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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2977/2024

ATA/275/2025 du 18.03.2025 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2977/2024-ANIM ATA/275/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 mars 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Charles ARCHINARD, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



EN FAIT

A. a. A______ est détentrice, depuis le 16 octobre 2019, du chien de race bull terrier « B______ » dit « C______ », mâle, né le ______ 2017.

b. À la suite d’une annonce de blessure par un chien sur un autre chien, incident survenu le 12 décembre 2021, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a ordonné, le 26 janvier 2022, à la précitée de tenir C______ en laisse lorsqu’elle se trouvait avec lui dans l’espace public, jusqu’à sa parfaite maîtrise, de suivre des cours d’éducation canine et de promener C______ séparément de ses congénères.

c. À la suite du rapport du 30 septembre 2022 de l’éducatrice canine, auxiliaire en thérapie comportementale, ces mesures ont été levées le 7 octobre 2022.

d. Le même jour, C______ a agressé un congénère, ce dont A______ a informé le SCAV le 11 octobre 2022.

e. Le SCAV a demandé, par courrier du 17 octobre 2022, à la détentrice de prendre toute mesure pour éviter que son chien effraie ou blesse une personne ou un animal, notamment de la garder près d’elle et de le museler en situation à risque.

f. À la suite d’une annonce de blessure par un chien indiquant que C______ avait blessé un congénère le 7 octobre 2023, le SCAV a convoqué A______ à un entretien et une évaluation de son chien. Dans l’intervalle, elle devait tenir son chien en laisse courte et muselé avec une muselière de type « panier ».

g. Dans son rapport d’évaluation du 24 octobre 2023, la spécialiste en comportement canin du SCAV a retenu que C______ présentait un comportement anxieux, n’arrivait pas à trouver de pilier de référence auprès de sa détentrice qui le récompensait de manière inappropriée, en confortant le chien lorsqu’il adoptait un comportement indésirable. A______ avait indiqué que les deux dernières agressions avaient été commises sur le même chien, un Malamute appartenant à sa voisine. Elle avait repris les cours d’éducation canine.

h. Par décision du 30 octobre 2023, le SCAV a ordonné à A______ de prendre toutes les mesures adéquates pour éviter que C______ blesse des personnes ou des animaux, de le museler et le tenir en laisse courte dès la sortie du domicile et de suivre les cours d’éducation canine, à titre de thérapie comportementale, à raison d’une fois par semaine au moins jusqu’à la maîtrise totale du canidé, a ordonné à l’intéressée de remettre un rapport de l’éducateur canin au plus tard le 25 février 2024, lui a recommandé de promener le chien séparément de ses congénères et l’a informée qu’en cas de non-respect de la décision ou de nouvel incident, le SCAV pourrait prendre des mesures plus contraignantes, notamment le prononcé d’un séquestre préventif du chien.

i. Selon le rapport du 24 mars 2024 de l’éducatrice canine, C______ appréhendait les contacts avec ses congénères en raison de ses douleurs. Il ne réagissait pas de manière négative face aux êtres humains et était habitué au port de la muselière. Le chien souffrait de douleurs chroniques, ce qui rendait difficile de suivre les cours de manière régulière.

j. Le 20 avril 2024, A______ a été mordue par un de ses chiens, nommé D______. La morsure lui a occasionné une lésion de type perforation de l’épiderme et des contusions au niveau de la tête. La morsure était intervenue dans le contexte d’une dispute avec son fils, pour laquelle elle avait fait appel à la police.

k. Le 19 juin 2024, le fils de A______ a appelé le SCAV pour signaler que D______ avait mordu sa mère au visage et attaqué un autre chien. Le même jour, il a fait euthanasier ce chien.

l. À la suite de ces faits, une nouvelle évaluation de C______ et de la maîtrise du chien par sa maîtresse a retenu, le 4 juillet 2024, les grands progrès dans le comportement du chien et sa gestion par sa détentrice. Le chien trouvait un « pilier de référence » en la personne de celle-ci, grâce au lien relationnel construit. L’éducatrice n’avait pas constaté que C______ présentait un risque pour la sécurité publique. Compte tenu de ses douleurs chroniques, il pouvait réagir de manière négative face à ses congénères.

m. Retenant que B______ souffrait de douleurs chroniques et relavant sa possible réactivité envers les congénères ainsi que l’état de santé de A______ et sa fatigue chronique, le SCAV a, par décision du 18 juillet 2024, notifiée par courrier A+, remplaçant celle du 30 octobre 2023, ordonné à celle-ci de prendre toutes les mesures adéquates pour éviter que C______ blesse des personnes ou des animaux, de le museler et le tenir en laisse courte dès la sortie du domicile, de poursuivre la thérapie comportementale entreprise avec le chien, selon les recommandations de l’éducatrice canine spécialisée, de ne pas détenir plus d’un chien à l’exception de la chienne de race bull terrier E______ (renommée F______), enregistrée au nom de son fils, lorsque celui-ci était absent et de promener C______ séparément d’autres chiens.

