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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4169/2023

ATA/1266/2024 du 29.10.2024 sur JTAPI/489/2024 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4169/2023-LCI ATA/1266/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Yves BONARD, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2024 (JTAPI/489/2024)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______), dénommée B______ SA jusqu’au 24 juillet 2020, a pour but d’ « offrir des logements à caractère social répondant, en principe, à des besoins limités dans le temps, de gérer et d’exploiter des établissements dans le domaine de la restauration de collectivité ». Son siège social se situe rue C______ aux E______.

D______ en est l’administrateur président et directeur.

b. La Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : la CPEG) est propriétaire des parcelles nos 1'463, 1'464 et 1'471 de la commune de Genève-Plainpalais
(ci-après : la commune), sises en zone de développement 2. Deux bâtiments sont érigés sur les parcelles nos 1'463 et 1'464, aux adresses 1______ et 2______ rue F______.

c. Par acte notarié des 14 septembre, 4 et 22 octobre 2012, un droit de superficie (droit distinct non permanent), ayant pour objet les trois parcelles précitées a été concédé à A______ pour une durée déterminée de dix ans, soit du 8 novembre 2012 au 8 novembre 2022.

B. a. Le 6 août 2018, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) a informé B______ SA avoir constaté, le 18 juillet 2018, que les embrasures de façades des bâtiments précités n’étaient pas conformes aux normes énergétiques en vigueur.

b. Par décision du 27 août 2018, l’OCEN, faisant suite à la demande de B______ du 14 août 2018 d’obtenir une dérogation à l’obligation d’assainir, lui a accordé un délai au 31 août 2023 pour fournir la preuve de la démolition des bâtiments.

c. Par décision du 9 août 2021, l’office cantonal de l’eau (ci‑après : OCEau) a exigé de la CPEG, propriétaire des bien-fonds sis sur les parcelles nos 1'464 et 1'468, à la rue F______ 1_______, qu’elle procède aux travaux de remise aux normes des canalisations d’eaux mélangées du réseau collectif privé des parcelles susvisées.

C. a. Le 2 mars 2022, A______ et la CPEG ont conclu un acte notarié, identique au précédent, prévoyant la constitution à terme d’une servitude de superficie, grevant les parcelles précitées.

À teneur de son art. 1, « la CPEG (le superficiant) concède à A______ SA (le superficiaire) une servitude personnelle de superficie qui grèvera, tant en surface qu’en dessous, l’entier des parcelles 1'463, 1'464 et 1'471 ».

L’art. 2 précise que ledit droit de superficie est un droit distinct au sens de l’art. 779 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). N’étant pas de nature permanente au sens de l’art. 779 al. 3 CC et de l’art. 7 al. 2 de l’ordonnance sur le registre foncier du 23 septembre 2011 (ORF - RS.211.432.1), il ne serait pas inscrit comme immeuble au Registre foncier (ci-après : RF).

Selon l’art. 5, le droit de superficie confère au superficiaire le droit de maintenir l’immeuble et d’exploiter un immeuble de logement.

La servitude est concédée pour une durée de dix ans, à compter du 9 novembre 2022. Le loyer convenu entre les parties, à titre de rente annuelle de la servitude, est fixé à CHF 120'000.- (art. 4 et 6).

Le superficiaire a notamment l’obligation de « maintenir en bon état d’entretien et d’hygiène les constructions et installations fixes établies sur les parcelles grevées » (art. 9).

Enfin, l’art. 10 relève qu’à l’extinction du droit de superficie à sa première échéance, à celle de sa prorogation ou en cas de restitution anticipée, toutes les constructions et installations fixes qui en font partie intégrante passeront en la propriété du superficiant, à l’exclusion des meubles.

Une réquisition pour le RF, concernant notamment la création de la servitude de superficie sur les parcelles nos 1'463, 1'464 et 1'471, en faveur d’A______, était jointe à l’acte notarié du 2 mars 2022.

b. Le 9 novembre 2022, la servitude de superficie en faveur d’A______ sur les parcelles nos 1’463, 1'464 et 1'471 a été immatriculée au RF.

D. a. Par décision du 20 septembre 2023, en l’absence de nouvelles de B______ SA quant à la démolition des bâtiments, l’OCEN a octroyé à la société un nouveau délai au 31 octobre 2023.

b. Par courrier du 30 octobre 2023, A______ a relevé être au bénéfice d’un droit distinct et non permanent jusqu’en 2032. Elle réalisait les différentes interventions nécessaires à leur entretien courant mais les travaux inhérents à l’enveloppe, à la structure et aux équipements demeuraient du ressort exclusif du propriétaire. Compte tenu de la zone dans laquelle se situaient ces bâtiments, soumise à de profonds changements et dont les orientations demeuraient indécises, elle l’invitait à lui accorder un nouveau délai et une nouvelle dérogation.

c. Sur question de l’OCEN, par courriel du 3 novembre 2023, la CPEG a notamment indiqué qu’« en vertu du [droit distinct et non permanent] signé en 2022, les immeubles objet de [la] demande, y compris leur enveloppe, structure et équipements, sont donc la propriété d’A______ SA et leur entretien et rénovation est de la responsabilité de ce propriétaire. La CPEG, en tant que nu‑propriétaire de la parcelle, n’a à ce titre aucune obligation ». Le droit de superficie visait à désolidariser la propriété de la parcelle de la propriété des constructions et ouvrages s’y trouvant, indépendamment de son caractère permanent ou non.

d. Par décision du 17 novembre 2023, le département du territoire (ci-après : le département) a fixé à A______ « pour l’assainissement des embrasures en façade des bâtiments dont elle est propriétaire sis rue F______ 1_____ 2______, commune de Genève-Plainpalais, un délai au 31 décembre 2023 pour [lui] fournir : a ) un devis d’une entreprise spécialisée dans l’assainissement des embrasures en façade ; b) une confirmation de commande des travaux de l’entreprise ; c) la date fixée pour la réalisation des travaux ».

E. a. Par acte du 12 décembre 2023, A______ a recouru au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

Le département avait constaté de manière inexacte les faits pertinents ce qui l’avait conduit à rendre une décision contraire au droit fédéral et cantonal.

Par décision du 9 août 2021 notifiée à la CPEG, laquelle lui avait été communiquée pour information le 11 août 2021, le département, soit pour lui l’OCEau, avait expressément retenu que la CPEG revêtait la qualité de propriétaire des bien-fonds sis sur les parcelles nos 1'464 et 1'468, à la rue F______ 1______, et qu’il lui appartenait de procéder aux travaux de remise aux normes des canalisations d’eaux, précisant, en substance, que ces obligations de droit public n’étaient pas à la charge du superficiaire.

Il en découlait que le département s’était mépris sur la destinataire de la décision litigieuse, laquelle aurait dû être notifiée à la CPEG, seule propriétaire des biens‑fonds nos 1'463 et 1'464 et des bâtiments érigés sur ces derniers. Cela ressortait au demeurant expressément du RF, qui bénéficiait de la foi publique.

Elle était uniquement au bénéfice d’un droit distinct non permanent, à savoir d’une simple servitude sur les biens-fonds susvisés, qui n’était pas immatriculée comme immeuble au RF (art. 779 al. 3 CC a contrario). Cette servitude ne répondait pas aux conditions de l’art. 655 CC qui définissait exhaustivement la notion de propriété foncière et d’immeuble. Par conséquent, elle ne lui conférait aucun droit de propriété, que ce soit sur les parcelles susmentionnées ou sur les bâtiments. À l’instar de ce que le DT avait considéré dans sa décision du 9 août 2021, le droit de superficie qui lui avait été octroyé ne répondait pas à la définition d’immeuble au sens du CC dans la mesure où il n’avait pas le caractère d’un droit distinct et permanent. Ce type de droit ne constituait pas une forme de propriété. Ainsi, en retenant de manière inexacte qu’elle était propriétaire et ce malgré son courrier explicatif du 30 octobre 2023, le DT avait rendu sa décision en violation du droit fédéral, en particulier de l’art. 655 CC, la notion de « propriétaire » visée par le droit cantonal genevois, à savoir in casu l’art. 14 de la loi sur l’énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30), devant s’interpréter au sens de la disposition de droit fédéral susvisée et la décision devant être adressée à la CPEG et non à sa superficiaire.

b. Par jugement du 23 mai 2024, le TAPI a rejeté le recours.

La recourante ne contestait pas, en tant que tels, les travaux à effectuer concernant la non-conformité des fenêtres desdits bâtiments au sens de l’art. 56A du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Elle soutenait en revanche ne pas être responsable de ceux‑ci dès lors qu’elle n’était pas propriétaire des bâtiments concernés mais uniquement titulaire d’une servitude de superficie sur les parcelles nos 1'463 et 1'464 sur lesquelles étaient érigés les bâtiments à l’adresse rue F______ . Or, en cette qualité, elle était propriétaire desdits bâtiments, de par la conséquence essentielle de ce droit de superficie.

Le fait que ce droit, bien que distinct, soit non permanent, car constitué pour une durée inférieure à 30 ans, n’altérait en rien cette conséquence. Cette condition était certes nécessaire pour pouvoir immatriculer la servitude comme immeuble au RF, mais l’immatriculation n’exerçait aucune influence sur le contenu matériel du droit de superficie, notamment sur sa composante essentielle et première qui était de dissocier la propriété du fonds de celle des constructions et autres ouvrages qui s’y trouvaient. Nier la qualité de propriétaire d’un bâtiment se trouvant sur un fonds grevé d’une servitude de superficie, au titulaire de celle-ci, revenait à vider de son essence le droit de superficie.

L’art. 10 de l’acte notarié indiquait au demeurant clairement que pendant l’existence du droit de superficie, la propriété (de toutes les constructions et installations fixes qui en faisaient partie intégrante) appartenait au superficiaire, soit la recourante.

Enfin, le raisonnement de la recourante consistant à faire reposer le transfert de propriété du bâtiment, soit la composante principale, si ce n’était unique, d’une servitude de superficie, sur une telle immatriculation était dénué de sens. Bien que possible dans le cas d’un droit distinct et permanent, l’immatriculation en tant qu’immeuble au RF d’un tel droit n’était pas obligatoire. De plus cette immatriculation ne nécessitait pas le consentement du propriétaire du bien‑fonds (soit dans cette hypothèse le propriétaire du bâtiment jusqu’alors). La seule condition pour qu’un droit de superficie déploie ses pleins effets était de l’inscrire comme servitude au RF.

C’était donc à juste titre que l’OCEN avait notifié la décision litigieuse à la recourante, propriétaire des bâtiments en cause, étant rappelé que les propriétaires étaient responsables des travaux à effectuer au sens de la LEn et du RCI et tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département (art. 131 LCI). À cet égard, la LCI ne faisant pas de distinction quant au type de propriétaire, il n’y avait aucune raison d’interpréter cette notion autrement que comme visant le propriétaire des constructions ou installations diverses concernées.

Le bien-fondé de la décision querellée, non remis en cause par la recourante, devait être confirmé.

F. a. Par acte du 21 juin 2024, A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation ainsi qu’à celle de la décision du département du 17 novembre 2023. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI.

Ce dernier avait omis de mentionner plusieurs faits et par voie de conséquence procédé à une constatation incomplète des faits pertinents : 1) le département avait admis les allégués 4, 5 et 19 de son recours à savoir que la CPEG était propriétaire des parcelles nos 1'463 et 1'464 ainsi que des bâtiments y relatifs sis à la rue F______ nos 1______ et 2______ (allégués nos 4 et 5). L’allégué n° 19 portait sur une correspondance de la société à la CPEG, du 30 octobre 2023 détaillant sa position ; 2) le TAPI n’avait pas fait mention du conflit d’intérêts entre l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) d’une part et la CPEG, d’autre part, bien qu’allégué par elle dans sa réplique ; 3) le TAPI n’avait pas non plus retenu que l’OAC avait notifié son injonction d’assainissement des fenêtres à la CPEG avant de se rétracter, après avoir consulté cette dernière, pour ensuite notifier sa décision du 17 novembre 2023 ; 4) le TAPI avait omis de traiter le grief relatif à la décision de l’OCEau du 9 août 2021 aux termes de laquelle le département avait expressément déclaré que la CPEG était la propriétaire des bâtiments litigieux et, à ce titre, devait procéder aux travaux d’assainissement exigés.

En droit, le TAPI avait procédé à une interprétation du droit civil, en violation de sa compétence exclusive de droit public. Il avait ainsi abusé de son pouvoir d’appréciation quant à la notion de propriétaire foncier, avait violé le droit fédéral et cantonal, notamment la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05) et la LEn. Du seul fait de la violation par le TAPI de sa compétence matérielle, le jugement devait être annulé. Pour conduire son analyse sans interpréter le droit civil ni le contrat la liant à la CPEG, le TAPI aurait dû se fier exclusivement au RF, qui jouit de la force publique, ainsi qu’aux allégués admis par le département à savoir que la CPEG était la seule propriétaire des immeubles.

Le département avait violé le principe de la bonne foi. Par sa décision du 9 août 2021, il avait expressément reconnu que la CPEG était la propriétaire des immeubles et l’avait contactée, ès qualité, pour assainir les fenêtres de ces bâtiments. Elle s’était rétractée quelque temps plus tard, sans en expliquer la raison. L’OAC avait décidé de faire sienne l’interprétation erronée de la CPEG, étant précisé que les deux entités se réunissaient régulièrement pour faire le point sur les projets de construction en cours, dont la présente situation. L’OAC avait en conséquence suivi la CPEG afin de reporter sur la société les obligations légales de celle-là. Il aurait appartenu à la CPEG de s’adresser à la société, sans passer par le département et, en cas de refus de la société, de l’assigner devant le tribunal civil. Pour souligner la proximité entre l’OAC et la CPEG, elle avait mis en exergue, dans le cadre de ses observations du 15 février 2024, que l’OAC avait repris, presque mot pour mot, la teneur d’un courrier de la CPEG du 3 novembre 2023 adressé à l’OAC. L’OAC avait en réalité favorisé la CPEG en lui évitant de saisir le juge civil et en revenant sur son analyse du 9 août 2021. La décision du département du 9 août 2021 n’avait d’ailleurs pas été remise en cause par la CPEG, notamment par la saisine de la juridiction administrative. Il était évident que si l’injonction d’assainir les bâtiments pour les montants très importants et disproportionnés par rapport au contrat de servitude personnelle devait la concerner, la société n’aurait jamais conclu une nouvelle servitude avec la CPEG, respectivement renégocié d’autres conditions notamment s’agissant de la durée de la servitude et de la redevance annuelle. Enfin, n’étant pas propriétaire, la société était dans l’impossibilité de contracter un quelconque prêt, dans la mesure où aucun gage, cédule hypothécaire ou hypothèque ne pouvait être constituée sur une servitude personnelle. La décision du département était donc particulièrement choquante. La bonne foi de la société avait été trahie par la décision du 17 novembre 2023 car contradictoire avec celle rendue en août 2021.

b. Le département a conclu au rejet du recours. La recourante confondait la possibilité, pour le juge de droit administratif, d’avoir recours à des notions de droit privé pour statuer sur un litige de droit public, avec l’interdiction de trancher un litige de droit privé en raison de sa compétence matérielle.

De même, en considérant que le TAPI serait lié par les allégations des parties, la recourante avait appliqué à mauvais escient un principe de procédure civile et oubliait que les autorités administratives établissaient les faits d’office et n’étaient pas limitées par les allégués des parties.

La décision de l’OCEau du 9 août 2021 ne liait pas l’OAC, le second n’étant pas soumis à la hiérarchie du premier. La problématique abordée était différente et ne concernait pas la même disposition légale.

Il n’existait pas de conflit d’intérêts avec la CPEG. Il ne voyait pas dans quel but il aurait favorisé cette dernière et encore en quoi cette situation serait pertinente pour le présent litige.

c. La société n’a pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans un premier grief, la recourante se plaint d’un établissement inexact des faits.

2.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cela ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître.

Contrairement au code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), qui à son art. 222 al. 2 2e phr. oblige les plaideurs à utiliser un tel mode de présentation dans leurs écritures, l’art. 73 LPA ne prévoit aucunement que la partie qui répond au recours doive exposer quels faits allégués dans le recours sont reconnus ou contestés. Plus généralement, la LPA n’impose aucune exigence particulière à laquelle doit satisfaire la réponse au recours (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 922 ad art. 73 LPA).

2.2 En l’espèce, si l’autorité intimée a effectivement indiqué dans son mémoire réponse « admis » à côté de plusieurs allégués, cette seule mention n’impose pas au juge administratif, compte tenu de la maxime précitée, que le fait doive impérativement être considéré comme établi. La qualité de propriétaire est l’objet du litige et l’autorité intimée la discute sur plusieurs pages. La seule mention qu’il admet la phrase « La CPEG est propriétaire de la parcelle n° 1'463 sur la commune de Genève‑Plainpalais et du bâtiment y relatif sis à la rue F______ 2______ » ne suffit pas à sceller l’issue du litige. En ne donnant pas à cette mention « admis » des allégués nos 4 et 5 du recours la même portée que le droit de procédure civile, le TAPI a correctement appliqué la procédure administrative et n’a pas constaté les faits de manière inexacte ou incomplète.

La correspondance du 30 octobre 2023 évoquée sous considérant n° 19 n’étant pas déterminante pour l’issue du litige, le TAPI n’a pas établi les faits de façon incomplète en ne la mentionnant pas.

La recourante considère que le TAPI aurait dû faire mention du conflit d’intérêts entre l’OAC d’une part et la CPEG, d’autre part. Le TAPI n’avait pas non plus retenu que l’OAC avait notifié son injonction d’assainissement des fenêtres à la CPEG avant de se rétracter après avoir consulté cette dernière pour ensuite notifier sa décision du 17 novembre 2023. Ces éléments ne sont pas pertinents au vu du contrat de superficie, seul déterminant pour définir le responsable des travaux litigieux, conformément aux considérants qui suivent. La rétractation évoquée ne consiste qu’en la rectification d’une erreur, le propriétaire tenu aux travaux étant précisément la superficiaire et non le superficiant, conformément aux considérants qui suivent. La recourante ne peut dès lors rien déduire de cette erreur initiale.

Selon la recourante, le TAPI avait omis de traiter le grief relatif à la décision de l’OCEau du 9 août 2021 aux termes de laquelle le département avait expressément déclaré que la CPEG était la propriétaire des bâtiments litigieux et, à ce titre, devait procéder aux travaux d’assainissement exigés. Or, d’une part, l’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). D’autre part, la recourante ne peut tirer aucun argument des décisions prises par l’OCEau. Les bases légales invoquées par les différents offices ne sont pas identiques. La décision du 9 août 2021, de huit pages, procède notamment à une interprétation littérale, historique et systématique de la notion d’immeuble dans la LEaux, dans un contexte de canalisations, et n’est dès lors pas pertinente en l’espèce.

Le grief sera écarté.

3.             La recourante se plaint que le TAPI aurait procédé à une interprétation du droit civil, en violation de sa compétence exclusive de droit public. Il avait ainsi abusé de son pouvoir d’appréciation quant à la notion de propriétaire foncier, avait violé le droit fédéral et cantonal notamment la LOJ et la LEn. Ce faisant il avait abusé de son pouvoir d’appréciation.

3.1 Selon l’art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 149 I 25 consid. 4.2.1 ; 143 I 109 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2023 du 11 mars 2024 consid. 6.1).

3.2 Le propriétaire peut établir en faveur d’un tiers une servitude lui conférant le droit d’avoir ou de faire des constructions soit sur le fonds grevé, soit au-dessous (al. 1). Sauf convention contraire, ce droit est cessible et passe aux héritiers (al. 2). Si cette servitude a le caractère d’un droit distinct et permanent, elle peut être immatriculée comme immeuble au RF (al. 3 ; art. 779 CC).

L’acte constitutif d’un droit de superficie n’est valable que s’il a été passé en la forme authentique (al. 1). La rente du droit de superficie et les éventuelles autres dispositions contractuelles doivent être passées en la forme authentique lorsqu’il est prévu de les annoter au RF (al. 2 ; art. 779a CC).

Les dispositions contractuelles sur les effets et l’étendue du droit de superficie, notamment sur la situation, la structure, le volume et la destination des constructions, ainsi que sur l’utilisation des surfaces non bâties mises à contribution par l’exercice du droit, sont obligatoires pour tout acquéreur du droit de superficie et de l’immeuble grevé (al. 1). Si les parties en conviennent, d’autres dispositions contractuelles peuvent être annotées au RF (al. 2 ; art. 779b CC).

À l’expiration du droit de superficie, les constructions font retour au propriétaire du fonds et deviennent partie intégrante de ce fonds (art. 779c CC).

Pour les constructions lui faisant retour, le propriétaire du fonds verse au superficiaire une indemnité équitable qui constitue cependant, pour les créanciers en faveur desquels le droit de superficie était grevé de gage, une garantie pour le solde de leurs créances et qui ne peut pas être versée au superficiaire sans leur consentement (art. 779d al. 1 CC).

3.3 Le droit de superficie donne le moyen de dissocier la propriété du fonds de la propriété des constructions qui s’y trouvent au moment de la constitution ou qui sont édifiées par la suite : en dérogation au principe de l’accession énoncé à l’art. 667 CC, ces constructions sont la propriété du titulaire du droit de superficie (art. 675 al. 1 CC ; ATF 133 III 311 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_233/2019 du 29 août 2019 consid. 6.1).

3.4 Dans les zones de développement, l’État souhaite conserver la maitrise du sol afin de garantir que l’utilisation de la zone reste conforme à son affectation, qu’il y ait suffisamment de terrains à disposition pour répondre aux besoins des entreprises existantes ou s’implantant dans le canton et que le prix des terrains soit maitrisé. Le moyen de cette politique est l’octroi de droits de superficie. Cette approche permet également de transférer la maîtrise du sol au superficiaire sans procéder à une vente qui nécessite l’accord du Grand Conseil genevois conformément à l’art. 80A de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00). L’État agit soit directement, soit par l’intermédiaire de structures créées à cet effet (François BELLANGER, Le droit de superficie en droit public in : Droit de superficie et leasing immobilier, 2011, p. 95 ss).

Ce moyen permet aux entreprises de réaliser les bâtiments et infrastructures dont elles ont besoin sans mobiliser de capitaux importants pour l’achat du terrain. Généralement, les droits de superficie ont une durée de 90 ans au plus, avec possibilité de renouvellement pour des périodes successives de 30 ans au plus. Ils sont cessibles à un autre superficiaire moyennant le consentement du superficiant. De plus, le superficiaire a la possibilité de constituer des gages immobiliers. Enfin, la rente de superficie dépend généralement du type d’exploitation (François BELLANGER, op. cit., p. 95 ss).

Dans la mesure où il est utilisé dans le cadre d’une politique publique, comme par exemple la politique du logement ou l’aménagement du territoire, le droit de superficie est lié à ces tâches. Il permet de valoriser un terrain tout en préservant le droit de propriété de l’État et en garantissant que l’usage du terrain soit conforme au but de la politique en cause. Toutefois, ce lien ne signifie pas que le bénéficiaire du contrat de superficie soit associé directement à l’exécution de la tâche publique. Dans ce cas particulier, le droit de superficie est le moyen pour l’État de réaliser sa politique publique, mais le particulier qui reçoit le droit l’utilise dans la majorité des cas à ses propres fins, qui sont soit commerciales, soit d’utilité publique. Certes, elles devront être compatibles avec la politique publique en cause, mais cela n’implique pas le particulier directement dans la réalisation de cette politique. Cette absence d’intervention directe du bénéficiaire du droit de superficie dans la réalisation de la tâche publique est importante ; elle confère au contrat de superficie son caractère de droit privé et l’empêche de devenir un contrat de droit administratif au regard des critères déterminants pour définir le droit applicable à un contrat. En conséquence, les contrats de superficie utilisés par l’État de Genève seront traités comme des moyens d’action de l’État n’associant pas directement le cocontractant à l’exécution de la tâche publique. Ils seront conclus conformément aux règles de droit privé régissant les droits de superficie, sous réserve du respect des droits et principes constitutionnels régissant le droit administratif (François BELLANGER, op. cit., p. 95 ss).

3.5 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

3.6 En l’espèce, seule est litigieuse la question de savoir laquelle des parties doit être qualifiée de propriétaire des bâtiments et assumer les coûts des travaux d’assainissement de mise aux normes des embrasures de façade.

La recourante est titulaire d’une servitude de superficie sur les parcelles nos 1'463 et 1'464, sur lesquelles sont érigés les bâtiments à l’adresse rue F______ 1______-2______. En sa qualité de superficiaire, conformément aux principes qui précèdent, elle est propriétaire desdits bâtiments.

Comme l’a relevé le TAPI, le fait que ce droit, bien que distinct, soit non permanent, car constitué pour une durée inférieure à 30 ans, n’altère en rien cette conséquence. En effet, cette condition est certes nécessaire pour pouvoir immatriculer la servitude comme immeuble au RF, mais l’immatriculation n’exerce aucune influence sur le contenu matériel du droit de superficie, notamment sur sa composante essentielle et première qui est de dissocier la propriété du fonds de la propriété des constructions et autres ouvrages qui s’y trouvent. Nier la qualité de propriétaire d’un bâtiment se trouvant sur un fonds grevé d’une servitude de superficie, au titulaire de celle-ci, reviendrait à vider de son essence même le droit de superficie.

Enfin, contrairement à ce que soutient la recourante, les contrats de superficie sont utilisés par l’État de Genève, traités comme des moyens d’action de ce dernier, conclus conformément aux règles de droit privé régissant les droits de superficie, sous réserve du respect des droits et principes constitutionnels régissant le droit administratif.

Infondé, le grief sera rejeté.

4.             La recourante se plaint d’une violation du principe de la bonne foi.

4.1 Ancré à l’art. 9 Cst., et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.1).

4.2 En l’espèce, la société est au courant de la problématique des embrasures de façade à la suite du constat, le 10 juillet 2018, que ces dernières n’étaient pas conformes aux normes énergétiques en vigueur. Après être intervenue auprès de l’OCEN, elle a obtenu un délai au 31 août 2023 pour fournir la preuve de la démolition des bâtiments. Cette décision du 27 août 2018 n’a pas été contestée et refusait notamment la dérogation à l’obligation d’assainir.

En conséquence, lorsque la société a conclu l’acte notarié du 2 mars 2022, constituant à terme une servitude de superficie, renouvelant celle qui avait été précédemment en vigueur pendant dix ans, elle connaissait la problématique des travaux d’assainissement des embrasures en façade des bâtiments. Ses allégations selon lesquelles elle n’aurait pas conclu ledit contrat en ces termes si elle avait été au courant des frais à venir ne résiste pas à l’examen. La recourante ne peut en conséquence pas se prévaloir de sa bonne foi.

La société fait grand cas de la lettre de l’OAC du 9 août 2021. Toutefois comme précédemment mentionné, la décision, de huit pages, procède notamment à une interprétation littérale, historique et systématique de la notion d’immeuble dans la LEaux, non pertinente en l’espèce. Elle ne peut en conséquence rien en déduire.

La décision n’est pour le surplus pas contestée et est conforme au contrat de superficie.

En tous points infondés, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge d’A______ (87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 juin 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

mets un émolument de CHF 900.- à la charge d’A______ A ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves BONARD, avocat du recourant, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :