Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1493/2024 du 18.12.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/678/2024-EXPLOI ATA/1493/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 18 décembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Karin BAERTSCHI, avocate
contre
DIRECTION DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée
_________
A. a. A______, né le ______ 1978, est le gérant du commerce à l’enseigne « B______ », sis C______à Genève (ci-après : le commerce).
b. Il est titulaire d’une autorisation d’exploiter du 16 avril 2021 lui permettant de vendre du tabac et des produits assimilés au tabac dans le commerce précité.
B. a. Le 13 février 2023 à 11h55, un contrôle a été effectué par un inspecteur du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenu depuis la direction de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : la direction), agissant de concert avec deux agents de la police de proximité (matricules P 1______ et P 2______). Lors de ce contrôle, deux mineurs âgés de 16 ans ont pu se procurer auprès du commerce une cigarette électronique « Kiss Me, nicotine 2% ».
b. La direction a établi un rapport le 20 février 2023. Il y était mentionné que l’employé n’avait demandé ni l’âge ni la pièce d’identité des jeunes acheteurs, et qu’A______, titulaire de l’autorisation, était présent dans son magasin lors du contrôle. Seul un double tiret figurait sous la rubrique « historique des contrôles PCTN ».
c. Le 13 juillet 2023, la direction a transmis à A______ le rapport susmentionné, en l’informant qu’elle envisageait de prononcer la suspension de l’autorisation du 16 avril 2021 pour une durée allant de sept jours à six mois. Un délai lui était imparti pour faire valoir ses observations.
d. A______ s’est déterminé le 2 août 2023.
L’identité et l’âge des mineurs concernés n’étaient pas mentionnés dans le rapport. Lui-même n’était pas présent lors du contrôle. L’amende de CHF 1'650.- infligée par le service des contraventions ayant été payée, la situation devait être considérée comme réglée.
e. Par décision du 31 janvier 2024, la direction a suspendu l’autorisation du 16 avril 2021 pour une durée de 30 jours.
Le contrôle du 13 février 2023 avait révélé la vente d’une cigarette électronique avec nicotine à deux mineurs âgés de 16 ans, ce qui constituait une grave violation des prescriptions légales. L’âge des deux mineurs était mentionné dans le rapport, tandis que leur anonymat découlait de la réglementation applicable. Le prononcé d’une mesure administrative était indépendant de l’amende pénale prononcée par le service des contraventions. Le rapport, établi par des fonctionnaires assermentés, mentionnait sa présence lors des faits ; eût-il toutefois été absent que cela n’eût rien enlevé à sa responsabilité. Un courrier d’exécution contenant les dates précises de la suspension lui parviendrait une fois la décision de suspension définitive et exécutoire.
C. a. Par acte déposé le 27 février 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.
C’était son employé – licencié depuis – qui avait procédé à la vente litigieuse. La direction se prévalait de l’art. 11 al. 2 let. d de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT – I 2 25) pour maintenir l’anonymat des deux mineurs ayant acheté la cigarette électronique, alors que l’achat-test s’était déroulé de manière contraire à l’art. 10 al. 2 let. d LTGVEAT, puisque les deux mineurs n’étaient pas accompagnés d’un adulte. Il y avait dès lors eu violation du droit et la direction ne pouvait pas prouver ses accusations, qui étaient contestées. Le fait qu’il ait payé l’amende pénale ne permettait pas de considérer les allégués de la direction comme prouvés.
b. Le 9 avril 2024, la direction a conclu au rejet du recours.
L’art. 19 al. 1 LTGVEAT mentionnait expressément que l’amende pénale et la mesure administratives étaient indépendantes l’une de l’autre. En cas d’infraction à la LTGVEAT, c’était le titulaire de l’autorisation qui était considéré comme responsable, qu’il soit ou non présent lors de l’infraction.
L’anonymat des mineurs procédant aux achats était expressément prévu par la loi ainsi que par la directive interdépartementale du 30 janvier 2023 fixant le protocole et la documentation des achats-tests. Il était également prévu par la directive précitée que l’accompagnant devait rester à l’extérieur du commerce, afin qu’il ne puisse être prétendu que le mineur était accompagné (sic). L’un des deux mineurs procédait à l’achat tandis que l’autre n’achetait rien. Ils sortaient ensuite du commerce concerné et rejoignaient l’inspecteur de la direction et l’agent de police. Si le constat ne pouvait être effectué depuis l’extérieur, l’accompagnant entrait en premier dans le point de vente en prenant les précautions nécessaires pour éviter que le mineur soit considéré comme accompagné. Le contrôle litigieux avait été exécuté conformément au « protocole » et le rapport avait été établi par des agents assermentés.
c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 10 mai 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.
d. Le 8 mai 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
Le rapport mentionnait que le vendeur n’avait demandé ni l’âge ni la carte d’identité des acheteurs. La directive citée par la direction prévoyait que les mineurs ne présentaient jamais leur carte d’identité même si celle-ci leur était demandée. De plus, puisque l’accompagnant restait en dehors du commerce, on ne voyait pas comment l’accompagnateur avait pu affirmer qu’aucune pièce d’identité n’avait été demandée. Le rapport ne mentionnait du reste pas le déroulement de l’achat.
e. La direction ne s’est quant à elle pas manifestée.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la conformité au droit de la suspension de l’autorisation du recourant de vendre du tabac et des produits assimilés pour une durée de 30 jours.
2.1 La LTGVEAT a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).
La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par la PCTN (art. 7 al. 1 LTGVEAT).
Sont considérés comme produits assimilés au tabac les cigarettes électroniques, présentant un dispositif sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).
2.2 Selon l’art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.
Les titulaires d’une autorisation sont tenus de respecter les dispositions de la LTGVEAT et celles de la législation fédérale (art. 10 al. 2 LTGVEAT). Ils doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (al. 3).
2.3 En cas de violation des prescriptions de la LTGVEAT ou de ses dispositions d’exécution, le service peut prononcer, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19 LTGVEAT (selon lequel, indépendamment du prononcé d’une mesure administrative, les contrevenants à la LTGVEAT ou à ses dispositions d’exécution sont passibles d’une amende pénale de CHF 1'000.- à CHF 40'000.-), l’une des mesures suivantes : a) la suspension de l’autorisation pour une durée de 7 jours à 6 mois ; b) le retrait de l’autorisation (art. 18 al. 3 LTGVEAT).
La direction, au titre de service chargé de la police du commerce, applique la LTGVEAT (art. 5 al. 1 LTGVEAT). Elle peut effectuer ou organiser des achats‑tests afin de vérifier si les prescriptions de la loi sont respectées (art. 11 al. 1 LTGVEAT).
Les achats-tests portant sur la limite d’âge ne peuvent être effectués par des adolescents et leurs résultats ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives notamment que si conformément à l'art. 11 al. 2 LTGVEAT, il a été examiné que les adolescents enrôlés conviennent pour l’engagement prévu et qu’ils y ont été suffisamment préparés (let. a) ; aucune mesure n’a été prise pour dissimuler l’âge des adolescents (let. c) ; les adolescents ont rempli leur tâche de manière anonyme et été accompagnés par un adulte (let. d).
La direction, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le département de la santé établissent une directive interdépartementale, laquelle fixe le protocole, la documentation relative aux achats-tests, les modalités concernant l’engagement, l’instruction, l’accompagnement et la protection de la personnalité des adolescents y participant, ainsi que la protection accordée à ces derniers en cas de procédure judiciaire ultérieure (art. 9 al. 3 1e phrase du règlement d’exécution de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 3 février 2021 - RTGVEAT - I 2 25.01).
2.4 La directive interdépartementale du 30 janvier 2023, versée au dossier, prévoit que l’identité des acheteurs et de leur accompagnant est protégée, qu’elle n’est jamais révélée aux exploitants et aux tiers et qu’aucune pièce d’identité n’a à être présentée. Les établissements ont selon une procédure d’échantillonnage la même probabilité d’être testés. Une centaine d’achats-tests sont réalisés annuellement, sans ciblage d’une catégorie d’établissement ou de commerce. Les mineurs engagés pour l’achat-test doivent âgés de 15 ans à 17 ans et 9 mois. Ils sont accompagnés par une personne adulte formée pour cette tâche avant, pendant et après l’achat-test, ainsi qu’un inspecteur de la direction et un agent de police. L’accompagnant reste si possible à l’extérieur de sorte à ce que le mineur ne puisse pas être considéré comme accompagné. Le mineur n’a pas à présenter une carte d’identité si elle est demandée et, sur question, doit indiquer son âge réel.
Selon un communiqué conjoint du 24 avril 2023 du département de la sécurité, de la population et de la santé et du département de l'économie et de l'employé, les mineurs engagés pour la campagne d'achats-tests du lundi 13 au vendredi 17 février 2023 avaient été recrutés par l'association D______sur mandat de la direction en sa qualité d'autorité de référence lors de cette activité, selon les modalités prévues par la directive précitée (ATA/856/2024 du 19 juillet 2024 consid. 2.3).
2.5 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.
2.6 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments du dossier permettent de s’en écarter (ATA/1400/2024 du 29 novembre 2024 consid. 5.3 ; ATA/720/2024 du 17 juin 2024 consid. 3.2).
2.7 En l’espèce, le recourant se plaint tout d’abord d’une violation de l’art. 11 al. 2 let. d LTGVEAT car les mineurs ayant procédé à l’achat n’auraient pas été accompagnés d’un adulte. Il n’en est toutefois rien, puisque les deux mineurs étaient accompagnés d’un inspecteur de la direction et de deux policiers municipaux. À cet égard, malgré la terminologie quelque peu ambiguë employée par l’intimée, il y a lieu de distinguer entre l’accompagnement des mineurs au sens de la disposition précitée, qui implique que le ou les mineurs ne soient pas envoyés seuls faire des achats-tests dans les commerces vendant de l’alcool et du tabac, et qui donc correspond à un encadrement du ou des mineurs, et un accompagnement par un adulte dans le commerce lors de l’achat. Il est aisément compréhensible que ce dernier cas de figure veuille être évité par l’autorité pour ne pas créer de confusion, puisque dans cette configuration le vendeur pourrait légitimement penser que la marchandise convoitée est en fait demandée et payée par la personne majeure, le jeune n’étant alors que son auxiliaire. Le contrôle litigieux apparaît ainsi comme conforme à la loi sous cet angle.
On ne discerne pas non plus en quoi ledit contrôle poserait problème sous l’angle du contrôle d’identité. En effet, si la directive appliquée par l’intimée prévoit que les mineurs engagés pour les achats-tests ne montrent en aucun cas leur carte d’identité, c’est d’une part pour protéger leur anonymat conformément à l’art. 11 al. 2 let. d LTGVEAT, mais aussi d’autre part pour vérifier si le vendeur adopte le comportement attendu de lui et consistant à refuser toute vente à des personnes incapables de justifier leur âge réel. Au surplus, la directive explique que l’accompagnateur n’entre dans le commerce que s’il est impossible d’observer la tentative d’achat depuis l’extérieur ; ainsi, on peut induire du fait que l’inspecteur du commerce et les deux policiers soient restés à l’extérieur qu’il était possible d’observer du dehors ce qui se passait dans l’épicerie.
Le dossier ne fournit par ailleurs aucun élément qui permettrait de douter de la véracité du rapport établi le 20 février 2023 par des agents assermentés. Le rapport contient l’âge des mineurs (16 ans), mais pas leur identité, ce qui est, on l’a vu conforme à la loi et ne pose pas problème puisqu’il n’y a aucun besoin de s’assurer de la crédibilité des mineurs concernés, l’achat étant observé par des agents publics adultes et l’âge des jeunes étant dûment vérifié à leur engagement et constituant la seule question que les commerçants doivent se poser, leur apparence ou leur comportement étant sans pertinence. Dès lors, les griefs du recourant en lien avec la constatation des faits et la procédure d’achat‑test seront écartés.
3. Le recourant n’a pas formulé de grief au sujet de la quotité de la suspension prononcée. Cela étant, la chambre de céans applique le droit d’office et n’est liée ni par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1077/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.2), étant précisé qu’une éventuelle réduction de la quotité de la suspension entre dans le champ de la conclusion principale du recours, à savoir l’annulation pure et simple de la mesure.
3.1 Pour fixer la durée de la mesure ou décider d’un retrait, outre les seuils prévus par l’art. 18 LTGVEAT, l’autorité tient compte notamment de la gravité de la faute, des antécédents et de leur gravité. Est notamment considérée comme grave la violation des prescriptions visées aux art. 6, 14 et 16, ces deux dernières dispositions portant sur l’obligation d’affichage (art. 18 al. 6 LTGVEAT).
3.2 Selon l’art. 61 al. 1 let. a LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a). Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
3.3 Aux termes de l’art. 5 al. 2 Cst., l’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. Le principe de la proportionnalité exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats d’intérêt public escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, elle interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 148 I 160 consid. 7.10 ; 140 I 218 consid. 6.7.1).
3.4 La direction jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la mesure administrative (ATA/911/2023 du 25 août 2023 consid. 2.3). Ainsi, la chambre de céans a considéré que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise, cette autorité n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni excédé celui-ci en prononçant la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours, durée qui se situait dans la fourchette inférieure de l’art. 18 al. 3 let. a LTGVEAT (ATA/910/2023 du 25 août 2023 consid. 3.5). Dans une autre affaire, elle a réduit la durée de la suspension d'un mois à quinze jours pour prendre en considération les circonstances, telles l’absence d’antécédent, les regrets exprimés, l’engagement de prendre les mesures pour éviter une récidive, la quantité d’alcool acheté limitée à une bouteille de 5 cl et les effets économiques de la mesure sur l’établissement, lequel ne vendait que de l’alcool (ATA/760/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.5). Dans l'ATA/761/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.7, les recourants ont vu la durée de la suspension de l'autorisation de 60 jours pour deux infractions admises réduite à 30 jours pour les motifs qu'elle ne tenait pas suffisamment compte du fait que le recourant n’avait pas d’antécédent disciplinaire, avait exprimé des regrets, s’était engagé à prendre des mesures pour éviter une récidive, que la quantité d’alcool vendu était limitée à une bouteille de 275 ml, que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique et des effets économiques de la mesure sur l’établissement. Enfin, dans une affaire encore plus récente et très proche de la présente espèce puisqu’elle concernait la vente d’une seule cigarette électronique par un exploitant sans antécédent, elle a réduit la mesure de 30 à 20 jours (ATA/856/2024 précité consid. 3.6).
3.5 Comme le relève l’autorité intimée, la LTGVEAT prévoit expressément que la vente de tabac ou de produits assimilés aux mineurs constitue une infraction grave (art. 18 al. 6 in fine LTGVEAT). La sanction en cas de deuxième manquement est d’ailleurs particulièrement sévère puisqu’elle implique le retrait de l’autorisation assorti d’un délai de carence de 36 mois, pendant lequel le PCTN ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande (art. 18 al. 5 LTGVEAT). La sévérité de la sanction en cas de vente de tabac aux mineurs répond donc à une volonté clairement exprimée par le législateur de se montrer intransigeant à l'égard des auteurs de cette infraction.
Cela étant, malgré la gravité de l'infraction, il apparaît à la lumière de la jurisprudence susmentionnée, et en particulier de l’ATA/856/2024 précité, que la mesure prononcée par l'autorité intimée est excessive. Elle ne tient pas suffisamment compte du fait que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique, de l'absence d'antécédent du même genre et des effets économiques de la mesure sur le commerce. À ce dernier égard, on relèvera que la suspension ne porte que sur les produits du tabac et assimilés, et le recourant ne soutient pas qu’il ne vendrait que ces produits, et n’allègue du reste aucune perte de chiffre d’affaires, quand bien même il relève de l’expérience générale de la vie qu’une suspension de 30 jours est à même de faire chuter ce dernier.
Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, une suspension de 20 jours apparaît adéquate pour atteindre le but de la LTGVEAT, soit le respect par le recourant des dispositions de cette loi, en particulier la protection de la santé des mineurs, notamment contre les risques d’assuétude.
Le recours sera ainsi partiellement admis et la durée de la suspension réduite à 20 jours.
4. Vu l’issue du litige, un émolument – réduit – de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il lui sera alloué une indemnité de procédure, réduite elle aussi, de CHF 200.-, l’intéressé n’ayant soulevé aucun grief en lien avec la quotité de la suspension (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 31 janvier 2024 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 31 janvier 2024 en tant qu’elle fixe la durée de la suspension de l’autorisation délivrée à A______, pour la vente à emporter des produits du tabac et des produits assimilés au tabac, à 30 jours ;
réduit la durée de ladite suspension à 20 jours ;
confirme pour le surplus la décision précitée ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;
alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 200.- ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Karin BAERTSCHI, avocate du recourant ainsi qu'à la direction de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
S. CROCI TORTI
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| le président siégeant :
J.-M. VERNIORY |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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