Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/268/2025 du 18.03.2025 ( LIPAD ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3612/2024-LIPAD ATA/268/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 18 mars 2025 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Alexander BLARER, avocat
contre
UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée
A. a. A______, ressortissante biélorusse née le ______ 1995, est titulaire d’un diplôme de Medical Doctor obtenu à la Vitebsk State Medical University.
Depuis 2021, elle suit un Master in Systems Biology Program au sein de l’Université de Luxembourg.
b. En 2022, elle a obtenu une bourse d’excellence de la commission fédérale des bourses pour étudiants étrangers (CFBE), qui lui a permis de s’immatriculer à la faculté de médecine (ci-après : la faculté) de l’Université de Genève (UNIGE) pour un séjour de recherche de septembre 2022 à août 2023.
La bourse d’excellence a été prolongée jusqu’au 31 août 2024.
c. Le 1er septembre 2022, A______ s’est inscrite à un doctorat en sciences biomédicales sous la direction des Professeurs B______ et C______.
Après avoir obtenu les crédits nécessaires au doctorat, elle a échoué à la première tentative de l’examen Thesis Advisory Committee (TAC), prérequis pour la soutenance de sa thèse.
d. À partir du 15 janvier 2023, elle a travaillé en tant qu’assistante de recherche de la Prof. C______ à un taux d’activité de 35% jusqu’au 31 août 2023, puis de 30% jusqu’au 31 août 2024. Il était prévu que son contrat prenne fin à cette date sauf reconduction stipulée par écrit.
Selon les allégations de la doctorante, lors d’une séance le 24 janvier 2024 avec D______, responsable du service des ressources humaines (RH) de l’UNIGE, elle a été informée par cette dernière d’un courrier électronique de résiliation de son contrat de travail par la Prof. C______, daté de décembre 2023.
e. A______ se trouve en incapacité de travail depuis le 30 janvier 2024. Elle n’a en conséquence pas pu effectuer sa seconde tentative d’examen TAC.
Selon un certificat médical du 19 mars 2024 du service santé des étudiants de l’UNIGE, elle est confrontée à une situation particulièrement conflictuelle dans le cadre professionnel et souffre de symptômes anxiodépressifs menant à des idées suicidaires.
f. La doctorante a fait part de ses difficultés aux Professeures E______, directrice du programme en sciences biomédicales, et F______, qu’elle a rencontrées plusieurs fois en novembre et décembre 2023.
g. Le 2 février 2024, ses directeurs de thèse n’ont pas recommandé à la déléguée à l’UNIGE de la CFBE, soit à la Professeure G______, la poursuite de sa bourse d’excellence. Quel que serait le résultat de sa seconde tentative à l’examen TAC, ils ne pouvaient pas envisager la poursuite de leur supervision.
h. Le 12 août 2024, la CFBE a informé la doctorante de la fin du versement de la bourse au 31 août 2024.
i. Par décision du 30 septembre 2024, le doyen de la faculté a révoqué l’inscription d’A______ au doctorat, décision contre laquelle cette dernière a formé opposition. La procédure y relative est pendante.
B. a. Le 20 mars 2024, A______ a sollicité auprès du service RH la remise de son dossier personnel.
b. Le 19 avril suivant, elle l’a consulté et constaté qu’il ne contenait que quelques courriels au sujet de son doctorat, des documents concernant la bourse d’excellence et son permis de travail.
Elle s’en est plainte et des documents supplémentaires lui ont été communiqués par courriel.
La doctorante a de nouveau déploré l’absence de nombreuses pièces, dont notamment la lettre de licenciement qui lui avait été soumise le 24 janvier 2024, plusieurs courriers la concernant ainsi que ses fiches et certificats de salaire.
Le service RH lui a répondu que tout son dossier lui avait été remis, qu’il n’existait pas de lettre de licenciement et que les fiches de salaire, dont il n’avait aucune copie, lui avaient été directement envoyées par l’office compétent.
c. Le 29 avril 2024, la doctorante s’est adressée au service juridique de l’UNIGE, lequel lui a confirmé que son dossier administratif lui avait été intégralement remis, tout comme son dossier d’étudiante. Il n’existait pas de courriel demandant son licenciement. Son nom ne figurait dans aucun registre, en particulier pas dans celui tenu par sa directrice de thèse. Lorsqu’elle avait récupéré à la demande de cette dernière, début janvier 2023, un échantillon de tumeur prélevé aux Hôpitaux universitaires genevois (HUG) sur une patiente participant à un essai clinique, la coordinatrice de recherche lui avait demandé son curriculum vitae afin de s’assurer de ses qualifications, sans le conserver.
d. Dans un courriel du 14 mai 2024 au doyen de la faculté et à la directrice du programme en sciences biomédicales, la doctorante a spécifié requérir les documents suivants :
- copie du registre « Targeting PARP Inhibitor Resistance » (BASEC ID 2022-01448 ; ci-après : le registre TPIR) tenu par la Prof. C______ pour la mise en œuvre d’essais cliniques, avec indication des modifications apportées audit registre de 2022 à 2024, ainsi que pour le projet de recherche en général et les personnes habilitées à travailler sur ledit projet et à accéder aux données des patients ; son nom devait y figurer dès lors qu’elle avait travaillé sur les échantillons ;
- copie de la correspondance électronique la concernant entre les Prof. B______, C______, E______ et F______ ainsi que D______ et tout autre intervenant (service comptabilité, etc.) ;
- copie du courrier électronique envoyé par la Prof. C______ à D______, fin décembre 2023, concernant son licenciement ;
- copie de la correspondance électronique et sous forme papier entre « Mme H______ et Mme G______ » à son sujet ;
- copie du contrat de bourse entre la Prof. C______ et le US Department of Defense (Ovarian Cancer Research Program) contenant les directives, conditions et consignes concernant l’allocation des ressources et les méthodes de recherche (ci-après : le contrat de bourse) ;
- copie de son certificat de travail intermédiaire ;
- copie de la correspondance électronique et sous forme papier entre les Prof. B______ et C______ et la CFBE.
L’UNIGE lui a transmis un certificat de travail intermédiaire et trois courriers entre les directeurs de thèse et la CFBE des 2 décembre 2021, 20 janvier 2023 et 2 février 2024. Elle a en revanche refusé l’accès aux autres documents sollicités au motif qu’ils ne relevaient pas du dossier administratif de la doctorante ou, en ce qui concernait le registre TPIR et le contrat de bourse, qu’ils avaient trait à des recherches en cours et que ledit registre contenait des données médicales collectées par les HUG.
e. Le 9 juillet 2024, la doctorante a sollicité du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé) une médiation, visant l’accès aux documents listés ci-dessus, à l’exception du certificat de travail intermédiaire.
La médiation n’a toutefois pas abouti.
f. Le 22 août 2024, la doctorante a sollicité des HUG la copie du registre TPIR qu’ils détenaient ainsi que de la correspondance la concernant, reçue et émise par sa collègue au laboratoire et la Prof. C______.
g. Le 19 septembre 2024, le préposé a recommandé à l’UNIGE la transmission de la copie du contrat de bourse, à l’exception des éléments se rapportant à l’objet de la recherche scientifique en cours, mais non celle de la correspondance requise, pour autant qu’elle fasse partie d’échanges purement internes entre des collaborateurs.
Le préposé n’avait pas consulté le registre TPIR, détenu par les HUG, lesquels avaient indiqué examiner la demande d’accès de la doctorante y relative. Il n’avait donc pas pu se prononcer à ce stade sur la communication de ce document.
En l’absence d’indice contraire, il avait pris note de l’inexistence selon l’UNIGE d’un courriel concernant le licenciement d’A______. Il n’avait pas pu prendre connaissance des autres courriers requis mais, dans la mesure où il s’agissait d’échanges purement internes entre des collaborateurs de l’UNIGE, il existait un intérêt public prépondérant à ne pas rendre accessibles la formation interne de l’opinion de l’institution et la libre communication entre les collaborateurs traitant le dossier d’un membre du personnel.
Il n’était pas certain que le contrat de bourse pût indûment révéler l’objet ou le résultat de recherches scientifiques en cours ou en voie de publication, mais les éléments y relatifs pouvaient en être retranchés.
La doctorante avait pour le surplus eu accès à l’ensemble de son dossier administratif et de son dossier d’étudiante. L’UNIGE avait confirmé que son nom ne figurait dans aucun registre tenu par sa directrice de thèse.
h. Le 26 septembre 2024, les HUG ont répondu à la doctorante qu’elle n’apparaissait dans aucun registre tenu par la Prof. C______ concernant un projet de recherche auquel elle aurait participé. Son nom ne figurait en particulier dans aucun document concernant le projet TPIR, pour lequel elle n’avait pas collecté de données ni d’échantillons de patients. Aucun document y relatif ne pouvait dès lors lui être transmis.
La correspondance électronique requise, pour autant qu’elle existât, avait été intégrée à son dossier auprès de l’UNIGE, dès lors qu’elle n’avait aucun lien administratif avec les HUG. Les échanges purement internes entre les collaborateurs ne lui étaient pour le surplus pas accessibles.
Les HUG ont précisé à la doctorante qu’en cas de désaccord, elle pouvait saisir le préposé dans un délai de dix jours.
i. Par décision du 1er octobre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’UNIGE, faisant siennes les constatations du préposé, a transmis à la doctorante une version caviardée du contrat de bourse et de ses annexes, en y retranchant les éléments se rapportant à l’objet de la recherche scientifique en cours. L’UNIGE a par contre refusé de transmettre la correspondance interne sollicitée, qui ne constituait pas des « rapports administratifs » et relevait d’échanges purement internes. Il existait un intérêt public prépondérant à ce que les processus décisionnels au sein de l’institution ne soient pas entravés. Il en allait de la formation interne de l’opinion de l’administration et de la libre communication entre les collaborateurs traitant le dossier d’un membre du personnel.
C. a. Par acte posté le 30 octobre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’UNIGE de lui donner accès aux documents sollicités. Elle a repris dans ses conclusions la liste soumise au préposé, en y incluant la copie du registre TPIR, mais non celle du contrat de bourse.
La notion de « données » ou de « documents » auxquels elle devait avoir accès au sens de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) excédait largement celle de « dossier administratif » à laquelle l’intimée se limitait. À admettre qu’elle ne pourrait avoir accès qu’à un tel dossier, celui-ci devrait comprendre, outre les « rapports administratifs » au sens du règlement sur le personnel de l'université du 17 mars 2009 (RPers), toute la correspondance la concernant ayant trait à ses rapports de travail, sa bourse d’excellence et sa thèse de doctorat.
Cette correspondance ne correspondait pas non plus à la définition de « document interne » à la consultation de laquelle l’intimée pouvait s’opposer. De même que le registre TPIR, ladite correspondance ne constituait pas des documents à usage personnel, inachevés ou émanant de membres de l’autorité remplissant une fonction pour laquelle la loi prévoyait une restriction au droit d’accès aux documents. Elle ne pouvait pas servir à la prise d’une décision, leurs auteurs n’étant pas membres d’une instance dotée d’un pouvoir de décision et la doctorante étant liée par un contrat de travail. Elle n’avait pas trait à un examen universitaire, mais à l’accomplissement de recherches doctorales et à la relation de travail de la recourante.
L’intimée ne pouvait pas se prévaloir d’un intérêt public prépondérant constitué par la libre communication entre collaborateurs traitant le dossier d’un membre du personnel ou d’une étudiante. Un tel intérêt n’était nullement mentionné comme tel dans la LIPAD et la correspondance comprenait, outre des jugements de valeur, des faits objectifs. L’intérêt de la recourante à l’accès à ses données aux fins de preuves était supérieur. Son état de santé, la fin de la supervision de sa thèse et la révocation de son inscription à la faculté, indues, l’empêchaient de travailler et de finir sa thèse, ce qui mettait en péril son avenir économique. L’intimée avait choisi de ne rien communiquer sans même envisager la communication partielle et caviardée de la correspondance requise.
L’intimée avait par ailleurs excessivement caviardé le contrat de bourse, rendant impossible la vérification du respect des directives, conditions et consignes afférentes à l’allocation des ressources et aux méthodes de recherche.
b. L’intimée a conclu au rejet du recours.
La recourante avait eu accès à l’intégralité de son dossier administratif et de son dossier d’étudiante, comprenant l’ensemble des données personnelles la concernant.
La correspondance requise consistait en des échanges entres des membres du personnel traitant son dossier, soit des actes internes de formation de volonté. L’intérêt public à l’absence d’entrave au processus décisionnel et à la libre communication entre collaborateurs prévalait.
La correspondance entre les directeurs de thèse et la CFBE avait déjà été communiquée à la recourante.
La Prof. C______ n’avait pas demandé, fin décembre 2023, son licenciement par courriel. Une spécialiste RH du décanat de la faculté avait par contre adressé à D______ une demande de renseignement concernant les conditions de résiliation de son engagement. Tout échange de ce type concernant la fin de ses rapports de travail constituait toutefois un acte interne n’ayant pas à figurer dans son dossier personnel.
L’accès demandé au registre TPIR portait en réalité sur une biobanque appartenant aux HUG, qui n’était pas un « registre » au sens de l’art. 25 LIPAD et dont l’accès était de toute manière exclu par sa nature à révéler l’objet ou le résultat de recherches scientifiques en cours.
La recourante critiquait les modalités d’accès au contrat de bourse, mais elle ne concluait plus à sa production.
c. Dans sa réplique, la recourante a, en sus, requis la production de la demande de renseignement susmentionnée du décanat de la faculté, dont elle avait appris l’existence seulement en prenant connaissance de la réponse de l’intimée.
La correspondance litigieuse constituait des documents au sens de la LIPAD, à savoir des supports d’informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique. Renfermant des textes achevés et envoyés à leur destinataire, sa nature n’en faisait pas des documents à usage personnel.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 60 al. 1 LIPAD).
2. Il importe de délimiter l’objet de la présente cause conformément au cadre défini par la LIPAD.
2.1 La LIPAD comporte deux volets. Le premier concerne l'information du public et l'accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).
La LIPAD s’applique notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD).
2.2 Aux termes de l’art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la loi.
L’art. 28 LIPAD prévoit notamment que la demande d’accès n’est en principe soumise à aucune exigence de forme (al. 1 1e phrase) et que lorsqu’une institution entend la rejeter, elle en informe le requérant en lui indiquant qu’il peut saisir le préposé (al. 6 1e phrase).
Selon l’art. 30 LIPAD, ce dernier est saisi par une requête écrite de médiation sommairement motivée à l’initiative d’un requérant dont la demande d’accès à un document n’est pas satisfaite (al. 1 let. a). Si la médiation échoue, le préposé formule, à l’adresse du requérant ainsi que de l’institution ou des institutions concernées, une recommandation écrite sur la communication du document considéré. L’institution concernée rend alors dans les dix jours une décision (al. 5).
Aux termes de l’art. 60 al. 1 LIPAD, seule cette décision est sujette à recours, à l’exclusion des déterminations et autres mesures émanant des institutions.
L'absence de recommandation sur la communication du document requis constitue un vice procédural incompatible avec les exigences découlant de la procédure de médiation. Il ressort tant du texte de la LIPAD que des travaux préparatoires y relatifs que le préposé a un poids prépondérant puisqu'il est chargé de veiller à sa bonne application et a l'obligation de prendre position sur la communication du document litigieux. Sa recommandation, même si elle n'est pas contraignante, est importante puisqu'elle permet d'orienter l'autorité dans sa future décision. Une recommandation par laquelle le préposé s'abstiendrait de prendre position n'est pas suffisante pour répondre aux exigences de l'art. 30 al. 5 LIPAD (ATA/1446/2024 du 31 janvier 2025 consid. 4.3 et 4.4 ; ATA/1354/2023 du 19 décembre 2023 consid. 5.4
2.3 L’art. 69 al. 1 LPA prévoit que la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs invoqués.
2.4 En l’espèce, l’intimée et les HUG sont des établissements de droit public (art. 1 al. 1 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 - LU - C 1 30 ; art. 1 et 5 al. 1 de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 - LEPM - K 2 05). Ils sont donc soumis à la LIPAD.
La recourante a saisi le préposé d’une requête en médiation visant l’accès à des documents en possession de l’intimée, comprenant les copies du registre TPIR et du contrat de bourse.
Il résulte toutefois de la procédure que le premier document est en possession des HUG et que le préposé ne l’a pas consulté au vu de la demande d’accès en cours auprès de ces derniers au moment de sa saisine. Il ne s’est ainsi pas prononcé sur ce point. Les HUG ont finalement refusé la demande d’accès au registre TPIR et la recourante n’allègue pas avoir saisi le préposé de cette décision, alors qu’elle avait été invitée à le faire en cas de désaccord.
L’intimée ne s’est ainsi à bon droit pas prononcée sur l’accès au registre TPIR dès lors qu’elle n’en avait pas la possession. Une décision sur ce point était également procéduralement exclue par le fait que le préposé n’avait pas pris position à ce sujet dans sa recommandation du 19 septembre 2024. Aussi, les conclusions de la recourante visant l’accès au registre TPIR sont irrecevables et ce point ne sera pas examiné au fond. Il est rappelé que seule la décision d’une institution rendue après la recommandation du préposé est sujette à recours, à l’exclusion des déterminations antérieures.
Comme relevé par l’intimée, la recourante critique aussi les modalités du caviardage du contrat de bourse lui ayant été remis, sans toutefois conclure à ce que ce document lui soit transmis sous une autre forme. La chambre, liée par les conclusions des parties, n’examinera dès lors pas les modalités d’accès au contrat de bourse.
2.5 En conclusion, la présente cause concerne le rejet par l’intimée d’une demande d’accès aux documents au sens de l’art. 28 LIPAD et son objet est circonscrit à la copie de la correspondance requise par le recourante.
L’intimée a indiqué à cet égard de manière constante qu’il n’existait aucun courriel de la Prof. C______ à la responsable RH concernant le licenciement de la recourante. Il n’y a pas lieu de remettre en doute ce fait, dès lors que cette dernière n’a pas été licenciée et qu’à teneur du dossier, son contrat a pris fin à son échéance le 31 août 2024.
Il résulte également du dossier, dans lequel figurent les lettres des directeurs de thèse à la CFBE, que la recourante a reçu l’intégralité de la correspondance entre les précités. Ces courriers concernent successivement la demande de bourse de la recourante, sa prolongation et la fin de la supervision de la thèse. On ne peut déduire ni du dossier, ni des allégations de la recourante qu’une partie de cette correspondance ferait défaut.
3. Au vu de ce qui précède, il reste à examiner la conformité au droit du refus de l’intimée de donner accès à la recourante à la correspondance la concernant entre les Prof. B______, C______, E______ et F______, ainsi que D______ et tout autre intervenant, respectivement entre Mme H______ et la Prof. G______.
3.1 L’UNIGE est l’employeur de son personnel (art. 13 al. 1 LU).
Aux termes de l’art. 18 al. 1 RPers, tout membre du corps enseignant peut prendre connaissance de l’ensemble des rapports administratifs le concernant (al. 1).
L’administration peut toutefois s'opposer à la consultation par l'administré des documents internes qui figurent dans un dossier. Par documents internes, il faut comprendre les pièces qui ne constituent pas des moyens de preuve pour le traitement du cas, mais qui servent au contraire exclusivement à la formation interne de l'opinion de l'administration et sont destinées à un usage interne, telles que notes, avis personnels donnés par un fonctionnaire à un autre, projets, rapports, propositions, etc. L'exclusion de ces documents du droit à la consultation du dossier a pour but d'éviter qu'au-delà des pièces décisives du dossier et des décisions motivées prises par l'administration, la formation interne de l'opinion de celle-ci ne soit entièrement portée à la connaissance du public (ATF 129 IV 141 consid. 3.3.1 ; 125 II 473 consid. 4a).
3.2 Aux termes de l’art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la loi.
L’art. 25 LIPAD définit les documents comme tous les supports d’informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique (al. 1). Sont notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (al. 2). Les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux non encore approuvés ne constituent pas des documents (al.4).
Selon l’art. 6 du règlement d'application de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 21 décembre 2011 (RIPAD – A 2 08.01), constituent notamment des notes à usage personnel, qu’elles soient manuscrites ou non et quels qu’en soient la forme ou le support : les notes prises en vue de la rédaction future d’un document (a) ; les notes de séance éventuellement prises à défaut d’une obligation légale ou réglementaire d’élaborer des procès-verbaux (b) ; les notes prises dans le cadre d’un entretien d’embauche et les écrits ou tableaux établis dans la suite de la procédure, jusqu’à l’engagement ou la réponse négative à une postulation (c). Selon l’exposé des motifs afférent à cette disposition, il s’agit de notes prises à l’usage exclusif de celui qui les prend, et non les notes adressées même confidentiellement à une personne déterminée, ainsi que les brouillons ou autres textes inachevés. Quand bien même elles concerneraient l’accomplissement de tâches publiques, des notes à usage personnel de collaborateurs de la fonction publique relèvent en quelque sorte de la sphère privée de ces derniers. Il importe par ailleurs que les rédacteurs de documents puissent faire évoluer leurs textes et travailler dans des conditions de sérénité avant qu’il ne soit possible d’accéder au produit de leur travail (MGC 2000 45/VIII 7693).
Le document au sens de l’art. 25 LIPAD doit avoir un contenu informationnel, c'est-à-dire contenir un élément de connaissance ou un renseignement, quelle qu'en soit la nature, à condition toutefois qu'il concerne l'accomplissement d'une tâche publique, à savoir une activité étatique ou paraétatique. Tant les activités étatiques que paraétatiques doivent en effet échapper au secret, sur le plan du principe, en tant qu’elles servent à l’accomplissement de tâches publiques financées au moyen des deniers publics (ATA/1137/2023 du 17 octobre 2023 consid. 3.4).
3.3 Aux termes de l’art. 26 LIPAD, les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la loi (al. 1). Tel est le cas, notamment, lorsque l’accès aux documents est propre à entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d’une institution (al. 2 let. c) ou porter atteinte à la sphère privée ou familiale (al. 2 let. g).
Selon l’exposé des motifs concernant la sauvegarde du processus décisionnel, celle-ci représente une exception classique au droit d’accès aux documents. Il s’agit de préserver la faculté des organes et administrations des institutions de réfléchir, de consulter, de rédiger plusieurs projets d’une éventuelle décision avant d’arrêter son choix. Plutôt que de supprimer purement et simplement l’accès à des documents préparatoires tant que la décision n’a pas été prise, la formule retenue limite le refus d’accès aux documents relatifs à une décision en préparation au cas où une telle communication serait de nature à entraver notablement le processus décisionnel, par souci de ne pas vider le principe de la transparence de sa substance. Il importe également que la communication de documents ne compromette pas des négociations en cours, que ce soit sur un plan purement politique (par exemple dans le cadre de discussions avec les représentants de la fonction publique), sur le plan de relations avec d’autres institutions ou collectivités publiques, sur le plan de relations de droit public (par exemple en matière d’octroi de concessions) ou encore sur le plan de relations contractuelles soumises au droit privé (MGC 2000 45/VIII 7696).
3.4 La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3) vise à promouvoir au plan fédéral la transparence quant à la mission, l’organisation et l’activité de l’administration fédérale, en garantissant notamment l’accès aux documents officiels (art. 1 LTrans). Par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur la transparence visent le même but et reprennent des principes de base globalement identiques, la jurisprudence rendue sur la base de la LTrans peut en principe être transposée à la LIPAD (ATA/39/2022 du 18 janvier 2022 consid. 7b).
L’art. 6 al. 1 LTrans donne à toute personne le droit de consulter des documents officiels et d’obtenir des renseignements sur leur contenu de la part des autorités.
L’art. 5 al. 1 LTrans définit un document officiel comme toute information qui a été enregistrée sur un quelconque support (a), qui est détenue par l’autorité dont elle émane ou à laquelle elle a été communiquée (b) et qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique (c). Aux termes de l’art. 5 al. 3 LTrans, ne sont pas considérés comme des documents officiels les documents qui sont commercialisés par une autorité (a), qui n’ont pas atteint leur stade définitif d’élaboration (b) ou qui sont destinés à l’usage personnel (c).
Selon l’art. 1 al. 2 de l'ordonnance sur le principe de la transparence dans l'administration du 24 mai 2006 (OTrans; RS 152.31), un document a atteint son stade définitif d’élaboration lorsque l’autorité dont il émane l’a signé (a) ou que son auteur l'a définitivement remis au destinataire notamment à titre d'information ou pour que celui-ci prenne position ou une décision (b). On entend par document destiné à l’usage personnel, toute information établie à des fins professionnelles mais qui est utilisée exclusivement par son auteur ou par un cercle restreint de personnes comme moyen auxiliaire, tel que des notes ou des copies de travail (art. 1 al. 3 OTrans).
Cette entorse au principe de transparence est motivée par le souci de préserver l'autonomie d'action de l'administration qui doit pouvoir modifier et faire évoluer ses projets avec toute la latitude nécessaire. Afin d'illustrer la notion de document inachevé, on citera par exemple un texte raturé ou annoté – de manière manuscrite ou électronique – avant sa correction définitive, un tableau récapitulatif en cours d'élaboration, la version provisoire d'un rapport, l'esquisse d'un projet, les brouillons de séance, les notes de travail informelles, les ébauches de texte, les notes récapitulatives en vue d'une réunion ou encore les notes établies lors de l'exécution de révisions internes et qui forment la base pour un rapport de révision. La notion de document achevé ou inachevé est un concept juridiquement indéterminé. C'est à la pratique et à la jurisprudence qu'il incombera de la préciser (arrêt du Tribunal fédéral 1C_637/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.3).
3.5 En l’espèce, la recourante, à laquelle a été remis son dossier d’étudiante et d’employée en possession de l’intimée, a eu accès à plusieurs documents émanant des personnes concernées par la correspondance requise. Outre la copie des courriers mentionnés plus haut de ses directeurs de thèse à la CFBE, soit pour elle à la Prof. G______, son dossier comporte une copie de sa correspondance avec la coordinatrice de l’école doctorale en sciences de la vie et celle avec les Prof. E______ et F______ en 2023.
Figurent pour le surplus à son dossier les décisions et autres documents formels concernant sa bourse d’excellence, son doctorat et ses rapports de travail en qualité d’assistante.
3.6 La recourante souhaite en sus avoir accès à toute la correspondance la concernant entre ses directeurs de thèse, les Prof. E______, F______ et G______, la responsable RH ainsi que tout autre intervenant. Il n’est toutefois pas possible de déduire du dossier ou des écritures des parties quelle correspondance émanant des personnes précitées, déterminante quant à son statut de doctorante ou d’étudiante, ferait défaut, que ce soit au sujet de son travail de recherche, de ses examens, de sa bourse ou de son contrat de travail.
La recourante ne peut pas prétendre à accéder à toute la correspondance entre ces personnes dont elle serait le sujet, quel qu’en soit le support. La correspondance répond certes à la définition de document au sens de l’art. 25 al. 1 et 2 LIPAD, mais pour être accessible, elle doit comporter une information concernant l’accomplissement d’une tâche publique, soit en l’occurrence influant sur le statut d’employée ou d’étudiante de la recourante. Il pourrait s’agir d’un préavis formel, d’une demande de renseignement ou d’une information à une autorité tierce. Dans le cas contraire, elle consiste en échanges de vues informels de renseignements, de recherches ou de réflexions entre membres d’une même autorité dans le cadre de leurs fonctions. Elle est assimilable à des notes à usage personnel au sens de l’art. 25 al. 4 LIPAD, à des documents destinés à l’usage personnel au sens de l’art. 5 al. 3 let. c LTrans, dont les principes peuvent être transposés sur le plan cantonal, ou à des documents internes à exclure du dossier d’un administré pour protéger la formation de l’opinion de l’administration selon la jurisprudence topique.
On ne peut exclure le caractère personnel d’une correspondance au seul motif qu’elle est échangée pour le moins entre deux personnes. Contrairement au texte de l’exposé des motifs relatif à l’art. 25 al. 4 LIPAD, le fait qu’un document soit utilisé par plusieurs collaborateurs n’est pas déterminant. Comme cela ressort de l’art. 1 al. 3 OTrans et plus généralement de la jurisprudence susmentionnée, pour autant qu’il soit utilisé par un cercle restreint de personnes, un document est destiné à l’usage personnel tant qu’il demeure informel, à l’état d’ébauche et sert d’outil de travail aux membres d’une administration.
Même à dénier à la correspondance requise la qualification de notes à usage personnel, l’accès à celle-là devrait être refusé sur la base de l’art. 26 al. 2 let. c LIPAD. Dès lors qu’elle consiste en un échange de vues informel entre collaborateurs en amont de la prise d’une décision ou de toute mesure affectant le statut académique, respectivement d’employée de la recourante, un tel accès serait en effet propre à entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation de l’intimée. Ses collaborateurs doivent pouvoir échanger officieusement à ce stade, sans être restreints dans leurs recherches et réflexions par la crainte que de tels échanges soient accessibles au public. Comme rappelé par l’exposé des motifs afférent à l’art. 25 al. 4 LIPAD, ces échanges relèvent en quelque sorte de leur sphère privée, dont l’atteinte justifie également que l’accès à la correspondance requise soit soustrait au droit d’accès, conformément à l’art. 26 al. 2 let. g LIPAD.
Ce point de vue rejoint l’opinion du préposé, admettant que des échanges purement internes ne soient pas rendus accessibles eu égard à l’intérêt public supérieur à la liberté de formation de l’opinion de l’institution et de communication entre ses collaborateurs.
3.7 La recourante requiert également la correspondance émanant de Mme H______, mais cette dernière n’apparaît dans aucun document produit ni dans les écritures des parties, si bien qu’on ignore à quel titre et à quel moment elle aurait été amenée à formellement prendre position sur la situation académique ou d’employée de la recourante.
Celle-ci mentionne enfin spécifiquement la demande de renseignement concernant les conditions de résiliation de son engagement adressée par une spécialiste RH du décanat de la faculté à D______. Il s’agit cependant d’une demande émanant d’un membre d’un service spécifique à un membre d’un service général de l’autorité intimée, ayant permis au premier d’être renseigné par le second, sans donner lieu à un acte officiel, étant rappelé que le contrat de travail de la recourante, à durée déterminée, n’a pas été résilié prématurément. Cette demande, purement interne et sans effet sur le statut de la précitée, est dès lors également assimilable à une note à usage personnel, non soumise au droit d’accès.
L’intimée a en conclusion refusé à la recourante l’accès à la correspondance requise conformément au droit, dans la mesure où celle-ci ne figure pas déjà dans son dossier. Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).
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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 30 octobre 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 1er octobre 2024 ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Alexander BLARER, avocat de la recourante, à l'Université de Genève ainsi qu’au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence, pour information.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. HÜSLER ENZ
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| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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