Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/372/2025 du 01.04.2025 sur JTAPI/646/2024 ( ICC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1657/2023-ICC ATA/372/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 1er avril 2025 4ème section |
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dans la cause
A______ et B______ recourants
représentés par LAMBELET & ASSOCIÉS, mandataire
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2024 (JTAPI/646/2024)
A. a. Les époux A______ et B______ sont contribuables dans le canton de Genève.
b. En 2018 et 2019, B______, alors avocat inscrit au barreau de Genève, détenait la totalité des actions de « C______ » (ci-après : la holding), non cotée en bourse, dont il était l’administrateur unique avec signature individuelle.
c. Le but statutaire de la holding était notamment la reprise, la détention et la mise en valeur du capital-actions de l’« D______ » (ci-après : l'Étude), qui exploitait une étude d’avocats à Genève depuis ______ 1987 et qui est, depuis ______ 2023, en liquidation. Le capital-actions de la holding se composait de 100 actions de CHF 1’000.-, nominatives, liées selon les statuts.
Lors de son inscription au registre du commerce en ______ 2016, une reprise de biens envisagée portant sur 100 actions de CHF 1’000.-, nominatives, liées selon les statuts, de l'Étude, pour CHF 100’000.- au maximum, avait été enregistrée.
d. Auparavant, B______ détenait la totalité des actions de l'Étude, dont il en était l’administrateur unique avec signature individuelle, dans sa fortune privée.
e. Les époux ont contesté la valorisation des actions de l'Étude telle que déterminée par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lors des périodes fiscales 2007 à 2013.
Les taxations contestées ont, en majeure partie, été confirmées par les instances judiciaires saisies (arrêts du Tribunal fédéral 2C_59/2019 du 28 janvier 2019, 2C_866/2019 du 27 août 2020 et 9C_669/2022 du 24 août 2023). Il résulte des décisions judiciaires précitées que l’AFC-GE pouvait appliquer la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI) du 28 août 2008 intitulée « Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune » (ci-après : circulaire n° 28) pour procéder à l’estimation des titres d’une étude d’avocats organisée sous forme de société anonyme et que ces titres devaient être évalués sur la base de la valeur substantielle et de la valeur de rendement non doublée de ladite société.
f. Par bordereau du 28 octobre 2020, l’AFC-GE a taxé les époux pour la période fiscale 2017. Il résulte de l’avis de taxation pour l’impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC), joint audit bordereau, qu’une participation qualifiée de 100% du capital-actions de la holding pour une valeur imposable de CHF 3’557’700.- a été retenue. L’AFC-GE a précisé que la valeur des actions avait été fixée à CHF 35’577.- selon les Instructions résultant de la circulaire n° 28. Non contestée, cette taxation est entrée en force.
B. a. Le 12 août 2019, les époux ont déposé leur déclaration fiscale 2018, qui mentionnait pour l’ICC un revenu et une fortune imposables nuls.
À teneur de cette déclaration, B______ avait exercé une activité lucrative dépendante, à 100%, au service de l'Étude, moyennant un salaire annuel sur lequel les charges sociales avaient été prélevées ; un certificat de salaire a été produit. Il n’en résultait en revanche pas qu’il avait exercé une quelconque activité lucrative indépendante.
La déclaration faisait en outre état que la participation qualifiée de l’entier du capital-actions de la holding appartenait à la fortune commerciale du contribuable ; aucune valeur imposable ni rendement n’était toutefois déclaré à ce titre. Sous la rubrique « observations », il était mentionné que les actions de la holding dépendaient de la fortune commerciale et non de la fortune privée du contribuable. Aucune pièce établissant une quelconque comptabilité relative à ces actions n’était produite.
b. Le 31 juillet 2020, les époux ont déposé leur déclaration fiscale 2019, qui mentionnait pour l’ICC un revenu imposable de CHF 223’654.- et une fortune imposable nulle. Il en ressortait les mêmes éléments que ceux présentés ci-avant à propos de la déclaration 2018.
c. Le 12 août 2020, les époux ont déposé une nouvelle déclaration fiscale 2018 avec une mention manuscrite « annule et remplace ». Cette déclaration mentionnait à nouveau un revenu et une fortune imposables nuls pour l'ICC, mais modifiait le revenu imposable déclaré pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), lequel diminuait légèrement de CHF 51’021.- à CHF 50’863.-, mais les éléments susmentionnés relatifs à la déclaration déposée le 12 août 2019 demeuraient inchangés.
d. Par bordereaux du 20 janvier 2021, l’AFC-GE a taxé les époux pour les périodes fiscales 2018 et 2019.
En se référant à la circulaire n° 28, elle a retenu pour l’ICC que la valeur totale des actions de la holding s’élevait à CHF 3’573’000.- en 2018 et à CHF 2’385’400.- en 2019.
C. a. Le 15 février 2021, les époux ont formulé des réclamations à l’encontre des bordereaux ICC 2018 et 2019 précités. Leurs griefs portaient sur la déductibilité des intérêts des dettes fiscales et des dettes fiscales.
b. Par décisions sur réclamation du 31 mars 2023, l’AFC-GE a remis aux époux A______ B______ des bordereaux rectificatifs ICC 2018 et 2019.
Elle a principalement pris en compte la déduction des intérêts des dettes fiscales ainsi que les dettes fiscales et a maintenu, pour le surplus, les taxations querellées, précisant que « sans nouvelle de votre part suite au mail adressé par le service des titres en date du 23 septembre 2021, nous considérons que la valorisation de la [holding] n’est plus contestée et maintenons la valeur fiscale établie ».
D. a. Par acte du 10 mai 2023, les époux A______ B______ ont interjeté recours à l’encontre de ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Ils ont conclu, principalement, à ce qu’il soit retenu que la participation de la holding appartenait à la fortune commerciale du contribuable, qu’il soit dit que cette participation valait CHF 100’000.-, que les bordereaux entrepris étaient erronés en tant qu’ils retenaient une valeur de cette participation de CHF 3’573’000.- respectivement CHF 2’385’400.- en 2018 et 2019 en lieu et place de CHF 100’000.- ; de nouveaux bordereaux ICC 2018 et 2019 conformes au droit devaient ainsi être rendus. Subsidiairement, ils ont conclu à ce qu’une expertise en vue de déterminer la valeur vénale des actions de la holding au 31 décembre 2018 et au 31 décembre 2019 soit ordonnée et que soient ensuite émis de nouveaux bordereaux 2018 et 2019 conformes au droit.
Alors qu’aucun courriel ne leur avait été envoyé ni directement ni par le biais de leur mandataire, l’AFC-GE se référait à un « mail adressé par le service des titres en date du 23 septembre 2021 » pour considérer que la valorisation de la holding n’était plus contestée. Cette « raison » n’avait donc pas lieu d’être.
Il était malséant voire trompeur que les bordereaux d’imposition fassent mention en 2018 d’une « participation "C______" Ct. A : La valeur des actions a été fixée à CHF 35’733.- » et en 2019 d’une « participation "C______" Ct. A : La valeur des actions a été fixée à CHF 23’854.- », alors qu’un montant cent fois supérieur était retenu au code 14.10, sous fortune mobilière, au titre de la valorisation desdites actions.
Le 2 septembre 2016, lors de la création de la holding, B______ avait acquis, par souscription, 100 actions de CHF 1’000.- nominatives à leur valeur nominale totale de CHF 100’000.-. Dans sa déclaration fiscale 2016, il en avait dûment fait état. Ainsi, dans la mesure où les participations affectées volontairement à la fortune commerciale étaient soumises au principe de la valeur comptable, que le précité était détenteur de l’entier du capital-actions de la holding, soit une participation qualifiée, et qu’il avait annoncé affecter volontairement la participation qu’il détenait de la holding à sa fortune commerciale dans sa déclaration fiscale 2016, la valeur fiscale déterminante pour sa fortune commerciale correspondait au prix d’achat au moment de l’acquisition, à savoir la valeur nominale des titres lors de leur libération, soit CHF 100’000.-. En vertu du principe de la valeur comptable, cette valeur déterminée en 2016 perdurait pour les années subséquentes. Partant, pour les taxations ICC 2018 et 2019, la valeur de la participation de la holding devait être fixée à CHF 100’000.-.
Dans l’hypothèse où le TAPI considérerait qu’il n’y avait pas lieu d’adopter une valorisation de la participation de la holding à hauteur de CHF 100’000.- selon le principe de la valeur comptable, ils requéraient la mise en œuvre d’une expertise afin de déterminer la valeur vénale des actions de la holding au 31 décembre 2018 et 2019. Les valeurs vénales retenues par l’AFC-GE sur la base de la circulaire n° 28 étaient en effet contestées puisque la holding – soit une société holding pure puisque sans activité commerciale ou de services qui lui soit propre – ne détenait pas d’autre actif que l’intégralité du capital-actions de l'Étude, que ses résultats dépendaient à 100% des résultats de sa participation, de sorte qu’elle ne disposait d’aucune autre source de revenus que ceux pouvant provenir de l’activité de l'Étude. Or, cette dernière ne faisait que facturer les services fournis par B______, son unique animateur, services dont la valeur était d’ailleurs éminemment variable, de sorte qu’elle ne possédait aucun actif propre de nature à assurer la récurrence de son chiffre d’affaires. Si le précité cessait son activité ou cessait de la faire facturer par l'Étude, ce qui serait le cas si celle-ci devait être vendue, l'Étude n’aurait plus aucun revenu. Dans ces circonstances, aucune personne censée n’achèterait pour plusieurs millions les actions de la holding voire celles de l'Étude, société dont le capital était de CHF 100’000.- et dont la valeur comptable était de surcroît négative, à raison de chiffres d’affaires passés, qui ne pourraient en aucun cas être escomptés dans le futur. Les valeurs vénales retenues par l’AFC-GE pour 2018 et 2019 étaient ainsi arbitraires. Il était tout aussi arbitraire de vouloir appliquer la circulaire n° 28 à la détermination de la valeur vénale de sociétés unipersonnelles ne possédant aucun actif de nature à assurer la récurrence de leurs rendements en cas de cession. Il convenait donc de recourir à une expertise.
b. Le 18 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Les époux critiquaient des indications, prétendument trompeuses, indiquées dans les avis de taxation concernés. Ce grief n’était pas pertinent dans la mesure où ses propos ne visaient que la valeur d’une action et non pas des 100 actions de l'Étude.
Durant le deuxième semestre de l’année 2020, en concertation avec l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), elle avait assoupli sa pratique et étendu la possibilité d’option de commercialisation d’une participation, également en cas de souscription de nouvelles actions, sous réserve des cas d’évasion fiscale. Elle avait relevé, à l’interne, l’exemple suivant : si un contribuable constituait une nouvelle société à laquelle il entendait apporter (en neutralité fiscale) une société déjà existante faisant partie de sa fortune privée, l’option pourrait éventuellement être refusée au motif d’une évasion fiscale. En effet, si ce mode de faire était admis, l’ancienne société – l'Étude –, précédemment évaluée à la valeur vénale, devrait désormais être indirectement évaluée à la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu, ce qui pourrait engendrer une diminution substantielle de l’impôt sur la fortune, de manière arbitraire. S’agissant de cette modification de pratique, elle tenait à disposition du TAPI, sous le sceau du secret fiscal, les échanges internes relatifs à ce changement de pratique. Une audition de la direction concernée était aussi envisageable dans le cas où le TAPI la jugerait nécessaire sur ce point.
Jusqu’en septembre 2016, B______ avait été actionnaire unique de l'Étude ; les actions appartenaient à sa fortune privée et étaient donc estimées à leur valeur vénale. Le 2 septembre 2016, il avait constitué la holding, dont le but était de détenir l'Étude. Les nouvelles actions souscrites avaient été déclarées comme faisant partie de la fortune commerciale du contribuable sous la rubrique « observations » en page de garde, à tout le moins, des déclarations 2018 et 2019.
Aussi, sur le principe, la nouvelle pratique serait applicable au contribuable, qui avait notamment fait l’annonce de commercialisation de la participation dans les délais requis, sous réserve d’un cas d’évasion fiscale, comme justement en l’espèce. Dès lors, elle avait considéré les actions de la holding comme appartenant à la fortune privée du contribuable et les avait donc évaluées et taxées à leur valeur vénale. Pour rappel, le Tribunal fédéral avait déjà confirmé, à plusieurs reprises, la valorisation des actions de l'Étude à la valeur vénale selon l’art. 49 al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et en fonction de la circulaire n° 28 pour les périodes fiscales 2007 à 2013. En pratique, le contribuable avait créé la holding uniquement dans le but de remplir les critères de la nouvelle pratique et de bénéficier ainsi d’une imposition plus favorable. Si ce mode de faire était admis, l’ancienne société – l'Étude –, précédemment évaluée à la valeur vénale, serait désormais indirectement évaluée à la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu, ce qui pourrait engendrer une diminution substantielle de l’impôt sur la fortune, et ce de manière arbitraire. Dès lors, l’interposition de la holding entre le contribuable et l’Étude pouvait être considérée comme étant abusive et constitutive d’une évasion fiscale, ce d’autant plus que la holding se bornait à détenir une participation dans l’Étude, dès 2017 (première clôture) et, à tout le moins, pour les périodes litigieuses.
À titre subsidiaire, les époux requéraient à ce qu’il soit procédé à une expertise et remettaient en cause l’utilisation de la circulaire n° 28. Or, ainsi que déjà confirmé à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral, la circulaire n° 28 s’appliquait à leur cas.
c. Dans leur réplique du 30 novembre 2023, les époux ont relevé que l’AFC-GE considérait le grief du « facteur 100 » comme sans conséquence, mais elle avait, dans le cadre de taxations relatives à d’autres contribuables, modifié ses remarques pour inscrire le montant total de la participation.
Elle admettait que le contribuable devait bénéficier, ayant respecté les conditions de l’annonce de commercialisation de la participation de la holding, de sa nouvelle pratique, mais le lui refusait au motif d’une évasion fiscale. Elle retenait ainsi le procédé comme licite mais considérait, d’une part, que son usage était abusif et, d’autre part, qu’il en résultait une économie d’impôt. La création d’une nouvelle société holding et sa déclaration comme fortune commerciale n’étaient toutefois nullement abusifs : ce procédé avait justement été mis en place pour permettre à un entrepreneur de placer son outil de travail dans sa fortune commerciale et ainsi le voir taxer au niveau de la fortune à sa valeur comptable, mais en sachant que tout ou partie de la participation « commerciale » à la plus-value serait taxée lors de la vente au titre de revenu (et soumis à l’AVS) et non pas exonérée comme le serait une participation « privée » en application de l’art. 7 al. 4 let. b de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). En outre, l’AFC-GE prétendait qu’il y avait une économie d’impôt avérée en se basant sur la diminution de l’impôt sur la fortune, en quelque CHF 6’195.- en 2019 et CHF 1’790.- en 2018, sans tenir compte de la différence d’imposition qui surviendrait lors de la cession de la participation. Partant, il était contesté qu’une économie d’impôt fût avérée dans la durée.
L’AFC-GE considérait que les calculs tirés de la circulaire n° 28 devaient s’appliquer, mais elle omettait à cet égard le texte du commentaire de ladite circulaire (ci-après : commentaire ; lequel est édité annuellement par la CSI pour refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence) qui mentionnait que les « critères déterminants permettant de juger d’un changement de la situation économique d’une entreprise sont le bénéfice, le chiffre d’affaires, les fonds propres et les rapports de participation. En règle générale, doivent être qualifiés de considérable une variation du chiffre d’affaires de 20%, une variation du capital de 10% qui ne résulterait pas du bénéfice ordinaire ou un changement dans les rapports de participations à hauteur de 10%. Si l’une de ces conditions est remplie, l’estimation doit être revue conformément au chiffre 5 avec la société ». Or, en l’occurrence, le chiffre d’affaires 2018 de l’Étude avait été de CHF 535’257.- et celui de 2019 de CHF 723’544.-. La variation avait donc excédé 20%, de sorte que les calculs de la circulaire n° 28 n’étaient pas applicables.
L’AFC-GE n’ayant pas interpellé le contribuable comme stipulé au point 5 précité, une expertise devait être ordonnée pour pallier ce défaut, le dossier ne pouvant en l’état être considéré comme complet.
d. Dans sa duplique du 5 janvier 2024, l’AFC-GE a exposé avoir analysé la situation fiscale des contribuables pour les périodes fiscales litigieuses, et plus particulièrement sous l’angle de l’impôt sur la fortune. Aussi, le fait de prétendre qu’il n’y aurait pas d’économie d’impôt dans le futur, lors d’une potentielle cession de la participation, n’était pas pertinent. Il était impossible de prédire le futur de la société et savoir si celle-ci aurait encore une quelconque valeur par la suite. En revanche, il était clair qu’en procédant tel qu’ils l’avaient fait pour les périodes fiscales litigieuses, les contribuables réaliseraient une substantielle économie d’impôt sur la fortune – à laquelle ils ne pourraient pas prétendre sans l’interposition de la holding – si la participation venait à être imposée en tant que fortune commerciale.
Le commentaire en lien avec la variation du chiffre d’affaires se référait à l’application du chiffre 2 par. 5 de la circulaire n° 28, lequel permettait d’appliquer une valorisation déterminée sur la base d’un transfert représentatif entre tiers indépendants. Cette valeur pouvait être conservée un certain temps, sauf en cas de changement considérable de la situation économique. La situation d’espèce ne se référait pas à une valorisation déterminée sur une vente substantielle entre tiers indépendant, mais à une valorisation ordinaire selon la méthode des praticiens.
La remarque selon laquelle « il était recommandé à l’autorité procédant à l’estimation de la négocier avec la direction, un membre du conseil d’administration ou toute autre personne mandatée » concernait des situations particulières. Cette disposition n’était pas contraignante et était surtout inapplicable dans le cadre d'un traitement de masse. De plus, le commentaire ne recommandait nullement de recourir à une expertise externe.
e. Par jugement du 24 juin 2024, le TAPI a rejeté le recours.
B______ n'avait exercé, à teneur de ses déclarations fiscales, aucune activité lucrative indépendante en 2018 et 2019, années où il était employé à plein temps comme salarié de l’Étude. Aucune pièce ne laissait en outre apparaître qu’il aurait déployé une activité exercée en la forme commerciale en lien avec la possession de sa participation dans la holding. Le but statutaire de cette dernière, qui ne visait qu’à la reprise, la détention et la mise en valeur du capital-actions de l’Étude, permettait d’exclure que le contribuable l'ait utilisée pour exercer un commerce quasi-professionnel de titres. Partant, le contribuable ne possédait aucune fortune commerciale ordinaire lors des années fiscales litigieuses.
En outre, la participation détenue par le contribuable dans la holding ne faisait pas partie de sa fortune commerciale volontaire. En effet, celui-ci n’avait pas acquis cette participation par le biais d’un emprunt puisqu’il avait cédé les titres de l’Étude, élément faisant partie de sa fortune privée, en tant qu’apport à la holding. Aucun autre élément du dossier ne permettait de retenir que le contribuable ait versé des intérêts sur un emprunt qu’il aurait contracté pour acquérir sa participation dans la holding. Partant, dans la mesure où l’on se trouvait en présence d’une modification d’un élément de fortune et non pas d’un transfert de la propriété à titre onéreux avec financement par un emprunt générant des intérêts passifs au sens de la circulaire n° 23, la ratio legis des art. 8 al. 2 LHID et 19 al. 3 LIPP, qui avait repris cette disposition, n’avait pas été respectée. À défaut d’un endettement pour l’acquisition, même partielle, le contribuable ne pouvait déclarer comme élément de fortune commerciale la participation acquise, si bien que les actions de la holding faisaient partie en 2018 et 2019 de sa fortune privée.
Conformément à la jurisprudence, l’estimation des titres de la holding devait s’effectuer en fonction de la valeur de l’Étude, qu’elle détenait en totalité, une telle manière de procéder n’étant en rien arbitraire. Il n’était par conséquent pas nécessaire de faire procéder à une expertise pour déterminer la valeur vénale au 31 décembre 2018 et 2019 des actions de la holding, cette valeur résultant des calculs fondés sur la circulaire n° 28, étant souligné que les époux n’avaient pas allégués que les montants calculés par l’AFC-GE étaient incorrects.
B______ avait cédé à la holding, dont il était l’unique actionnaire et administrateur, les actions de l’Étude, dont il était également l’unique actionnaire et administrateur, à titre d’apport. Cette transaction ne s’était évidemment pas déroulée entre tiers indépendants, si bien que la valeur vénale ne correspondait pas au prix d’acquisition, mais devait être déterminée d’après les règles d’estimation de la circulaire n° 28. Tel avait été le cas lors de l’année fiscale 2018. Le fait qu’un changement considérable de la situation économique de la holding ou de l’Étude ait eu lieu entre 2018 et 2019 avait pour conséquence que la valeur déterminée ne pouvait être conservée et qu’elle devait à nouveau être déterminée d’après les mêmes règles d’estimation. À cet égard, la mention que la nouvelle estimation devait être revue avec la société ne signifiait pas que celle-ci devait dans tous les cas être interpellée.
E. a. Par acte posté le 26 juillet 2024, les époux A______ B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, subsidiairement à ce qu'une expertise soit ordonnée, à ce qu'il soit dit que les bordereaux entrepris étaient erronés en tant qu’ils retenaient une valeur de CHF 3’573’000.- et CHF 2’385’400.- respectivement en 2018 et 2019, à ce que l'AFC-GE soit invitée à émettre de nouveaux bordereaux ICC 2018 et 2019 conformes au droit et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
Le TAPI errait en affirmant qu'ils n'avaient pas allégué que les montants calculés par l'AFC-GE étaient incorrects, alors qu'ils affirmaient depuis le début de la procédure que la valeur totale correspondait peu ou prou à leur valeur nominale, soit CHF 100'000.-. L'interpellation de la société était obligatoire à rigueur de texte.
Le jugement attaqué violait leur droit d'être entendus en refusant de faire procéder à une expertise. La valeur d'un bien mobilier, tel que le capital-actions d'une société anonyme, relevait de l'établissement d'un fait, et était indispensable dès lors qu'en l'espèce il s'agissait d'un bien atypique requérant des connaissances spécifiques en matière d'évaluation. Ils citaient divers auteurs et jugements prônant différents critères d'évaluation pour conclure que le recours à des experts en la matière était indispensable pour définir le prix d'une entreprise ou la valorisation de titres non cotés en bourse.
b. Le 30 août 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Le TAPI retenait que les actions litigieuses faisaient partie de la fortune privée du contribuable. Les recourants ne contestant plus explicitement cette qualification, le litige était désormais circonscrit à la question de la valorisation de la valeur vénale desdites actions.
Elle avait évalué et taxé ces actions à leur vénale conformément aux règles de la circulaire n° 28. Le Tribunal fédéral avait avalisé à plusieurs reprises l'utilisation de la circulaire précitée pour l'évaluation des actions de l'Étude, si bien que l'interposition d'une holding entre cette dernière et le contribuable ne devait pas modifier la méthode d'évaluation.
c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 octobre 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
d. Le 3 octobre 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.
La valeur vénale des titres n'avait pas été calculée conformément à la circulaire n° 28 dès lors que la holding n'avait pas été interpellée, que l'évaluation ne tenait pas compte du fait que l'Étude était en liquidation, et que l'AFC-GE devant le TAPI n'avait émis aucune observation quant à l'évaluation des titres mais s'était concentrée sur une notion – contestée – d'évasion fiscale. Il était faux de dire que le Tribunal fédéral avait validé sans condition l'évaluation des titres de l'Étude à l'aune de la circulaire n° 28 sans recours possible à une expertise ; il avait validé le refus d'expertise uniquement à titre d'appréciation anticipée non arbitraire des preuves.
e. Le 3 juin 2024, l’AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d’observations complémentaires.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).
2. Les recourants reprochent au TAPI de ne pas avoir ordonné d'expertise et demandent à la chambre de céans à titre subsidiaire (et préalable) d'en ordonner une.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020 consid. 2a et les arrêts cités).
2.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA, qui parle à tort de maxime d’office). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).
2.3 En procédure administrative genevoise, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision ; elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 20 al. 1 LPA) ; elle recourt s’il y a lieu notamment aux témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 2 let. c LPA) ou à l’expertise (art. 20 al. 2 let. e LPA).
L’expertise représente un moyen de preuve (art. 38 LPA) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/1291/2024 du 5 novembre 2024 consid. 2.2 ; ATA/656/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités). À l'exception éventuelle du contenu du droit étranger, une expertise ne peut porter que sur des questions de fait et non de droit, la réponse à ces dernières incombant obligatoirement au juge (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2023 du 14 octobre 2024 consid. 5.2.1).
Dans le dernier arrêt rendu au sujet de l'évaluation des titres de l'Étude, le Tribunal fédéral a mentionné que la détermination ou l'évaluation de la valeur des titres concernait le fond du litige et non pas le droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_669/2022 du 24 août 2023 consid. 4.3), dès lors que la notion de valeur vénale relevait d'une question de droit alors que le prix effectivement obtenu relevait d'une question de fait (ATF 148 I 210 consid. 4.4.3).
2.4 En l'espèce, le montant du transfert des actions n'est aucunement contesté et ledit transfert ne s’est pas effectué entre tiers indépendants, ni même simplement entre tiers puisque le recourant était l'unique actionnaire des deux sociétés. Le choix de la méthode d'évaluation est, comme exposé ci-dessus, une question de droit qu'il incombe aux juridictions administratives de trancher. Il ne serait dès lors envisageable de mandater un expert que si le calcul de la valeur des titres sur la base de la méthode choisie posait des questions techniques hors de portée du juge, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. À cet égard, contrairement à ce que prétendent les recourants, le TAPI n'a nullement prétendu que la valeur des actions retenue par l'intimée n'était pas contestée, mais uniquement que le calcul de la valeur des titres par l'intimée sur la base de la circulaire n° 28 ne l'était pas – ce qui était vrai en première instance, quand bien même les recourants mettent désormais en cause ledit calcul dans leur écriture de réplique.
Le grief de violation du droit d'être entendu par le TAPI sera ainsi écarté et la demande de mise en œuvre d'une expertise par la chambre de céans rejetée.
3. Le TAPI a retenu que les actions litigieuses relevaient de la fortune privée du recourant. Quand bien même l'acte de recours ne revient plus expressément sur ce point, on ne saurait considérer avec l'intimée qu'il est acquis à ce stade.
Force est néanmoins de constater que les considérants sur ce point du jugement attaqué (consid. 5-16) sont entièrement conformes au droit, si bien que la chambre de céans ne peut qu'y renvoyer – ce que la jurisprudence admet (arrêt du Tribunal fédéral 1C_642/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.6.2) – et conclure avec l'instance précédente que le recourant, qui n'a déployé aucune activité indépendante en 2018 et 2019 et dont le transfert de titres ne correspond pas à un transfert de la propriété à titre onéreux avec financement par un emprunt générant des intérêts passifs, détenait les actions de la holding dans sa fortune privée.
Les recourants se plaignent néanmoins que l'AFC-GE, à la suite de l'assouplissement de sa pratique et de l'extension de la possibilité d’option de commercialisation d’une participation, considère que les conditions posées par cette extension de pratique soient réunies tout en retenant qu'ils ne peuvent en bénéficier car ils auraient tenté de commettre une évasion fiscale.
À cet égard, le point de vue soutenu par l'AFC-GE n'est pas critiquable. Le recourant n'a jamais indiqué dans quel but autre que de bénéficier d’une imposition plus favorable il avait créé la holding. Par ailleurs, si la nouvelle pratique lui était applicable, l’ancienne société, c'est-à-dire l'Étude, précédemment évaluée à la valeur vénale, serait indirectement évaluée à la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu, avec comme conséquence probable une diminution substantielle de l’impôt sur la fortune, ce sans aucune raison objective. Dès lors, l’interposition de la holding – laquelle se bornait en 2018 et 2019 à détenir les actions de l’Étude – entre le contribuable et l’Étude doit bien être considérée comme étant abusive et constitutive d’une évasion fiscale, si bien qu'il était légitime de ne pas faire bénéficier les recourants de la nouvelle pratique.
4. Il convient ensuite de déterminer la valeur des actions de la holding, qui constituent des titres non cotés en bourse.
4.1 L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID et 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP). L’état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l’année pour laquelle l’impôt est dû (art. 49 al. 1 LIPP).
4.2 La fortune est estimée à sa valeur vénale (art. 14 al. 1 LHID et art. 49 al. 2 LIPP). La valeur vénale constitue une notion juridique indéterminée qui relève du droit (ATF 148 I 210 consid. 4.4.3 et les références citées). Elle est la valeur marchande objective d'un actif à un moment donné, soit la valeur qu'un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 4.1 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 26a).
4.3 L'évaluation selon la valeur vénale est obligatoire pour les cantons. La LHID ne prescrit toutefois pas au législateur cantonal de méthode d'évaluation précise pour déterminer cette valeur (ATF 134 II 207 consid. 3.6). Les cantons disposent donc en la matière d'une marge de manœuvre importante pour élaborer et mettre en œuvre leur réglementation, aussi bien quant au choix de la méthode de calcul applicable pour estimer la valeur vénale que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1 2ème phr. LHID, dans quelle mesure le critère du rendement doit, le cas échéant, également être intégré dans l’estimation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1). Un certain schématisme est admis en la matière, pourvu que l’évaluation ne soit pas fondée sur le seul critère du rendement et qu’elle n’aboutisse pas à des résultats qui s’écartent par trop de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 3.1 ; ATA/919/2022 précité consid. 26b ; ATA/71/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5a).
4.4 L'évaluation de titres non cotés fait l'objet de la circulaire n° 28 de la CSI, laquelle édite en outre annuellement le commentaire afin de refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence. Cette circulaire concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation et la jurisprudence a souligné qu’elle poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID. En tant que directive, la circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge (arrêts du Tribunal fédéral 2C_321/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2.3 ; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1, in RF 70 2015 432 ; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6, in RDAF 2015 II 34 [rés.]). La circulaire n° 28 est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 5.6.5, non publié in ATF 147 II 155 ; 2C_953/2019 précité consid. 4.2 ; 2C_1082/2013 précité consid. 5.3.1).
Selon la circulaire n° 28, la valeur des titres correspond à la moyenne pondérée entre la valeur de rendement, doublée, et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation (ch. 34 de la circulaire n° 28). La valeur de rendement s'obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire n° 28). Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 5.3.1 ; 2C_309/2013 du 13 septembre 2013 consid. 3.6, in RDAF 2014 II 346).
Les contrats de droit privé, comme les conventions d'actionnaires qui restreignent la transmissibilité des titres, restent sans influence sur l'estimation de ceux-ci (chap. A/2, ch. 4 de la circulaire n° 28), tout comme les engagements que les parties prennent volontairement (commentaire, p. 6). Si, dans des cas exceptionnels, une entreprise ne peut être aliénée, ou est difficilement aliénable à la valeur de rendement, en particulier si son rendement repose exclusivement ou presque sur la performance d’une personne unique détenant la totalité ou la majorité des droits de participation de celle-ci et que la création de valeur de l’entreprise est obtenue uniquement par le détenteur d’une participation majoritaire et si l’entreprise n’emploie pas d’autres personnes hormis quelques-unes occupées à des tâches d’administration et de logistique, l’autorité fiscale peut prendre en considération cette situation par une pondération simple de la valeur de rendement, c’est-à-dire non doublée, et de la valeur de substance (commentaire, p. 16 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 4.5 ; 2C_1057/2018 précité consid. 4.2.2 ; ATA/530/2020 du 26 mai 2020 consid. 6d). La circulaire réserve toutefois des situations où seule la valeur substantielle de la société est prise en compte, ce qui est le cas des sociétés nouvellement constituées (ch. 32 de la circulaire), des sociétés holding, de gestion de fortune et de financement, ainsi que les sociétés immobilières (ch. 38 et 42 de la circulaire).
Les principes d'estimation de la circulaire doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique. Les instructions de ladite circulaire reposent sur la constatation empirique que la valeur vénale dépend du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice ainsi que de la rentabilité de la société, et qu'elle est influencée par d'autres facteurs comme par exemple la fortune, les liquidités, la stabilité de la marche des affaires, etc. (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 précité consid. 5.5 ; ATA/1013/2020 du 13 octobre 2020 consid. 2h).
Les critères déterminants permettant de juger d’un changement de la situation économique d’une entreprise sont le bénéfice, le chiffre d'affaires, les fonds propres et les rapports de participation. En règle générale, doivent être qualifiés de considérable une variation du chiffre d’affaires de 20 %, une variation du capital de 10 % qui ne résulterait pas du bénéfice ordinaire ou un changement dans les rapports de participations à hauteur de 10 %. Si l'une de ces conditions est remplie, l'estimation doit être revue conformément au chiffre 5 avec la société (commentaire, p. 4).
C’est l’approche « technique » ou « juridique » qui est déterminante pour la valeur vénale et non une approche « économique » subjective. Ainsi, le contribuable concerné ne peut pas soutenir une valeur patrimoniale qui se baserait sur des circonstances individuelles (commentaire, p. 4 et la référence citée).
4.5 Le Tribunal fédéral a précisé que l’actionnaire unique qui renonce à se faire rémunérer pour son activité ne saurait se plaindre de ce qu’il en résulte une valeur de rendement et fiscale plus élevée qui serait sans lien avec la réalité. Cette valeur plus élevée est en effet la conséquence du choix économique voire fiscal en lien avec l'imposition du revenu qu’a fait le contribuable de ne pas percevoir de rémunération, augmentant ainsi la valeur de ses titres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité).
Dans l'arrêt déjà cité portant sur l'évaluation des actions de l'Étude pour les périodes fiscales 2009 à 2013, le Tribunal fédéral a retenu que la chambre de céans avait confirmé l'application de la méthode dite « des praticiens », mais en tenant compte d'une pondération simple. Ce faisant, elle s'était notamment fondée sur l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité qui portait sur la même question litigieuse et qui concernait les mêmes contribuables (arrêt du Tribunal fédéral 9C_669/2022 précité consid. 6.2). L'évaluation des actions de l'Étude relevait d'une application correcte de la méthode dite « des praticiens », telle que préconisée par la circulaire n° 28 ; même si cette méthode ne liait pas le juge, elle était réputée constituer une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés en bourse. De plus, l'AFC-GE avait tenu compte de la structure particulière de l'Étude (actionnaire unique dont les résultats dépendaient exclusivement de son activité) en effectuant une pondération simple de la valeur de rendement et non pas doublée de la valeur de rendement contrairement à ce que préconise en principe la méthode dite « des praticiens » (ibid., consid. 7).
4.6 En l'espèce, la seule différence factuelle entre la situation lors des deux exercices fiscaux considérés, soit 2018 et 2019, et ceux ayant donné lieu aux décisions judiciaires qui précèdent est le transfert des actions de l'Étude à la holding. Dans la mesure où, d'une part, le recourant était l'unique actionnaire des deux sociétés et où, d'autre part, la holding se bornait en 2018 et 2019 à détenir les actions de l’Étude, on ne voit pas en quoi ce transfert modifierait la valeur vénale des actions, lesquelles correspondent en définitive à la même réalité, et avaient du reste la même valeur nominale.
Il résulte dès lors des principes rappelés ci-dessus que les principes utilisés par l'intimée pour évaluer les actions litigieuses sont corrects. L'AFC-GE a ainsi utilisé la méthode « des praticiens », tout en prenant une valeur de rendement simple pour tenir compte du fait que la société était tributaire des prestations et performances de son ayant droit et actionnaire dominant. Elle a également recalculé cette valeur (à la baisse) pour l'année 2019.
Dans leur dernière écriture, les recourants s'en prennent à ce calcul sur trois points, à savoir que la holding n'avait pas été interpellée avant de procéder à la réévaluation, que l'évaluation ne tenait pas compte du fait que l'Étude était en liquidation, et que l'AFC-GE devant le TAPI n'avait émis aucune observation quant à l'évaluation des titres mais s'était concentrée sur une notion – contestée – d'évasion fiscale.
Pour le premier de ces points, les recourants font grand cas du commentaire, qui indique que si l'une des conditions (pour admettre un changement considérable de la situation économique de l'entreprise) est remplie, l'estimation doit être revue avec la société. Ce passage du commentaire a trait au ch. 2.5 de la circulaire n° 28, qui ne prévoit pas une telle collaboration, encore moins de manière obligatoire – étant rappelé que la circulaire n° 28 elle-même ne constitue pas du droit obligatoire quand bien même les principes qu'elle contient constituent selon le Tribunal fédéral une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés en bourse. Il convient en outre de rappeler que la réévaluation qui a eu lieu en 2019 a débouché sur une baisse de la valeur vénale et était donc favorable aux recourants. Il n'y a dès lors pas lieu d'invalider le calcul effectué par l'intimée pour ce motif.
Les recourants semblent également se prévaloir de ce que l'Étude est en liquidation. Toutefois, cette mise en liquidation date de décembre 2023, si bien qu'elle ne saurait avoir d'influence sur la valeur vénale des actions lors des périodes fiscales litigieuses, à savoir 2018 et 2019.
Enfin, il a déjà été retenu ci-dessus que la non-application par l'AFC-GE de l'extension de sa pratique et le grief d'évasion fiscale étaient fondés, si bien qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.
Les griefs en lien avec le calcul de la valeur des titres considérés seront ainsi écartés et le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.
5. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 26 juillet 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 1'000.- ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à LAMBELET & ASSOCIÉS SA, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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