Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1155/2024 du 01.10.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/758/2024-EXPLOI ATA/1155/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 1er octobre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Pascal JUNOD, avocat
contre
DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE
CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée
A. a. A______ est titulaire d'une autorisation d'exploitation délivrée le 28 avril 2021 par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, devenu depuis la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), lui permettant de vendre des produits du tabac et produits assimilés au tabac au sein de l'enseigne B______, qu'il exploite pour le compte de la société C______ Sàrl (ci- après : la société).
b. La société est inscrite au registre de commerce genevois depuis le 30 octobre 2012 et a pour but l'exploitation de commerces de tabac-journaux entre autres. A______ en est l'associé directeur et dispose de la signature individuelle.
c. Selon le rapport de police du 20 février 2023, un contrôle achat-test par mineur a été effectué par une équipe formée, en sus des mineurs, d’un inspecteur et de deux agents de la police de proximité, le 13 février 2023 à 14h18 dans le commerce à l'enseigne B______ sise rue D______, E______.
d. Lors de ce contrôle, il a été constaté que F______ (ci-après : le vendeur), employé du commerce, a vendu une cigarette électronique « jetable », de marque « LIKE ME Capricorn Banana, nicotine 2% » à deux mineurs de 16 ans. Le vendeur n’a vérifié ni l'âge ni la pièce d'identité des acheteurs.
e. Le 13 juillet 2023, la PCTN a transmis à A______ le rapport précité, indiquant qu'il envisageait de prononcer à son encontre une suspension de son autorisation pour une durée de sept jours à six mois. Un délai au 14 août 2023 lui était accordé pour se déterminer, à défaut de quoi il serait considéré qu'il avait renoncé à le faire et la mesure serait prononcée.
f. Le 3 août 2023, l’intéressé a fait parvenir ses observations à la PCTN, dans lesquelles il alléguait que l’infraction avait été commise par un nouveau collaborateur et qu’à la suite du contrôle, des formations internes avaient été mises en place afin que la situation ne se reproduise plus.
g. Par décision du 31 janvier 2024, la PCTN a suspendu son autorisation, pour une durée de 30 jours. Une mesure d’exécution fixant les dates exactes de suspension de l’autorisation lui serait adressée dès l’entrée en force de la décision. Les produits du tabac et ceux assimilés au tabac devaient être retirés durant l’exécution de la mesure.
B. a. Par acte du 1er mars 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à la réduction de la durée de la sanction ou au prononcé d’une amende. Il a sollicité son audition et celle de son employé, F______. La loi prévoyait qu’en cas de doute sur l’âge de l’acheteur, un contrôle s’imposait.
Le jeune qui avait acheté la cigarette électronique paraissait majeur et largement en âge de procéder à l’achat susmentionné. Le vendeur lui avait déclaré que l’un des deux adolescents entré dans le magasin mesurait environ 1m80, qu’il s’était dirigé directement vers les caisses et parlait avec assurance. Ces éléments l’avaient amené à penser que le jeune avait 18 ans et qu’il n’y avait pas d’éléments laissant croire qu’il était mineur.
Le but de l’achat-test était de veiller à la bonne application de la loi et non de piéger les commerçants. Le choix d’employer un jeune n’ayant pas l’apparence d’un mineur était dès lors contraire à la loi.
En outre, la PCTN n’avait pas produit de pièces de nature à confirmer que les modalités d’achat-test prévues par la loi avaient été respectées, notamment l’accord écrit des parents.
L’autorité avait excédé son pouvoir d’appréciation et violé le principe de proportionnalité. Il n’avait aucun antécédent. La durée de 30 jours de la suspension, qui ne se situait pas dans la fourchette basse prévue par la loi puisque la durée minimum était de sept jours, était dès lors disproportionnée. En prononçant une suspension de 30 jours, l’autorité intimée n’avait pas tenu compte des particularités du cas d’espèce.
b. La PTCN a conclu au rejet du recours.
La loi obligeait le personnel de vente à vérifier l’âge des jeunes clients, sans qu’il doive subjectivement avoir un doute à ce sujet. La vente de tabac et de produits assimilés au tabac à des mineurs constituait une infraction grave, qui méritait des sanctions administratives en sus des sanctions pénales prévues par la loi.
Le mineur ayant participé à l’achat-test avait été choisi dans le respect de la législation et de la directive applicables. Il était en particulier accompagné d’une personne de confiance, membre de l’association G______ (ci- après : G______), ce qui excluait qu’il eût une apparence trompeuse. L’inspectrice et les agents de police pourraient en témoigner, de sorte que le dépôt de pièces concernant le mineur et son audition n’étaient pas utiles, de même que l’audition du recourant et de F______.
c. Le recourant n’ayant pas formulé de nouvelles observations, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Le recourant sollicite son audition et celle de son employé.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 et les références citées). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).
2.2 En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de se déterminer à plusieurs reprises sur les faits qui lui sont reprochés, tant auprès de l’intimée que par-devant la chambre de céans. Il ne précise pas en quoi les mesures d’instruction qu’il sollicite iraient au-delà des allégations contenues dans ses écritures ou des pièces figurant au dossier, étant rappelé que le droit d'être entendu ne confère pas de droit à être entendu oralement, la procédure administrative étant en principe écrite. Quant à l’audition de son employé, le recourant a dûment expliqué les circonstances dans lesquelles il avait vendu la cigarette électronique à un mineur. Dans ces circonstances et dès lors que le dossier en mains de la chambre de céans contient tous les éléments lui permettant de trancher le litige en connaissance de cause, il n’y a pas lieu de procéder à d’autres actes d’instruction.
3. Le litige porte sur la conformité au droit de la suspension de l’autorisation de vendre du tabac et des produits assimilés pour une durée de 30 jours.
4. Le recourant conteste le principe de la suspension de son autorisation.
4.1 La loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25) a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).
La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par la PCTN (art. 7 al. 1 LTGVEAT).
Sont considérés comme produits assimilés au tabac les cigarettes électroniques, présentant un dispositif sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).
Selon l’art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.
Les titulaires d’une autorisation sont tenus de respecter les dispositions de la LTGVEAT et celles de la législation fédérale (art. 10 al. 2 LTGVEAT). Ils doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (al. 3).
4.2 La PCTN peut effectuer ou organiser des achats-tests afin de vérifier si les prescriptions de la LTGVEAT sont respectées (art. 11 al. 1 LTGVEAT). La PCTN, au titre de service chargé de la police du commerce, applique la LTGVEAT
(art. 5 al. 1 LTGVEAT).
Les achats-tests portant sur la limite d’âge ne peuvent être effectués par des adolescents et leurs résultats ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives notamment que si, conformément à l'art. 11 al. 2 LTGVEAT, il a été examiné que les adolescents enrôlés et les personnes qui détiennent l’autorité parentale sur ceux-ci ont donné leur accord écrit quant à leur participation aux achats-tests (let. a) ; les adolescents enrôlés conviennent pour l’engagement prévu et qu’ils y ont été suffisamment préparés (let. c) ; les adolescents ont rempli leur tâche de manière anonyme et été accompagnés par un adulte (let. d) ; aucune mesure n’a été prise pour dissimuler l’âge des adolescents (let. e)
La PCTN, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le département de la santé établissent une directive interdépartementale, laquelle fixe le protocole, la documentation relative aux achats-tests, les modalités concernant l’engagement, l’instruction, l’accompagnement et la protection de la personnalité des adolescents y participant, ainsi que la protection accordée à ces derniers en cas de procédure judiciaire ultérieure (art. 9 al. 3 1e ph. du règlement d’exécution de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 3 février 2021 - RTGVEAT - I 2 25.01).
Selon la directive interdépartementale du 30 janvier 2023, versée au dossier, l’identité des acheteurs et de leur accompagnant est protégée, elle n’est jamais révélée aux exploitants et aux tiers et aucune pièce d’identité n’a à être présentée. Les établissements ont selon une procédure d’échantillonnage la même probabilité d’être testés. Une centaine d’achats-tests sont réalisés annuellement, sans ciblage d’une catégorie d’établissement ou de commerce. Les mineurs engagés pour l’achat-test doivent être âgés de 15 ans à 17 ans et 9 mois. Ils sont accompagnés par une personne adulte formée pour cette tâche avant, pendant et après l’achat-test, ainsi qu’un inspecteur de la PCTN et un agent de police. L’accompagnant reste si possible à l’extérieur de sorte à ce que le mineur ne puisse pas être considéré comme accompagné. Le mineur n’a pas à présenter une carte d’identité si elle est demandée et, sur question, doit indiquer son âge réel.
4.3 La LTGVEAT a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par la présente loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).
À teneur de l'art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.
La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par la PCTN (art. 7 al. 1 let. b LTGVEAT).
Les titulaires d’une autorisation doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (art. 10 al. 3 LTGVEAT).
4.4 En l'espèce, bien qu’il reconnaisse les faits, le recourant allègue que la PCTN, en engageant un jeune paraissant majeur, contrevient à l’esprit de la loi, en cherchant à piéger les commerçants et leurs employés. Cette appréciation ne peut être suivie. L'art. 10 al. 3 LTGVEAT, dont la formulation n’est pas potestative dispose que les titulaires d’une autorisation doivent veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients, au besoin en exigeant une pièce d'identité. Il s'agit d'une obligation légale du titulaire de l'autorisation, comme l'atteste l'intitulé de la disposition. Celle-ci n'accorde aucune latitude au recourant pour opter ou non pour un contrôle en fonction de son propre jugement de l'âge supposé des jeunes personnes clientes. L’allégation du recourant selon laquelle le vendeur n'avait aucun doute sur la majorité des deux mineurs comme invoqué initialement ne pouvait ainsi justifier l'absence de contrôle de leur identité. Il lui appartenait de prendre des dispositions pour former le personnel de vente à remplir les obligations légales inhérentes à l'autorisation, quelles que soient les circonstances. La PCTN était ainsi fondée à prononcer cette sanction.
Contrairement à ce qu’indique le recourant, le fait que le mineur avait l’apparence et la corpulence d’un majeur n’est pas contraire à la loi.
Comme jugé dans une affaire similaire, les caractéristiques physiques d'un mineur ne sont ni réglementées dans la loi, ni de nature à induire le vendeur en erreur et il n'est pas exclu que les personnes mineures présentent l'apparence et la corpulence d'une personne adulte (ATA/760/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.5). Le titulaire d'une autorisation ne peut donc se prévaloir de caractéristiques physiques supposées apparentes d'une personne majeure pour justifier une infraction à l'interdiction de vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs. Relevons à cet égard que la directive précitée prévoit que les mineurs participant à l'achat-test sont préparés à paraître naturels.
Même à supposer que les caractéristiques physiques des mineurs telles que décrites par le recourant soient tenues pour établies, elles n'enfreignent aucune norme dès lors que celui-ci ne rend pas vraisemblable qu'ils avaient été ni maquillés ni « grimés » afin d'induire le vendeur en erreur sur leurs âges.
Le recourant laisse entendre que les modalités d’achats-tests prévues par la loi, notamment l’accord écrit des parents, n’auraient pas été respectés. Il ne ressort du dossier aucun indice laissant penser que la G______ et le PTCN n'ont en l'occurrence pas respecté les exigences légales. Dans la mesure où l'art. 11 al. 2 let. d LTGVEAT garantit l'anonymat des adolescents ayant participé à une opération d'achat-test à l'égard des exploitants et des tiers et rien ne justifie de déroger à ce principe de l'anonymat.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'on ne voit pas en quoi le comportement de l'autorité intimée aurait été déloyal ou propre à tromper le recourant, de sorte que le grief de violation de la LTGVEAT par l’intimée doit être écarté.
5. Le recourant conteste la quotité de la sanction.
5.1 L’art. 18 al. 3 LTGVEAT permet à la PCTN de prononcer, en cas de violation des prescriptions de cette loi ou de ses dispositions d’exécution, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19 LTGVEAT, la suspension de l’autorisation pour une durée de sept jours à six mois (let. a) ou le retrait de l’autorisation (let. b).
Selon l'art. 18 LTGVEAT, pour fixer la durée de la mesure ou décider d’un retrait, outre les seuils précités, l’autorité tient compte notamment de la gravité de la faute, des antécédents et de leur gravité. Est notamment considérée comme grave la violation des prescriptions visées aux art. 6, 14 et 16 LTGVEAT (al. 6). (ATA/856/2024 du 19 juillet 2024 consid. 3.6.3 ; ATA/761/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.7).
5.2 Selon l’art. 61 al. 1 let. a LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a). Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
Aux termes de l’art. 5 al. 2 Cst., l’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. Le principe de la proportionnalité exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats d’intérêt public escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, elle interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 148 I 160 consid. 7.10 ; 140 I 218 consid. 6.7.1).
La PCTN jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la mesure administrative (ATA/911/2023 du 25 août 2023 consid. 2.3). Ainsi, la chambre de céans a considéré dans une première affaire, que compte tenu de la gravité de l’infraction commise, et d’autres manquements à la LTGVEAT (l’intéressé avait déjà fait l’objet d’un avertissement pour avoir violé l’obligation de mettre les boissons alcooliques sous clé et soustraites de la vue du public entre 21h et 7h), cette autorité n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni excédé celui-ci en prononçant la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours, durée qui se situait dans la fourchette inférieure de l’art. 18 al. 3 let. a LTGVEAT (ATA/910/2023 du 25 août 2023 consid. 3.5).
Dans une autre affaire, elle a réduit la durée de la suspension d'un mois à quinze jours pour prendre en considération les circonstances, telles l’absence d’antécédent, les regrets exprimés, l’engagement de prendre les mesures pour éviter une récidive, la quantité d’alcool acheté limitée à une bouteille de 5 cl et les effets économiques de la mesure sur l’établissement, lequel ne vendait que de l’alcool (ATA/760/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.5).
Dans l'ATA/761/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.7, les recourants ont vu la durée de la suspension de l'autorisation de 60 jours pour deux infractions réduite à 30 jours au motif que la décision ne tenait pas suffisamment compte du fait que le recourant n’avait pas d’antécédent disciplinaire, avait exprimé des regrets, s’était engagé à prendre des mesures pour éviter une récidive, que la quantité d’alcool vendu était limitée à une bouteille de 275 ml, que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique et des effets économiques de la mesure sur l’établissement.
5.3 En l’espèce, le recourant fait valoir que la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours est excessive eu égard à l'absence d'antécédents, à l’absence d’autres d’incidents de nature à troubler l’ordre public et dans la mesure où la sanction pénaliserait trop lourdement la société, active dans l’exploitation de commerce de tabac-journaux. Or, ainsi que le relève l’autorité intimée, la LTGVEAT prévoit expressément que la vente de tabac ou de produits assimilés aux mineurs constitue une infraction grave (art. 18 al. 6 in fine LTGVEAT). La sévérité de la sanction en cas de vente de tabac aux mineurs répond donc à une volonté clairement exprimée par le législateur de se montrer intransigeant à l'égard des auteurs de cette infraction.
Cela étant, malgré la gravité de l'infraction, il apparaît à la lumière de la jurisprudence susmentionnée que la mesure prononcée par l'autorité intimée est excessive. Elle ne tient pas suffisamment compte du fait que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique, de l'absence d'antécédent du même genre et des effets économiques prévisibles de la mesure sur le commerce, quand bien même la suspension ne porte que sur les produits de tabac et assimilés. Le recourant affirme également avoir pris des mesures, notamment de formation de son personnel, afin de s’assurer qu’un tel manquement à la loi ne se reproduise pas.
Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, ainsi que des mesures précitées, l’autorité a abusé de son pouvoir d’appréciation. Une suspension de quinze jours apparaît adéquate pour atteindre le but de la LTGVEAT, soit le respect par le recourant des dispositions de cette loi, en particulier la protection de la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction.
Le recours sera partiellement admis et la durée de la suspension réduite à quinze jours.
6. Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, et il lui sera alloué une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- (art. 87 al. 1 et 2 LPA).
*****
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2024 par A______ contre la décision de la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 31 janvier 2024 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 janvier 2024 en tant qu’elle fixe la durée de la suspension de l’autorisation délivrée à A______ pour la vente à emporter des produits du tabac et des produits assimilés au tabac, pour le compte de la société C______ Sàrl, dans le commerce de l'enseigne B______ à 30 jours ;
réduit la durée de ladite suspension à quinze jours ;
confirme pour le surplus la décision précitée ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;
alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Pascal JUNOD, avocat du recourant, ainsi qu’à la Direction de la police du commerce et de la lutte contre le travail au noir.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
S. CARDINAUX
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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