Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/828/2025 du 05.08.2025 ( LIPAD ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3055/2024-LIPAD ATA/828/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 5 août 2025 |
| ||
dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat
contre
COMMISSION DE GESTION DU POUVOIR JUDICIAIRE intimée
A. a. Le 29 décembre 2023, A______ a sollicité du Pouvoir judiciaire la remise des documents suivants :
- l’agenda de B______, juge auprès de la Cour de justice et alors première procureure, de décembre 2016 à novembre 2017, les informations sans lien avec la requérante, des procédures relatives à la traite d’êtres humains ou tout rendez-vous avec la brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite (ci-après : BTPI) ou d’autres rendez-vous en lien avec la traite d’êtres humains pouvant être caviardés ;
- tout échange de courriels entre B______ et la BTPI ou tout inspecteur de celle-ci, de décembre 2016 à novembre 2017.
Les pièces susmentionnées n’avaient pas été versées à la procédure pénale pendante par-devant le Tribunal correctionnel dont elle faisait l’objet. S’agissant de documents administratifs, l’accès à ceux-ci devait lui être autorisé.
b. Par courriel du 15 janvier 2024, le Pouvoir judiciaire a informé A______ que son courrier était transmis à la commission de gestion du Pouvoir judiciaire (ci-après : la commission) pour raison de compétence.
c. Par courrier du 25 janvier 2024, la commission a répondu à A______ qu’elle ne pouvait autoriser l’accès aux documents requis, n’étant pas en possession de ceux-ci. La requérante pouvait saisir le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : PPDT).
d. Le 26 janvier 2024, A______ a saisi le PPDT, en sollicitant la présence de B______.
e. Le 26 février 2024 a eu lieu une séance de médiation en présence du PPDT, du mandataire de la requérante et de la responsable LIPAD du Pouvoir judiciaire.
f. Par courriel du 24 mai 2024, le PPDT a informé le Pouvoir judiciaire de l’absence de réponse de B______ à ses courriers pour connaître sa position quant à la transmission des documents requis à A______. Il lui demandait donc de se déterminer à ce sujet et de lui faire parvenir les documents en question.
g. Le 31 mai 2024, la commission lui a répondu qu’elle n’entendait pas donner suite à sa demande dès lors que les documents requis portaient sur une activité juridictionnelle. Elle n’en était pas non plus en possession.
h. Par recommandation datée du 7 juin 2024 (ci-après : la recommandation), la PPDT adjointe a recommandé au Pouvoir judiciaire d’appliquer le droit de procédure à la demande d’accès aux échanges de courriels entre B______ et la BTPI. Elle invitait la commission à rendre une décision sur la communication des documents visés.
Il s’agissait d’examiner si les documents requis devaient être qualifiés de documents judiciaires ou administratifs.
L’agenda de l’ancienne procureure ne pouvait être considéré comme un document judiciaire ou élaboré dans le cadre d’une procédure en cours, de sorte que la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) était applicable à la demande d’accès y relative, en tant que document administratif. La PPDT adjointe déplorait que le Pouvoir judiciaire ne lui ait pas communiqué le document requis. Elle ne pouvait donc rendre de recommandation à cet égard, faute d’avoir eu accès au document, mais attirait l’attention sur une recommandation du 14 mars 2024 rendue à la suite de l’arrêt ATA/1354/2023 du 19 décembre 2023.
La requérante n’avait pas précisé si sa demande concernait les courriels la concernant ou tous les courriels échangés, y compris ceux ne la concernant pas. En toute hypothèse, ces échanges étaient intervenus dans le cadre d’une procédure pénale, à laquelle les règles de procédure pénale s’appliquaient. Ces échanges faisaient ainsi partie de l’activité juridictionnelle du Pouvoir judiciaire au sens large. Il s’agissait donc de « documents judiciaires », auxquels le droit de procédure était applicable quant à leur accès, ce qui apparaissait conforme à la volonté du législateur entendant exclure toute l’activité juridictionnelle du Pouvoir judiciaire de l’application de la LIPAD.
i. Le 15 juillet 2024, la commission a invité le Ministère public (ci-après : MP) à se déterminer sur la demande d’accès concernée.
j. Dans ses déterminations du 18 juillet 2024, le MP s’est opposé à la transmission des documents demandés.
Par jugement du Tribunal correctionnel du 21 juin 2024, les prévenus, à l’exception de l’un d’entre eux, avaient été condamnés, notamment pour usure par métier, à des peines privatives de liberté fermes et acquittés de l’infraction de traite d’êtres humains. Tous les prévenus ainsi que le MP avaient fait appel dudit jugement, de sorte que cette procédure était toujours en cours et loin d’être terminée.
Les échanges entre procureurs et policiers étaient en lien étroit avec la conduite des procédures pénales et relevaient de l’activité judiciaire des procureurs. De même, les informations liées à la conduite de procédures pénales, contenues dans l’agenda d’un procureur, relevaient de leur activité judiciaire. L’accès auxdits documents devait être refusé. L’indépendance dans laquelle les procureurs devaient exercer leur mission impliquait qu’ils puissent le faire sans que leur emploi du temps et les échanges qu’ils pouvaient avoir avec les policiers soient accessibles au public et aux justiciables qu’ils poursuivaient. Rendre accessible au public et à des tiers l’agenda d’un procureur et ses échanges avec des policiers reviendrait à entraver la poursuite pénale.
k. Par décision du 19 juillet 2024, la commission a rejeté la demande d’accès de A______.
Conformément à la recommandation de la PPDT adjointe, bien que les échanges entre la police et B______ n’aient pas été versés au dossier pénal, ils étaient intervenus dans le cadre de la procédure pénale, à laquelle les règles y relatives étaient applicables. Ces échanges faisaient ainsi partie de l’activité juridictionnelle de la magistrate. Il en allait de même des inscriptions dans l’agenda d’un procureur en lien avec une procédure pénale. Dans les deux cas, il s’agissait d’informations liées à la conduite des procédures pénales qui relevaient strictement de l’activité judiciaire des procureurs, de sorte qu’elles étaient également soustraites du champ d’application de la LIPAD.
Subsidiairement, même dans l’hypothèse où la commission faisait « indûment » application de la LIPAD, elle n’était pas « en possession » des documents requis. Le Pouvoir judiciaire ne disposait pas d’un accès propre à la messagerie ou à l’agenda d’un membre de son personnel ou d’un magistrat, ni à leurs éventuelles sauvegardes, seul l’utilisateur étant en possession de ce contenu.
Plus subsidiairement, l’agenda requis devait être considéré comme l’équivalent des notes à usage personnel qui n’entraient pas dans la catégorie des documents accessibles selon la LIPAD. L’agenda des magistrats était confidentiel tant en raison de leur indépendance que de l’absence de fonction hiérarchique. Les droits d’accès n’étaient pas partagés avec d’autres collaborateurs, à l’exception parfois de leur greffier pour des raisons organisationnelles. La portée de l’agenda de B______ différait clairement de celui du chef de l’armement traité dans l’ATF 142 II 324. L’agenda requis n’était pas un instrument de conduite du MP ou d’un cabinet. La fonction de première procureure de B______ durant la période requise n’avait aucune portée dans la mesure où elle avait traité de la procédure pénale concernée en tant que procureure ordinaire et non en tant que première procureure.
Plus subsidiairement encore, les documents requis n’étaient pas accessibles car leur communication rendrait inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportaient les lois régissant les procédures judiciaires. Si les informations contenues dans les documents requis concernant la procédure pénale pendante n’avaient pas été portées à la connaissance des parties, admettre que les documents querellés seraient accessibles au sens de la LIPAD reviendrait de fait à contourner les art. 100 et 101 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007
(CPP - RS 312.0).
B. a. Par acte du 16 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à la commission de l’autoriser à accéder à l’intégralité des documents requis en date du 29 décembre 2023, soit : l’agenda de B______, alors première procureure, de décembre 2016 à novembre 2017, les informations sans lien avec la requérante, des procédures relatives à la traite d’êtres humains ou tout rendez-vous avec la BTPI ou d’autres rendez-vous en lien avec la traite d’êtres humains pouvant être caviardés, et tout échange de courriels entre B______ et la BTPI ou tout inspecteur de la BTPI de décembre 2016 à novembre 2017. Subsidiairement, elle sollicitait le renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision.
Son droit d’être entendue avait été violé. La commission avait statué le 19 juillet 2024, soit le jour de réception des déterminations du MP, sans les lui transmettre. Cette violation était irréparable, compte tenu de sa gravité et dans la mesure où elle avait largement influencé le contenu de la décision attaquée. Elle se prononçait sur de nombreux faits survenus postérieurement, à propos desquels elle n’avait pas pu se déterminer.
Dès lors que B______ occupait la fonction d’un agent public haut placé en tant que première procureure, son agenda durant cette période constituait un document administratif, permettant de rendre compte de son activité officielle. La PPDT adjointe avait également considéré que l’agenda litigieux devait être qualifié de document administratif, en déplorant le manque de collaboration du Pouvoir judiciaire. Les échanges de courriels entre B______ et la police constituaient bien des documents écrits définitifs, même confidentiels, communiqués à l’externe entre entités administrativement distinctes, et non des notes à usage strictement personnel. Ni l’agenda, ni les courriels litigieux n’avaient été versés au dossier d’une quelconque procédure judiciaire. Ils n’avaient pas non plus été archivés. Ceux-ci relevaient donc bel et bien de la LIPAD. La commission semblait méconnaître le cadre légal lorsqu’elle laissait entendre que le PPDT n’était pas habilité à recueillir de manière informelle l’avis des personnes concernées. Si la commission était compétente pour statuer sur la levée du secret de fonction auquel était tenu le personnel du Pouvoir judiciaire, elle l’était a fortiori pour autoriser la délivrance de documents couverts par celui-ci. La commission avait sciemment empêché le PPDT et la PPDT adjointe de remplir leur mission. En soustrayant les documents en cause aux principes de la publicité et de la transparence, la commission avait choisi de faire primer le secret de l’administration. En refusant de fournir un accès partiel aux informations desdits documents, elle dérogeait au système voulu par les législateurs cantonal et fédéral, à savoir une définition stricte de la notion d’activité juridictionnelle en dehors de laquelle l’administration ne pouvait se soustraire à ses obligations de publicité et de transparence afin de ne pas vider la LIPAD et la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3) de leur substance. Dans la mesure où la commission reconnaissait elle‑même que les documents litigieux n’étaient que des « documents judiciaires au sens large »,
ceux-ci n’étaient pas exclus du champ d’application de la LIPAD. Les courriels, ayant par définition un destinataire, ne revêtaient pas la qualité de notes personnelles.
La commission n’avait jamais justifié d’un éventuel préjudice consécutif à la divulgation, ni rendu hautement vraisemblable la survenance d’un tel préjudice ou l’intensité particulière de celui-ci. Compte tenu de la « transparence intéressée » dont les autorités pénales avaient fait preuve à l’égard des médias dans le cadre de l’affaire pénale en cours, il serait surprenant de considérer que, sous l’angle de la LIPAD, le secret de la procédure justifiait de s’opposer à sa demande.
b. La commission a conclu au rejet du recours.
Contrairement aux allégations de la recourante, la PPDT adjointe avait indiqué ne pas pouvoir rendre de recommandation s’agissant d’un éventuel accès de la recourante à l’agenda de l’ancienne procureure pour la période souhaitée, de sorte qu’elle n’avait pas considéré « sans réserve » qu’il s’agissait d’un document administratif. Elle avait qualifié les échanges de courriels sollicités de « documents judiciaires ». La décision attaquée avait été rendue après que les déterminations du MP avaient été adressées à la commission, soit le lendemain et non le même jour.
Il convenait d’appeler en cause B______, dans la mesure où la demande d’accès de la recourante visait des documents élaborés par l’ancienne procureure dans le cadre d’une procédure pénale conduite par elle-même dans l’exercice de ses fonctions de magistrate. En outre, la commission n’était pas en possession de l’agenda de l’ancienne procureure - document personnel et confidentiel - ni des échanges de courriels avec la BTPI, car seule la magistrate disposait d’un accès propre à ces données, pour autant qu’elle les ait conservées.
Le droit à la réplique consacré par la jurisprudence existait seulement devant les autorités judiciaires et non dans la phase qui se déroulait devant l’autorité administrative. Il appartenait à la recourante de suffisamment motiver sa requête du 29 décembre 2023, car elle ne pouvait compter sur un quelconque droit à déposer de nouvelles observations avant qu’elle ne rende sa décision. Si la chambre de céans devait considérer qu’elle avait néanmoins violé le droit à la réplique de la recourante, il fallait considérer que cette violation pouvait être réparée par la procédure de recours, car la décision querellée exposait les motifs qui l’avaient conduite à refuser l’accès à l’agenda et aux échanges de courriels sollicités.
Tel que cela ressortait des travaux législatifs, le législateur genevois avait conscience qu’il ne pouvait pas définir restrictivement l’activité juridictionnelle, si bien qu’il n’avait pas voulu la limiter aux seuls dossiers de procédure. Les documents qui n’étaient pas versés au dossier mais qui concernaient l’activité judiciaire entraient dans la catégorie des documents judiciaires au sens large. Cette interprétation était conforme à la recommandation, retenant que les échanges de courriels entre l’ancienne procureure et la BTPI concernant la recourante n’avaient pas été versés au dossier judiciaire, mais qu’ils étaient intervenus par définition dans le cadre de la procédure pénale et n’existaient donc que du fait de l’existence de cette procédure. En prévoyant que seules les activités à caractère non juridictionnel permettaient l’application de la LIPAD, le législateur avait exclu de son champ d’application les documents découlant de l’activité juridictionnelle, qu’il s’agisse de documents judiciaires au sens étroit ou de documents judiciaires au sens large. Cette distinction était la seule compatible avec l’indépendance de la justice. L’indépendance du magistrat impliquait aussi qu’il puisse organiser et planifier son emploi du temps sans qu’une partie à la procédure ou un tiers puisse prendre connaissance de son activité. La divulgation de l’emploi du temps consacré par un procureur au traitement de ses procédures reviendrait à entraver la poursuite pénale. L’inaccessibilité des documents requis en application du droit de procédure pénale n’avait pas pour conséquence de les rendre accessibles selon la LIPAD. Il ne pouvait être exigé de la commission qu’elle prouve que l’accès aux inscriptions d’un agenda risquait de compromettre une enquête, alors qu’une telle exigence n’était pas requise pour les informations contenues dans un courriel. La différence de traitement de l’accès aux documents fondée uniquement sur le support (agenda ou courriels) et non sur les raisons ayant conduit à leur inscription (soit dans le cadre d’une procédure) était infondée. Les documents requis n’avaient pas été versés au dossier en application du droit de procédure qui ne l’exigeait pas, mais qui permettait au contraire de les garder confidentiels comme ils concernaient l’organisation de la procédure.
En indiquant dans sa décision ne pas pouvoir autoriser l’accès aux courriels et à l’agenda requis au motif qu’ils n’étaient pas en sa possession, elle n’avait rien dit d’autre que cela et ne s’était pas considérée « incompétente » pour statuer. Ne disposant pas d’un accès propre à ces données, elle ne pouvait qu’en refuser l’accès. La recourante méconnaissait le régime légal applicable aux magistrats du Pouvoir judiciaire. La commission n’était pas compétente pour statuer sur la levée du secret de fonction des magistrats.
La portée de l’agenda de l’ancienne procureure différait complètement de celle de l’ancien chef de l’armement, dès lors que ces deux fonctions étaient soumises à des statuts différents. Les magistrats du Pouvoir judiciaire, y compris les procureurs, devaient exercer leurs fonctions en toute indépendance, ce qui impliquait une grande liberté dans l’organisation et la gestion de leur temps, la seule limite étant les règles de procédure applicables. Ils n’avaient aucune obligation de faire usage de leur messagerie, laquelle était uniquement mise à leur disposition, à l’instar de tous les collaborateurs du Pouvoir judiciaire. L’utilisation de l’agenda par l’ancienne procureure, qui n’avait aucune obligation de le tenir à jour au vu de son indépendance, rejoignait la notion de « notes à usage personnel ».
Même si les documents requis n’étaient pas versés au dossier, ils n’étaient pas pour autant accessibles en vertu de la LIPAD, car ils contenaient des informations en lien avec la procédure pénale, qui étaient inaccessibles en vertu de l’art. 73 CPP, soit une norme de rang fédéral.
Était joint le dossier de la commission.
c. La recourante a répliqué en persistant dans ses conclusions et ses précédents développements.
La demande d’appel en cause était tardive. L’intimée prétendait désormais que l’intervention de B______ était nécessaire alors qu’elle n’avait pas appuyé sa propre demande en ce sens depuis le début de la procédure.
Il était étrange de vouloir faire reposer l’indépendance de la justice sur le principe du secret et la prévalence de l’opacité sur la transparence, étant rappelé que le principe de transparence apparaissait comme un élément essentiel et indissociable du principe de l’État de droit, prévenant notamment des dysfonctionnements de l’appareil étatique. L’interprétation de l’intimée était contredite par les principes découlant de la LTrans, transposables sur le plan cantonal. L’intimée n’avait jamais indiqué en quoi la communication de l’agenda de l’ancienne procureure pourrait avoir concrètement pour effet d’interférer avec une procédure en cours ou de compromettre des enquêtes. En opposant son refus à la demande de la PPDT adjointe de consulter les documents en cause, l’intimée l’avait empêchée de rendre une recommandation pleinement circonstanciée.
Le président de la commission, supérieur hiérarchique de B______ lorsqu’elle était au MP, en sa qualité de Procureur général, avait toute latitude pour autoriser l’accès aux documents litigieux pour la période concernée, le cas échéant en s’adressant au Conseil supérieur de la magistrature dont relevait B______, dans le cadre de sa nouvelle charge.
Aucune des hypothèses de l’art. 6 du règlement d'application de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 21 décembre 2011 (RIPAD - A 2 08 01) n’étant remplie in casu, seule restait celle de textes inachevés au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD, ce que l’intimée n’avait pas soutenu. Il était peu crédible d’affirmer que l’agenda électronique mis à disposition d’une première procureure par le Pouvoir judiciaire pour l’organisation de sa charge ne soit aucunement utilisé dans le cadre de ses fonctions.
Le secret de l’enquête ne s’étendait pas aux informations susceptibles d’être communiquées sur requête en application de la législation applicable sur la transparence. Pour ces dernières, la portée de l’obligation de garder le secret devait être définie de manière concrète en coordination avec la LIPAD et la LTrans. L’art. 26 al. 2 let. e LIPAD n’était pas applicable pour refuser la communication des documents en cause, tandis que l’intimée avait elle-même reconnu qu’ils n’avaient pas été versés au dossier.
d. La commission a dupliqué.
Le MP - qui n’était pas partie à la procédure de demande d’accès - n’avait pas méconnu les principes de la LIPAD, car la demande en cause était exclue du champ d’application de la LIPAD. Il n’avait pas non plus appliqué une « définition extensive des documents judiciaires ».
Le président de la commission n’était pas, en sa qualité de Procureur général, le supérieur hiérarchique de B______, les magistrats du Pouvoir judiciaire étant indépendants. La fonction de son président ne changeait rien au fait qu’elle n’était pas en possession des données contenues dans la messagerie.
Elle ne s’était pas livrée à une interprétation extensive de la définition d’« activité juridictionnelle » puisque la PPDT adjointe avait retenu que les documents faisant partie de l’activité juridictionnelle au sens large étaient des documents judiciaires soustraits à la LIPAD.
L’appel en cause était possible uniquement dans le cadre d’une procédure judiciaire et non pas dans celui d’une procédure de médiation avec le PPDT. Dès lors qu’elle avait évoqué l’appel en cause dans ses écritures responsives, elle l’avait fait dès qu’elle en avait eu la possibilité. La recourante ne pouvait pas non plus lui reprocher de ne pas avoir appuyé sa demande « tendant à attraire l’ancienne procureure à la médiation » car aucune loi ne comprenait une telle obligation. L’agenda requis était un document personnel et confidentiel, de sorte que son utilisatrice était touchée directement par la présente procédure. L’institution de l’appel en cause n’exigeait pas que l’appelé en cause soit le seul touché ni qu’il soit « plus touché » que l’appelant en cause par la procédure.
La commission l’avait seulement invité à lui adresser ses déterminations. Les éléments contenus dans les déterminations du MP - qui n’était pas partie à la demande d’accès ni autorité intimée - étaient entièrement connus de la recourante et avaient été repris dans la décision querellée.
Bien que la notion de « documents judiciaires au sens large » ne soit pas expressément reprise par la loi, il n’en demeurait pas moins qu’il était possible de s’y référer. L’activité juridictionnelle comprenait donc les documents judiciaires au sens strict (ceux figurant au dossier de procédure) et les documents judiciaires au sens large (ceux n’y figurant pas). L’interprétation de la recourante était contraire à la jurisprudence fédérale et à la recommandation. La recourante ne pouvait être suivie lorsqu’elle considérait que la transparence s’appliquait à tous les documents qui ne faisaient pas partie du dossier de procédure au sens strict. La LIPAD n’étant pas applicable, la commission n’avait pas à démontrer que les conditions de l’art. 26 al. 2 let. d LIPAD étaient réalisées pour que l’accès aux documents sollicités soit refusé en vertu de l’art. 3 al. 3 let. b LIPAD.
Si la PPDT adjointe avait estimé ne pas être en mesure de se prononcer sur la nature des échanges de courriels entre l’ancienne procureure et la BTPI, elle l’aurait indiqué dans sa recommandation. Il serait contraire au droit fédéral d’obliger les autorités à soumettre au PPDT des documents couverts par le secret de l’enquête aux fins d’examen des conditions et exceptions instituées par la LIPAD, alors que le PPDT n’était pas une autorité pénale. Ce n’était qu’en excluant d’emblée du champ d’application de la LIPAD les actes établis en lien avec une procédure pénale que les autorités cantonales pouvaient respecter le droit fédéral et le secret qu’il instituait. Si la recourante estimait que la PPDT adjointe ne pouvait considérer les échanges de courriels comme intervenus dans le cadre de la procédure pénale, il lui appartenait de le dire dans son recours, ce qu’elle n’avait pas fait.
La recourante soutenait à tort que l’art. 6 RIPAD circonscrivait de façon claire et exhaustive la notion de notes à usage personnel. La liste de l’art. 6 RIPAD était exemplative, de sorte qu’elle pouvait être complétée par la jurisprudence et la doctrine. La notion de notes à usage personnel au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD devait être interprétée à l’aune de l’art. 5 al. 3 LTtrans. Ainsi, le fait que les documents sollicités soient achevés ou non était sans pertinence pour pouvoir les qualifier de notes à usage personnel. Selon l’art. 1 al. 3 de l’ordonnance sur le principe de la transparence dans l’administration (OTrans - RS 152.31), les documents destinés à l’usage personnel étaient, entre autres, des documents utilisés exclusivement par un cercle restreint de personnes comme moyen auxiliaire. Même si l’agenda était partagé avec un tiers, cela n’empêcherait pas de le considérer comme une note à usage personnel, car il n’était pas un instrument de conduite du MP.
e. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 al. 1 LIPAD).
2. Se pose au préalable la question de l’appel en cause de B______.
2.1 L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure. L’appelé en cause peut exercer les droits conférés aux parties (art. 71 LPA).
2.2 En l’espèce, la question de l’intérêt de B______ à être appelée en cause souffrira de demeurer indécise, dès lors que le recours doit être rejeté pour les motifs qui suivent. L’appel en cause ne se justifie donc pas.
3. À titre liminaire, la recourante fait valoir une violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où l’autorité intimée de ne lui a pas permis de répliquer à la suite des observations du MP du 18 juillet 2024.
3.1 Conformément aux art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101), les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet d'abord aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 139 I 189 consid. 3.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 137 I 195 consid. 2). En ce sens, il existe un véritable droit à la réplique qui vaut pour toutes les procédures judiciaires (ATF 133 I 98 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2019 du 27 juin 2019 consid. 2.1).
Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 138 I 484 consid. 2.4). Lorsqu'une partie se voit communiquer par le juge une écriture ou des pièces nouvelles, il lui appartient, si elle souhaite s'exprimer à leur sujet, de faire spontanément usage de son droit de réplique ; si elle s'en abstient, elle est censée y avoir renoncé après l'écoulement d'un délai raisonnable (ATF 133 I 98 consid. 2.2 ; 132 I 42 consid. 3.3.3 et 3.3.4).
3.2 Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, une telle violation peut néanmoins être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).
Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée qui n'est pas particulièrement grave (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 135 I 276 consid. 2.6.1). Elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. La partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/51/2025 du 14 janvier 2025 consid. 3.3 et l'arrêt cité).
3.3 En l'espèce, l’autorité intimée confirme ne pas avoir transmis à la recourante les déterminations du MP avant de rendre la décision querellée. Or, en sa qualité d’autorité administrative, elle se devait de respecter le droit à répliquer de la recourante au sens étroit découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. Ce faisant, l’autorité intimée a privé la recourante de la possibilité de se déterminer sur les déterminations du MP, ce qui constitue une violation de son droit d'être entendue.
Il appert toutefois que l’autorité intimée n’a procédé à aucun acte d’instruction et que les déterminations du MP ne contiennent aucun élément nouveau, confirmant l’existence de la procédure pénale en cours à l’encontre de la recourante et la position de refus de transmission des documents requis. À cela s’ajoute que le contenu desdites observations a été mentionné dans la décision querellée, au sujet de laquelle la recourante a pu se déterminer en toute connaissance de cause dans le cadre de son recours. Elle a alors pu exercer son droit à la réplique, notamment en ayant connaissance desdites écritures, l’autorité intimée les ayant produites dans son dossier joint à sa réponse.
Par ailleurs, la violation doit être considérée comme ayant été réparée devant la chambre de céans et est donc sans conséquence. En effet, d'une part, une telle réparation est admissible dans son principe puisque la chambre de céans dispose du même pouvoir d'examen que la commission (art. 61 LPA ; ATA/422/2025 du 15 avril 2025 consid. 2.4 ; ATA/194/2024 du 13 février 2024 consid. 3.10). D'autre part, la recourante a pu, à l'occasion de plusieurs échanges d'écritures devant la chambre de céans, se prononcer sur les déterminations du MP et ainsi faire valoir ses arguments devant celle-là aussi efficacement qu'elle aurait pu le faire devant l’autorité intimée. Enfin, le renvoi constituerait une vaine formalité aboutissant à un allongement inutile de la procédure.
Le grief sera donc écarté.
4. Le litige porte sur la question de la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée refusant à la recourante l’accès à l’agenda électronique de l’ancienne procureure en charge de la procédure pénale concernant la première et des courriels échangés entre celle‑ci et la BTPI dans ce cadre, pour la période de décembre 2016 à novembre 2017.
4.1 La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). Si la juridiction administrative admet le recours, elle réforme la décision attaquée ou l’annule. Si elle le juge nécessaire, elle peut renvoyer l’affaire à l’autorité qui a statué pour nouvelle décision (art. 69 al. 3 LPA).
4.2 L’activité publique s’exerce de manière transparente, conformément aux règles de la bonne foi, dans le respect du droit fédéral et du droit international (art. 9 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst‑GE - A 2 00). Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d’accéder aux documents officiels, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Il a déjà été jugé que cette disposition n’avait pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.4).
La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique ainsi que, d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD).
En édictant cette loi, le législateur genevois a voulu passer d'un régime du secret assorti d'exceptions, prévalant jusqu'alors pour l'administration genevoise, à celui de la transparence sous réserve de dérogation. Cette évolution législative est propre à renforcer tant la démocratie que le contrôle de l'administration, ainsi qu'à valoriser l'activité étatique et à favoriser la mise en œuvre des politiques publiques. L'instauration d'un droit individuel d'accès aux documents représente l'innovation majeure propre à conférer sa pleine dimension au changement de culture qu'implique l'abandon du principe du secret (ATF 148 II 16 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_25/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1 ; 1C_277/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3.2).
5. La recourante reproche à l’autorité intimée de lui avoir refusé l’accès aux courriels échangés entre l’ancienne procureure et la BTPI durant la période de décembre 2016 à novembre 2017, s’agissant, selon elle, de documents écrits définitifs, même confidentiels, communiqués à l’externe entre entités administrativement distinctes.
5.1 La LIPAD s’applique aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD). Selon l’art. 3 al. 3 LIPAD, le traitement de données personnelles par les institutions publiques n’est pas soumis à la loi lorsqu’il : se limite à la prise de notes à usage personnel (let. a) ; est effectué par le Conseil supérieur de la magistrature, les juridictions et les autres autorités judiciaires en application des lois de procédure pénale, civile, administrative ou d’entraide judiciaire ou d’autres lois régissant leurs activités, aux fins de trancher les causes dont ils sont ou ont été saisis ou de remplir les tâches de surveillance dont ils sont ou ont été investis, sous réserve de l’art. 39 al. 3 (let. b).
Selon l’art. 2 du règlement du Pouvoir judiciaire sur l'accès aux documents et aux données personnelles du 1er novembre 2021 (RADPJ - E 2 05.52), par document judiciaire, on entend les décisions judiciaires et les autres documents d'une procédure judiciaire (al. 1). Par document administratif, on entend tout autre document traité par le Pouvoir judiciaire (al. 2).
Selon le message à l’appui de la LIPAD, l’art. 3 al. 3 let. b LIPAD constitue une clause d’exclusion du champ d’application à raison de l’entité chargée de procéder au traitement, en faveur du Pouvoir judiciaire. Il n’est guère possible de définir a priori l’activité juridictionnelle d’une manière plus précise que celle qui figure ici, mais le but visé est d’exclure clairement toute l’activité juridictionnelle du Pouvoir judiciaire, seules les activités à caractère non juridictionnel permettant l’application de la loi. Le traitement de données personnelles n’est ainsi pas soumis à la loi lorsqu’il est effectué par le Conseil supérieur de la magistrature, les juridictions et les autres autorités judiciaires en application des lois de procédure pénale, civile, administrative ou d’entraide judiciaire ou d’autres lois régissant leurs activités, aux fins de trancher les causes dont ils sont saisis ou de remplir les tâches de surveillance dont ils sont investis (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève [ci-après : MGC] 2005-2006 Y A, p. 8490).
5.2 Au plan fédéral – non concerné ici –, la LTrans vise à promouvoir la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration fédérale, en garantissant notamment l’accès aux documents officiels (art. 1 LTrans), et renverse ainsi le principe du secret des activités administratives au profit de celui de la transparence (ATF 136 II 399 consid. 2.1 ; 133 II 209 consid. 2.3.1 ; FF 2003 1807, p. 1819). Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur la transparence visent le même but et reprennent des principes de base globalement identiques, la jurisprudence rendue sur la base de la LTrans peut en principe être transposée à la LIPAD (ATA/39/2022 du 18 janvier 2022 consid. 7b et l'arrêt cité).
Selon l’art. 3 al. 1 let. a LTrans, celle-ci ne s’applique pas à l’accès aux documents officiels concernant les procédures civiles (ch. 1) et pénales (ch. 2).
Selon le message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à LTrans, l’accès aux documents relatifs aux procédures administratives et judiciaires énumérées à l’art. 3 let. a LTrans est régi par les lois spéciales applicables. Les documents qui, bien qu’ayant un rapport plus large avec les procédures en question, ne font pas partie du dossier de procédure au sens strict, sont en revanche accessibles aux conditions de la loi sur la transparence. La disposition garantissant la formation libre de l’opinion et de la volonté d’une autorité s’appliquera par conséquent chaque fois que la divulgation d’un document officiel est susceptible d’influencer le déroulement de procédures déjà engagées ou d’opérations préliminaires à celles-ci. Un avis de droit commandé par l’administration en vue de l’ouverture éventuelle d’une action en justice, par exemple, pourrait être très utile à un administré pour préparer sa défense puisqu’il pourrait alors s’appuyer sur les conclusions de cet avis. Un tel document serait toutefois susceptible de perturber le déroulement de la procédure à venir ou en cours, particulièrement si l’État est partie au procès et s’il choisit comme ligne de défense un argument opposé à l’avis de droit en question (FF 2003 1807, p. 1850).
5.3 Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a retenu que la LIPAD ne s’appliquait pas aux procédures civiles, pénales et administratives en cours. Le législateur genevois avait certes considéré qu'il n'y avait pas de raison de principe de soustraire le Pouvoir judiciaire au principe de la transparence sur ses activités. Toutefois, pour les procédures pendantes, les règles relatives à la consultation du dossier étaient fixées par les différentes lois de procédure. En matière pénale, l'autorité compétente selon les art. 74 et 102 CPP était la direction de la procédure ; celle-ci devait notamment respecter la présomption d'innocence et les autres intérêts légitimes au maintien du secret (arrêt du Tribunal fédéral 1C_604/2015 et 1C_606/2015 du 14 juin 2016 consid. 4.4).
Plus récemment, dans un arrêt publié, le Tribunal fédéral s’est demandé si un rapport d'audit commandé par le Conseil d’État du canton de Neuchâtel et figurant dans des dossiers de procédures civile et pénale était soumis à la Convention intercantonale du 9 mai 2012 relative à la protection des données et à la transparence dans les cantons du Jura et de Neuchâtel. Il a considéré que tant dans la procédure pénale que dans les procédures civiles en cours, le rapport d'audit ne constituait ni un acte de procédure ni un acte d'instruction lié à la procédure en cause ; il s'agissait d'un document élaboré en dehors de toute procédure judiciaire qui avait simplement été déposé dans les dossiers civils et pénal. Il n'était ainsi pas exclu du champ d'application de la convention précitée. Se référant au message relatif à la LTrans, il a relevé que les documents qui, bien qu'ayant un rapport plus large avec les procédures en question, ne faisaient pas partie du dossier de procédure au sens strict, étaient en revanche accessibles aux conditions de la loi sur la transparence. Afin d'éviter une collision de normes, il était impossible de recourir à la LTrans dans le but d'éluder les règles spéciales concernant l'accès aux documents relevant des procédures topiques. L’accès à un document ne devait pas pouvoir entraver la bonne marche d'une procédure judiciaire. Il fallait distinguer, d'une part, entre les documents élaborés en dehors d'une procédure judiciaire (et pas non plus explicitement en vue d'une telle procédure) et, d'autre part, les documents qui ont été ordonnés expressément dans le cadre d'une procédure judiciaire (par exemple un échange d'écritures ou une expertise mise en œuvre par les autorités judiciaires). C'était seulement pour ces derniers que le principe de la transparence ne s'appliquait pas ; les autres documents demeuraient accessibles en vertu du principe de la transparence (ATF 147 I 47 consid. 3.4).
5.4 Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée, auxquels correspondent, après jugement, la force et l’autorité de la chose jugée. Une décision rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée, ce qui signifie qu’elle ne peut plus être remise en cause devant une autorité administrative ou judiciaire, et elle a acquis l’autorité de chose décidée par l’effet juridique qu’elle génère par son contenu (ATA/366/2025 du 1er avril 2025 consid. 6.2).
L'autorité de chose jugée ne se rapporte qu'aux points effectivement tranchés par l'autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l'autorité de la chose jugée (ATA/532/2024 du 30 avril 2024 consid. 1.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 869).
Le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l’autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 867 à 869).
5.5 Par arrêt ATA/419/2025 du 15 avril 2025, la chambre administrative a rejeté le recours de la recourante contre la décision du 8 juillet 2024 du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN) de lui refuser l’accès à certains documents, dont l’accès aux échanges de courriels entre la BTPI ou tout inspecteur de celle-ci et l’ancienne procureure, de décembre 2016 à novembre 2017. Lesdits documents, émanant d’autorités de poursuite pénale, avaient été élaborés dans le cadre d’une procédure pénale et en application d’une loi de procédure. Le principe de la transparence ne s’appliquait donc pas et ils étaient exclus du champ d’application à raison de la matière de la LIPAD. C’était partant à juste titre que, suivant la recommandation du PPDT, l’autorité intimée avait refusé de donner accès aux échanges de courriels sollicités. Il n’était ainsi pas nécessaire d’examiner si l’accès aux documents sollicités était propre à compromettre l’ouverture, le déroulement ou l’aboutissement d’enquêtes prévues par la loi (art. 26 al. 2 let. d LIPAD) ou s’il reviendrait à rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès prévues (art. 26 al. 2 let. e et f et 26 al. 4 LIPAD ; consid. 4.3).
Un recours contre cet arrêt est actuellement pendant par-devant le Tribunal fédéral (cause 1C_289/2025).
5.6 En l’espèce, la recourante est la même que dans le cas précité. S’agissant des échanges de courriels entre la BTPI et l’ancienne procureure pour la période de décembre 2016 à novembre 2017, elle avait formulé deux fois la même demande, soit, d’une part auprès du DIN et, d’autre part, auprès du Pouvoir judiciaire. Les deux autorités administratives ont refusé d’y donner une suite favorable pour les mêmes motifs.
Dès lors que, dans son arrêt ATA/419/2025, la chambre de céans a d’ores et déjà tranché cette même question, en retenant que le refus de donner accès auxdits documents était fondé, lequel correspondait à la position de la PPDT adjointe dans sa recommandation, il n’y a pas lieu d’y revenir.
Les considérants de l’arrêt précité s’appliquent ainsi également in casu, de sorte que c’est également à juste titre que l’autorité intimée a refusé à la recourante l’accès aux échanges de courriels entre l’ancienne procureure et la BTPI pour la période de décembre 2016 à novembre 2017.
Ce grief doit donc être rejeté.
6. La recourante fait également grief à l’autorité intimée d’avoir considéré que le contenu de l’agenda de l’ancienne procureure pour la période de décembre 2016 à novembre 2017 était soustrait au droit d’accès consacré par la LIPAD, dans la mesure où il s’agirait d’un document administratif.
6.1 L’art. 24 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par cette loi (al. 1). L’accès comprend la consultation sur place des documents et l’obtention de copies des documents (al. 2). La demande d’accès n’est en principe soumise à aucune exigence de forme. Elle n’a pas à être motivée, mais elle doit contenir des indications suffisantes pour permettre l’identification du document recherché (art. 28 al. 1 LIPAD).
Selon l’art. 25 LIPAD, les documents sont tous les supports d’informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique (al. 1). Sont notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). Pour les informations n’existant que sous forme électronique, seule l’impression qui peut en être obtenue sur un support papier par un traitement informatique simple est un document (al. 3). Les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux non encore approuvés ne constituent pas des documents au sens de la loi (al. 4).
L’art. 25 al. 4 LIPAD exclut ainsi de la notion de document les notes à usage personnel (à savoir les notes prises à l’usage exclusif de celui qui les prend, et non les notes adressées même confidentiellement à une personne déterminée), ainsi que les brouillons ou autres textes inachevés (ATA/1267/2021 du 23 novembre 2021 consid. 6e), quand bien même elles concerneraient l’accomplissement de tâches publiques, des notes à usage personnel de collaborateurs de la fonction publique relèvent en quelque sorte de la sphère privée de ces derniers. Il importe par ailleurs que les rédacteurs de documents puissent faire évoluer leurs textes et travailler dans des conditions de sérénité avant qu’il ne soit possible d’accéder au produit de leur travail (MGC 2000 45/VIII 7694).
Selon l’art. 6 let. a RIPAD, constituent notamment des notes à usage personnel au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD, qu’elles soient manuscrites ou non et quels qu’en soient la forme ou le support : les notes prises en vue de la rédaction future d’un document.
6.2 L’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. L’art. 26 LIPAD fixe en effet des exceptions au droit d'accès. Sont ainsi soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 LIPAD). Tel est le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à mettre en péril la sécurité de l’État, la sécurité publique, les relations internationales de la Suisse ou les relations confédérales (art. 26 al. 2 let. a LIPAD).
Selon le message relatif à la LIPAD, la sauvegarde du processus décisionnel représente une exception classique au droit d'accès aux documents. Il s'agit de préserver la faculté des organes et administrations des institutions de réfléchir, de consulter, de rédiger plusieurs projets d'une éventuelle décision avant d'arrêter son choix. Plutôt que de supprimer purement et simplement l'accès à des documents préparatoires tant que la décision n'a pas été prise, la formule retenue par le législateur limite le refus d'accès aux documents relatifs à une décision en préparation au cas où une telle communication serait de nature à entraver notablement le processus décisionnel, par souci de ne pas vider le principe de la transparence de sa substance. Il importe également que la communication de documents ne compromette pas des négociations en cours, que ce soit sur un plan purement politique (par exemple dans le cadre de discussions avec les représentants de la fonction publique), sur le plan de relations avec d'autres institutions ou collectivités publiques, sur le plan de relations de droit public (par exemple en matière d'octroi de concessions) ou encore sur le plan de relations contractuelles soumises au droit privé.
6.3 L’art. 25 al. 1 et 4 LIPAD a une teneur similaire à l’art. 5 al. 1 et 3 LTrans. Selon cette disposition, on entend par document officiel toute information qui a été enregistrée sur un quelconque support (let. a), qui est détenue par l’autorité dont elle émane ou à laquelle elle a été communiquée (let. b) et qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique (let. c). Ne sont pas considérés comme des documents officiels les documents qui n’ont pas atteint leur stade définitif d’élaboration ou qui sont destinés à l’usage personnel (art. 5 al. 3 let. b et c LTrans).
À titre de comparaison, au plan fédéral, l’art. 1 al. 3 OTrans – non applicable in casu – définit la notion de document destiné à l’usage personnel. Il précise que cette notion vise entre autres les documents utilisés exclusivement par un cercle restreint de personnes. Il s’agit par exemple des documents qui sont utilisés comme base de travail ou comme moyen auxiliaire (notes manuscrites, copies de travail, propositions de correction, aide-mémoire, notes d’accompagnement) au sein d’une équipe ou qui sont échangés entre un collaborateur et son supérieur. Sont également considérés comme des documents destinés à l’usage personnel, les informations à caractère personnel qui sont sans rapport avec l’accomplissement de tâches publiques. Tel est, par exemple, le cas des courriers électroniques qui ont un contenu strictement privé ou des tableaux personnels qui ornent un bureau (commentaire du 24 mai 2006 de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur le principe de la transparence, p. 2 et 3).
Dans l’arrêt ATF 142 II 324, le Tribunal fédéral a examiné le point de savoir si l’agenda Outlook de l’ancien chef de l’armement devait être considéré comme un document officiel au sens de l’art. 5 LTrans. Il a retenu que tel était le cas. Les informations contenues dans l’agenda Outlook dépeignaient globalement l’activité officielle de l’ancien chef de l’armement. Celui-ci avait utilisé son agenda en rapport avec l’accomplissement de sa fonction, et donc aussi pour exécuter des tâches publiques. Bien que des rendez-vous privés y aient aussi été consignés, les agendas électroniques et les informations qui y étaient contenues servaient principalement à l’activité professionnelle et à la direction de l’office, si bien que l’art. 5 al. 1 let. c LTrans trouvait application. Les inscriptions de l’agenda donnaient dans leur ensemble une vision de l’accomplissement de sa fonction par l’ancien chef de l’armement et des processus de la direction militaire. L’agenda Outlook n’était au demeurant pas destiné à son usage personnel, puisqu’il servait à la communication et à la coopération entre les collaborateurs. Le détenteur pouvait conférer des droits d’accès différents à divers utilisateurs, variant de la simple indication des périodes libres ou occupées jusqu’à l’affichage de tous les détails. L’agenda Outlook permettait aussi d’envoyer des invitations à participer à des séances. Il s’agissait donc, dans l’ensemble, d’un instrument destiné à soutenir sous divers aspects la coopération de divers utilisateurs. L’agenda n’était enfin pas uniquement un aide-mémoire personnel destiné à la gestion des rendez-vous individuels. Sa portée était notablement plus étendue : son détenteur était l’un des cadres plus élevés du département fédéral de la défense. Son agenda avait une influence déterminante dans l’ensemble de l’activité et des processus de l’office fédéral de l’armement. Même si le cercle des personnes habilitées à y accéder se limitait aux cadres supérieurs de l’office, il n’était pas qu’un simple aide-mémoire pour le déroulement de la journée et la gestion des rendez-vous. Il s’agissait d’un instrument de conduite essentiel pour la direction de l’office (consid. 2.5.1 et 2.5.2).
Dans une recommandation du 14 décembre 2021, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a examiné le point de savoir si les agendas de deux enquêteurs de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) devaient être considérés comme étant destinés à l’usage personnel au sens de l’art. 5 al. 3 let. c LTrans. Selon le préposé fédéral, cette question impliquait d’analyser si les informations demandées avaient un rapport avec l’accomplissement de tâches publiques. Pour pouvoir se déterminer sur ce point, il était nécessaire que l'autorité lui communique au minimum les caractéristiques générales des entrées (ex. séances de travail, rendez-vous médicaux, voyage de service, etc.). Toutefois, l'AFC-CH, qui portait le fardeau de la preuve, ne lui avait pas fourni d'éléments permettant d'apprécier la nature desdits rendez-vous et n'avait pas motivé sa position. Par conséquent, l’AFC-CH n'ayant pas fourni une motivation suffisante permettant de démontrer qu'en l'espèce, les entrées des deux calendriers n'avaient pas de lien avec l'accomplissement d'une tâche publique ou qu'elles étaient uniquement destinées à un cercle restreint de personnes, l'exception de l'art. 5 al. 3 let. c LTrans ne pouvait être retenue (disponible sur : https://www.edoeb.admin.ch).
6.4 Conformément à l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. À Genève, le principe de l’indépendance du magistrat est ancré aux art. 117 al. 2 Cst-GE et 2 al. 1 LOJ.
Les magistrats sont soumis à la surveillance du Conseil supérieur de la magistrature (art. 15 LOJ).
La commission de gestion organise et gère le Pouvoir judiciaire (art. 41 al. 1 ab initio LOJ).
Le Procureur général organise et dirige le MP (art. 79 al. 1 LOJ).
6.5 Dans une affaire récente concernant l’accès à l’agenda électronique d’un ancien procureur, la chambre administrative a considéré que celui-ci n’était pas intégré au dossier pénal en cours et n’influait aucunement sur le processus décisionnel proprement dit. Il s’agissait d’un document administratif qui, bien qu’ayant un rapport plus large avec une procédure pénale en cours, n’avait pas été rempli en application d’une loi de procédure pénale, mais dans une pure optique d’aide organisationnelle. C’était donc à tort que l’autorité avait soustrait l’agenda de l’ancien procureur au champ d’application de la LIPAD. Cela étant dit, l’utilisation d’un agenda Outlook par un ancien procureur, en tant qu’elle était facultative et réservée à son seul usage, servait uniquement d’aide-mémoire au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD. Contrairement à celui qui occupait la position d’un des cadres les plus élevés du département fédéral de la défense, le procureur n’assumait aucune fonction hiérarchique et exerçait ses activités juridictionnelles dans le respect de l’indépendance du magistrat. Le déroulement de sa journée et la gestion de ses propres rendez-vous n’avaient aucune influence sur l’activité des autres membres de la juridiction. Sa situation se distinguait ainsi de celle envisagée dans l’ATF 142 II 324 (ATA/1298/2024 du 5 novembre 2024 consid. 4.4 et 5.4).
Un recours est actuellement pendant par-devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt (cause 1C_724/2024).
Sur la base de cette jurisprudence, dans son arrêt ATA/419/2025 précité, la chambre administrative a confirmé le refus d’accorder l’accès à l’agenda d’un inspecteur de police. Contrairement à ce que retenait la recourante, il ne ressortait ni du texte de loi, ni de la jurisprudence rendue en la matière, que les notes à usage personnel devaient nécessairement être inachevées. L’agenda en question constituait un instrument personnel et ne pouvait en aucun cas être considéré comme un instrument de conduite. Le contenu de l’agenda n’était pas destiné à des tiers, mais servait uniquement d’aide-mémoire pour la gestion de ses rendez-vous. Le policier concerné n’était ni un cadre intermédiaire de l’État, ni un sous-officier de police et n’exerçait aucune fonction dirigeante. Comme la précédente espèce, celle-ci se distinguait de la situation envisagée dans l’ATF 142 II 324 sur deux points principaux : d’une part, l’agenda litigieux était destiné à l’usage exclusif de son détenteur ; d’autre part, il ne jouait aucun rôle dans l’organisation, la conduite et la communication entre collaborateurs d’un service. L’agenda litigieux ne constituait donc pas un document au sens de la LIPAD. S’il était regrettable in casu que le DIN n’ait pas transmis le document sollicité alors que la LIPAD lui imposait de le faire en cas de demande du PPDT, il ne pouvait être retenu que l’absence d’une recommandation sur l’accès à une information qui n’était pas considérée comme un « document » au sens de la LIPAD constituait un vice procédural incompatible avec les exigences découlant de la procédure de médiation. Contrairement à la situation prévalant dans le cas visé par la recommandation du 14 décembre 2021, l’agenda était destiné à l’usage exclusif de l’inspecteur de police, caractéristique qui permettait de le qualifier de notes à usage personnel au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD (consid. 5.5).
6.6 Dans le cadre d'une procédure d'accès à des documents au sens de la LIPAD, le PPDT est saisi par une requête écrite de médiation sommairement motivée notamment lorsque la demande d'accès d'un requérant n'est pas satisfaite (art. 30 al. 1 let. a LIPAD). Le PPDT recueille de manière informelle l’avis des institutions et personnes concernées. La consultation sur place des documents faisant l’objet d’une requête de médiation ne peut lui être refusée, à charge pour lui de veiller à leur absolue confidentialité (art. 30 al. 3 LIPAD). Le document dont l’accès est contesté doit, sur demande du PPDT, lui être communiqué. Cette communication se fait en principe au moyen de la consultation sur place du document ; exceptionnellement, le PPDT peut en recevoir une copie, à charge pour lui de la restituer ou de la détruire à la fin de la procédure de médiation (art. 10 al. 4 RIPAD). Il importe que le PPDT ait pleinement accès aux documents concernés, mais aussi que toute mesure soit prise pour que la procédure de médiation ne lève pas par elle-même la confidentialité litigieuse reconnue provisoirement aux documents en question. En cas de recours, la médiation représentera une pièce du dossier (MGC 2000 45/VIII 7705).
Le Tribunal fédéral a confirmé le caractère obligatoire de la transmission au PPDT des documents faisant l’objet d’une requête de médiation lorsque ce dernier en a fait la demande. Il a en effet relevé que, dans le cas particulier, si le PPDT avait demandé à recevoir une version non-caviardée du document, cela n'aurait pas pu lui être refusé en application de l'art. 30 al. 3 LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_590/2022, 1C_597/2022 et 1C_132/2023 du 16 novembre 2023 consid. 5.1.2).
Si la médiation aboutit, l’affaire est classée (art. 30 al. 4 LIPAD). À défaut, le PPDT formule, à l’adresse du requérant ainsi que de l’institution ou des institutions concernées, une recommandation écrite sur la communication du document considéré (art. 30 al. 5 LIPAD). L'art. 30 al. 5 LIPAD exige que le PPDT prenne position quant à la communication du document (MGC 2007-2008 XII A 14101).
L'art. 30 LIPAD contient une importante innovation, soit l’institution d’un médiateur, à savoir le PPDT, chargé de veiller à la bonne application de la LIPAD. Cette solution n’exclut pas mais diffère au besoin l’engagement de procédures contentieuses, en étant propre à réduire l’ampleur d’un tel contentieux juridictionnel du fait des solutions qui ne manqueront pas d’être généralement trouvées par le biais de la médiation (MGC 2000 45/VIII 7703).
La chambre administrative a récemment considéré que l’absence de recommandation sur l’accès à l’agenda électronique d’un ancien procureur constituait un vice procédural incompatible avec les exigences découlant de la procédure de médiation. Lorsqu'une procédure de médiation avait été engagée, la formulation d'une recommandation par le PPDT, sur la base du contenu du document requis, ne constituait pas une simple prescription d'ordre mais une exigence formelle qui ne pouvait être éludée, sauf à vider la loi de son sens et de son but. Il ressortait tant du texte de la LIPAD que des travaux préparatoires relatifs à cette loi que le PPDT avait un poids prépondérant puisqu'il était chargé de veiller à sa bonne application, et surtout qu'il avait l'obligation – et non pas la simple faculté – de prendre position sur la communication du document litigieux. Sa recommandation, même si elle n’était pas contraignante, était au demeurant importante puisqu'elle permettait d'orienter l'autorité dans sa future décision. Une recommandation par laquelle le PPDT s’abstenait de prendre position n’était pas suffisante pour répondre aux exigences de l'art. 30 al. 5 LIPAD (ATA/1354/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.4).
6.7 En l’occurrence, la recourante conteste tant la qualification de l’agenda retenue par l’autorité intimée que le déroulement de la procédure de médiation, les documents en question n’ayant pas été transmis au PPDT.
6.7.1 Conformément à la jurisprudence précitée et tel que le relève la PPDT adjointe dans sa recommandation, il est regrettable que les documents relatifs à l’agenda de l’ancienne procureure ne lui aient pas été transmis alors que la LIPAD imposait de le faire en cas de demande du PPDT. Il n’y a toutefois pas lieu d’annuler la décision querellée pour ce motif.
Contrairement aux allégations de la recourante, que ce soit l’autorité intimée ou son président, en sa qualité de Procureur général, aucun de ces derniers ne disposent d’un pouvoir hiérarchique sur l’ancienne procureure, laquelle, en tant que magistrate exerçait sa fonction en toute indépendance, sous la seule surveillance du Conseil supérieur de la magistrature.
À cela s’ajoute que le PPDT a pu s’adresser directement à l’ancienne procureure afin d’obtenir les documents requis. Celle-ci n’a cependant pas donné suite à ces demandes et a conservé le silence sur cette question. En ces circonstances, il ne peut être reproché à l’autorité intimée de ne pas avoir collaboré, alors que ses compétences ne lui permettaient pas d’attraire l’ancienne procureure selon le vœu de la recourante et que, celle-ci dûment interpellée, avait choisi de ne pas se déterminer.
6.7.2 Quant à l’accès à l’agenda en question, en l’absence de déterminations de l’ancienne procureure sur son contenu, il peut être fait référence à la jurisprudence précitée, les conditions étant similaires.
Dans les deux cas d’espèce, une partie à une procédure pénale demande la remise de l’agenda électronique d’un ou d’une ancien/ancienne procureur/e, alors en charge de la poursuite pénale. En ces circonstances, il y a lieu de considérer que le document requis par la recourante constitue un aide-mémoire à la disposition de l’ancienne procureure.
En effet, dans ce cas, comme dans celui précité, il convient de relever que la situation d’une ancienne procureure ne saurait être assimilée à celle de l’ancien chef de l’armement de l’ATF 142 II 324. D’une part, l’agenda litigieux était destiné à son usage exclusif, ce qui n’est pas contesté. D’autre part, en tant que procureure en charge d’une instruction pénale, elle ne jouait aucun rôle dans l’organisation, la conduite et la communication du MP. En effet, ce ne sont pas ses fonctions de première procureure qui sont ici concernées, mais bel et bien celle de procureure dans le cadre de la procédure pénale concernant précisément la recourante. Cette dernière n’allègue d’ailleurs aucun grief en lien avec la fonction de première procureure. Par conséquent, si en tant que première procureure, l’ancienne procureure concernée pouvait potentiellement exercer quelques fonctions d’organisation ou de gestion de la juridiction, il n’en demeure pas moins que celles‑ci ne sont pas en cause et que seule est visée sa fonction d’ancienne procureure, en tant qu’autorité de poursuite pénale.
Ainsi, contrairement à ce qu’a retenu principalement l’autorité intimée dans sa décision et conformément à la recommandation, le document sollicité constitue un document administratif qui n’est pas soustrait du champ d’application de la LIPAD. En revanche, il convient d’admettre, comme le retient l’autorité intimée à titre subsidiaire, que, s’agissant d’un aide-mémoire assimilable à des notes inachevées, l’accès à celui-ci doit être refusé.
Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si, comme le retient la décision entreprise à titre subsidiaire, l’accès aux documents sollicités reviendrait à rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès prévues aux art. 100 et 101 CPP.
En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2024 par A______ contre la décision de la Commission de gestion du pouvoir judiciaire du 19 juillet 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission de gestion du Pouvoir judiciaire.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Blaise PAGAN, Patrick CHENAUX, Philippe KNUPFER, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
|
| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|