Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/512/2025 du 06.05.2025 sur JTAPI/424/2025 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1365/2025-MC ATA/512/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 6 mai 2025 en section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Férida BEJAOUI HINNEN, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2025 (JTAPI/424/2025)
A. a. A______, également connu sous l'alias B______, né le ______ 2007, est né le ______ 1999. Il est ressortissant algérien.
b. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire du 17 avril 2025, le précité a été condamné dans le canton de Genève à quatre reprises entre le 29 novembre 2023 et le 26 novembre 2024, pour vol simple (commission répétée) au sens de l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), entrée illégale au sens de l'art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 CP)
c. Le 26 novembre 2024, le Tribunal de police de Genève a en outre prononcé son expulsion de suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. c CP).
d. Il fait encore l'objet d'une procédure pénale en cours pour violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires.
Le 5 avril 2024, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : l'OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse d'A______.
e. Le 30 avril 2024, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) a prononcé à l'encontre du précité une interdiction d'entrée en Suisse, valable trois ans, dès la date de départ.
f. Par ordonnance du 29 janvier 2025, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de l'intéressé aux motifs que son comportement en prison avait été mauvais (deux sanctions disciplinaires avaient récemment été prononcées à son encontre) et du pronostic quant au risque de récidive qui se présentait sous un jour fort défavorable au vu de ses antécédents.
g. Par décision du 3 avril 2025, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a décidé de ne pas reporter l'expulsion judiciaire de l'intéressé après que ce dernier ait pu exercer son droit d'être entendu.
h. La demande de soutien à l'exécution du renvoi, initiée auprès du SEM en avril 2024, a abouti à l'identification de l'intéressé par les autorités algériennes en novembre 2024. Il ressort des informations transmises par le SEM le 12 décembre 2024 qu'à l'issue de l'entretien consulaire (counselling) – lequel est un préalable indispensable à la délivrance d'un laissez-passer – , une place sur un vol pourrait être réservée moyennant un délai de trente jours ouvrables.
i. Le 10 avril 2025, l'intéressé a été présenté à un entretien consulaire à Berne.
j. Libéré le 17 avril 2025, au terme de l'exécution de sa peine, A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son renvoi de Suisse.
B. a. Le 17 avril 2025, à 15h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d'A______ pour une durée de trois mois.
Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie, dans la mesure où il y était en danger.
b. Entendu le 18 avril 2025 par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), A______ a déclaré qu'il était conscient qu'il avait fait beaucoup de choses qui n'étaient « pas belles » et il s'était depuis lors assagi. Lors de son entretien auprès des autorités algériennes, il leur avait dit qu'il avait une fiancée qui l’attendait en France, qu'il allait se marier et qu’après son mariage, il allait « se caser », trouver du travail et avoir une vie normale. Il refusait son renvoi vers l'Algérie au motif qu'il allait se marier et que sa fiancée l'attendait. Il avait reçu tous ses papiers algériens afin de procéder au mariage civil. Il aurait ensuite sa résidence en France. À ce jour, il n'avait pas de titre de séjour en France.
Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'ils n'avaient pas encore reçu les résultats du counselling, qui généralement leur étaient transmis une semaine à un mois après l’entretien. Il a ajouté que si A______ souhaitait accélérer son renvoi, il lui était possible de leur transmette son passeport algérien valable. A______ a répondu qu'il avait effectivement un passeport algérien valable, lequel se trouvait en Allemagne, chez sa belle-sœur.
Le conseil d'A______ a conclu à sa mise en liberté immédiate, étant relevé qu’il s’engageait à collaborer avec les autorités en vue de son renvoi en France. Il s’opposait à son renvoi en Algérie.
c. Par jugement du 18 avril 2025, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 16 juillet 2025 inclus.
A______ avait fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, d'une décision de renvoi de Suisse et d'une interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, décisions qu'il n'avait pas respectées. Il faisait en outre l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire, prononcée par le Tribunal de police, le 26 novembre 2024, pour une durée de cinq ans, définitive et exécutoire, que l'autorité administrative compétente avait décidé de ne pas reporter. De surcroît, depuis son arrivée en Suisse, en 2023, il avait été condamné à quatre reprises, en dernier lieu pour brigandage, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP. Sa détention se justifiait donc en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI.
Son refus, encore confirmé lors de son audition devant le TAPI, de se soumettre à la mesure d'expulsion judiciaire en force, et sa situation personnelle, permettaient de surcroît d’admettre l'existence d'un risque réel et concret que, s'il était libéré, il n'obtempérerait pas aux instructions de l'autorité lorsque celle-ci lui ordonnerait de monter à bord de l'avion devant le reconduire dans son pays et qu'il pourrait être amené à disparaître dans la clandestinité. Le motif de détention prévu par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI était donc également rempli.
L'assurance du départ effectif de A______ répondait ainsi à un intérêt public certain, étant relevé qu'il ne saurait tirer argument de son prétendu projet de mariage en France pour solliciter son renvoi vers cet État dès lors qu'il avait lui‑même admis n'y avoir aucun titre de séjour, rien ne s'opposant, pour le surplus, à la mise en œuvre de son projet de mariage depuis l'Algérie.
Enfin, la durée de détention sollicitée, soit trois mois, respectait le cadre légal et apparaissait largement proportionnée.
C. a. Par acte posté le 25 avril 2025, reçu le 28 avril 2025, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation dudit jugement et de l’ordre de mise en détention ainsi qu’à sa libération immédiate.
Il s'opposait à son renvoi en Algérie pour des raisons personnelles et familiales que le TAPI n'avait pas prises en considération, en violation manifeste des principes régissant l'établissement des faits. Il indiquait avoir une fiancée en France avec laquelle un projet de mariage était en cours. Sa fratrie résidait en France et en Allemagne, notamment. Il offrait de collaborer avec l'autorité en tenant à sa disposition son passeport algérien pour son renvoi vers la France.
Ses allégués et déclarations sur sa vie personnelle – plus particulièrement son opposition à son renvoi en Algérie en raison de son projet de mariage – équivalaient à des réquisitions de preuve. Or le jugement querellé ne comportait aucune motivation sur ce fait pertinent allégué, consacrant ainsi une violation de son droit d'être entendu.
b. Le commissaire de police a conclu au rejet du recours. Le recourant avait été entendu par les autorités algériennes le 10 avril 2025 et le SEM demeurait dans l'attente de leur détermination, qui pouvait prendre un mois, comme cela ressortait du courriel du SEM du 29 avril 2025. S'il avait allégué avoir « reçu tous ses papiers algériens afin de procéder au mariage civil », le recourant ne les avait nullement présentés aux autorités helvétiques.
c. A______ ne s’est pas manifesté dans le délai qui lui a été imparti pour répliquer.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 28 avril 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
3. Le recourant ne conteste pas que les conditions de son expulsion de Suisse soient réunies mais il sollicite que celle-ci soit exécutée vers la France, tout en demandant également sa mise en liberté. Plus particulièrement, il limite ses critiques à l’endroit du jugement à la violation de son droit d’être entendu et à une violation de l'établissement des faits pour ne pas avoir pris en considération ses projets de mariage en France.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).
La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2017 du 25 juin 2018 consid. 3.2). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle‑ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_46/2020 du 5 mai 2020 consid. 6.2).
3.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d’office).
Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.4 ; ATA/214/2025 du 4 mars 2025).
En procédure administrative genevoise, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision ; elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA) ; elle recourt s’il y a lieu notamment aux témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA) ou à l’expertise (art. 20 al. 2 let. e LPA).
Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique en procédure administrative, le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des pièces. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si le dossier à disposition permet de porter un jugement valable sur le droit litigieux (ATA/722/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3a et les arrêts cités).
3.3 Contrairement à ce que le recourant soutient, le TAPI a examiné son projet de mariage et retenait qu'il ne saurait tirer argument de ce prétendu projet en France pour solliciter son renvoi vers cet État dès lors qu'il a lui-même admis n'y avoir aucun titre de séjour, rien ne s'opposant, pour le surplus, à la mise en œuvre de son projet de mariage depuis l'Algérie. Par ailleurs, et surtout, il convient de relever que le recourant n'a produit, que ce soit devant le TAPI ou devant la chambre de céans, aucun document permettant d'étayer l'existence, tant de cette prétendue fiancée – dont il n'a même pas fourni l’identité – que de leur relation.
Quoi qu’il en soit, le recourant a reconnu ne disposer d'aucun titre de séjour en France, de sorte que les autorités compétentes ne peuvent légalement pas le renvoyer dans ce pays (art 69 al. 2 LEI), ce que le jugement querellé a relevé à juste titre.
Les griefs tirés de la violation du droit d'être entendu et de mauvaise constatation de faits seront donc écartés.
3.4 Le recourant ne soulève pour le surplus aucun grief relatif au raisonnement ayant conduit le TAPI à retenir que les conditions d'une mise en détention administrative étaient réalisées, que l'autorité chargée de l'exécution du renvoi avait agi avec célérité et diligence, que l'exécution du renvoi était exigible et que le principe de la proportionnalité demeurait respecté. Il ne critique pas non plus la durée de la mise en détention ordonnée.
Cette motivation étant conforme à la loi et à la jurisprudence, il peut y être renvoyé.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Férida BEJAOUI HINNEN, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre de détention administrative de Sion (CDA), pour information.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
N. GANTENBEIN
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| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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