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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1444/2024

ATA/1226/2024 du 18.10.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

épublique et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1444/2024-EXPLOI ATA/1226/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 octobre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 7 mars 2022, a pour associé gérant président B______ (depuis le 7 août 2024) et associée gérante C______.

Active dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, elle exploite l’établissement « A______ » (ci-après : l’établissement), sis à D______,

b. Par courrier du 17 mai 2023, la commission de l’inspection paritaire des entreprises (ci-après : IPE) a informé la société qu'elle entendait initier un contrôle des conditions de travail au sein de l'établissement et lui a imparti un délai au 15 juin 2023 pour lui transmettre : la liste de l’ensemble du personnel actif dans la société en 2022 et 2023, mentionnant la date d’engagement, la fonction occupée, la qualification professionnelle et le nombre d’année d’expérience dans le secteur ; les contrats de travail et fiches de salaire des mois de mars, avril et mai 2023 pour l’ensemble du personnel de la société ; l’enregistrement du temps de travail de l’ensemble du personnel pour les mois de mars, avril et mai 2023, ainsi que les plannings de travail des semaines à venir ; les attestations d’affiliation du personnel de la société aux assurances sociales pour 2022 et 2023.

c. Le 23 août 2023, l’IPE a adressé une sommation à la société, lui impartissant un délai au 1er septembre 2023 pour lui transmettre les documents et renseignements demandés.

d. Par avertissement du 30 octobre 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT), auquel l'IPE avait transmis le dossier, a imparti à la société un délai au 30 novembre 2023 pour produire les documents et renseignements demandés, sous peine de sanctions prévues à l'art. 45 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) et du prononcé de la caducité de l'autorisation d'exploiter, en raison d'un défaut de collaborer au contrôle.

e. La société n’a donné aucune suite à cette demande.

f. Par décision du 14 mars 2024, l’OCIRT a refusé de délivrer à la société l’attestation visée à l’art. 25 LIRT pour une durée de deux ans, refus qui était exécutoire nonobstant recours, lui a infligé une amende administrative de CHF 12'200.- et l’a exclue de tous marchés publics futurs pour une période de deux ans dès le lendemain de l'entrée en force de la décision.

Elle avait enfreint son obligation de collaborer en ne transmettant pas les documents requis malgré plusieurs demandes successives, ce qui empêchait l’autorité de procéder à son contrôle complet, et ainsi de vérifier le respect des usages, et constituait une infraction grave.

B. a. Par acte remis à la poste le 29 avril 2024, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu’à la réponse de l’OCIRT quant à la demande de reconsidération qu'elle lui avait formulée et à l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter son recours ; principalement, à l’annulation de la décision ; subsidiairement, à la délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 LIRT, à la réduction du montant de l’amende à CHF 500.- ; encore plus subsidiairement, à la réduction du montant de l’amende à CHF 1'000.-, à la limitation du refus de délivrer l’attestation visée à l’art. 25 LIRT à deux mois, et à l’exclusion de l’établissement de tous les marchés publics futurs pour une période de six mois.

La société était essentiellement gérée par C______. Elle en avait confié la gestion administrative à un tiers, à tort. Afin de remédier à la carence administrative dont l’établissement avait fait l’objet, la gestion administrative était maintenant reprise par un comptable et administrateur chevronné.

La société comptait deux employés, un chef cuisinier depuis le 10 janvier 2023 à plein-temps et une serveuse à temps partiel (70%) du 10 janvier 2023 au 30 juin 2023. Concernant la LPP, du fait de son hospitalisation, C______ n’avait pas été en mesure de procéder au versement à la caisse NODE dans le délai imparti. Suite à un paiement tardif et au refus d’affiliation de la part de NODE, la société s'était affiliée 17 avril 2024 auprès de la Fondation institution supplétive LPP. Elle était ainsi valablement affiliée aux assurances sociales.

La décision querellée avait été rendue alors qu’un délai au 25 mars 2024 était imparti à la recourante pour fournir les documents sollicités. L’autorité fondait sa décision sur le fait que l’entreprise n’avait pas donné suite à ses demandes et celles de l’IPE et de ce fait enfreint son obligation de collaborer. Or, l’entreprise était de petite taille, ne comptant qu’un seul employé. Elle n’avait aucun antécédent et les pièces sollicitées avaient été remises à l’autorité le 29 avril 2024 avec la demande de reconsidération. Le paiement de l’amende infligée par l’OCIRT mettrait la recourante dans une situation critique, à tel point qu’elle se retrouverait vraisemblablement en faillite.

Il n’était pas contesté qu'elle n'avait pas répondu aux courriers de l'autorité compte tenu de la carence administrative dans laquelle elle se trouvait. Cela étant, elle y avait remédié dans le cadre de la demande de reconsidération. Cette faute isolée ne saurait être qualifiée autrement que de légère.

Une amende de plus de CHF 12'200.-, un refus de délivrance d'attestation nécessaire et une exclusion des marchés publics pour une durée de deux ans apparaissaient des sanctions clairement disproportionnées. Non seulement, l'autorité intimée avait cumulé les trois sanctions mais celles-ci se trouvaient dans la palette élevée des sanctions possibles. Conformément au principe de proportionnalité, une amende, d'un montant de CHF 500.-, aurait à elle seule suffi à atteindre le but fixé, soit la remise de documents sans pour autant atteindre de manière conséquence les intérêts de la recourante.

b. Par décision du 30 avril 2024, l’autorité intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande en reconsidération.

c. Le 14 mai 2024, elle a informé la chambre de céans de cette décision et a indiqué qu'elle s'opposait ainsi à toute suspension de la procédure.

Une confusion était par ailleurs à relever dans le recours. La société confondait deux procédures distinctes. Le présent litige concernait la procédure initiée par l’IPE. L’OCIRT avait, en date du 7 mars 2024, ouvert une seconde procédure envers la recourante et c’était dans le cadre de celle-ci qu’avait été octroyé le délai au 25 mars 2024.

d. Sur ce, la chambre de céans a refusé de suspendre la procédure et a octroyé un délai à la société pour compléter son recours.

e. Dans son complément recours du 17 juin 2024, la société a persisté dans ses conclusions.

À titre liminaire, il était à relever que la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), rattachée à l’OCIRT, avait mis plus de neuf mois pour délivrer l’autorisation d’exploiter l’établissement. Il avait fallu dans cet intervalle continuer à assumer les charges courantes (loyer), ce qui avait grandement péjoré sa trésorerie. Le compte courant de la société attestait du fait qu’elle disposait d’un montant de CHF 16'676.78 au 6 mai 2024. Une amende de CHF 12'200.- lui laisserait un disponible de CHF 4'476.- Un solde si faible la mettrait en péril et conduirait à sa faillite.

Pour le surplus, il était à souligner que toute sanction prononcée selon l’art. 45 al. 1 LIRT entraînait de par la loi la caducité de l’autorisation d’exploiter et donc, ex lege, la fermeture de l’établissement.

Il s’agissait de la première omission de la société, qui n’avait aucun antécédent. Au vu de sa taille, du nombre d’employés, ainsi que du fait qu’elle avait pallié à la carence administrative et démontré qu'elle respectait les normes en vigueur via la production des documents demandés, l’autorité aurait dû renoncer à prononcer toute sanction. Le fait que l’établissement soit condamné à fermer était déjà une sanction disproportionnée. Un avertissement ou un sursis selon lequel une sanction en vertu de l’art. 45 al. 1 LIRT serait prononcée en cas de récidive aurait permis d’obtenir le but visé sans péjorer ses intérêts.

L’autorité avait elle-même indiqué dans la décision querellée qu’« en matière de fixation des sanctions infligées dans le cadre de la violation des usages, l’office ten[ait] compte notamment de la taille de l’entreprise, [ du ] pourcentage de salariés concernés par les infractions, [de] la gravité des infractions, du nombre d’infractions reprochées, de la durée des infractions reprochées de la collaboration de l’entreprise, d’une éventuelle mise en conformité et d’une éventuelle récidive ». Force était de constater que ces préceptes n’avaient pas été suivis. Le cumul des trois sanctions prononcées apparaissait non seulement injustifié mais également d'une disproportion crasse.

f. Le 29 juillet 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

La société ne contestait pas le principe de l’amende prononcée, mais seulement sa quotité. Or, en tant qu’autorité administrative, elle n’avait, pour l’établissement d’une juste sanction, pas à sa disposition les mêmes actes d’instruction qu’une autorité pénale qui disposait de moyens d’investigations plus aptes à saisir la singularité des cas d’espèce, en particulier au regard de la subjectivité, relative à l’intentionnalité de l’auteur de l’infraction. C’était dans ces circonstances, et bien que disposant d’un large pouvoir d’appréciation et pour tenir compte de toutes les circonstances particulières, qu'elle avait estimé devoir suivre une méthode de détermination de la quotité des sanctions qu’il prononçait. Pour ce faire, une série de critères précis avaient été établis, fondés sur des éléments objectifs et mesurables.

La méthode consistait tout d’abord à prendre en compte les circonstances communes et systématiques de l’infraction. Étaient alors pris en compte le montant de la sous-enchère et l’écart maximal avec le salaire minimum. Plus le montant de la sous-enchère et cet écart étaient importants, plus il était estimé que l’employeur s’accommodait d’une violation des conditions salariales. Étaient aussi pris en considération la taille de l’entreprise et le nombre de salariés concernés par l’infraction. Étaient ensuite prises en compte deux autres circonstances : la récidive, qui était une circonstance aggravante et la mise en conformité, circonstance atténuante. D’autres circonstances exceptionnelles et singulières, telle que la situation financière de l’employeur, n’étaient prises en compte qu’avec retenue, au nom de l’égalité de traitement.

La société avait opposé un refus de renseigner total, ce qui était une infraction grave car tout contrôle était alors impossible. Elle comptait deux salariés, présents au moment du contrôle par l’IPE. Elle cherchait à se prévaloir de circonstances exceptionnelles, à savoir sa situation financière et d’avoir fait amende honorable en reconnaissant les infractions et s’engageant à les réparer. Or, le déroulé de l’instruction laissait à douter de la bonne volonté de l’entreprise. L’amende finale s’élevait donc à CHF 12'200.-.

g. Par réplique du 26 août 2024, la société a confirmé qu'elle contestait également le principe de l’amende, une telle sanction engendrant de par la loi une fermeture de l'établissement. Une amende n’était pas nécessaire et ne respectait pas le principe de proportionnalité.

L’explication de l’autorité quant à la manière d’établir le montant des amendes était lacunaire et ne permettait pas de comprendre les raisons d’un montant atteignant CHF 12'200.-. Il convenait de rappeler que la chambre administrative avait à plusieurs reprises réformé les décisions de l’OCIRT et réduit les amendes infligées par celui-ci en raison de leur disproportion.

h. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante demande son audition, ainsi que celle de C______.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion, au cours de la présente procédure, de faire valoir ses arguments et de produire toutes les pièces qu'elle jugeait utiles. Pour le surplus, le dossier soumis à la chambre de céans apparaît, au regard des pièces produites par les parties et des explications fournies par celles-ci, complet et lui permet de statuer en connaissance des éléments pertinents.

Il ne sera donc pas ordonné d’autres actes d’instruction.

3.             Le présent litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé sanctionnant la recourante suite à la violation de son obligation de renseigner.

3.1 Aux termes de l’art. 3 LIRT, l’OCIRT est chargé de contrôler, en collaboration avec les autres autorités et organismes concernés, les installations, l’organisation mise en place, ainsi que les mesures prises pour garantir la protection de la santé et la sécurité des travailleurs. L’inspection paritaire des entreprises a également la faculté d’effectuer de tels contrôles. Ils sont habilités à exiger des employeurs à cette fin tous documents et renseignements nécessaires, sous peine des sanctions prévues par la LIRT et par le droit fédéral.

Selon l’art. 25 al. 1 LIRT, sont soumises au respect des usages les entreprises pour lesquelles une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle spéciale le prévoit.

L’art. 26 LIRT prescrit que le département est compétent pour contrôler le respect des usages au sein des entreprises concernées. Cette compétence est exercée par l’OCIRT, sous réserve de l’al. 2. L’inspection paritaire a également la faculté d’effectuer de tels contrôles (al. 1).

3.2 L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (art. 8 al. 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 - LRDBHD - I 2 22). Cette autorisation d'exploiter est caduque lorsque l'OCIRT prononce la décision prévue à l'art. 45 al. 1 LIRT et à condition que celle-ci soit en force (art. 13 al. 1 let. b LRDBHD). L'exploitant ou le propriétaire qui a qualité d'employeur doit respecter les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail en usage à Genève dans son secteur d'activité. Le département peut lui demander en tout temps de signer auprès de l'office l'engagement correspondant (art. 22 al. 5 LRDBHD).

3.3 Selon l’art. 40A al. 4 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01), l'entreprise est tenue de collaborer au sens de l'art. 76 du règlement. Elle tient à la disposition des organes de contrôle et fournit à leur demande toutes pièces utiles à l'établissement du respect des usages.

Constitue une violation du devoir de renseigner au sens de l'art. 76 RIRT : a) le refus de fournir les renseignements ou les documents requis; b) la transmission de renseignements ou de documents de nature à induire en erreur ; c) tout procédé dilatoire, dont le non-respect des délais impartis, la production de renseignements incomplets ou perlés.

À teneur de l’art. 42A RIRT, en cas d'infractions aux usages ou de violation de l'obligation de collaborer au sens de l'art. 76 du règlement, l'organe de contrôle accorde à l'entreprise un délai pour se mettre en conformité (al. 1). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, l’OCIRT prononce les sanctions prévues à l'art. 45 al. 1 LIRT (al. 2).

3.4 Selon l’art. 45 al. 1 LIRT, lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou le salaire minimum prévu à l'art. 39K, l'OCIRT peut prononcer : (a) une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 pour une durée de trois mois à cinq ans ; la décision est immédiatement exécutoire ; (b) une amende administrative de CHF 60'000.- au plus ; (c) l'exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus. Selon l’al. 2, les mesures et sanctions visées à l’al. 1 sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées.

Les contraventions aux dispositions d’ordre de la LIRT sont sanctionnées par une amende administrative de CHF 100.- à CHF 5'000.- (art. 46 LIRT).

Selon l'art. 75 RIRT, l'amende prévue par l'art. 46 de la loi peut être infligée à toute personne qui, de quelque manière que ce soit, entrave ou tente d'entraver la mission de l'autorité compétente ou viole l'obligation de collaborer au sens de l'article 76 du présent règlement (al. 1). Dans la fixation du montant de l'amende administrative prévue par la loi ou le présent règlement, il est tenu compte du degré de gravité de l'infraction. Le dessein de lucre et les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (al. 5).

3.5 En l’espèce, la recourante n’a pas donné suite à trois demandes successives de renseignements et de documentation de l'IPE, puis de l’OCIRT. Elle ne conteste ni son assujettissement à l’obligation d’informer, ni avoir reçu les demandes successives de l’OCIRT ni avoir omis d’y répondre. Elle met en cause une carence administrative, qui serait maintenant résolue.

Elle a finalement transmis les documents demandés. Ce n’est toutefois que dans le cadre de sa demande de reconsidération qu’elle l’a fait, envoyée à l’autorité intimée le même jour que son recours devant la chambre de céans. De jurisprudence constante, elle ne saurait en tirer argument, l’infraction de violation de l’obligation de collaborer ayant été consommée (ATA/680/2023 du 26 juin 2023 consid. 3.10 ; ATA/930/2019 du 21 mai 2019 consid. 6 ; ATA/553/2018 du 5 juin 2018 consid. 4). C’est donc conformément à la loi que l’OCIRT a retenu dans la décision querellée qu’elle avait violé son obligation de collaborer.

La commission d’une infraction et le principe d’une sanction sont ainsi acquis.

4.             Il reste à examiner si la quotité de la sanction est proportionnée.

4.1 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) relatifs aux principes applicables à la fixation de la peine, soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et l'arrêt cité). Si les antécédents constituent une circonstance aggravante, l’absence d’antécédents est une circonstance neutre qui n’a pas l’effet de minorer la sanction (ATA/435/2023 du 25 avril 2023 consid. 11 et l'arrêt cité).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et l'arrêt cité).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et les arrêts cités; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP).

L’autorité jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/680/2023 précité consid. 4.1 et les arrêts cités).

4.2 Dans l'ATA/680/2023 précité, la chambre de céans avait qualifié la violation de collaborer, et d'avoir remis finalement une documentation qui n'était pas complète, – la recourante n’ayant fourni ni explications ni documents sur le nombre, l’identité et les conditions de travail de son personnel actif à Genève – d’infraction d’une gravité relative. Elle avait dès lors ramené l’amende, fixée par l'OCIRT à CHF 12'200.- également, à un montant de CHF 3'000.-, la recourante ne soutenant pas que l’amende mettrait en péril sa viabilité (consid. 4.2).

4.3 En l’espèce, si la recourante n’a effectivement pas collaboré, la documentation finalement remise est complète. L’infraction doit ainsi être qualifiée de relativement peu grave. La recourante ne présente par ailleurs pas d'antécédents et elle exploite un établissement de petite taille qui ne comportait que deux employés au moment du contrôle par l’IPE.

Dans ces circonstances, la sanction, cumulant refus de délivrer l’attestation pour une durée de deux ans, exclusion de tout marché public futur durant deux ans et amende administrative de CHF 12'200.-, apparaît disproportionnée et constitutive d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité. S'agissant plus particulièrement de l'amende, à l'instar de la recourante, il convient de relever que les explications de l’autorité intimée quant à son calcul manquent de transparence en ce qu'elles permettent difficilement de comprendre la manière dont elle est arrivée à la somme de CHF 12'200.-. Dans l'ATA/680/2023 précité, on a vu qu'elle avait fixé exactement l'amende au même montant qu'ici alors que la documentation remise tardivement n'était toujours pas complète et alors qu'il s'agissait d'une société de taille bien plus grande que celle de la recourante car comportant des succursales dans plusieurs cantons romands. L'OCIRT n'a par ailleurs pas expliqué ici pour quelle raison elle avait prononcé les trois sanctions prévues par l'art. 45 al. 2 LIRT alors que selon cette disposition, le cumul des sanctions n'est qu'une possibilité.

Le recours sera ainsi partiellement admis. La décision sera confirmée dans son principe mais le refus de délivrer l’attestation et l’exclusion de tout marché public futur seront ramenée à une durée de huit mois. Enfin, l’amende sera réduite à un montant de CHF 1'000.-, la recourante soutenant - sans être contredite - que celle infligée dans la décision querellée mettrait en péril sa viabilité. La quotité des sanctions ainsi fixée est apte à produire le résultat escompté, le but de la procédure de contrôle des usages étant de permettre à l'autorité de vérifier que l'entreprise respecte les lois et règlements auxquels elle est soumise. Elle apparaît également adéquate s’agissant de dissuader la recourante de réitérer ses agissements.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2024 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 14 mars 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

fixe à huit mois la durée du refus de délivrer à A______ Sàrl l’attestation visée à l’art. 25 LIRT et de son exclusion de tout marché public futur, ainsi qu’à CHF 1'000.- le montant de l’amende administrative ;

confirme pour le surplus la décision du 14 mars 2024 ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 500.- ;

lui alloue une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :