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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3463/2023

ATA/466/2025 du 29.04.2025 sur JTAPI/593/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3463/2023-PE ATA/466/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Pierre VUILLE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2024 (JTAPI/593/2024)


EN FAIT

A. a. A______ et B______, de nationalité portugaise, sont arrivés en Suisse respectivement les 9 mars 1990 et 19 novembre 1991.

b. Ils ont été mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement à partir du 18 mars 1993, régulièrement renouvelée jusqu’au 8 décembre 2024.

c. Ils sont les parents de C______, née le ______1989, D______, né le ______ 1993, et E______, né le ______ 1999.

d. Selon le registre Calvin, les époux A______B______ ont été domiciliés du 1er juillet 2000 au 20 juillet 2002 au chemin du F______, jusqu’au 1er avril 2006 à Genève à la G______, jusqu’au 9 mars 2015 à la route de H______, jusqu’au 15 novembre 2020 à l’avenue I______ chez J______, jusqu’au 15 mai 2021 au chemin Q______ à R______ chez L______ et, enfin, jusqu’au 31 août 2022 à la rue M______ à Genève.

Selon ce registre, C______ et D______ ont quitté la Suisse pour le Portugal le 30 juin 2000 et E______ le 26 juillet 2008.

e. Par formulaires du 8 août 2022, les époux ont annoncé leur départ de Suisse pour le Portugal avec comme date de départ le 31 août 2022.

f. L’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), sur mandat du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), a procédé à une enquête administrative visant à déterminer si les époux A______B______ résidaient réellement à Genève et a rendu un rapport le 11 décembre 2020.

Il en ressortait que les époux n'avaient jamais habité à l'avenue H______ chez J______, frère de B______, lui-même bénéficiaire de l’Hospice général (ci-après : hospice). D'après les déclarations obtenues du frère de la précitée, il avait ouvert, scanné, puis envoyé par courriel, depuis 2013, la totalité de la correspondance postale du couple qui résidait au Portugal depuis de nombreuses années. Il avait déclaré que les intéressés ne lui avaient jamais versé de loyer mais uniquement un montant de CHF 20.- ou CHF 50.- par année. Les époux avaient effectué un ordre de réexpédition temporaire en poste restante, valable du 3 novembre 2020 au 30 novembre 2021, à la suite d'un premier contrôle de domicile mené à l'encontre du logeur par le service enquête de l’hospice (changement de la plaquette de la boîte aux lettres). Après de multiples recherches auprès de diverses régies immobilières genevoises, les SIG, les archives de l'État et la municipalité de N______ au Portugal où les époux A______B______ auraient acquis un bien immobilier en 1998, aucune preuve concrète, entre 2000 et 2013, concernant leur domiciliation à Genève n’avait pu être trouvée. Selon une source confidentielle, les trois enfants des époux, dont le plus jeune n'avait jamais été scolarisé au sein des écoles du canton, auraient tous quitté, en 2000, le canton de Genève à destination de O______, situé à N______, au Portugal. Une maison individuelle qui pourrait potentiellement correspondre à la propriété achetée par les intéressés au Portugal était visible via internet (Google Maps/View). Le 25 novembre 2020, l’OCPM avait réceptionné une annonce de changement d'adresse, provenant des époux A______B______, indiquant être désormais logés dans une chambre meublée au chemin Q______ à R______ chez L______. Contact téléphonique avait été pris avec ce dernier qui avait confirmé cette location, depuis le 15 novembre 2020, d'un montant mensuel de CHF 800.- jusqu'à environ août 2021 afin que les époux aient suffisamment de temps pour pouvoir régler diverses tâches administratives. Cependant, après nouvelles consultations des registres de la Poste, ceux-ci figuraient toujours comme « personnes inconnues » à ladite adresse.

g. L’OCPM a procédé à un complément d’enquête et rendu un second rapport le 16 juillet 2021.

Celui-ci concluait des nouvelles informations obtenues par la Poste, des récents renseignements récoltés auprès de la régie P______ et des constatations effectuées à la rue M______, ______ Genève, que les époux A______B______ résidaient à la rue J______ depuis le 15 mai 2021. Selon les dires du propriétaire de la maison située au chemin Q______ à R______, L______ (ancien logeur), les intéressés avaient logé au sein d'une de ses chambres à coucher durant la période du mois de novembre 2020 à la fin du mois de février 2021. Les époux A______B______, présents lors de la visite domiciliaire du 14 juillet 2021, avaient déclaré avoir temporairement loué une chambre dans la commune de S______ (changement d'adresse non communiqué à l'OCPM), du 28 février au 15 mai 2021, dans l'attente de pouvoir trouver un logement « officiel » à Genève. L’époux, qui avait subi une première intervention médicale en date du 4 mai 2021 (autres opérations prévues les 21 juillet 2021 et 31 août 2021) et cumulait un nombre important de frais médicaux, avait déclaré ne pas avoir eu la possibilité de les transmettre à la personne en charge de son dossier au service des prestations complémentaires (ci‑après : SPC), qui n’était désormais plus « valide ». Enfin, il avait également affirmé ne plus être, depuis mai 2019, en possession d’un véhicule immatriculé à Genève et vouloir prochainement enlever son nom des voitures vendues au bureau des automobiles.

h. Par décision du 24 août 2021, le SPC a demandé à A______ le remboursement de prestations perçues indûment depuis le 31 août 2006, totalisant CHF 424'421.75.

i. Par courrier du 2 septembre 2021, le SPC a indiqué à l’OCPM qu’il avait déposé une plainte pénale pour escroquerie à l’encontre des époux.

j. Le 23 septembre 2022, l’OCPM a informé le couple A______B______ de son intention de prononcer la caducité de leur autorisation d’établissement et d’enregistrer leur départ de Suisse pour le Portugal au 30 décembre 2000, soit six mois après leur départ effectif de Suisse.

k. Les époux ont expliqué qu’ils avaient résidé en Suisse sans discontinuité depuis leur arrivée jusqu’au 31 août 2022, date de leur départ au Portugal. Ils avaient habité à diverses adresses, en sous-location non-annoncées notamment, de 2013 à novembre 2020 chez J______. Le premier rapport d’enquête était truffé d’erreurs et d’incohérences ; il ne saurait constituer la base d’une quelconque décision. Leur fils E______ avait quitté la Suisse en 2008 et non en 2000.

l. Par décision du 21 septembre 2023 adressée à A et B______, l’OCPM a prononcé la caducité de leurs autorisations d’établissement avec effet au 30 décembre 2000 ; leur départ était donc enregistré au 30 décembre 2000.

Leur centre d’intérêts se trouvait au Portugal depuis le 30 juin 2000 vu que leurs trois enfants étaient partis à cette date au Portugal afin d’y poursuivre leur scolarité. Le couple était sans activité lucrative en Suisse depuis respectivement 1995 pour le mari et 1997 pour l’épouse.

B. a. Par acte du 23 octobre 2023, A et B______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation, à ce que le TAPI constate leur départ au 31 août 2022 et ordonne à l’OCPM de leur délivrer les attestations de départ définitif fixant leur départ au 31 août 2022. Ils ont produit notamment des attestations de leur assurance-maladie et diverses factures.

Leur droit d'être entendus avait été violé du fait qu’ils n’avaient pas été interrogés lors de l’enquête ayant conduit au rapport du 11 décembre 2020. Ils avaient pu ensuite transmettre des observations mais le droit n’avait pas pu être effectif puisque l’OCPM avait ignoré tous leurs arguments et n’avait pas expliqué pourquoi leurs preuves ne l’avaient pas convaincu. La décision ne comportait pas de motivation.

Ils avaient toujours annoncé à l’OCPM leurs changements d’adresse, et notamment de 2013 à novembre 2020 chez J______, lequel avait menti en affirmant qu’ils n’avaient jamais habité chez lui, ses déclarations reposant sur sa crainte que l’hospice ne découvrît la sous-location et sur leurs relations détériorées.

Ne souhaitant pas que E______ soit scolarisé en classe spécialisée comme ce fut le cas de C______ et D______, E______ n’avait jamais été scolarisé en Suisse.

Les pièces produites démontraient que leur centre d’intérêts se trouvait à Genève ; ils s’étaient toutefois rendus occasionnellement au Portugal sans que cela n’ait déplacé leur domicile, pour rendre visite à leurs enfants, dont le plus jeune E______, n’avait quitté la Suisse qu’en 2008 et non en 2000.

Le rapport du 16 juillet 2021 confirmait leur domiciliation à tout le moins depuis le mois de novembre 2020 à Genève, et depuis le 15 mai 2021 à la rue M______ à Genève. Ils peinaient ainsi à comprendre le raisonnement de l’OCPM selon lequel ils auraient menti sur leur domiciliation pendant plus de 20 ans pour finalement s’établir à Genève en 2020.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

La réalisation des conditions légales de l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) provoquait automatiquement la fin de l’autorisation d’établissement ou de séjour ; il n’existait dès lors aucune place pour la pondération d’intérêts.

Il ressortait de l’enquête approfondie de 2020 que les intéressés avaient transféré leur résidence principale au Portugal, selon toute vraisemblance en même temps que leurs enfants mineurs, en 2000. Dans la mesure où ils avaient conservé une adresse officielle dans le registre des habitants du canton de Genève, ils étaient restés assujettis à la LAMal et avaient ainsi pu continuer à se faire soigner en Suisse, même s’ils n’y avaient plus leur résidence principale. Le versement de cotisations au T______ (ci-après : T______), la possession de plaques d’immatriculation genevoises ou le paiement des impôts à Genève n’étaient pas des éléments suffisants pour démontrer leur présence effective et durable dans le canton.

Même si l’on devait admettre que postérieurement à la première enquête les époux avaient résidé en Suisse durant plusieurs mois d’affilée entre 2020 et 2021, cela n’avait pas eu pour effet de « réactiver » leur permis C, caduc depuis plusieurs années.

c. Dans leur réplique, les époux ont relevé que la seconde enquête avait corrigé les constations erronées du premier rapport réalisé en violation de leur droit d’être entendu et fondé sur de nombreuses fausses informations. Ce second rapport ne faisait que confirmer qu’ils étaient domiciliés en Suisse, et il convenait donc de considérer que ce domicile n’avait pas été déplacé avant l’établissement de ce rapport.

d. Le TAPI a sollicité des époux la production d’attestations de scolarité suisses et portugaises de leurs trois enfants entre l’âge de 4 et 18 ans ainsi que toute information concernant l’avancement de la procédure pénale et la production de toutes pièces utiles, notamment des procès-verbaux d’audience.

e. Par courrier du 6 juin 2024, les conjoints ont indiqué qu’ils n’avaient pas pu être entendus par le Ministère public puisque l’audience avait été convoquée bien après leur départ, soit le 15 avril 2024. Seul le mari avait été entendu par la police le 13 janvier 2022 et à leur connaissance la procédure n’avait pas avancé.

Ils n’avaient plus d’attestations scolaires. Le départ de leurs enfants avait été annoncé en temps voulu et ils ne voyaient pas pourquoi le départ de E______ aurait été annoncé en 2008 s’il était parti en 2000.

f. Par jugement du 19 juin 2024, le TAPI a rejeté le recours.

La souscription d’une assurance-maladie et accident et le paiement de ses primes, ainsi que le paiement de factures de téléphonie, de cotisations au T______ et à l’AVS ainsi que les impôts ne signifiaient pas encore que le domicile effectif et le centre d’intérêts des époux se trouvaient à Genève entre 2000 et 2020. Les décomptes d’assurance-maladie produits ne concernaient que les années 2013 à 2021, aucune pièce n’ayant été produite concernant les enfants du couple, notamment E______ qui aurait été domicilié en Suisse jusqu’en 2008 et, enfin, aucun document n’avait été produit concernant les années 2000 à 2004.

Pour les années 2013 à 2015, tous les décomptes d’assurance-maladie relatifs au mari indiquaient comme adresse route de H______ à Genève alors que selon le registre Calvin les conjoints auraient quitté cette adresse le 9 mars 2013 pour s’établir à l’avenue I______. Toutefois, selon le rapport d’enquête, aucun élément ne permettait de retenir que les intéressés avaient été effectivement domiciliés, entre 2006 et 2013, à la route de H______, U______ ayant reconnu n’avoir habité le logement de deux pièces qu’avec la sœur de A______, locataire de ce dernier. Le locataire du studio sis V______ avait indiqué aux enquêteurs que les époux n’avaient jamais résidé au sein de son domicile et qu’il avait simplement été chargé d’ouvrir leur courrier et le leur envoyer scanné par courriel au Portugal. Le complément d’enquête permettait de retenir que les intéressés avaient effectivement résidé à Genève entre novembre 2020 et fin février 2021 au chemin Q______ et, à partir du 15 mai 2021, à la rue J______, jusqu’à leur départ le 31 août 2022. Ils n’avaient en revanche pas prouvé à satisfaction de droit avoir été réellement domiciliés aux adresses qu’ils avaient indiquées à l’OCPM entre 2006 et 2020, ni précédemment.

Ils n’avaient produit aucune attestation permettant de déterminer où les enfants avaient été scolarisés alors que, selon leurs dires, C______ aurait quitté la Suisse à l’âge de 11 ans et D______ de 7 ans, ce qui signifiait qu’ils avaient dû suivre une partie de leur scolarité à Genève. E______ n’aurait quitté la Suisse qu’en 2008, soit à l’âge de 8 ans. Sa scolarisation à Genève n’avait pas non plus été prouvée ; or, non seulement l’école était obligatoire en Suisse, mais il était aisé de demander aux autorités scolaires la délivrance d’attestations ; tout laissait ainsi à penser que cet enfant avait effectué toute sa scolarité au Portugal. Il était ainsi très probable que les trois enfants du couple avaient quitté la Suisse pour le Portugal en 2000 et que leurs parents les avaient suivis, étant encore souligné qu’aucune indication n’avait été donnée sur la manière dont la prise en charge des enfants aurait été organisée au Portugal alors que les intéressés seraient demeurés en Suisse.

La décision constatant que les époux A______B______ n’étaient plus domiciliés en Suisse depuis 2000, de sorte que leurs permis d’établissement étaient caducs depuis la fin 2000, était fondée.

C. a. Par acte expédié le 22 août 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, B______ et A______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont, principalement, conclu à ce que leur départ de Genève soit enregistré au 31 août 2022 et, subsidiairement, à ce que le dossier soit renvoyé au TAPI pour nouvelle décision, respectivement instruction.

J______ avait cherché à cacher le fait qu’il hébergeait sa sœur et son beau-frère, du fait qu’il était bénéficiaire des prestations de l’hospice. Il avait ainsi refusé à l’enquêteur l’accès à son logement et retiré leur nom de sa boîte aux lettres. Il était d’ailleurs également visé par la procédure pénale. Ils n’avaient pas acquis un bien immobilier au Portugal, mais un simple terrain d’une valeur de CHF 3'000.- sur lequel ils avaient construit une maison, dont la construction s’était achevée en 2000. Ils avaient quitté la Suisse après la demande de remboursement des prestations complémentaires intervenue en août 2021. E______ avait quitté la Suisse en 2008, à l’âge de 8 ans. Les enfants n’étaient scolarisés au Portugal qu’à partir de l’âge de 7 ans.

Le TAPI avait omis de se prononcer sur les allégations de U______, dont l’audition avait été sollicitée, sur les attestations signées par J______, les attestations médicales produites ainsi que sur le fait que c’était leur précarité liée au fait qu’ils étaient bénéficiaires d’une rente d’invalidité qui les avait conduits à se loger dans des sous-locations non-annoncées. Le TAPI avait violé leur droit d’être entendus du fait qu’il n’avait pas répondu à leurs arguments. Il en allait de même de l’OCPM qui avait repris dans sa décision la motivation identique à celle figurant dans sa lettre d’intention, n’examinant aucun de leurs arguments. Leur droit à la preuve avait également été violé en n’auditionnant pas le frère de la recourante, qui avait partagé avec eux un appartement de cinq pièces et non « un studio de deux pièces », comme retenu par le TAPI.

La présence des recourants ressortait des décomptes d’assurance-maladie, qui témoignaient des nombreux rendez-vous médicaux et achats de médicaments à Genève. Il était invraisemblable qu’ils s’acquittent d’un loyer mensuel de CHF 800.-, de factures de téléphonie et de cotisations au T______, s’ils n’étaient pas domiciliés à Genève. Rien ne permettait de retenir que E______ aurait quitté la Suisse avant 2008.

Ils n’avaient pas constitué de nouveau domicile au Portugal. Les arguments soulevés dans le recours n’avaient pas été pris en compte. Le TAPI aurait pu interroger l’enquêteur ayant établi le rapport de l’OCPM ou encore entendre J______, U______, qui avait vécu une trentaine d’année avec la sœur du recourant, ou L______. Le TAPI avait également ignoré les attestations médicales faisant état d’un suivi depuis de nombreuses années. La référence à une « source confidentielle » évoquée par l’OCPM dans son rapport ne permettait pas aux recourants de la contester. Vu l’ancienneté des faits, ils n’avaient pas conservé les attestations de scolarité de leurs enfants.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ne se sont pas manifestés dans le délai imparti pour répliquer.

d. a. Ni les recourants ni J______ ne se sont pas présentés à l’audience qui s’est tenue le 6 janvier 2025 devant la chambre administrative. Ce dernier a fait déposer un courrier au greffe de la chambre administrative le jour même pour justifier son absence, se prévalant de problèmes de santé, certificat médical à l’appui.

d. b. L’avocat des recourants a indiqué ne plus avoir revu ses clients depuis leur départ le 31 août 2022. Il ignorait si en cas de re-convocation, ils viendraient à Genève. Il a produit les originaux et leur traduction des certificats médicaux établis le 14 décembre 2024 ainsi que le procès-verbal d’audition de J______ par le Ministère public (ci-après : MP) le 15 avril 2024. Ses clients n’avaient plus accès à la procédure pénale. Ils lui avaient rapporté avoir été convoqués par un juge au Portugal, saisi par commission rogatoire. Ils semblaient avoir compris qu’aucune suite ne serait donnée à leur audition par le juge portugais. À sa connaissance, les recourants n’avaient plus de suivi médical en Suisse.

d. c. Entendu en qualité de témoin, V______, inspecteur auprès de l’hospice, a confirmé son rapport du 11 décembre 2020.

Il s’était présenté avec un contrôleur assermenté de l’hospice chez J______ le 3 novembre 2020, qui les avait laissé entrer dans son domicile. Celui-ci était constitué d’un studio d’une pièce et demie. Il n’y avait qu’un seul lit ainsi que les affaires personnelles de J______. Dans la salle de bains, il n’y avait qu’une seule brosse à dents et des produits d’hygiène pour une seule personne. Précédemment, J______ avait refusé à son homologue de l’hospice l’entrée dans son logement. C’était ainsi qu’ils s’étaient présentés à deux. Le précité avait déjà déclaré le matin-même à l’hospice que les recourants n’avaient jamais logé chez lui. Pour les besoins de son enquête, le témoin lui avait reposé la question de savoir s’il avait logé les recourants. Il lui avait confirmé que tel n’avait jamais été le cas et qu’ils habitaient le Portugal dans leur maison depuis de nombreuses années. Il n’avait pas voulu être plus précis sur le nombre d’années passées dans leur maison au Portugal. L’enquête était partie du fait qu’il avait déclaré à l’hospice vivre seul alors que sur Calvin apparaissaient également le nom des recourants à la même adresse.

Le témoin s’était rendu chez U______, car celui-ci avait précédemment résidé à la route de H______, soit l’adresse indiquée par les recourants comme ayant été leur précédent logement. U______ lui avait indiqué avoir vécu de 2010 à 2015 à cette adresse avec la sœur du recourant et que ni ce dernier ni son épouse n’avaient partagé ce logement avec eux. Selon le témoin, les régies en charge de l’immeuble en question ne connaissaient pas non plus le nom des recourants comme locataires ou sous‑locataires à cette adresse.

Il avait également consulté tous les documents papier auprès des autorités telles que l’OCPM en se rendant sur place, y compris aux archives de l’État. Il n’y avait trouvé aucune trace administrative (attestation, changement d’adresse, copie d’un bail à loyer, etc.) des recourants pour les années 2000 à 2006. Aucun élément ne lui permettait non plus de retenir la présence des recourants à la route de H______ entre 2006 et 2010.

Il confirmait également le contenu du second rapport, du 16 juillet 2021. Celui‑ci faisait suite à la levée des restrictions sanitaires permettant à nouveau les visites domiciliaires. Il avait pu parler aux recourants à leur adresse à la rue M______. L______ lui avait confirmé par téléphone que le couple avait résidé chez lui pendant trois mois, de novembre 2020 à février 2021, à R______.

J______ lui avait déclaré qu’il avait été autorisé par les recourants à ouvrir leur courrier pour le scanner et le leur envoyer par courriel. Après le premier passage de l’inspecteur de l’hospice, J______ avait retiré de la plaquette de la boîte aux lettres le nom des recourants.

Il n’avait pas eu connaissance des pièces 6 et 7 des recourants.

La source confidentielle qu’il mentionnait dans son premier rapport était une secrétaire du DIP, prénommée W______, dont il ne se souvenait plus du nom de famille. À l’époque, un comité de pilotage avait été formé pour renforcer les services d’enquêtes des différents départements et le département de l’instruction publique ne faisait pas partie de ce comité. C’était la raison pour laquelle il avait mentionné cette collaboratrice comme étant une source confidentielle, sur conseil de sa hiérarchie.

d.d. Le conseil des recourants a sollicité l’audition de U______.

e. Il ressort du procès-verbal d’audition de J______, entendu en qualité de prévenu par le MP, qu’il ne se souvenait plus de la période pendant laquelle il avait ouvert, scanné et envoyé par courriel le courrier destiné à sa sœur et son beau-frère. Il le faisait lorsqu’il recevait leur courrier, depuis qu’ils avaient indiqué son adresse. Il ne savait pas lire le français. Il n’avait jamais vécu avec eux à la rue H______. Il ignorait pourquoi ceux-ci prétendaient le contraire. Cela faisait longtemps qu’ils vivaient au Portugal. Précédemment, ils avaient indiqué l’adresse du conjoint de la sœur de son beau-frère. Il savait qu’ils percevaient une rente de l’assurance-invalidité. Entre le 9 mars 2015 et le 15 novembre 2020, il n’avait pas vu régulièrement sa sœur et son beau-frère à Genève. Il les voyait tous les trois, quatre ou cinq mois, lorsqu’ils venaient pour un ou deux jours à Genève. Ils ne logeaient alors pas chez lui. Il n’avait jamais perçu une somme de CHF 600.- de leur part pour les loger.

f. Lors de l’audience de la chambre administrative du 5 février 2025, U______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir été le compagnon de la sœur de A______, décédée en février 2019. Ils étaient domiciliés à la route de H______ entre 2010 et 2015.

A______ et son épouse avaient habité avec sa compagne et lui dès 2000 pendant deux ou trois ans, au chemin X______. C’était une maison qui comportait environ douze pièces. Il avait ensuite dû quitter la maison en raison de la résiliation du bail et occupé un studio composé d’un salon, d’une kitchenette et d’une pièce ouverte de 6 m2. Il y avait vécu avec sa compagne, à Y______. Ensuite, ils avaient emménagé à la route de H______ dans un appartement de cinq pièces. Les recourants les y avaient rejoints avec leur fils cadet. Celui-ci n’avait pas du tout été scolarisé à Genève. Il ignorait pour quelle raison. À l’âge de 7 ans, il était parti au Portugal où il avait été scolarisé, conformément à ce qui se pratiquait au Portugal. Le recourant participait au loyer en donnant CHF 700.-, CHF 800.- ou CHF 900.- à sa sœur. Le loyer était de CHF 1'400.- ou CHF 1'500.-. Ils prenaient les repas ensemble.

En 2015, sa compagne et lui avaient déménagé à R______ où ils avaient loué une chambre. Sa compagne était alors tombée malade et avait passé beaucoup de temps dans les hôpitaux.

Il avait parlé au téléphone à un inspecteur de l’OCPM. Lorsque celui-ci indiquait dans son rapport qu’il lui avait dit que les recourants n’avaient jamais vécu avec sa compagne et lui, celui-ci mentait. Il avait d’ailleurs toujours effectué les démarches administratives tant pour lui que pour les recourants. A______ avait des difficultés à écrire en français.

En 2015, les recourants étaient allés habiter en Vieille-Ville. Il ne connaissait pas l’adresse car il ne s’y était jamais rendu. Les recourants venaient souvent chez eux. Un moment donné, ils avaient dû quitter l’endroit et étaient également venus occuper une chambre de la maison dans laquelle il habitait ; ils y étaient restés environ six à huit mois. Ensuite, ils étaient partis au Portugal. Il rectifiait : les recourants n’avaient pas supporté d’habiter dans une cave avec beaucoup d’autres personnes, dont certaines alcoolisées. Ils étaient alors partis occuper une chambre au Lignon. Le recourant avait demandé de l’aide à l’État pour trouver un logement et c’était ainsi qu’ils avaient occupé un studio dans une rue parallèle au Bd Z______. C’était lui qui avait fait le déménagement. Ils étaient ensuite partis au Portugal, avant le décès de sa compagne, en 2018 ou 2019. Il avait un doute sur les dates. Du fait de la maladie de sa compagne, il avait été affecté sur le plan psychique.

Il était encore en contact avec A______ et son épouse. Celui-ci lui avait parlé des difficultés qu’il avait avec le SPC. Elles étaient survenues lorsqu’il habitait à la rue parallèle au Bd Z______. Depuis que les ainés étaient partis au Portugal, A______ et son épouse se déplaçaient tous les mois ou tous les mois et demi au Portugal pour voir comment se portaient leurs enfants et donner de l’argent aux parents du recourant chez qui les enfants habitaient.

Ils s’appelaient régulièrement, mais depuis un an et demi environ, le recourant ne lui parlait plus. Le témoin avait cru qu’il était fâché contre lui. Deux semaines environ avant l’audience de ce jour, le recourant l’avait appelé pour lui demander s’il était convoqué au Tribunal. Il avait été surpris car il pensait que l’affaire était close. Il lui avait répondu qu’il n’avait pas reçu de convocation. Il l’avait rappelé lorsqu’il avait reçu la convocation. Ils n’avaient pas parlé de sa déposition de ce jour. Il lui avait juste dit qu’il dirait la vérité.

Il ne comprenait pas pourquoi l’enquêteur avait indiqué qu’il avait dit que les recourants n’avaient jamais habité chez lui, dès lors que c’était lui-même qui avait procédé aux annonces correspondantes à l’OCPM. Il n’y avait pas de raison qu’il lui indique autre chose que ce qu’il avait indiqué à l’OCPM.

Il n’avait jamais rencontré l’enquêteur.

En 2010, il avait demandé un permis de séjour. Dans ce contexte, il avait été exigé qu’il produise un bail. Comme il habitait avec sa compagne, elle avait établi une attestation qui devait correspondre à un bail.

Les enfants des recourants avaient de grandes difficultés d’adaptation à l’école. C______ notamment avait de grands problèmes à l’école. Ils avaient pensé que c’était à cause du racisme. Il l’avait aidée pour ses devoirs et constaté qu’elle n’était pas bien dans sa peau. Il avait proposé aux parents d’aller discuter avec les enseignants, mais ils n’avaient pas voulu et avaient préféré que leurs enfants suivent leur scolarité au Portugal.

Il ignorait pourquoi les parents étaient restés en Suisse. Le sujet n’avait jamais été abordé entre eux.

g. À l’issue de l’audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants se sont plaints de la violation de leur droit d’être entendus, le TAPI n’ayant pas procédé à leur audition ni à celle de U______ et n’ayant pas répondu à l’ensemble de leurs griefs, comme d’ailleurs précédemment l’OCPM.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas l’autorité de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.2 La jurisprudence déduit également du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 et les références).

2.3 En l’espèce, la chambre de céans a procédé à l’audition de l’enquêteur de l’OCPM et de U______. Ainsi, si tant est qu’il faille considérer que le TAPI aurait violé le droit d’être entendu des recourants en n’auditionnant pas ces deux témoins, une telle violation devrait désormais être considérée comme réparée.

Convoqués, les recourants ne se sont pas présentés. Selon les certificats médicaux produits, ils ne seraient pas en état de se déplacer en Suisse ; leur conseil a d’ailleurs déclaré qu’il ignorait si en cas de re-convocation, ils viendraient à Genève. J______ n’a pas non plus donné suite à la convocation que la chambre administrative lui a adressée, faisant également valoir des problèmes de santé. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de reconvoquer le témoin et les recourants, ce que ces derniers ne demandent d’ailleurs plus, et aucune violation du droit d’être entendu ne peut être retenue du fait que le TAPI n’a pas procédé à ces auditions.

Le TAPI n’avait pas non plus à entendre L______, dès lors que même si la présence continue des recourants à Genève entre novembre 2020 et août 2022 était établie, ce fait demeurerait sans influence sur l’issue du litige, comme cela sera exposé ci-après (consid. 3.7). Pour le surplus, les auditions conduites par la chambre de céans et les nombreuses pièces au dossier lui permettent de statuer en connaissance de cause. Il ne sera donc pas procédé à d’autres actes d’instruction.

Par ailleurs, comme l’a retenu à juste titre le TAPI, la décision de l’OCPM comportait une motivation suffisante. En effet, il en ressort que, selon cette autorité, les recourants avaient déplacé leur centre d’intérêts au Portugal depuis le 30 juin 2000, dès lors que leurs trois enfants étaient partis à cette date au Portugal afin d’y poursuivre leur scolarité. Le couple était en outre sans activité lucrative. Ainsi, bien que succincte, cette motivation permet de comprendre les éléments pris en compte par l’autorité intimée. Celle-ci, comme d’ailleurs le TAPI, n’était pas obligée de traiter l’ensemble des allégations et arguments des recourants, mais uniquement ceux qu’elle estimait pertinents.

Aucune violation du droit d’être entendus des recourants ne peut ainsi être retenue au titre d’une motivation insuffisante.

3.             Est litigieuse la caducité des autorisations d’établissement des recourants prononcée par l’OCPM avec effet au 30 décembre 2000.

3.1 Aux termes de son art. 2 al. 2, la LEI n'est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsque ladite loi contient des dispositions plus favorables.

3.2 Selon les art. 6 al. 5, 12 al. 5 et 24 al. 6 Annexe I ALCP, les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l'accomplissement d'obligations militaires n'affectent pas la validité du titre de séjour. La question de l'extinction d'une autorisation de séjour ou d'établissement n'est ainsi pas explicitement réglée par l'ALCP (arrêts du Tribunal fédéral 2C_210/2024 du 18 juillet 2024 consid. 6.2 ; 2C_756/2019 du 14 mai 2020 consid. 4.3).

3.3 En droit interne, l'extinction des autorisations de droit des étrangers est explicitement régie par l'art. 61 LEI, selon lequel l'autorisation prend fin notamment lorsque l'étranger déclare son départ de Suisse (al. 1 let. a). Toutefois, si l'étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l'autorisation de séjour, tout comme l'autorisation d'établissement, prend automatiquement fin après six mois (art. 61 al. 2 1re phr. LEI). Cette disposition est conforme aux art. 6 al. 5, 12 al. 5 et 24 al. 6 Annexe I ALCP et s'applique donc aux autorisations ALCP (arrêts du Tribunal fédéral 2C_210/2024 précité consid. 6.3 ; 2C_756/2019 précité consid. 4.4)  

3.4 Si le séjour effectif à l'étranger dure plus de six mois, l'autorisation d'établissement s'éteint de plein droit et en principe indépendamment des causes, des motifs ou des intentions de la personne concernée en relation avec son absence du pays (art. 61 al. 2 LEI ainsi que 6 al. 5, 12 al. 5 et 24 al. 6 Annexe I ALCP). Par conséquent, le simple fait que l'étranger séjourne de manière continue à l'étranger pendant six mois consécutifs suffit en règle générale pour que l'autorisation d'établissement s'éteigne (ATF 145 II 322 consid. 2.2 s. ; 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C _210/2024 précité consid. 6.4).

3.5 Une absence de six mois au total, entrecoupée d'interruptions, ne suffit en principe pas pour que l'autorisation d'établissement ou de séjour s'éteigne. Toutefois, le délai de six mois n'est pas interrompu par de simples séjours temporaires de visite, de tourisme ou d'affaires en Suisse (art. 79 al. 1 OASA). L'autorisation peut donc s'éteindre même si l'étranger est absent du pays pendant une longue période et qu'il revient en Suisse avant l'expiration des six mois pour une durée limitée, mais uniquement à des fins de visite, dans le seul but d'interrompre le délai de six mois. Cela peut être le cas même si la personne étrangère dispose encore d'un logement en Suisse afin de maintenir l'apparence d'une présence physique minimale. Dans de telles circonstances, ce ne sont donc pas les (différentes) dates de départ et d'arrivée qui deviennent le critère déterminant, mais bien plus le centre de vie (ATF 145 II 322 consid. 3 ; 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_210/2024 précité consid. 6.4).

3.6 Selon l'art. 34 al. 1 LEI, l'autorisation d'établissement est octroyée pour une durée indéterminée. Elle confère ainsi à son détenteur le statut le plus favorable qu'il soit en matière de droit des étrangers. Selon la jurisprudence, il résulte de l'art. 61 al. 2 1re phr. LEI, que le maintien d'une autorisation relevant du droit des étrangers présuppose une présence physique minimale sur le territoire suisse (ATF 145 II 322 consid. 2.2 ; 120 Ib 369 consid. 2c). Pour définir la présence physique minimale requise, le législateur a toutefois renoncé à se rattacher au critère du centre de vie, voire du domicile, qui est sujet à interprétation, de sorte que la loi ne présente pas de lacune à cet égard (ATF 145 II 322 consid. 2.2 ; 120 Ib 369 consid. 2c par référence à l'ATF 112 Ib 1 consid. 2a).  

3.7 En l’espèce, les recourants se prévalent des décomptes des années 2013 à 2022 de l’assurance-maladie, des attestations de suivi médical les concernant, des courriers de J______ adressés au SPC et à l’OCPM, du paiement de factures de télécommunication, de cotisations AVS et des impôts et du contrat de bail portant sur l’appartement sis rue M______.

Or, les décomptes d’assurance-maladie produits ne couvrent que les années 2013 à 2021 ; aucun décompte n’est produit pour les années précédentes. Par ailleurs, il en ressort que les recourants fixaient, systématiquement, leurs rendez-vous médicaux respectifs à la même date ou à un, voire deux jours d’intervalle. Les achats de médicaments ont tous été effectués le jour de la consultation ou le lendemain de celle-ci. Les rendez-vous médicaux avaient lieu, en général, trois ou quatre fois par année. Les décomptes ont été adressés de 2013 à mai 2015 à la route de H______, à l’avenue V______ jusqu’à fin 2020, puis au chemin Q______ et à compter de juillet 2021 à la rue M______. Les rendez-vous médicaux ont été plus fréquents fin 2020 et durant l’année 2021. Les factures de téléphonie couvrent des périodes disparates, étant précisé que les dates de paiement de celles‑ci ne sont souvent pas lisibles. Les preuves de paiement des factures du T______, des impôts et de la caisse de compensation ne couvrent également qu’une partie de la période visée par la présente procédure.

Les attestations adressées à l’OCPM et au SPC signées par J______ selon lesquelles il partageait son logement sis avenue H______ avec les recourants depuis le 9 mars 2015 ont été contredites par le précité lui‑même, qui a déclaré au MP qu’il ne les avait jamais logés. Il a également déclaré qu’il les voyait tous les trois, quatre ou cinq mois lorsqu’ils venaient pour un ou deux jours à Genève. Cette affirmation est corroborée par les rendez-vous médicaux attestés par les décomptes de l’assurance-maladie et les attestations médicales figurant au dossier, dont il ressort, comme déjà relevé, que les recourants les regroupaient en général sur un ou deux jours. J______ a également déclaré qu’il ouvrait, scannait et envoyait le courrier destiné aux recourants lorsqu’il arrivait chez lui. Bien que le précité ait été entendu en qualité de prévenu, il n’y a pas de raison de mettre en doute ses déclarations. En effet, il avait déjà tenu les mêmes propos à l’enquêteur de l’OCPM, bien avant l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre. En outre, il est manifeste que le logement de J______, d’une pièce et demie, n’hébergeait pas les recourants, au vu de sa petite taille et de l’absence d’effets personnels de ces derniers constatée par l’enquêteur lorsqu’il est entré dans ce logement.

U______, compagnon de la sœur du recourant jusqu’au décès de celle-ci en février 2019, a décrit une relation très proche avec les recourants, qui auraient partagé avec son couple leur logement à AA______, pendant deux ou trois ans, puis à la route de H______ jusqu’en 2015. Selon le témoin, en 2015, il avait déménagé à R______ et les recourants en Vieille-Ville à une adresse qu’il ne connaissait pas et dans laquelle il ne s’était jamais rendu. Les recourants les auraient ensuite rejoints en occupant une chambre dans la maison dans laquelle il résidait avec sa compagne, puis étaient ensuite partis au Portugal, le témoin rectifiant qu’ils avaient ensuite occupé une chambre au Lignon, puis un studio dans une rue parallèle au boulevard Z______ avant de quitter pour le Portugal, avant le décès de sa compagne en 2018 ou 2019, précisant avoir un doute sur les dates.

Le caractère confus et imprécis de ces déclarations relatives au lieu de résidence des recourants rend le témoignage douteux. En effet, alors que le témoin a déclaré avoir cohabité avec ceux-ci pendant plusieurs années et avoir effectué pour les recourants toutes les annonces de changement d’adresses à l’OCPM, il n’a pas été en mesure de citer les différentes adresses des recourants en Vieille-Ville, au Lignon ou encore dans le quartier de Plainpalais et a même déclaré qu’il ne s’était jamais rendu à leur domicile lorsqu’ils habitaient en Vieille-Ville où, selon les indications fournies à l’OCPM, ils auraient vécu pendant près de quatre ans, de juillet 2002 à avril 2006. Par ailleurs, le témoin a également déclaré ne jamais avoir interrogé les recourants sur la question de savoir pourquoi E______ n’était pas scolarisé. L’absence d’intérêt pour la scolarité de E______ contraste avec les déclarations du témoin qui a indiqué qu’il avait aidé C______ pour ses devoirs et avait même proposé d’aller discuter avec ses enseignants lorsqu’elle était encore scolarisée à Genève. Au vu de ces éléments, il ne peut être accordé de crédit aux déclarations de U______ faites lors de son audition par la chambre de céans.

Celui-ci a d’ailleurs tenu des propos contradictoires, ayant déclaré à l’enquêteur de l’OCPM que les recourants n’avaient jamais vécu avec lui et sa compagne, pour nier devant la chambre de céans avoir tenu de tels propos. Il n’y a cependant pas lieu de douter des déclarations de l’enquêteur qui, contrairement à U______, n’a pas d’intérêt personnel dans la présente cause et n’entretient aucun lien avec les recourants. L’enquêteur a également confirmé que la régie n’avait jamais eu les recourants ni comme locataires ni comme sous-locataires. Il ne peut ainsi être considéré que les recourants auraient partagé le logement de U______ d’avril 2006 à mars 2015.

Au vu de ce qui précède, il ne peut être retenu que les recourants étaient domiciliés à Genève pendant la période allant de 2006 à novembre 2020.

Il n’est pas contesté que les deux enfants aînés des recourants ont quitté la Suisse pour le Portugal le 30 juin 2000. E______ avait alors un peu plus de six mois, C______ 11 ans et D______ allait avoir 7 ans. Les recourants, qui n’exerçaient aucune activité professionnelle depuis respectivement 1995 et 1997 et expliquent avoir été tous deux bénéficiaires de prestations de l’assurance-invalidité, n’exposent pas pour quel motif ils se seraient séparés de leurs deux premiers enfants, encore relativement jeunes, et ne les auraient pas accompagnés dans leur pays d’origine. Ils sont, en outre, restés vagues sur la prise en charge concrète de ceux-ci, indiquant qu’ils l’avaient confiée « à d’autres membres de la famille ». Par ailleurs, ils n’ont produit aucune pièce attestant de la présence de E______ en Suisse entre 2000 et 2008, ne serait-ce qu’une attestation de suivi de celui-ci par une ou un pédiatre ou une attestation d’assurance-maladie le concernant. Enfin, les recourants n’ont produit aucune pièce témoignant d’une présence continue en Suisse, telles que relevés de carte de crédit ou de comptes bancaires ou postaux attestant de retraits ou prélèvements réguliers à Genève destinés à couvrir leurs frais courants en Suisse.

Les éléments qui viennent d’être évoqués démontrent que les recourants n’avaient une présence que ponctuelle à Genève depuis, à tout le moins, juin 2000 et que le centre des leurs intérêts, singulièrement familiaux, ne s’y trouvait plus. Le fait qu’ils aient continué à se faire suivre médicalement à Genève, à y payer leurs impôts et les cotisations à la caisse de prévoyance, à rester membres du T______ et aient eu sporadiquement des frais de téléphonie en Suisse ne permet pas d’établir leur présence continue en Suisse. Comme déjà évoqué, le suivi médical ne nécessitait qu’un séjour temporaire, de courte durée, à Genève.

Dès lors que la présence continue des recourants et de leur fils E______ à Genève après juin 2000 n’est pas établie ni même rendue vraisemblable, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant qu’ils avaient quitté la Suisse à cette date.

Le fait qu’à fin 2020, les recourants soient revenus pour plusieurs mois à Genève, comme cela ressort, notamment, des attestations médicales et décomptes de l’assurance-maladie dont il ressort un suivi médical plus rapproché, ainsi que du rapport de l’enquêteur de l’OCPM, n’est pas de nature à faire renaître l’autorisation d’établissement des recourants, qui était alors échue de plein droit de longue date.

Au vu de ce qui précède, la décision constatant la caducité de l’autorisation d’établissement des recourants au 30 décembre 2000, soit six mois après leur départ de Suisse, est conforme à la loi et ne consacre aucun abus du pouvoir d’appréciation de l’OCPM.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Aucun émolument ne sera perçu, les recourants plaidant au bénéfice de l’assistance juridique. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre VUILLE, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.