n. Le 30 août 2024, le SCAV a reçu un formulaire d’annonce de blessures par un chien sur un être humain, signé par la Dre G______. La victime, domiciliée chemin H______, âgée de 18 ans, s’était fait mordre le 29 août 2024 à 17h00 par un bull terrier, mâle, de taille moyenne à poil court, de détenteur inconnu, mais habitant chemin H______.

o. Par décision du 2 septembre. 2024, déclarée immédiatement exécutoire, le SCAV a prononcé le séquestre préventif des chiens de race bull terrier « B______ » dit « C______ », et de « E______ », femelle, née le ______ 2014, dont A______ était détentrice, l’informant de ce qu’une enquête était ouverte à son encontre, qu’elle était convoquée afin de faire valoir son droit d’être entendue le 9 septembre 2024, qu’un rapport d’infraction serait transmis au service des contraventions pour la suite pénale à donner aux manquements constatés concernant la détention d’animaux, que les frais et émoluments inhérents au séquestre des chiens lui seraient imputés, qu’à l’issue de l’enquête précitée, le SCAV pourrait prendre des mesures plus contraignantes et que les émoluments administratifs relatifs aux décisions rendues lui seraient facturés à la fin de la procédure.

Le SCAV avait reçu, le 29 août 2024, une annonce de morsure sur humain subie par I______ par un bull terrier dont l’identité du détenteur était inconnue, mais qui habitait chemin H______. A______ était la seule détentrice d’un tel chien à ladite adresse. Par décision du 18 juillet 2024, elle s’était fait enjoindre de promener « C______ » individuellement, muselé et en courte laisse. Elle avait, le 11 juillet 2024, repris la détention de « E______ », précédemment détenue par son fils J______ selon la base de données AMICUS. Au regard de la nouvelle agression par un chien détenu par A______, il apparaissait que la sécurité publique était mise en péril.

p. Le 6 septembre 2024, le SCAV s’est rendu au domicile de A______ pour venir chercher les deux chiens. Ceux-ci se sont montrés très « sociables », se sont laissé caresser et n’ont pas montré de signes d’agressivité. La détentrice est apparue surprise par l’incident du 29 août 2024, exposant qu’elle tenait C______ en laisse courte et muselé lorsqu’elle quittait le domicile et le promenait seul. Elle avait eu une consultation chez le dermatologue à 15h20 le jour en question, de sorte qu’elle n’était pas de retour dans son domicile à 17h00.

q. Selon un rapport du SCAV du 11 septembre 2024, une collaboratrice du SCAV avait appelé I______ le 9 septembre 2024. Celle-ci parlait espagnol et il était difficile de communiquer avec elle. L’incident s’était produit le 29 août 2024 à 17h00. Elle promenait le chien de son oncle, en bas de chez elle, lorsqu’elle avait croisé sa voisine avec ses deux chiens dont l’un portait une muselière. La voisine était une dame de taille moyenne « avec quelque chose qui cache ses cheveux ». Le 10 septembre 2024, une collaboratrice du SCAV parlant espagnol avait appelé la précitée. Celle-ci a déclaré que lors de l’incident « la dame » portait un voile rose de type Afghanistan, était « un peu ronde » et âgée d’environ 60 ans. La dame en question était tombée parce que ses deux chiens tiraient sur la laisse. Lorsque « le gros chien » était arrivé vers son petit chien et qu’elle s’était baissée pour attraper ce dernier, elle s’était fait mordre dans le pli de la main. Son petit chien s’était enfui, poursuivi par son congénère. Elle était rentrée chez elle et avait informé son oncle et son grand-père avait récupéré le petit chien, qui n’était pas blessé. Le chien qui l’avait mordue était un mâle nommé B______, de couleur caramel, sans taches, ne portant pas de muselière, la femelle en portant une. Elle s’était rendue le lendemain à la pharmacie, car la blessure la brûlait. Le 1er septembre 2024, elle était allée aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG)

r. Entendue dans les locaux du SCAV le 9 septembre 2024, A______ a déclaré que, le jour en question, elle avait quitté son domicile à 13h30 et n’était revenue que vers 18h00. Les chiens étaient restés à l’intérieur de son domicile. Au moment de l’incident, elle se trouvait à la clinique Rive Gauche. Elle a joint une attestation de celle-ci. Elle avait pris F______ chez elle, car son fils était parti avec son amie « pour un plus long moment ». La chienne était aussi plus tranquille chez elle. Elle sortait toujours les chiens séparément ; ceux-ci n’étaient pas contents, car ils aimaient bien se promener ensemble.

B. a. Par acte du 12 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision de séquestre préventif, dont elle a demande l’annulation.

Le jour de l’incident de morsure, elle avait un rendez-vous médical à la Clinique Rive-Gauche de 15h00 à 17h00. Se déplaçant en transports publics, elle n’avait pas pu être de retour chez elle à 17h00. Ce n’étaient donc pas ses chiens qui avaient mordu la jeune femme. Elle demandait l’accès au pièces du dossier et aux déclarations de cette dernière.

Elle a produit une attestation du centre médical précité, indiquant qu’elle avait suivi un traitement le 29 août 2024 de 15h00 à 17h00.

b. Statuant, après échange d’écritures, le 24 octobre 2024 sur la requête de restitution de l’effet suspensif, la chambre administrative l’a rejetée.

c. Le SCAV a conclu au rejet du recours.

d. Dans sa réplique, la recourante a sollicité l’audition de la victime de la morsure, la production du constat médical d’annonce de morsure du 29 août 2024 de la permanence du Petit-Lancy et de celui établi par les HUG.

Elle avait suivi des cours d’éducation canine pendant deux ans. L’éducatrice avait attesté du fait qu’elle avait appliqué rigoureusement les directives du SCAV et que ses chiens n’avaient pas adopté de comportement agressif. Ils étaient appréciés de ses voisins.

La « plaignante » s’était rendue à la permanence du Petit-Lancy qui n’avait pas rempli le formulaire d’annonce de morsure. Il était inconcevable que si une morsure avait été constatée, la permanence ne remplisse pas ledit formulaire. Par ailleurs, la recourante ne pouvant se trouver à l’heure dénoncée à son domicile, la prétendue morsure ne pouvait avoir été infligée par son chien. E______ souffrait de problèmes cardiaques. Elle l’avait « reprise » à son nom afin de pouvoir, le cas échéant, prendre les décisions relatives à l’état de santé de la chienne.

e. a. Lors de l’audience, qui s’est tenue le 4 décembre 2024 devant la chambre administrative, I______ a confirmé le résumé de l’entretien téléphonique établi par le SCAV le 11 septembre 2024. L’incident avec C______ avait eu lieu le jeudi 29 août 2024 vers 17h.30. Elle avait déjà croisé C______ et F______ dans l’immeuble précédemment. Elle ne savait pas vraiment distinguer les deux chiens. Son oncle avait parlé à leur propriétaire qui lui avait dit que c’était C______ qui l’avait mordue. Elle était sortie vers 16h.00 pour aller faire une balade avec son chien. Elle était certaine de l’heure de la morsure car quelques minutes après, elle avait pris une photo de celle-ci et l’avait montrée à son oncle, puis à sa maman qui était médecin.

Elle a soumis la photo de la morsure aux parties ainsi qu’à la juge présidant l’audience. Celle-ci a noté qu’on y voyait la main du témoin avec une blessure au pli de la main gauche. Figurait dessous l’indication de la date du 29 août 2024 et de l’heure de 17h.54.

La témoin a précisé qu’avant l’incident précité, ni elle ni son oncle ni d’autres personnes de sa famille n’avaient jamais eu de problèmes avec C______ et D______. Le formulaire d’annonce de blessures avait été rempli par la médecin, avec elle. Elle lui avait indiqué que l’incident avait eu lieu vers 17h.00 ou 17h.30, mais qu’elle ne se souvenait plus très bien de l’heure. Sa blessure avait bien guéri.

Elle s’était rendue le 30 août 2024 à la Permanence du Petit-Lancy, où sa plaie avait été nettoyée et un vaccin contre la rage lui avait été administré. Le lendemain, le samedi, ayant du pus dans la plaie et mal à la main, elle s’était rendue aux urgences des HUG. La médecin, la Docteure G______, avait pratiqué une petite incision pour enlever le pus, poser un drain et avait plâtré la main. Elle avait gardé le plâtre une semaine. Elle était retournée aux HUG pour l’enlever. Par la suite, elle avait porté une attelle pendant une ou deux semaines afin de ne pas serrer la main. Elle était retournée pour un dernier contrôle après ces deux semaines.

Quand elle était revenue de promenade avec son chien, la recourante était déjà là. Elle confirmait que c’était bien la personne présente à l’audience qu’elle avait croisée avec les deux chiens. C’était à 17h.30 qu’elle était montée chez son oncle. Le chien qui portait la muselière était la femelle.

e.b. La recourante a relevé qu’elle avait également été mordue par un chien en forêt. Lorsqu’elle était arrivée aux HUG, elle avait immédiatement été traitée par des injections dans la plaie. Le formulaire d’annonce de morsure avait été rempli dans la foulée. La permanence médicale comme les HUG avaient l’obligation de remplir un tel formulaire. Elle s’étonnait ainsi que la permanence du Petit-Lancy n’ait pas rempli un tel formulaire lorsque la témoin s’était rendue chez elle.

e.c La représentante du SCAV a déclaré que ce service constatait dans la pratique que tous les professionnels de la santé ne respectaient pas leur obligation d’annonce des morsures.

e.d La recourante a insisté sur le fait qu’elle mettait toujours la muselière à C______ avant de le sortir de chez elle et avait suivi les cours d’éducation canine dont les rapports positifs avaient été remis. F______ n’avait jamais eu d’accident ; elle était âgée de 10 ans et malade. Elle n’avait jamais reçu la décision du 18 juillet 2024, ce qu’elle trouvait très étrange car elle avait reçu toutes les autres communications du SCAV. Avec son fils, ils avaient décidé de mettre F______ a son nom comme détentrice afin d’éviter que quand il était en voyage et qu’elle s’occupait de la chienne, il ait à lui envoyer une procuration. Ils avaient convenu que F______ soit à nouveau inscrite au nom de son fils et que ce soit lui qui s’en occupe principalement.

Elle pouvait produire un accord allant dans ce sens avec son fils d’ici au 10 décembre 2024.

e.f Le SCAV a déclaré qu’il allait examiner si le sort de F______ pouvait être revu en fonction de l’accord évoqué par la recourante.

e.g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger après la production de l’accord et de la détermination du SCAV au sujet des deux chiens.

f. Le 10 décembre 2024, la recourante a transmis une déclaration de son fils indiquant qu’il avait dû, « par contrainte professionnelle » laisser sa chienne à sa mère de temps en temps et pour des raisons médicales, il avait considéré préférable de la « mettre au nom » de la recourante, afin qu’en cas d’urgence médicale, celle-ci puisse agir. Si cette situation n’avait pas eu lieu, il aurait « eu C______ chez » lui et aurait effectué à nouveau un changement de détenteur.

La recourante sollicitait la production par le témoin de la photographie de la morsure. Il était difficilement possible que la coupure dont faisait état I______ fût le fait d’un chien.

g. Le 10 décembre 2024, le SCAV qui avait déjà reçu la déclaration écrite du fils précitée la veille, a relevé que celle-ci ne comportait aucun engagement de ce dernier de reprendre en charge la chienne ni d’indication de changement dans la base de données AMICUS. Il n’était ainsi pas possible de dissocier le sort de deux canidés.

Pour le surplus, la recourante avait eu connaissance de la décision du 18 juillet 2024, puisqu’elle en avait parlé lors de son audition par le SCAV le 9 septembre 2024.

h. Par décision du 16 décembre 2024, notifiée le lendemain, le SCAV a prononcé le séquestre définitif des deux chiens, une interdiction totale de détention de chiens pour une durée de trois ans, y compris de chiens appartenant à des tiers, et mis les frais inhérents au séquestre ainsi que les émoluments de la décision à sa charge.

C______ avait blessé un congénère les 12 décembre 2021, 6 janvier et 7 octobre 2022 et 7 octobre 2023. La recourante s’était fait mordre le 20 avril 2024 par son autre chien D______. Le 19 juin 2024, celui-ci l’avait à nouveau mordue, au niveau du visage, et avait été euthanasié le jour même. Ultérieurement, le SCAV avait reçu le formulaire d’annonce de blessure faisant état du fait que D______ avait, le 18 juin 2024, également mordu un chien. Le formulaire mentionne que la détentrice promenait alors les chiens D______, C______ et F______ ensemble et avait perdu leur maîtrise, ce qui avait nécessité l’intervention de trois passants pour stopper les bulls terrier.

Les incidents répétés, la violation des mesures ordonnées le 18 juillet 2024 et le nouvel incident du 29 août 2024 lors duquel C______ avait blessé une personne et F______ était présente ne permettaient pas de prononcer une mesure moins incisive, même en tenant compte de l’attachement aux chiens et les efforts fournis par la recourante.

i. Se déterminant sur le courrier du SCAV du 10 décembre 2024, la recourante a reproché au SCAV une approche formaliste. L’écrit de son fils indiquait qu’il allait reprendre son chien à son nom. Le SCAV avait entretemps rendu une nouvelle décision, démontrant l’a priori qu’il avait à son encontre. Elle produisait une nouvelle attestation de son fils, signée le 15 décembre 2024, par laquelle il s’engageait à s’occuper principalement de la chienne et à la remettre à son nom. Elle estimait que la procédure n’était pas devenue sans objet. Elle allait recourir contre le séquestre définitif et demandait d’ores et déjà la jonction des deux causes.

j. Le SCAV a répondu que la procédure de séquestre préventif était devenue sans objet, vu la nouvelle décision.

k. Par acte expédié le 13 janvier 2025 à la chambre administrative, A______ a recouru contre le séquestre définitif et l’interdiction de détenir des chiens.

La décision avait été rendue alors que des discussions étaient en cours au sujet de la restitution de F______. Le SCAV éprouvait de l’animosité à son égard. En décembre 2024, l’un de ses fils avait dû être opéré d’une tumeur au cerveau. La famille avait vécu un mois de décembre 2024 compliqué. Le SCAV avait déjà inscrit les deux chiens à son nom. Le risque qu’il les donne en adoption ou prenne une autre mesure était élevé. Il convenait donc de restituer l’effet suspensif.

