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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/712/2025

ATA/425/2025 du 15.04.2025 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : AVOCAT;ÉTUDES UNIVERSITAIRES;RÉVISION(LÉGISLATION);INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);INTERPRÉTATION LITTÉRALE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;ÉGALITÉ DANS LA LOI;ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL;CONTRÔLE CONCRET DES NORMES;INTÉRÊT PUBLIC;PROPORTIONNALITÉ;ADÉQUATION;NÉCESSITÉ;TRAVAUX PRÉPARATOIRES(TYPE DE DOCUMENT);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPAv.25.al1.letf; LPAv.25.al2; LLCA.1; LLCA.3.al1; LLCA.7.al1; LPAv.24.letb; Cst.49; Cst.8.al1; Cst.5.al1; Cst.5.al2; Cst.9; Cst.5.al3
Résumé : Recours contre un refus de l'ECAV d'inscrire la recourante, qui a déjà validé 122 crédits ECTS en droit suisse à UniDistance, au semestre de printemps 2025, au motif qu'elle n'a pas encore obtenu son bachelor en droit suisse. L'art. 25 al. 1 let. f LPAV, dans sa teneur depuis le 11 mai 2024, a supprimé la possibilité alternative de valider 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, renforçant la condition de formation suffisante pour être admis à l'ECAV. L'équivalence prévue par l'art. 25 al. 2 LPAv, fondée notamment sur une équivalence de crédits, n'est pas constitutive d'une inégalité de traitement. Les intérêts publics poursuivis priment l'intérêt, même important, de l'intéressée à pouvoir être admise à l'ECAV en 2025. La décision querellée respecte également le principe de la bonne foi, puisque la loi ayant changé, la recourante ne peut pas bénéficier de son ancienne teneur. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/712/2025-FORMA ATA/425/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 avril 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre


FACULTÉ DE DROIT - ÉCOLE D'AVOCATURE DE GENÈVE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, ressortissante russe née en 1995, est arrivée en Suisse en septembre 2019 au bénéfice d'un titre de séjour.

b. Elle a obtenu, à Moscou, un bachelor en droit en 2017 et un master en droit en 2019 puis, à Genève, un LL.M. en International Dispute Settlement en 2021.

c. Elle est admise en Russie ainsi qu'en Angleterre et au pays de Galles en tant que membre du barreau de Moscou, respectivement en tant que « Solicitor of the Senior Courts of England and Wales ».

d. Elle suit depuis 2022 la formation de bachelor en droit suisse d'UniDistance Suisse (ci-après : UniDistance), pour lequel elle a obtenu 122 crédits ECTS au 26 août 2024.

B. a. En juin 2022, A______ s'est renseignée sur la reconnaissance de son futur diplôme auprès de B______, C______ de l'école d'avocature (ci-après : ECAV), qui lui a répondu que l'ECAV « acceptait en effet le Bachelor en droit suisse délivré par UniDistance ». Elle s'est également renseignée en juin 2023 auprès d'une « Student Manager » d'UniDistance, qui lui a confirmé qu'UniDistance autorisait ses étudiants à être inscrits à l'ECAV en parallèle.

b. En septembre 2024, elle s'est inscrite à l'ECAV pour le semestre de printemps 2025.

c. Le 16 décembre 2024, l'ECAV a soumis l'admission de sa demande à la levée de deux réserves, notamment « l'obtention de son Bachelor of Law dans l'institution UniDistance – Fondation formation universitaire à distance au plus tard à la date de la rentrée académique du semestre susmentionné ».

d. A______ a formé opposition à cette décision.

e. Par décision du 12 février 2025, le conseil de direction de l'ECAV a rejeté l'opposition.

A______ n'était titulaire ni d'une licence ou d'un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse (art. 25 al. 1 let. f de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10), ni d'un baccalauréat universitaire en relations internationales (ci-après : BARI) comprenant 180 crédits ECTS, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, complété d'une passerelle (art. 25 al. 2 LPAv).

L'art. 25 al. 1 let. f et al. 2 LPAv, dans sa teneur depuis le 11 mai 2024, avait pour but de garantir une formation adéquate en droit par l'obtention d'un des diplômes cités. Or, l'intéressée ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle d'un hypothétique candidat à l'admission qui aurait obtenu un BARI complété de la passerelle. Elle était libre de s'inscrire à cette formation si tel devait être son choix.

En réalité, l'intéressée tentait de se voir appliquer la réglementation antérieure à la modification de la LPAv au prétexte que celle-ci lui serait plus favorable, ce qu'elle n'était pas admise à faire.

Il était enfin précisé que la décision ne préjugeait nullement d'une décision future, lorsque l'intéressée remplirait les conditions de l'art. 25 LPAv.

C. a. Par acte déposé le 28 février 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Elle concluait à son annulation, à ce qu'il soit déclaré que celle-ci « violait le droit fédéral et cantonal », et à ce qu'il soit ordonné au conseil de direction de l'ECAV de l'inscrire « sans délai, à la session d'études 2025 à l'ECAV et de lui permettre de passer les examens de l'ECAV prévus pour mai-juin 2025 (la première session) et août-septembre 2025 (la deuxième session) » ainsi que « d'assurer qu'aucun préjudice ne lui soit porté […] en raison de son admission tardive causée par l'ECAV ».

Avant d'entamer ses études de bachelor en droit suisse à UniDistance, elle s'était fiée aux informations accessibles. Elle expliquait avoir planifié, en conséquence, la durée et le financement de ses études. Elle produisait les documents alors consultés sur le site internet de l'ECAV.

Elle se prévalait principalement d'une inégalité de traitement. En particulier, l'art. 25 al. 2 LPAv donnait désormais la préférence aux étudiants de l'Université de Genève (ci-après : UNIGE), au détriment des étudiants des autres universités suisses, ce qui n'était pas justifié par un intérêt public et, en outre, était disproportionné. Elle citait des extraits des travaux préparatoires, dont il ressortait que ces questions avaient été discutées avant l'adoption du texte de loi.

Elle faisait par ailleurs remarquer que le retard d'une année dans son cursus universitaire lui causerait un préjudice sérieux. Finalement, si son recours devait être admis avant la session d'examens du semestre de printemps 2025, l'ECAV devait s'assurer qu'elle ne subisse aucun préjudice en raison de l'admission tardive de sa demande, pouvant découler en particulier d'un manquement à l'obligation de soumettre trois travaux de rédaction dans le cadre des ateliers.

b. Le 13 mars 2025, l'ECAV a conclu au rejet du recours.

À suivre la lettre claire de la loi, faute pour la recourante d'être titulaire d'un des diplômes requis, son inscription devait être rejetée.

L'égalité de traitement ne se concevait qu'entre individus et non entre programmes de formation. La recourante se méprenait également sur le texte de l'art. 25 al. 2 LPAv, dans la mesure où il ne suffisait pas d'avoir obtenu 120 crédits ECTS en droit suisse dans le cadre d'un BARI mention droit. L'admission à la formation approfondie dispensée par l'ECAV était en sus conditionnée à la réussite de la passerelle, qui venait compléter la formation initiale et garantissait un niveau équivalent à celui d'un bachelor en droit.

c. La recourante a expressément renoncé à toute réplique et insisté sur son intérêt à obtenir la décision finale dans les meilleurs délais.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans un premier grief, la recourante conteste l'interprétation de l'art. 25 al. 2 LPAv faite par l'ECAV.

2.1 La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA ‑ RS 935.61) fixe les principes applicables à l’exercice de la profession d’avocat en Suisse (art. 1 LLCA). Elle réserve le droit des cantons de fixer, dans le cadre de la LLCA, les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat (art. 3 al. 1 LLCA).

Selon l'art. 7 al. 1 LLCA, pour être inscrit au registre, l’avocat doit être titulaire d’un brevet d’avocat. Les cantons ne peuvent délivrer un tel brevet que si le titulaire a effectué : des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l’un des États qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes (let. a) ; un stage d’une durée d’un an au moins effectué en Suisse et sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques (let. b).

2.2 À Genève, pour obtenir le brevet d'avocat, il faut notamment avoir effectué une formation approfondie à la profession d'avocat validée par un examen (art. 24 let. b LPAv).

Pour être admis à la formation approfondie, il faut notamment être titulaire d'une licence en droit suisse ou d'un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse (art. 25 al. 1 let. f LPAv).

Les étudiants qui ont obtenu 180 crédits ECTS, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, avec un BARI mention droit délivré par l'UNIGE, complété par la réussite d'un programme de mise à niveau en droit (passerelle) à l'UNIGE, sont dispensés de remplir la condition fixée à l'al. 1 let. f (art. 25 al. 2 LPAv).

2.3 Avant la modification législative entrée en vigueur le 11 mai 2024, l'art. 25 let. f aLPAv prévoyait que pour être admis à la formation approfondie, il fallait notamment être titulaire d'une licence en droit suisse, d'un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse ou avoir obtenu 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, ces derniers ayant été délivrés par une université suisse et acquis dans le cadre de la formation de base.

2.4 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1).

2.5 En l'espèce, le texte de l'art. 25 al. 2 LPAv est clair et ne souffre aucune interprétation. Il n'apparaît pas soutenable de procéder, comme la recourante, à une interprétation contra legem de la loi, qui ne serait au demeurant pas conforme à son esprit, conformément aux considérants qui suivent.

L'ECAV, en application de l'art. 25 al. 1 let. f LPAv, a soumis son admission à la formation approfondie à l'obtention de son bachelor en droit au plus tard à la date de la rentrée académique du semestre de printemps 2025. Or, il n'est pas contesté que l'intéressée suit actuellement ses études à UniDistance, mais n'est pas encore titulaire d'un bachelor en droit suisse.

Au surplus, la recourante, sans en avoir été empêchée, n'a pas suivi un cursus BARI complété par une passerelle garantissant un niveau de formation suffisant. Dès lors, la loi a été correctement appliquée à sa situation, puisqu'elle ne satisfait pas à toutes les conditions lui permettant de s'inscrire à l'ECAV.

3.             Dans un deuxième grief, la recourante fait valoir que la décision querellée ainsi que la disposition sur laquelle celle-là se fonde sont constitutives d'une inégalité de traitement inadmissible. Elle sollicite un contrôle préjudiciel de la constitutionnalité de l'art. 25 al. 1 let. f et al. 2 LPAv en raison d'un traitement différent de l'UNIGE et des autres universités. Lors de son audition dans le cadre des travaux préparatoires, le représentant de l'ECAV avait implicitement admis qu'aucune analyse des programmes des autres universités suisses n'avait été effectuée.

3.1 De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral. Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral, ancré à l’art. 49 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 138 I 410 consid. 3.1). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 145 IV 10 consid. 2.1). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/132/2025 du 4 février 2025 consid. 3.1).

3.2 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).

Une décision ou un arrêté viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).

3.3 En matière d'égalité de traitement, l'exigence de la légalité impose que certaines assimilations et différenciations figurent d'ores et déjà dans une loi de rang et de densité suffisants (Jacques DUBEY in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale, 2021, n. 4 et 54 s. ad art. 36 Cst.).

3.4 En l'occurrence, la recourante invoque une inégalité de traitement, sans toutefois expliquer quelles seraient les situations similaires. L'exigence prévue par l'art. 25 al. 1 let. f LPAv d'un bachelor en droit suisse, quelle que soit l'université suisse qui le délivre, n'opère en tout cas aucune distinction. En outre, l'art. 25 LPAv constitue une base légale formelle, de rang et de densité suffisants.

Tel que l'intimée le relève à juste titre, la recourante semble comparer deux programmes de formation. Même à considérer que sa situation doive être prise en compte, cette dernière n'est pas similaire à l'équivalence prévue par l'art. 25 al. 2 LPAv. En effet, le fait qu’elle soit avocate, après dix ans d’études de droit, qu’elle ait obtenu 572 crédits ECTS en droit, ait passé deux examens de brevet d’avocate à l'étranger et obtenu plus de 120 crédits ECTS en droit suisse n'équivaut pas aux conditions cumulatives d'obtenir 120 crédits ECTS en droit suisse dans le cadre d'un BARI mention droit et de réussir une passerelle représentant 62 crédits ECTS additionnels en droit suisse. Or, le législateur a voulu que seul ce cumul permette de compenser l'absence de bachelor au moment de l'admission à l'ECAV. En tant que l'art. 25 al. 2 LPAv prévoit une exception fondée notamment sur une équivalence de crédits, la prétendue distinction opérée n'est pas constitutive d'une inégalité de traitement.

4.             Dans un troisième grief, la recourante se plaint de l'absence d'intérêt public et de la violation du principe de la proportionnalité.

4.1 Le droit est la base et la limite de l’activité de l’État (art. 5 al. 1 Cst.). L’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé (art. 5 al. 2 Cst.).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 144 I 306 consid. 4.4.1 ; ATA/254/2025 du 13 mars 2025 consid. 6.1).

4.2 Il ressort des travaux préparatoires relatifs au projet de loi (ci-après : PL) 13153 modifiant la LPAv et des explications de l'autorité que l'exigence de la licence ou du bachelor en droit suisse se justifie par l'objectif d'assurer que « le candidat à l'ECAV possède une formation solide et suffisante en droit suisse » et que « les crédits obtenus répondent aux critères de sélection pour justifier une base commune juridique suisse » (PL 13153, p. 7).

La possibilité alternative de valider 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, a donc été supprimée. Le souhait de l'ECAV était de « préciser et renforcer » la condition de l'art. 25 let. f aLPAv. L'on évitait ainsi de mettre sur le marché des avocats « sous-formés » ayant fait du droit étranger ou ayant acquis moins de crédits en droit que les étudiants suivant le cursus « classique » (PL 13153, p. 3).

L'exigence du bachelor en droit suisse est conforme au droit supérieur (ATF 146 II 309). En effet, seul le bachelor, qui contrairement au master, ne peut être modulé trop facilement, est considéré comme garantissant une formation de base suffisante en droit suisse (PL 13153, p. 11).

Cet amendement s'inscrit également dans un contexte de trop grande fréquentation de l'ECAV, qui accueille jusqu'à 320 étudiants au lieu des 150 prévus initialement. Un tiers des étudiants à l'ECAV suit cette formation sans rester à Genève pour effectuer leur stage d'avocat, ce qui va à l'encontre des objectifs à l'origine de la création de l'institution. Cette attractivité engendre trois problèmes, à savoir « un problème de coût manifeste car le contribuable genevois n'a pas à assurer la formation des étudiants de toute la Suisse », un problème d'« efficience des cours avec des ateliers pratiques qui doivent accueillir plus de 300 étudiants », et un problème de « sécurité des justiciables, avec des avocats sur le marché qui ne possèdent pas une formation adéquate » (PL 13153, p. 9). Ainsi, le succès de l'ECAV ne lui permet pas d'être l'école professionnalisante qu'elle s'était donné pour objectif d'être (PL 13153, p. 5).

La seule exception à la condition d'être titulaire d'un bachelor en droit suisse concerne les étudiants ayant obtenu à la fois 120 crédits ECTS en droit suisse lors d'un BARI mention droit et 62 crédits ECTS en droit suisse par la passerelle. Elle est inscrite dans une disposition transitoire. Les 182 crédits ECTS en droit suisse ainsi cumulés et la coordination assurée entre la formation initiale et la passerelle garantissent des connaissances équivalentes à celles obtenues durant un bachelor en droit suisse. Il s'agit d'un « cas particulier qui fait l'objet d'une certaine cohérence de formation » (PL 13153, p. 8).

Cette dérogation deviendra du reste probablement sans objet « dans un avenir proche », dès lors que les étudiants du BARI sont incités à faire un bachelor en droit suisse accéléré en deux ans plutôt que la passerelle. La passerelle subsistant toutefois pour donner à ces étudiants la possibilité de choisir une formation moins complète mais plus rapide, une disposition transitoire est nécessaire pour régler leur cas (PL 13153, p. 4).

Lorsque s'est posée la question des implications du nouvel art. 25 al. 2 LPAv, il a été précisé que sa teneur empêcherait un candidat ayant par exemple suivi une formation duale en économie et droit à Saint-Gall d'accéder à l'ECAV (PL 13153, p. 10). Ce dernier pouvait toutefois faire en sorte d'obtenir un bachelor en droit suisse en optant pour les cours qui lui permettaient d'avoir les crédits suffisants en droit (PL 13153, p. 17). Malgré ce constat, le législateur a maintenu la nouvelle disposition, estimant important, au nom de la protection des justiciables, que les étudiants ayant accès à l'ECAV soient titulaires d'un bachelor en droit ou, à défaut, d'un diplôme considéré comme équivalent aux conditions de l'art. 25 al. 2 LPAv (PL 13153, p. 22).

4.3 En l'occurrence, dans la mesure où la modification législative entrée en vigueur le 11 mai 2024 est justifiée par la volonté de s'assurer que les personnes pouvant s'inscrire à l'ECAV aient bien suivi une formation en droit suisse suffisante, elle est basée sur un motif raisonnable. Contrairement aux critiques de la recourante, les intérêts publics poursuivis ressortent des travaux préparatoires, à savoir l'intérêt public à une utilisation rationnelle des deniers publics cantonaux, mais aussi et surtout l'intérêt public à une formation de qualité et l'intérêt public à proposer aux justiciables des praticiens compétents.

Dans ces circonstances, le renforcement par l'ECAV de la condition de formation suffisante pour être admis ne prête pas le flanc à la critique et constitue un moyen à la fois apte à atteindre les buts visés, nécessaire et proportionné, les intérêts publics précités devant primer l’intérêt, même important, de la recourante à pouvoir être admise à l’ECAV en 2025.

5.             La recourante allègue également, à tout le moins implicitement, une violation du principe de la bonne foi.

5.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 568).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, on doit être en présence d'une promesse concrète effectuée à l'égard d'une personne déterminée. Il faut également que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATA/1385/2021 du 21 décembre 2021 consid. 13). Les particuliers doivent en effet toujours s'attendre à un changement de réglementation (ATF 101 Ib 297 consid. 2b ; ATA/882/2024 du 23 juillet 2024 consid. 4.4.2).

5.2 En l'espèce, la recourante ne saurait tirer argument de ses échanges avec l'ECAV, respectivement avec UniDistance. D'une part, ceux-ci ne donnent pas les assurances que l'intéressée en déduit, notamment pas l'assurance qu'elle pouvait s'inscrire à l'ECAV en ayant obtenu seulement 120 crédits ECTS. Ils confirment uniquement que le bachelor en droit suisse délivré par UniDistance est accepté par l'ECAV, ce qui n'est pas contesté. D'autre part, ces renseignements datent de 2022, respectivement de 2023. Dès lors, ils ne pouvaient en tous les cas anticiper la révision législative ultérieure, adoptée en mars et entrée en vigueur en mai 2024.

La recourante ne peut davantage prétendre que les documents « Règlement d'études » et « Questions fréquemment posées », qui citaient la loi dans son ancienne teneur, feraient foi tels que consultés sur le site internet de l'ECAV au moment du dépôt de sa demande d'admission. Ces documents ne constituent pas une promesse concrète à son égard. De surcroît, sa situation n'est pas la conséquence de l'inexactitude du site en septembre 2024, mais du changement de la loi. L'intéressée ne peut ainsi être mise au bénéfice d'un droit acquis, ni bénéficier de l'ancienne teneur de la loi.

La décision querellée respecte donc également le principe de la bonne foi. Le fait que le retard d'une année des études à l'ECAV entraîne pour la recourante un préjudice sérieux, qu'elle invoque au surplus, ne saurait modifier cette conclusion ou conduire à un résultat différent.

Ce qui précède rend sans objet la demande de la recourante tendant à ce qu'il soit ordonné à l'ECAV de s'assurer que l'admission tardive de son inscription ne lui cause aucun préjudice découlant de l'absence de remise des travaux écrits obligatoires.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Malgré l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2025 par A______ contre la décision de la faculté de droit - École d'avocature de Genève du 12 février 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la faculté de droit - École d'avocature de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :