jour, F______ LLC (ci-après : F______), dont le siège se trouvait à l'étranger, a accordé à A______ SA et à D______ SA, conjointement et solidairement, un prêt de USD 9'500'000.-.
Le contrat prévoyait notamment que le produit du prêt serait utilisé pour acquérir et rénover « un établissement d'hébergement pour étudiants » (l'immeuble) qui serait loué aux administrateurs de la « Boston University ».
En outre, D______ SA et A______ SA seraient fusionnées aussi rapidement que possible après le closing.
g. Le 20 avril 2009, A______ SA a repris les actifs et passifs de D______ SA par contrat de fusion, avec effet rétroactif au 1er janvier 2009. La fusion a été inscrite au RC le 27 avril 2009 et publiée dans la feuille officielle suisse du commerce le 1er mai 2009.
La mention correspondante au RC est libellée comme suit : « Fusion : reprise des actifs et passifs de la société D______ SA, à Genève, selon contrat de fusion du 20.04.2009 et bilan au 31.10.2008, présentant des actifs de CHF 11'850'461.05, parmi lesquels sont contenues toutes les actions de la société reprenante, des passifs envers les tiers de CHF 11'830'000.-, soit un actif net de CHF 20'461.05. La fusion ne donne pas lieu à une augmentation du capital, étant donné que les actionnaires de la société transférante reçoivent les actions propres de la société reprenante, acquises lors de la fusion. Conformément à l'attestation d'un expert-réviseur agréé, des créances du montant du découvert de la société transférante ont été postposées ».
C. a. Le 23 décembre 2010, l'AFC-GE a émis des bordereaux de taxation d'office 2009 de A______ SA portant sur un bénéfice net total de CHF 1'000.- et un capital propre total de CHF 195'830.-.
b. Le 22 décembre 2011, elle a émis des bordereaux de taxation d'office 2010 de la société portant sur un bénéfice net total de CHF 132'468.- et un capital propre total de CHF 328'298.-.
c. Le 17 janvier 2013, l'AFC-GE a émis des bordereaux de taxation d'office 2011 portant sur un bénéfice net total de CHF 165'585.- et un capital propre total de CHF 493'883.-.
d. Aucune réclamation n'a été déposée contre ces bordereaux.
e. En octobre 2013, A______ SA a déposé sa déclaration fiscale 2012.
Les états financiers joints faisaient notamment apparaître, dans les actifs, un poste « immeuble » pour CHF 9'649'777.23.- et, dans les charges, un poste « intérêts sur prêt » de CHF 548'445.85.
f. L'AFC-GE a formulé plusieurs demandes de renseignements.
g. À défaut de réponse malgré un rappel du 4 juillet 2014, l'AFC-GE a, le 27 août 2014, émis des bordereaux de taxation d'office 2012 portant sur un bénéfice net total de CHF 499'848.- et un capital propre total de CHF 1'385'522.-. Les avis de taxation mentionnaient notamment une reprise des intérêts sur prêt à hauteur de CHF 548'446.‑.
h. A______ SA a formé réclamation contre ces bordereaux le 22 septembre 2014.
i. À la suite d'une nouvelle demande de renseignements de l'AFC-GE, la société a précisé que l'emprunt avait été obtenu auprès d'un fonds d'investissement américain, qui n'avait aucun lien d'actionnariat avec elle. La provision pour risque de change concernait un gain non réalisé sur le prêt de USD 9'500'000.-.
j. Le 10 août 2017, l'AFC-GE a informé A______ SA de l'ouverture d'une procédure en rappel et soustraction d'impôts pour l'année 2009.
L'annexe aux comptes annuels 2012 mentionnait qu'en 2009, la société avait procédé à une réévaluation de son immeuble afin de couvrir les pertes. Elle demandait l'apport des états financiers au 31 décembre 2009, de même que le détail des écritures relatives à la réévaluation.
k. A______ SA a transmis les états financiers et un rapport intermédiaire d'un organe de révision se rapportant au surendettement de D______ SA et à la fusion. Le bien immobilier avait une valeur au bilan nettement inférieure à sa valeur vénale et la perte de fusion constatée en 2009 de CHF 8'749'898.30 avait été absorbée par une réévaluation de l'immeuble dans le but d'assainir comptablement le bilan. Compte tenu des loyers capitalisés, la valeur vénale estimée de l'immeuble s'élevait à CHF 14'313'000.-. Toutefois, la réévaluation s'était limitée au montant requis pour couvrir la perte, soit CHF 9'479'268.19.
l. Lors d'un entretien qui s'est tenu le 20 décembre 2017 dans les locaux de l'AFC‑GE, l'administrateur de A______ SA a notamment indiqué qu'à la suite du rachat, le bien immobilier, qui était un hôtel, avait été transformé en logements pour étudiants.
La fusion entre A______ SA et D______ SA avait été motivée par des considérations fiscales notamment pour rendre la structure plus efficiente. Il n'avait jamais été question que A______ SA soit acquise par des personnes physiques. Pour financer son acquisition, un crédit hypothécaire avait été souscrit auprès d'une banque américaine. Il y avait eu un montage de financement complexe. Un trust américain géré par la banque F______ avait octroyé le crédit.
m. Différents échanges ont ensuite eu lieu entre A______ SA et l'AFC-GE, notamment sur la réévaluation de l'immeuble et l'imposition qui en découlait ainsi que sur la question d'un « debt push down ».
n. Par courrier recommandé du 20 décembre 2018, l'AFC-GE a informé A______ SA que le processus de taxation de l'année 2013 suivait son cours. Elle lui faisait part de sa volonté de procéder à la fixation de ses prétentions fiscales pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci‑après : IFD) 2013 par le biais de la notification de bordereaux, dès qu'elle serait en mesure de les chiffrer. Le courrier constituait formellement un acte interruptif de la prescription pour la période 2013.
D. a. Le 3 juillet 2019, l'AFC-GE a informé la société de l'ouverture d'une procédure en rappel et en soustraction d'impôts pour les années 2010 et 2011, en se référant notamment à la réévaluation de l'immeuble à la suite de la restructuration et au prêt repris à la suite de la fusion avec la déduction des intérêts y relatifs.
b. Par courrier du 30 juin 2021, A______ SA a expliqué que l'acquisition effectuée par une structure était justifiée par des motifs économiques suffisants, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'effectuer une reprise sur les intérêts du prêt consenti par une société tierce. Au courrier étaient joints les comptes des exercices 2010 et 2011.
c. Par courriel du 22 novembre 2022 et à la suite d'un entretien téléphonique du même jour, l'AFC-GE a confirmé à A______ SA qu'elle lui notifierait prochainement les bordereaux relatifs aux périodes 2010 et 2011. Les reprises porteraient notamment sur les intérêts du prêt (« debt push down ») en appliquant la même proportion que pour la période fiscale 2009. Cette reprise serait limitée sur cinq ans, soit jusqu'en 2014.
d. Par courriel du 5 décembre 2022 et à la suite d'un nouvel entretien téléphonique du même jour, l'AFC-GE a relevé que, selon sa compréhension, A______ SA souhaitait, s'agissant du « debt push down », formuler une proposition de pourcentage dégressif des intérêts au fil du temps pour arriver au 100% déductible dès la période fiscale 2015. La proposition serait transmise à la hiérarchie. Dans l'intervalle, et afin de pouvoir discuter avec le conseil de A______ SA des années postérieures à la procédure de contrôle, elle priait la société de lui faire parvenir la procuration nécessaire.
e. Le 12 décembre 2022, le conseil de A______ SA a confirmé à l'AFC-GE qu'elle avait été mandatée pour toute question fiscale en cours de traitement. Elle a soumis une proposition de reprise des intérêts admis en déduction, laquelle couvrait les périodes fiscales 2010 à 2014.
f. Le 22 décembre 2022, l'AFC-GE a averti à A______ SA que les taxations ICC et IFD 2012 seraient rectifiées en sa défaveur compte tenu des éléments remis.
g. Le 1er juin 2023, A______ SA a sollicité un dernier entretien « avant notification des décisions ».
h. Le 20 juin 2023, l'ACF-GE a transmis à A______ SA, à sa demande, les tableaux de calcul liés aux intérêts non admis du prêt F______ pour les périodes fiscales 2010 à 2013.
i. Le 30 janvier 2024, l'AFC-GE a notifié à A______ SA des bordereaux de rappels d'impôts ICC et IFD 2010 et 2011. Pour l'exercice 2010, les intérêts non admis s'élevaient à CHF 403'802.- et, en 2011, à CHF 397'742.-.
Les procédures étaient terminées sans amende pour les années 2010 et 2011, en raison de l'acquisition de la prescription.
j. Le 11 mars 2024, l'AFC-GE a notifié à A______ SA des bordereaux de taxation 2013, incluant une reprise sur les intérêts de CHF 537'280.-.
k. A______ SA a formé réclamation contre l'ensemble de ces bordereaux (2010, 2011 et 2013).
l. Le 31 mai 2024, l'AFC-GE a partiellement admis les réclamations (2010 à 2013) et corrigé les bordereaux 2012 sur certains points. En revanche, les reprises effectuées sur la déduction des intérêts passifs pour les périodes 2010 à 2013 étaient maintenues.
Le prêt de F______ avait été entièrement comptabilisé dans les comptes de D______ SA pour CHF 11'000'000.-. À l'origine, ce prêt n'avait pas été comptabilisé dans les états financiers de A______ SA. Après la fusion, le solde du prêt avait été comptabilisé dans les comptes 2009 de A______ SA pour un montant de CHF 9'789'174.16. Sur les CHF 11'000'000.- du prêt initial, CHF 8'400'000.- constituaient le « debt push down » (prix d'acquisition de A______ SA) et CHF 2'600'000.- étaient en lien avec la rénovation de l'immeuble. Pour 2009, la part du « debt push down » constituait 76.36% du prêt total. Ainsi, les intérêts sur prêt avaient été repris selon cette proportion pour la période fiscale 2009. Le 23.64% de la dette et des intérêts était admis en déduction car ils portaient sur des frais de rénovation de l'immeuble.
Pour les années 2010 à 2013, la part du « debt push down » n'était plus de 76.36% mais elle avait été recalculée conformément à l'amortissement du prêt. Le pourcentage des intérêts non admis était le suivant :
| Année | intérêts déclarés | intérêts non admis | montant repris | 
| 2009 | 
 | 76.36% | 
 | 
| 2010 | 575'350.00 | 70.18% | 403'802.00 | 
| 2011 | 569'668.00 | 69.82% | 397'742.00 | 
| 2012 | 548'445.00 | 68.57% | 376'059.00 | 
| 2013 | 537'280.00 | 66.87% | 359'302.00 | 
L'opération, dite de « debt push down », était constitutive d'une évasion fiscale. La forme choisie pour l'opération était d'abord insolite. Il aurait suffi aux acquéreurs, initialement des personnes physiques, d'acheter les actions de A______ SA sans créer la société acquéreuse, D______ SA, qui n'avait aucun autre but que l'acquisition de A______ SA et ne disposait de surcroît d'aucun actif pour acquérir ladite société. L'acquisition de la société cible, A______ SA, par une société avec très peu de substance et nouvellement créée, puis la fusion de ces deux sociétés très peu de temps après, étaient inadaptées aux données économiques.
Ensuite, l'opération n'avait que pour but de faire des économies d'impôts et péjorer ainsi la situation de A______ SA, qui était saine avant l'opération.
Enfin, si la déduction du prêt et de ses intérêts devait être admise, A______ SA « serait en perte », économisant ainsi des impôts.
Par conséquent, les intérêts passifs liés aux prêts pour financer l'opération d'acquisition devaient être ajoutés au bénéfice de A______ SA comme charges non justifiées par l'usage commercial.
E. a. A______ SA a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation. Elle a contesté avoir eu recours à un procédé constitutif d'évasion fiscale.
b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Elle a maintenu sa position. Subsidiairement, le refus de déduire les intérêts pouvait se justifier par le fait que les intérêts passifs liés à l'acquisition des propres participations de A______ SA ne constituaient pas des charges justifiées par l'usage commercial.
c. Dans sa réplique, A______ SA a relevé que la doctrine critiquait la vision qui consistait à examiner le caractère justifié des intérêts au niveau de la société absorbante. Selon certains auteurs, les charges d'intérêts étaient par principe des dépenses justifiées par l'usage commercial. La question de savoir si les intérêts étaient justifiés par l'usage commercial s'analysait au niveau de la société transférante, en raison du principe de succession universelle posée par la fusion.
d. Après une duplique de l'AFC-GE, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 19 mars 2025.
Les conditions de l'évasion fiscale étaient remplies. En particulier, l'opération litigieuse était insolite puisqu'elle permettait de grever l'activité de A______ SA d'une dette qui, dans sa partie reprise par l'AFC-GE, n'était pas liée à des investissements effectués dans son bien immobilier, ni ne lui avait permis d'obtenir des liquidités utiles à son activité. Le TAPI se demandait même si ce constat ne devait pas conduire à refuser la déduction des intérêts litigieux en tant que charges non justifiées par l'usage commercial. En effet, ils étaient sans lien avec l'activité commerciale et opérationnelle de A______ SA, puisque le prêt n'avait servi qu'à financer un montant versé à ses anciens actionnaires.
F. a. Par acte remis à la poste le 22 avril 2025, A______ SA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'AFC-GE d'émettre de nouveaux bordereaux de taxation pour les périodes fiscales 2010 à 2013, lesquels admettaient en déduction l'ensemble des intérêts payés à F______.
Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et incomplète sur plusieurs points.
Les conditions du rappel d'impôt pour les périodes 2010 et 2011 n'étaient pas réunies. Celles de l'évasion fiscale ne l'étaient pas non plus. Les cas de « debt push down » ne pouvaient représenter des opérations insolites, vu qu'elles correspondaient à la pratique du marché et qu'il existait des motifs extra-fiscaux à ce type de structure.
Enfin, la fusion faisait partie de toutes opérations financières, commerciales, mobilières, se rattachant directement ou indirectement à son but, dès lors que la fusion lui avait notamment permis d'obtenir des liquidités pour financer la rénovation de son immeuble.
b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, se référant aux écritures qu'elle a déposées devant le TAPI.
c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que les déterminations de l'AFC-GE n'appelaient pas de commentaires.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc ‑ D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Le litige a plusieurs objets. Il porte, d'une part, sur la question de savoir si l'AFC‑GE était habilitée à ouvrir une procédure en rappel d'impôts pour les années fiscales 2010 à 2011 et, d'autre part, sur la conformité au droit du refus des autorités fiscales d'admettre la déduction des intérêts passifs pour les périodes 2010 à 2013.
3. Se pose au préalable la question du droit applicable.
3.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (ATF 140 I 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5).
3.2 En l'espèce, le litige porte sur les rappels d'impôts ICC et IFD pour les périodes 2010 et 2011 ainsi que sur les taxations IFD et ICC pour les années fiscales 2010 à 2013. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et de la LPFisc.
3.3 La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).
4. Se pose également la question de la prescription et de la péremption, même si la recourante ne soutient plus que le droit de procéder à la taxation de la période fiscale 2013 serait prescrit.
4.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d'office (ATF 138 II 169 consid. 3.2) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4 ; ATA/182/2024 du 6 février 2024 consid. 5.1 et les arrêts cités).
4.2 L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et l’ICC (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 4.1, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023).
4.3 Les art. 120 al. 1 LIFD, 47 al. 1 LHID et 22 al. 1 LPFisc prévoient que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Selon les art. 120 al. 3 let. a LIFD et 22 al. 3 let. a LPFisc, un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt.
La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD et 22 al. 4 LPFisc).
4.4 Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de même que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2). Parmi ces mesures, la jurisprudence retient par exemple l’envoi du formulaire de déclaration, la sommation pour le dépôt de la déclaration, l’annonce d’un contrôle des livres comptables et l’exécution de ce contrôle, la notification d’une taxation fiscale provisoire ou définitive ou encore l’invitation ou la sommation de payer (ATF 150 II 26 consid. 3.3 = RDAF 2024 II p. 365, 368 ; ATF 139 I 64 consid. 3.3; ATF 137 I 273 consid. 3.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_174/202 et 2C_175/2022 du 31 mars 2022 consid. 3.2.2).
L’art. 120 al. 3 let. a LIFD ne précise pas sous quelle forme la mesure prise par l’autorité doit être portée à la connaissance du contribuable ou de la personne solidairement responsable avec lui de l’impôt. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu’une communication par téléfax peut aussi interrompre la prescription (arrêts du Tribunal fédéral 2C_179/2021 du 25 octobre 2021 consid. 6.2 ; 2C_349/2009 du 16 novembre 2009 consid. 3.1). Il n’y a aucun motif de traiter les communications que l’autorité fiscale fait par des canaux de communication modernes (par exemple courriels) d’une autre manière (ATF 150 II 26 consid. 3.3 = RDAF 2024 II p. 365, 368).
4.5 En l'espèce, comme l'a exposé le TAPI, un avis d’ouverture de la procédure de rappel d’impôts a été notifié à la recourante le 3 juillet 2019 pour l’IFD et l'ICC des périodes fiscales 2010 et 2011, dont le droit de taxer n'était du reste pas prescrit (art. 120 al. 1 LIFD notamment) au moment de la notification des bordereaux d'impôts 2010 et 2011 les 22 décembre 2011 et 17 janvier 2013. Le délai de prescription de dix ans (art. 152 al. 1 LIFD, 53 al. 2 LHID et 61 al. 1 LPFisc) a ainsi été respecté. Le délai de prescription absolue de quinze ans n'est pas encore atteint au jour du prononcé du présent arrêt, y compris pour la période fiscale 2010.
4.5.1 Pour la période fiscale 2012, l'AFC-GE a émis des bordereaux de taxation d'office le 27 août 2014. Le délai de cinq ans de l'art. 120 al. 1 LIFD a donc été respecté. Le délai de prescription absolue de quinze ans n'est pas encore atteint au jour du prononcé du présent arrêt.
4.5.2 Enfin, pour la période fiscale 2013, l'AFC-GE a informé la recourante, par courrier du 20 décembre 2018, que le processus de taxation suivait son cours. Elle lui a fait part de sa volonté de « procéder à la fixation de ses prétentions fiscales ICC et IFD 2013 à son encontre par le biais de la notification de bordereaux, dès qu'elle serait en mesure de les chiffrer ». Elle a également indiqué que le courrier constituait formellement un acte interruptif de la prescription pour la période 2013.
Dès lors, ledit courrier vaut communication officielle qui annonce formellement une taxation ultérieure et dont le but explicite est d'interrompre le cours de la prescription. Le délai de prescription de cinq ans a donc valablement été interrompu le 20 décembre 2018, ce qui a eu pour conséquence qu'un nouveau délai de prescription a recommencé à courir. Celui-ci arrivait à échéance le 20 décembre 2023.
Du 22 novembre 2022 au 20 juin 2023, des échanges ont eu lieu entre les autorités fiscales et la recourante, par le biais de réunions et de courriels. Les échanges ont notamment porté sur la reprise des intérêts, qui était limitée à cinq ans, soit jusqu'en 2014, et sur une proposition de pourcentage dégressif des intérêts au fil du temps pour arriver au 100% déductible dès la période fiscale 2015. L'AFC‑GE a également demandé à la recourante de lui fournir une procuration afin de pouvoir discuter avec son conseil des années postérieures à la procédure de contrôle, laquelle portait sur les années 2010-2011. L'intéressée a soumis une proposition de reprise des intérêts admis en déduction, laquelle couvrait les périodes fiscales 2010 à 2014, et a sollicité un dernier entretien « avant notification des décisions ». Enfin, l'ACF-GE a transmis à la recourante les tableaux de calcul liés aux intérêts non admis du prêt pour les périodes fiscales 2010 à 2013.
Les échanges qui ont eu lieu entre l'AFC-GE et la recourante entre le 22 novembre 2022 et le 20 juin 2023 ont ainsi notamment porté sur la période fiscale 2013. En sollicitant une procuration pour discuter avec le conseil de la recourante des années postérieures à la procédure de contrôle, lesquelles comprennent l'année 2013, en examinant la question litigieuse des reprises sur les intérêts et en transmettant à l'intéressée les tableaux de calcul liés aux intérêts non admis du prêt pour les périodes fiscales 2010 à 2013, les autorités fiscales ont manifesté de façon claire leur volonté de prendre des mesures tendant à la fixation de la prétention fiscale 2013. La recourante ne l'ignorait du reste pas, celle-ci ayant sollicité un dernier entretien « avant notification des décisions », pour reprendre ses termes.
Ainsi, les échanges intervenus entre le 22 novembre 2022 et le 20 juin 2023 ont interrompu à temps le délai de prescription qui arrivait à échéance le 20 décembre 2023, ce qui a eu pour effet qu'un troisième délai de prescription de cinq ans a recommencé à courir au plus tard le 20 juin 2023. La décision de taxation 2023 ayant été prononcée le 11 mars 2024, elle l'a été dans le nouveau délai qui courrait. Le droit de procéder à la taxation n'était donc pas prescrit (art. 120 al. 1 et 3 LIFD). Le délai de prescription absolue de quinze ans n'est pas non plus atteint au jour du prononcé du présent arrêt.
5. La recourante se plaint d'une constatation inexacte et incomplète des faits.
5.1 Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA).
5.2 En l'espèce, la recourante reproche en premier lieu au TAPI de ne pas avoir reproduit son but complet ni l'extrait du RC concernant la fusion.
Si ces éléments sont certes utiles pour la compréhension du litige, le fait que le TAPI ne les ait pas mentionnés n'a toutefois aucune incidence sur sa solution. La recourante ne peut donc rien en tirer. La chambre de céans tiendra toutefois compte des éléments susmentionnés dans son raisonnement.
En deuxième lieu, la recourante se plaint du fait que le TAPI n'a pas indiqué que la fusion entre elle et D______ SA avait pour but de simplifier la structure de détention, la gouvernance et limiter les frais de fonctionnement du groupe.
Il s'agit toutefois d'une question d'appréciation des preuves qui relève du droit et non pas des faits. En outre, et pour les raisons qui seront exposées ci‑après, le litige peut être tranché sans prendre en compte cet élément.
En dernier lieu, la recourante reproche au TAPI de ne pas avoir cité entièrement le rapport de G______. Elle estime que la citation complète était importante car le TAPI avait retenu à tort qu'elle était surendettée en raison du « debt push down ».
Or, à l'instar ce qui a été retenu à propos du but de la fusion, le litige peut également être tranché sans prendre en compte ledit rapport.
En définitive, l'état de fait sera très partiellement complété. En toute hypothèse, l'admission très partielle du grief, qui n'a aucune incidence sur l'issue du litige, ne saurait conduire à l'annulation du jugement attaqué ni ne justifie le renvoi de la cause au TAPI pour un nouvel examen.
6. La recourante conteste que les conditions du rappel d'impôts pour les périodes 2010 et 2011 soient remplies.
6.1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc). Selon la jurisprudence, il s'agit de la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, à savoir des faits ou moyens de preuves qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation (ATF 148 V 277 consid. 4.2.2 ; 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2022 du 12 avril 2023 consid. 9.1, non publié aux ATF 149 II 177).
6.2 Lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant son revenu, sa fortune et son bénéfice net, qu’il a déterminé son capital propre de façon adéquate et que l’autorité fiscale en a admis l’évaluation, tout rappel d’impôt est exclu, même si l’évaluation était insuffisante (art. 151 al. 2 LIFD et 59 al. 2 LPFisc).
Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD, 42 al. 1 LHID et 31 al. 1 LPFisc). Il doit en particulier remplir la formule de déclaration d’impôts de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc).
6.3 Le rappel d’impôt est exclusivement soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d’impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel, en particulier la découverte de moyens de preuve ou de faits qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.2 ; 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 6.1).
6.4 L'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d’impôts est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En raison de la maxime inquisitoire, l'autorité doit cependant procéder à une analyse plus approfondie, lorsqu'il ressort manifestement du dossier que les faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Il faut en particulier considérer que les faits et les moyens de preuve étaient connus lorsque l'autorité de taxation pouvait éclaircir l'état de faits sur la base d'indices concrets au cours de la procédure de taxation. Le rappel d'impôt ne peut servir à pallier une instruction déficiente de l'autorité fiscale au cours de cette procédure. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d’impôt font défaut (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 et les arrêts cités). Cette rupture du lien de causalité est soumise à des exigences sévères, à savoir une négligence grave imputable à l'autorité fiscale. Il n'y a pas de négligence grave de l'autorité de taxation qui n'a pas connaissance d'informations à disposition d'un autre secteur de l'administration, sauf s'il est établi que ces informations ont effectivement été communiquées, notamment entre les taxateurs du service des personnes physiques et ceux du service des personnes morales. Par ailleurs, la découverte d'une mauvaise appréciation des preuves ou application du droit ne peut donner lieu à un rappel d'impôt (arrêts du Tribunal fédéral 9C_567/2023 du 12 septembre 2024 consid. 4.1 ; 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.4 et les arrêts cités ; 2C_1018/2015 et 2C_1019/2015 du 2 novembre 2017 consid. 6.1).
6.5 Savoir si des moyens de preuve ou des faits sont nouveaux ou existaient déjà au moment de la taxation s'examine selon l'état des pièces du dossier au moment de la taxation ; à cet égard, seuls les documents qui peuvent être vus directement par les fonctionnaires du fisc sont considérés comme faisant partie de l'état du dossier (ATA/437/2025 du 15 avril 2025 consid. 8.4 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 677).
6.6 En l'espèce, à défaut de déclaration fiscale déposée par la recourante, l'AFC-GE a procédé à des taxations d'office pour les périodes 2010 et 2011.
Selon l'AFC-GE, les conditions du rappel d'impôts sont remplies. Dans sa décision sur réclamation, elle a expliqué avoir constaté, lors du dépôt en 2013 de la déclaration fiscale 2012, que la recourante avait réévalué son immeuble. L'annexe aux comptes annuels 2012 mentionnait en effet qu'elle avait procédé à une réévaluation en 2009 afin de couvrir les pertes. Les états financiers 2012 contenaient donc des éléments permettant d'envisager des déclarations inexactes et incomplètes.
Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. En effet, la recourante n'ayant pas déposé de déclaration pour les périodes 2010 à 2011, ce qu'elle était pourtant tenue de faire, l'AFC-GE n'était pas en mesure de connaître la valeur de l'immeuble à ces périodes, ni surtout de savoir que celui-ci avait été réévalué en 2009. Elle ne pouvait pas non plus connaître les raisons de cette réévaluation, soit en particulier la comptabilisation du prêt et l'existence de celui-ci. Elle n'a pris connaissance de la réévaluation de l'immeuble et du prêt que lors du dépôt de la déclaration fiscale 2012 et des comptes en annexe de la déclaration en octobre 2013, soit après l'entrée en force des décisions de taxation d'office.
La recourante soutient toutefois que l'AFC-GE disposait de toutes les informations nécessaires pour détecter un cas de « debt push down » lorsqu'elle avait notifié les taxations d'office pour 2010 et 2011.
Or, en l'absence de déclaration fiscale, l'AFC-GE n'était pas tenue de procéder à d’autres investigations. Elle ne pouvait d'ailleurs que difficilement le faire, à défaut de collaboration de la recourante. De plus, bien que le RC fît mention, dès le 1er mai 2009, de la fusion de D______ SA et de la recourante, elle ne pouvait pas non plus se douter de la réévaluation de l'immeuble et de l'existence du prêt, en l'absence des pièces pertinentes, notamment comptables. Le RC ne fait pas état de ces circonstances.
En définitive, compte tenu de ladite réévaluation et du contexte l'ayant entourée, dont l'AFC-GE n'a pu prendre connaissance qu'à la suite de l'analyse d'un document dont elle ne disposait pas au moment de la taxation des années 2010 et 2011, les conditions du rappel d'impôts sont remplies.
Le grief sera écarté.
7. La recourante demande que les intérêts passifs liés au prêt de F______ soient portés en déduction de son bénéfice et conteste que la structure qu'elle a mise en place soit constitutive d'évasion fiscale.
7.1 Aux termes de l'art. 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b), ainsi que les produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats (let. c).
7.1.1 Selon la jurisprudence, sont des charges justifiées par l'usage commercial les dépenses qui, du point de vue de l'économie de l'entreprise, sont en relation immédiate et directe avec le revenu acquis. La notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui, d'un point de vue commercial, peut être considéré de bonne foi comme faisant partie des frais généraux doit être reconnu fiscalement comme justifié par l'usage commercial (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1 ; Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 2 ad art. 27 LIFD). Peu importe en revanche que la société ait pu se passer des dépenses en question ou que celles‑ci aient été conformes à une gestion rationnelle et orientée vers le profit (ATF 124 II 29 consid. 3c ; 113 lb 114 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1026/2021 du 21 décembre 2022 consid. 7.1.3). Il suffit qu'il existe un rapport de causalité objectif entre la dépense et le but économique de l'entreprise ou l’activité commerciale exercée par celle-ci. Le lien de causalité existe lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial (arrêts du Tribunal fédéral 2C_937/2019 du 8 juin 2020 consid. 6.2 ; 2A.262/2006 du 6 novembre 2006 consid. 5.2). Il incombe au contribuable de prouver l'existence d'une charge justifiée par l'usage commercial car il s'agit d'un facteur de diminution de la dette fiscale (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; 144 II 427 consid. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2023 du 13 mars 2025 consid. 7.2.3).
7.1.2 Toutes les charges justifiées par l'usage commercial peuvent être déduites. Ainsi, peuvent être portées en déduction toutes les dépenses nécessaires à la bonne marche de la société, dont font en principe partie les intérêts passifs (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, p. 266 n. 17 s.). Un intérêt passif suppose l’existence d’une dette pécuniaire. L’intérêt est la rémunération due lors de l’allocation ou de la non-restitution du capital, dans la mesure où elle est régulièrement calculée en pour-cent, au prorata du temps et en quota du capital, mais ne constitue pas un remboursement du principal (ATA/853/2022 du 23 août 2022 consid. 10d et la référence citée).
7.2 Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale: a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) lorsqu'il y a lieu d'admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée, et c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale. Le respect de ces conditions doit être examiné au cas par cas, en fonction des circonstances concrètes. Si ces trois conditions sont remplies, l'imposition doit être fondée non pas sur la forme choisie par le contribuable, mais sur la situation qui aurait dû être l'expression appropriée au but économique poursuivi par les intéressés (ATF 142 II 399 consid. 4.2). L'autorité fiscale doit en principe s'arrêter à la forme juridique choisie par le contribuable. Ce dernier est libre d'organiser ses relations de manière à générer le moins d'impôt possible. Il n'y a rien à redire à une telle planification fiscale, tant que des moyens autorisés sont mis en œuvre. L'état de fait de l'évasion fiscale est réservé à des constellations extraordinaires, dans lesquelles il existe un aménagement juridique (élément objectif) qui - abstraction faite des aspects fiscaux - va au-delà de ce qui est raisonnable d'un point de vue économique. Une intention abusive (élément subjectif) ne peut de surcroît pas être admise si d'autres raisons que la seule volonté d'épargner des impôts jouent un rôle décisif dans la mise en place de la forme juridique. Une certaine structure peut en effet se justifier pour d'autres raisons commerciales ou personnelles (ATF 149 II 53 consid. 5.2. ; 148 II 233 consid. 5.2 ; 147 II 338 consid. 3.1 ; 142 II 399 consid. 4.2).
7.3 L'opération à laquelle la recourante a procédé est une opération dite de « Leveraged Buy-Out » (ci-après : « LBO ») ayant engendré un « debt push down ». La société D______ SA (soit le véhicule d'acquisition) a en effet été constituée en vue d'acquérir la recourante (soit la société-cible). Pour ce faire, elle a emprunté des fonds à une banque. Une fois l'acquisition de la recourante effectuée, celle-ci a absorbé le véhicule d'acquisition et la dette résultant du prêt lui a été transférée (« debt push down »).
7.3.1 Dans un cas de « debt push down », la pratique de l'AFC-GE, comme celle d'autres autorités fiscales en Suisse, consiste à refuser, après une fusion, de manière permanente ou au moins pendant un certain temps, la déduction fiscale des intérêts débiteurs liés au service de la dette contractée pour financer l'acquisition de la société-cible. L'objectif est d'empêcher que le bénéfice d'exploitation de la filiale ne soit utilisé pour financer les capitaux étrangers nécessaires à son propre rachat et, le cas échéant, de réaliser ainsi une économie d'impôt. Le « debt push down » n'est pas réglementé en tant que tel par la loi. Toutefois, les autorités fiscales considèrent que la réduction des coûts de financement externe ou la déduction des coûts de financement qui en résulte pour la filiale opérationnelle constituent une évasion fiscale (arrêt du tribunal administratif de Zurich SB.2015.00073 du 20 avril 2016 consid. 4.1.2). Il semble que la jurisprudence n'a pas encore examiné la question du « debt push down » dans une situation similaire à celle du cas d'espèce.
7.3.2 Le terme « LBO » désigne l'acquisition d'une entreprise financée avec un minimum de fonds propres et un maximum de capitaux étrangers. L'acquisition s'effectue généralement par l'intermédiaire d'une société d'acquisition nouvellement créée, aussi appelée « véhicule d'acquisition ». Celle-ci reçoit de l'investisseur les fonds propres nécessaires et emprunte elle-même les capitaux étrangers (dette) nécessaires au paiement du prix d'achat. Après l'acquisition de la société cible, la société d'acquisition fusionne généralement avec celle-ci. La fusion entraîne notamment ce que l'on appelle un « debt push down », c'est-à-dire le transfert de la dette de la société d'acquisition vers la société cible. Ce type de structure est principalement choisi par les investisseurs en capital-investissement (Madeleine SIMONEK/Oliver TRIEBOLD Akquisitionsstrukturierung bei « Leveraged Buy-Outs (LBO) » : die schweizerische Steuerpraxis zum Dept Push Down auf dem Prüfstand, GesKR 3/2013, pp. 357‑367).
Un « LBO » typique consiste donc généralement en deux, voire trois étapes : 1) constitution du véhicule d’acquisition et achat de la société-cible ; 2) fusion entre le véhicule d’acquisition et la société-cible ; 3) éventuelle revente de la société opérationnelle (Alexandre STEINER, Debt push down et évasion fiscale dans des opérations de Leveraged Buy-Out - Étude critique de la pratique des autorités fiscales, in RDAF 2023 II p. 1, 4 s.).
7.3.3 En Suisse comme à l'étranger, il est courant de recourir à une société d'acquisition (nouvellement créée) pour acquérir une société cible (Madeleine SIMONEK/Oliver TRIEBOLD, op. cit., pp. 357-367). Le véhicule d’acquisition est une entité, soit en général une société de capitaux, créée dans le seul but d’acquérir tout ou partie du capital-actions de la société-cible. Avec les fonds empruntés, le véhicule d’acquisition acquiert les participations dans la société-cible (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 4 s.).
Selon certains auteurs, le fait de procéder à l’acquisition de la société-cible au moyen d’un véhicule d’acquisition, expressément constitué à ces fins, présente de nombreux avantages, tant pour l’investisseur que pour le bailleur de fonds (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 5). Le fait d’intercaler un véhicule d’acquisition permet premièrement de limiter les risques financiers de l’investisseur. Deuxièmement, la création du véhicule d’acquisition se justifie également dans la perspective de maximiser le retour sur investissement de l’investisseur. En raison de l’avantage fiscal que procure l’interposition d’un véhicule d’acquisition, la structure permet de maximiser le levier financier de l’opération, car elle implique moins de « frottement fiscal » qu’un achat direct par l’investisseur. Enfin, la structure présente également un avantage lorsque l’investisseur ne réside pas en Suisse. La création d’un véhicule d’acquisition suisse permet de réaliser une transaction interne à la Suisse, étant donné que tant la société‑cible que le véhicule d’acquisition seront sis dans la même juridiction (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 6 s.).
Certains auteurs affirment que la création d’un véhicule d’acquisition répond à des impératifs d’optimisation fiscale. Selon Alexandre STEINER, cette position mérite d’être nuancée, dans la mesure où les considérations de droit civil et d’ordre pratique priment les considérations fiscales. L'intéressé suit la position doctrinale selon laquelle le recours à un véhicule d’acquisition est avant tout justifié pour des raisons de responsabilité, l’aspect fiscal passant au second plan (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 10 s.).
7.3.4 En pratique, il est fréquent qu'une fois que l’acquisition de la société-cible par le véhicule d’acquisition a abouti, ou à l’échéance d’un délai de blocage de cinq ans permettant d’éviter une éventuelle liquidation partielle indirecte, ces deux sociétés fusionnent (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 5). La fusion se justifie tout d’abord par le fait qu’une fois que l’acquisition de la société-cible a abouti, le véhicule d’acquisition n’a plus d’utilité propre. En effet, dès lors que le droit suisse ne connaît pas la fiscalité de groupe, il n’y a pas de possibilité de consolider fiscalement les deux entités. De plus, la séparation des risques qui justifie en grande partie le fait de procéder par un véhicule d’acquisition demeure assurée, car le responsable du service de la dette reste une personne morale juridiquement distincte de l’investisseur, de sorte que le double échelon n’est plus nécessaire. En outre, le bailleur de fonds – qui impose souvent que l’acquisition se fasse au travers d’un véhicule d’acquisition – a tout intérêt à ce que le véhicule d’acquisition et la société-cible fusionnent, car la fusion permet de rapprocher la dette du cash‑flow opérationnel de la société-cible. Enfin, la fusion des deux entités présente des avantages économiques et pratiques. D’une part, la fusion simplifie la gouvernance au sein du groupe. D’autre part, la fusion permet de réduire - voire de supprimer - les coûts d’exploitation liés au véhicule d’acquisition, soit en particulier les coûts liés à son administration et à sa gestion (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 11 s.).
7.3.5 Il est indéniable que la fusion de la société acquéreuse et de la société cible peut entraîner des économies d'impôt considérables par rapport au maintien de la double structure. Si la double structure est maintenue, la déduction des intérêts passifs au niveau de la société acquéreuse n'est généralement pas compensée par des revenus fiscalement déductibles suffisants. Au niveau cantonal, la société acquéreuse, en tant que société holding, est souvent totalement exonérée de l'impôt sur le bénéfice. La déduction des intérêts passifs est donc sans effet. En revanche, la déduction des intérêts sur les capitaux étrangers après la fusion de la société d'acquisition avec la société cible a généralement pour effet de réduire intégralement l'impôt (Madeleine SIMONEK/Oliver TRIEBOLD op. cit., pp. 357‑367).
7.3.6 Avant la fusion, seul le véhicule d’acquisition est endetté et – partant – responsable du service de la dette. En soi, la société-cible est étrangère à la relation entre le véhicule d’acquisition et le bailleur de fonds. Les charges d’intérêts acquittées par le véhicule d’acquisition sur le prêt financier constituent en elles‑mêmes des charges déductibles pour le véhicule d’acquisition. Lorsque le véhicule d’acquisition et la société-cible fusionnent, tous les actifs et passifs de l’une et de l’autre société sont réunis au sein de la même entité résultant de la fusion. Le service de la dette financière est alors nouvellement assuré par la société issue de la fusion. C’est ce transfert de dette que l’on qualifie de debt push down. Après la fusion, la dette est ainsi reportée sur la société opérationnelle résultant de la fusion, de sorte que les charges d’intérêts peuvent désormais, sur le principe, venir en déduction du bénéfice de la nouvelle entité. Toutefois, en pratique, les autorités fiscales cantonales refusent la déduction des intérêts passifs du bénéfice opérationnel de la société résultant de la fusion et se fondent sur la théorie de l’évasion fiscale pour justifier la reprise d’intérêts (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 13 ss.).
7.4 Certains auteurs se montrent critiques envers le refus des autorités fiscales de déduire les intérêts passifs dans un contexte de « debt push down », estimant en particulier que la création d'un « LBO » suivi d'une fusion ne remplit pas les critères de l'évasion fiscale (voir notamment Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 19 s. ; Madeleine SIMONEK/Oliver TRIEBOLD op. cit., pp. 357-367).
7.5 Les autorités fiscales bernoises ont émis une notice sur la déduction des intérêts passifs en cas de debt push down. Si les autorités fiscales bernoises – à l’instar des autres cantons – refusent également la déduction des intérêts passifs, elles justifient leur pratique non pas en raison de l’évasion fiscale, mais sur la base de l'art. 58 al. 1 let. b LIFD (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 23 s.). Selon elle, si le paiement des intérêts dus suite à l'acquisition de la participation est au final répercuté sur la société-cible, que ce soit par fusion des deux sociétés ou de toute autre manière, les intérêts réduisent le bénéfice de la société cible. Les intérêts passifs résultant de l'acquisition initiale de participations n'ont aucun lien de causalité avec l'exploitation de la société cible et le but de cette activité, soit la réalisation de bénéfices. Ils ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial (https://www.taxinfo.sv.fin.be.ch/taxinfo/bc1559b6-ef46-4e28-add8-adeae5108555, page consultée le 16 septembre 2025).
Alexandre STEINER ne partage pas le point de vue des autorités bernoises. Selon lui, les intérêts débiteurs font partie des dépenses d’investissement justifiées par l’usage commercial. Ainsi, les intérêts sur les capitaux étrangers qu’une société doit dépenser en relation avec son activité commerciale sont fiscalement déductibles, sous réserve des règles sur le capital propre dissimulé. On pourrait donc admettre, sur cette base, que les intérêts passifs liés à la charge financière doivent aussi être déductibles, rien ne justifiant qu’ils doivent être traités différemment des intérêts découlant de capitaux étrangers qui ont servi à financer l’entreprise (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 25, et les références citées).
8. En l'espèce, avant d'examiner, si cela devait être nécessaire, si la structure mise en place par la recourante constitue une évasion fiscale, il convient d'abord de répondre à la question de savoir si les intérêts passifs liés au prêt de F______ obtenu par D______ SA et la recourante peuvent être déduits du bénéfice imposable de celle‑ci selon l'art. 58 LIFD.
L'AFC-GE, puis le TAPI (implicitement), ont répondu par la négative à cette question. Selon eux, les intérêts seraient sans lien avec l'activité commerciale et opérationnelle de la recourante puisque le prêt n'aurait servi qu'à financer un montant versé à ses anciens actionnaires. L'AFC-GE ajoute que les intérêts ne seraient liés qu'à l'acquisition par la recourante de ses propres participations.
8.1 Le contrat de prêt que la recourante et D______ SA ont solidairement conclu avait deux objets. Le produit du prêt (USD 9'500'000.-) devait être utilisé, d'une part, pour acquérir « un établissement d'hébergement pour étudiants qui serait loué aux administrateurs de la "Boston University" » (soit l'immeuble) et, d'autre part, pour le rénover.
Le prêt a été comptabilisé dans son intégralité au 31 octobre 2008 auprès de D______ SA, en tant que véhicule d'acquisition, pour un montant de CHF 11'000'000.-, équivalent à USD 9'500'000.-, soit le montant total du prêt. Après la reprise des actifs et passifs de D______ SA par la recourante (fusion par absorption) et la radiation de la première, le solde du prêt a été comptabilisé dans les comptes 2009 de la recourante pour un montant de CHF 9'789'174.16. Comme l'a indiqué l'AFC‑GE dans sa décision sur réclamation, sur les CHF 11'000'000.- du prêt, CHF 8'400'000.- ont servi à l'acquisition de la recourante par les nouveaux actionnaires (76.36%) et CHF 2'600'000.- ont été affectés à la rénovation de l'immeuble (23.64%). L'AFC‑GE a admis en déduction les intérêts en lien avec les frais de rénovation de l'immeuble exclusivement. Implicitement à tout le moins, l'AFC-GE a considéré que les charges liées aux intérêts du prêt, en tant que ce dernier portait sur la rénovation de l'immeuble, étaient justifiées par l'usage commercial. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique, la rénovation de l'immeuble ayant un lien direct avec le but de la recourante, lequel consiste en toutes activités dans le domaine de l'hôtellerie et résidences meublées et toutes transactions s'y rapportant.
8.2 Reste ainsi à déterminer si le reste des intérêts, soit la partie des intérêts qui est en lien exclusivement avec l'acquisition de la recourante par D______ SA, constitue également des charges justifiées par l'usage commercial.
Dans le cadre d'un « LBO », avant une éventuelle fusion du véhicule d'acquisition avec la société-cible, les intérêts que le véhicule d'acquisition doit sur les capitaux qu'il a empruntés sont considérés comme des charges justifiées par l'usage commercial et celui-ci peut les déduire (voir la pratique des autorités fiscales bernoises : https://www.taxinfo.sv.fin.be.ch/taxinfo/bc1559b6-ef46-4e28-add8-adeae5108555, page consultée le 16 septembre 2025). En effet, les participations dans la société-cible peuvent être vues comme un actif commercial du véhicule d’acquisition (Alexandre STEINER, op. cit., in RDAF 2023 II p. 1, 24). En outre, le véhicule d'acquisition est constitué uniquement en vue d'acquérir tout ou partie du capital-actions de la société-cible. Dans cette mesure, l'argent emprunté par le véhicule d'acquisition sert directement l'unique but de celui-ci.
Après la fusion, puisque la dette a été reportée sur la société-cible (la recourante) et que D______ SA, en tant que véhicule d'acquisition radié par suite de fusion, n'a plus d'existence juridique, c'est à l'aune du but de la société-cible que la justification commerciale de la dépense doit désormais être examinée, bien que la fusion par absorption ait entraîné une succession universelle. Or, in casu, on ne saurait considérer que l'argent emprunté par le véhicule d'acquisition pour acquérir la recourante sert le but statutaire de celle-ci. En effet, d'une part, bien que les statuts de la recourante prévoient qu'elle peut également faire toutes opérations financières, commerciales, mobilières se rattachant directement ou indirectement à son but et s'intéresser sous toutes formes à toutes entreprises similaires, il n'y est, en toute hypothèse, pas indiqué que l'acquisition de participations ou de sociétés ferait partie de ses buts statutaires. Il n'est pas non plus allégué ni a fortiori démontré qu'elle détiendrait des participations dans d'autres sociétés. De surcroît, son but principal reste l'exploitation de l'immeuble.
D'autre part, selon la jurisprudence, il doit exister un rapport de causalité objectif et direct entre la dépense et le revenu acquis. Autrement dit, il doit s'agir de frais qui sont en relation immédiate et directe (organique) avec les bénéfices réalisés par l’entreprise (Robert DANON in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 3 ad art. 59 LIFD). Or, in casu, et comme l'a retenu à juste titre le TAPI, la partie du prêt concernée n'a servi qu'à l'acquisition de la recourante et donc à financer un montant versé à ses anciens actionnaires pour son propre rachat. La dette contractée pour cette partie du prêt n'est donc pas liée à des investissements effectués dans le bien immobilier de la recourante, ni ne lui a permis d'obtenir des liquidités utiles à son activité.
Si la recourante allègue que la fusion lui a notamment permis d'obtenir des liquidités pour financer la rénovation de son immeuble, les intérêts liés à la partie du prêt ayant servi à cette rénovation ont été admis en déduction de son bénéfice, dans une proportion, calculée par l'AFC-GE, qui n'est pas remise en cause. Elle ne peut donc rien tirer de cet argument.
Pour le surplus, l'avis d'Alexandre STEINER cité supra ne peut être suivi. En effet, si les intérêts sur les capitaux étrangers qu’une société doit dépenser en relation avec son activité commerciale sont certes fiscalement déductibles, les intérêts sur les capitaux étrangers dus par la recourante, en tant que société-cible dans le cadre du « LBO », n'ont toutefois, comme exposé supra, aucun lien avec son activité commerciale pour la partie du prêt étrangère à la rénovation de l'immeuble.
Par conséquent, il n'est pas démontré que les charges résultant des intérêts liés au prêt sont justifiées par l'usage commercial dans le chef de la recourante. L'AFC-GE n'a donc pas contrevenu au droit en refusant de déduire lesdits intérêts du bénéfice imposable de l'intéressée, ni en procédant aux reprises litigieuses.
Le grief sera donc écarté. Dans cette mesure, la question de savoir si la structure mise en place par la recourante est constitutive d'une évasion fiscale pourra souffrir de rester indécise.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera octroyée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2025 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2025 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Mes Jean-Frédéric MARAIA et Arthur MAGNIN, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste : 
 
 M. RODRIGUEZ ELLWANGER 
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 | le président siégeant : 
 
 J.-M. VERNIORY | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
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 | la greffière : 
 
 
 
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