La décision manquait de motivation. Par ailleurs, le SCAV suivait aveuglément les déclarations de la témoin. Le rendez-vous médical de la recourante s’étant terminé à 17h00, elle ne pouvait, au plus tôt, être chez elle qu’à 17h30. Il était ainsi impossible d’être au pied de son immeuble à 17h00 avec ses deux chiens. La témoin avait déclaré au SCAV ne pas pouvoir distinguer les deux chiens, alors qu’elle avait affirmé en audience que c’était C______ qui l’avait mordue. Aux HUG, elle avait indiqué que C______ l’avait mordue, alors que son oncle n’avait parlé que le lendemain à la recourante, qui lui aurait dit que C______ était le chien qui l’avait mordue. La témoin avait aussi déclaré que F______ portait la muselière, alors que cela ne faisait aucun sens, puisque c’était C______ qui devait en porter une.

F______ n’avait jamais posé de problème et le fils de la recourante était disposé à la reprendre. Le séquestre de la chienne était disproportionné. Il en allait de même de l’interdiction générale de détenir un chien. La recourante n’avait que détenu des bulls terrier. Il n’y avait pas de raison de lui interdire de détenir des chiens d’autres races.

Elle a produit une attestation d’une voisine et une autre d’une personne qu’elle croise lors des promenades de ses chiens, qui indiquent ne jamais avoir rencontré de problèmes avec ceux-ci. Selon le courrier de l’éducatrice canine du 6 novembre 2024, qui avait appris que les chiens avaient été séquestrés, ni C______ ni F______ n’avaient jamais présenté de comportement agressif envers les personnes. La recourante avait été collaborante, soucieuse du bien-être de ses chiens et du respect des règles. Elle muselait C______ dès qu’elle sortait de chez elle. L’éducatrice espérait qu’une solution favorable puisse être trouvée.

l. Le SCAV a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement au rejet du recours ainsi qu’au rejet des requêtes de restitution de l’effet suspensif et de jonction.

m. La chambre administrative a joint les deux causes le 16 janvier 2025.

n. La recourante a répliqué, sur effet suspensif et sur le fond, relevant que le SCAV l’avait, le 18 juillet 2024, autorisée à détenir F______ lorsque son fils était en déplacement. Il était donc excessif de séquestrer la chienne.

o. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

EN DROIT

1.             Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Contrairement à ce que soutient le SCAV, le recours dirigé contre la décision de séquestre préventif n’est pas devenu sans objet du fait du séquestre définitif. En effet, la recourante a été privée de la possession de ses deux chiens par la première décision et des frais ont été mis à sa charge. Le bien-fondé du séquestre préventif doit donc pouvoir être examiné par la chambre administrative.

2.             La recourante sollicite la production par la témoin de la photographie prise par celle-ci de la morsure et soumise aux parties et à la juge lors de son audition.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la photographie dont la production est demandée a été soumise à la recourante lors de l’audition de la témoin. La recourante a ensuite pu exposer les déductions qu’elle en tirait. Elle a, en particulier, fait valoir que la morsure, une incision de petite taille, ne pouvait pas être l’œuvre d’un bull terrier, dont la morsure aurait été de taille bien plus grande. La question de savoir si la blessure infligée par un chien à la témoin est le fait du chien de la recourante sera examinée en détail ci‑après. Comme cela sera exposé, au vu de l’ensemble des autres éléments au dossier, il pourra y être répondu sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la production de ladite photographie. Le dossier apparaissant complet, la chambre de céans estime pouvoir trancher le litige sans l’apport de cette pièce.

Il ne sera donc pas donné suite à cette demande d’acte d’instruction complémentaire.

3.             En tant que la recourante se plaint d’une motivation insuffisante de la décision du 16 décembre 2024, il est observé que celle-ci énumère les antécédents canins de C______, F______ et D______, les mesures ordonnées depuis 2022 par le SCAV et les bases légales justifiant le prononcé des mesures. La recourante a d’ailleurs parfaitement compris la motivation de cette décision, puisqu’elle la critique, étant précisé que cette décision fait suite au séquestre préventif contenant également en détail les motifs ayant conduit au prononcé de ce dernier.

Le grief d’une motivation insuffisante est donc manifestement infondé.

4.             Sont litigieux les séquestres préventif et définitif des chiens de la recourante et l’interdiction de détenir des chiens pendant trois ans.

4.1 La loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal (art. 1 LPA-CH). Selon l'art. 73 al. 1 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1), l’élevage, l’éducation et la manière de traiter les chiens doivent garantir leur socialisation, à savoir le développement de relations avec des congénères et avec l’être humain, et leur adaptation à l’environnement.

4.2 La loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir, en application de la LPA-CH, les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002 2003/XI3.A-6561 ; ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2a).

4.3 Le SCAV est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01).

4.4 Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui est en charge de prendre soin du chien, en tire profit de manière durable, a le pouvoir de le garder et le surveiller (art. 11 al. 1 LChiens). La détentrice doit éduquer son chien, en particulier en vue d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier, et faire en sorte qu’il ne nuise ni au public, ni aux animaux, ni à l’environnement (art. 15 al. 1 LChiens). Toute personne détentrice doit prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les animaux, ni porter préjudice à l’environnement, notamment aux cultures, à la faune et à la flore sauvages (art. 18 al. 1 LChiens). Cette dernière disposition pose le principe de la maîtrise nécessaire des chiens pour éviter la survenance d’accidents, qui peuvent mettre en cause non seulement le public, les enfants et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, mais également les animaux domestiques, notamment les autres chiens, qui sont souvent victimes d’agressions de la part de leurs congénères (MGC 2008-2009 XI A 15083).

4.5 Il appartient à la détentrice d’annoncer au département les cas de blessures graves à un être humain ou à un animal, causées par son chien et tout comportement d’agression supérieur à la norme, une telle obligation incombant également, notamment, au corps médical (art. 36 al. 1 et 2 LChiens). Selon l’art. 38 LChiens, dès réception d’une dénonciation ou d’un constat d’infraction, le département procède à l’instruction du dossier conformément aux dispositions de la LPA (al. 1). Il peut séquestrer immédiatement l’animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d’évaluer le degré de dangerosité du chien, et ce aux frais de la détentrice (al. 2). À l’issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues par la loi (al. 3).

En application de l’art. 39 al. 1 LChiens, le département peut prononcer et notifier aux intéressés, en fonction de la gravité des faits, les mesures suivantes qui peuvent être cumulées : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a), dès la sortie du domicile de sa détentrice de tenir le chien en laisse (let. b) et lui faire porter une muselière (let. c), le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. g), l’euthanasie du chien (let. i) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. j) ou encore l’interdiction de détenir un chien (let. o).

4.6 Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le SCAV dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (MGC 2008-2009 XI A 15096).

4.7 Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1102/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4e).

4.8 Le département perçoit des émoluments de CHF 100.- à CHF 5'000.- pour toutes ses autorisations, décisions, interventions et contrôles, en fonction de la complexité et de la durée d'examen du dossier (art. 42 al. 1 LChiens).

4.9 La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date (ATF 142 IV 201 consid. 2.3).

4.9.1 La prestation « A+ » offre la possibilité de suivre le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution. Lors de l’expédition par « Courrier A+ », l’expéditeur obtient des informations de dépôt, de tri et de distribution par voie électronique via le service en ligne « suivi des envois ». Les envois « A + » sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire. En cas d’absence, le destinataire ne reçoit pas d’invitation à retirer un envoi dans sa boîte aux lettres (ATF 142 III 599 consid. 2.1).

4.9.2 Dans le cas de l’envoi par courrier « A+ », une erreur dans la notification par voie postale ne saurait être d’emblée exclue. Pareille erreur ne peut être retenue que si des circonstances particulières la rendent plausible. L’allégation d’un justiciable selon laquelle il est victime d’une erreur de notification par voie postale et par conséquent sa bonne foi ne peuvent être prises en considération que si la présentation qu’il fait des circonstances entourant la notification en cause est concevable et repose sur une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_469/2023 du 19 octobre 2023 consid. 3.5 ; 2C_1032/2019 du 11 mars 2020 consid. 3.3).

4.10 En l’espèce, il n’est pas contesté que le chien C______ a mordu à plusieurs reprises d’autres chiens, notamment les 12 décembre 2021, 6 janvier et 7 octobre 2022. Il n’est pas non plus contesté que la chienne F______ n’a jamais mordu aucun congénère ni être humain.

La recourante a fait, en raison des incidents rencontrés avec ses chiens, l’objet de plusieurs décisions administratives. Le SCAV lui a ainsi, le 26 janvier 2022, ordonné de tenir C______ en laisse lorsqu’elle se trouvait avec lui dans l’espace public, jusqu’à sa parfaite maîtrise, de suivre des cours d’éducation canine et de le promener séparément de ses congénères. La recourante a suivi lesdits cours et, à la suite d’un rapport positif de l’éducatrice canine, les mesures précitées ont été levées le 7 octobre 2022. Il est cependant apparu que malgré les cours suivis avec succès, la détentrice n’a pas pu empêcher de nouveaux incidents avec C______. Le 7 octobre 2022, celui-ci, bien que tenu alors en laisse, avait à nouveau agressé un chien. Une année plus tard, le 7 octobre 2023, C______ a encore blessé un chien. Ce nouvel incident a donné lieu au prononcé d’une nouvelle mesure, la recourante devant parfaire les cours d’éducation canine, tenir C______ en laisse courte, le munir d’une muselière dès la sortie du domicile et le promener séparément de ses congénères.

Les cours suivis ont porté leurs fruits, puisqu’en juillet 2024, l’éducatrice canine a noté d’importants progrès comportementaux du chien et de gestion de celui-ci par sa détentrice. Le chien pouvait, cependant, compte tenu de ses douleurs chroniques, mal réagir à un congénère. Au vu de cet élément, des antécédents de C______ ainsi que de l’état de fatigue chronique de la recourante, le SCAV a remplacé la mesure précédente par l’obligation faite à celle-ci de prendre toute précaution afin que C______ ne puisse pas blesser une personne ou un animal, de le museler et le tenir en laisse courte dès la sortie de son domicile, de le promener séparément d’autres canidés et lui a interdit de détenir d’autres chiens, excepté F______ lorsque son fils qui en était détenteur devait s’absenter.

Cette décision, datée du 18 juillet 2024, a été adressée par courrier A+ à la recourante. Celle-ci n’apporte aucun élément permettant de renverser la présomption selon laquelle le pli contenant cette décision lui est parvenu. Conformément à la jurisprudence sus-exposée, il convient donc de retenir que la décision du 18 juillet 2024 lui est parvenue. En outre, interrogée sur le contenu de cette décision lors de son audience par le SCAV, elle a restitué celui-ci. Au vu de l’interdiction qui lui était faite dans cette décision d’être détentrice de plus d’un chien, il appartenait à la recourante, qui selon la base de données AMICUS était devenue détentrice de F______ le 11 juillet 2024, de procéder au changement de détenteur dans ladite base, ce qu’elle a cependant omis de faire.

La recourante conteste que C______ ait infligé une blessure à la main à la témoin, soutenant notamment une impossibilité de se trouver à son domicile le 29 août 2024 à 17h00 ou 17h30 et que la blessure infligée ne pouvait provenir d’un bull terrier.

Elle a produit une attestation du centre médical dans lequel elle avait rendez-vous le jour en question indiquant qu’elle n’avait quitté ledit centre qu’à 17h00. Compte tenu de la distance à parcourir entre ce centre et son domicile, l’estimation de la durée de déplacement de 30 minutes est plausible. Cela étant, la témoin a déclaré de manière constante, tant par téléphone au SCAV qu’entendue en qualité de témoin par la chambre de céans, qu’en revenant de promenade avec son petit chien, elle avait croisé la recourante – qu’elle a reconnue en audience – avec ses deux chiens dont l’un portait une muselière. Lorsque « le gros chien » était arrivé vers son petit chien et qu’elle s’était baissée pour attraper ce dernier, elle s’était fait mordre par le « gros chien » dans le pli de la main. Elle était rentrée chez elle et en avait informé son oncle. Son grand-père avait récupéré le petit chien, qui n’était pas blessé. Le chien qui l’avait mordue était un mâle nommé B______, de couleur caramel, sans taches, ne portant pas de muselière, la femelle en portant une.

Lors de son audition par la chambre de céans, elle a précisé que c’était le médecin qui avait noté l’heure de l’incident (17h00) sur le formulaire d’annonce de blessure. Elle lui avait indiqué que l’incident avait eu lieu vers 17h.00 ou 17h.30, mais qu’elle ne se souvenait plus très bien de l’heure. Elle était cependant certaine que l’incident avait eu lieu vers 17h.30, car quelques minutes après, elle avait pris une photographie de celle-ci et l’avait montrée à son oncle et à sa mère qui était médecin. Lorsqu’elle a soumis la photographie en question aux parties et à la juge, celle-ci a constaté qu’elle avait été prise le 29 août 2024 à 17h54. Certes, la plaie paraissait alors de petite taille. Ce seul élément ne permet pas d’exclure que la blessure ait été occasionnée par un chien. Au contraire, la médecin ayant traité la blessure l’a clairement identifiée comme provenant d’un chien, comme en atteste le fait qu’elle a rempli le formulaire d’annonce de blessures par un chien à un être humain. Il sera ainsi retenu qu’il est établi qu’un des deux chiens de la recourante a infligé une morsure à la témoin.

4.10.1 Celle-ci a été affirmative, tant lors de son entretien téléphonique avec le SCAV que lors de son audition, que lorsqu’elle avait croisé la recourante avec ses deux chiens, la femelle portait une muselière et non le mâle. Elle a, certes, également déclaré devant la chambre de céans qu’elle ne savait pas vraiment distinguer les deux chiens, ce qui pourrait faire naître un doute sur la question de savoir quel chien de la recourante a mordu la témoin. Celle-ci a cependant aussi déclaré que c’était la recourante elle-même qui avait dit à son oncle que c’était C______ qui l’avait mordue. Il convient également de relever que la jeune femme a précisé qu’avant cet incident, ni elle ni son oncle ni d’autres personnes de sa famille n’avaient jamais eu de problèmes avec C______ et F______. Il n’y a donc pas lieu de mettre en doute ses déclarations faites en audience en qualité de témoin. Il sera ainsi retenu que la morsure dont elle a été victime est le fait de C______.

Au vu du nouvel incident survenu en août 2024, qui plus est ayant occasionné une blessure à un être humain, et du non-respect par la recourante, en particulier, de son obligation de promener séparément ses deux canidés, le SCAV était fondé à prononcer le séquestre préventif de ceux-ci, pour des motifs de sécurité publique.

4.10.2 La récurrence des incidents avec C______, malgré les cours d’éducation canine suivis assidument par la recourante et les progrès constatés à la suite de ceux‑ci par l’éducatrice canine, d’une part, et, d’autre part, le non-respect par la recourante de son obligation de promener ses deux chiens séparément, justifient également le prononcé du séquestre définitif de ce chien. Les mesures prises précédemment par le SCAV n’ont manifestement pas permis d’atteindre le but de sécurité publique recherché. Le séquestre définitif est ainsi apte et nécessaire à garantir l’absence de la survenance de nouveaux incidents avec ce chien.

4.10.3 L’examen de la proportionnalité de la mesure de séquestre définitif de la chienne F______ est plus délicat. Il est établi que cette chienne n’a jamais mordu de personne ni de congénère. Certes, la recourante est contrevenue à son obligation de la promener seule. Cette obligation lui avait cependant été imposée en raison du comportement à risque que présentait C______ et, précédemment, également de D______, qui a été euthanasié. Par ailleurs, la recourante doit également se voir reprocher de ne pas avoir procédé au changement de détenteur de F______ dans la base de données AMICUS, comme cela lui avait été ordonné le 18 juillet 2024. Toutefois, elle s’est engagée lors de l’audience devant la chambre de céans à faire procéder, avec son fils, à ce changement. Ce dernier, dans un courrier du 15 décembre 2024, s’est également engagé à s’occuper principalement de F______ et à la mettre sous son nom dans la base de données AMICUS.

Dans ces circonstances, le prononcé du séquestre définitif de F______ paraît disproportionné. En effet, cette chienne n’a jamais constitué un risque pour la sécurité publique et le non-respect de la décision du 18 juillet 2024 n’impose pas une mesure aussi drastique. Moyennement la modification de la base de données AMICUS, à laquelle les intéressés se sont engagés de procéder, la décision précitée du SCAV sera respectée.

Partant, la décision de séquestre définitif de F______ devra être annulée et il sera ordonné à la recourante de procéder au changement de détenteur de la chienne dans les 20 jours suivant la notification du présent arrêt.

4.10.4 L’interdiction faite à la recourante de détenir tout chien pendant trois ans paraît, en revanche, proportionnée. Si celle-ci a suivi les cours d’éducation canine lorsque l’ordre lui en a été donné, il ressort du dossier qu’elle n’a pas su prendre la mesure de l’importance de respecter les autres injonctions du SCAV, singulièrement celles de prendre toute mesure visant à éviter qu’un de ses chiens blesse une personne ou un animal, de tenir certains chiens en laisse courte, de les museler et les promener séparément. Ce faisant, la recourante s’est soustraite de manière répétée à une partie des mesures prises qui visaient toutes à éviter un nouvel incident. Malgré la nouvelle survenance d’incidents, elle n’a pas modifié son comportement. Dans ces circonstances, il se justifie de lui interdire de détenir un chien, quelle qu’en soit la race.

Cette mesure répond au besoin de sécurité publique invoqué par le SCAV. Elle est apte à faire prendre conscience à la recourante du danger que la détention d’un chien peut représenter et de la nécessité de se conformer aux décisions du SCAV. Elle est également nécessaire pour assurer la sécurité publique, celle-ci ayant été à de nombreuses reprises mise à mal par le comportement des chiens de la recourante et sa gestion de ceux-ci. Par ailleurs, la durée de cette interdiction a été limitée à trois ans.

Cette mesure ne viole donc pas la loi ni le principe de la proportionnalité.

4.10.5 La recourante ne conteste pas les autres points figurant dans les deux décisions de séquestre. Sous réserve des frais de séquestre définitif concernant F______ qui ne peuvent être mis à la charge de la recourante dès lors que celui-ci est annulé par le présent arrêt, les autres points du dispositif de deux décisions paraissent, au demeurant, conformes au droit.

4.11 En conclusion, le recours contre la décision du 2 septembre 2024 sera rejeté et celui contre la décision du 16 décembre 2024 partiellement admis, en tant que le séquestre définitif de F______ est levé et que les émoluments et frais inhérents à ce séquestre sont annulés.

Pour le surplus, le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution d’effet suspensif formée dans le cadre du second recours.

5.             La recourante plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera mis à sa charge. Obtenant très partiellement gain de cause, une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l’intimé (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés par A______ les 12 septembre 2024 et 13 janvier 2025 contre les décisions du service de la consommation et des affaires vétérinaires des 2 septembre et 16 décembre 2024 ;

au fond :

rejette le recours contre la décision du 2 septembre 2024 ;

admet partiellement le recours contre la décision du 16 décembre 2024 et annule le séquestre définitif de la chienne F______, femelle, née le ______ 2014, ainsi que les émoluments et frais inhérents à ce séquestre ;

rejette le recours contre la décision du 16 décembre 2024 pour le surplus ;

ordonne à A______ de procéder au changement de détenteur de la chienne dans la base de données AMICUS dans les 20 jours suivant la notification du présent arrêt ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la partie recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la partie recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles ARCHINARD, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :