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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/913/2024

ATA/810/2024 du 09.07.2024 ( FORMA ) , ADMIS

Descripteurs : AVOCAT;ÉTUDES UNIVERSITAIRES;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;CONCLUSIONS;CONTRÔLE CONCRET DES NORMES;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;ÉGALITÉ DANS LA LOI;PROPORTIONNALITÉ;NÉCESSITÉ;DROIT FONDAMENTAL;ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL
Normes : Cst.5.al1; Cst.5.al2; Cst.8.al1; Cst.36; Cst.49; LLCA.1; LLCA.3.al1; LLCA.7.al1; LLCA.8.al1; LTF.110; LPA.60.al1.letb; LPA.65.al1; LPA.65.al2; LPA.69.al1; LREC.7.al1; LREC.9; LPAv.24.letb; LPAv.25.al1; LPAv.25.al1.leta; LPAv.31.al1; lpav.31.al2; RPAv.25.al1
Résumé : : recours contre un refus de l'ECAV d'inscrire le recourant, ressortissant turc au bénéfice d'une autorisation de séjour pour réfugiés et titulaire d'un baccalauréat en droit suisse délivré par l'Université de Genève, à la session 2024 de l'ECAV, au motif que l'intéressé ne réside pas en Suisse depuis cinq ans. L'art. 25 al. 1 let. a LPAV, en tant qu'il prévoit que, pour être admis à la formation approfondie, un ressortissant d'un État non membre de l'UE/AELE doit résider en Suisse depuis cinq ans au moins, opère une distinction qui ne se justifie par aucun motif raisonnable, viole le principe de proportionnalité et est ainsi constitutif d'une inégalité de traitement injustifiée. La Faculté de droit ne pouvait en conséquence pas refuser l'inscription du recourant à l'ECAV pour le motif invoqué. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/913/2024-FORMA ATA/810/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juillet 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

FACULTÉ DE DROIT - ÉCOLE D'AVOCATURE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, ressortissant turc né en 1997, est arrivé en Suisse le 11 septembre 2019 dans le cadre d'un semestre d'échange à l'Université de Genève. Il réside à Genève depuis cette date.

b. Il a obtenu le statut de réfugié en Suisse le 16 avril 2021 et est au bénéfice, depuis le 13 juillet 2021, d'une autorisation de séjour pour réfugiés et apatrides reconnus par la Suisse (permis B).

c. Il est titulaire d'un bachelor universitaire en droit suisse obtenu à l'Université de Genève en 2022 et suit depuis cette année-là une maîtrise bilingue en droit à l'Université de Bâle.

B. a. En octobre 2023, il s'est inscrit à l’école d’avocature (ci‑après : ECAV) pour la session de 2024.

b. Le 15 décembre 2023, l'ECAV a refusé son inscription, l'intéressé ne résidant pas en Suisse depuis cinq ans et aucune base légale ne permettant de déroger à cette condition.

c. A______ a formé opposition à cette décision.

d. Par décision du 2 février 2024, notifiée le 14 février 2024, le conseil de direction de l’école d’avocature (ci‑après : le conseil de direction) a rejeté l'opposition.

A______ ne résidait pas en Suisse depuis cinq ans au moins. Il perdait de vue que l'art. 25 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) ne fixait pas les conditions pour la délivrance du brevet d'avocat et partant, pour l'exercice de la profession, mais uniquement les conditions nécessaires pour accéder à la formation approfondie. Celle-ci n'était qu'un préalable à l'obtention du brevet d'avocat et non pas un titre permettant l'exercice de la profession.

L'art. 25 al. 1 let. a LPAv ne consacrait aucune inégalité de traitement. Son esprit était de s'assurer que la personne admise à l'ECAV ait les connaissances nécessaires sur la situation du pays pour exercer la profession d'avocat avec diligence. Il ne prévoyait pas un traitement particulier ou différent pour les réfugiés.

C. a. Par acte déposé le 15 mars 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Il a pris d'autres conclusions, dont le contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Il a fait valoir la violation de plusieurs conventions internationales et lois suisses ainsi qu'une inégalité de traitement. En particulier, les étrangers qui venaient de certains pays n'étaient pas soumis à la condition de résidence de cinq ans en Suisse. Après la réussite de l'ECAV, les étudiants devaient effectuer un stage d'avocat de 18 mois avant de pouvoir passer l'examen du barreau. Ceux qui étaient capables de réussir ces étapes prouvaient a fortiori leur connaissance sur la situation politique et sociale suisse.

b. Le 24 avril 2024, l'ECAV a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet.

Le semestre de printemps 2024 de l'ECAV avait commencé le 19 février et prendrait fin le 25 mai 2024. Au vu du temps écoulé depuis le début du semestre de printemps, A______ ne disposait plus d'un intérêt actuel au recours.

Il existait un intérêt public majeur à exiger de l'avocat qu'il connaisse bien la situation politique et sociale du pays. La durée minimale de résidence en Suisse de cinq ans pour les ressortissants d'un État non membre de l'UE ou de l'AELE se justifiait par la connaissance de la culture du pays. Le législateur genevois avait ainsi considéré que la vérification de ce critère devait en principe être établie par la durée de résidence en Suisse.

c. Dans sa réplique du 23 mai 2024, le recourant s'est prévalu d'un intérêt actuel au recours et a persisté dans son argumentation et ses conclusions.

d. L'ECAV ayant expressément renoncé à formuler des observations complémentaires, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.1 Se pose la question de l'intérêt actuel au recours.

1.2 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2).

1.3 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1). Si l'intérêt actuel n'existe plus au moment du dépôt du recours, celui-ci est déclaré irrecevable. Lorsque cet intérêt disparaît durant la procédure, la cause est radiée du rôle comme devenue sans objet (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et les arrêts cités).

Il est exceptionnellement renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 140 IV 74 consid. 1.3 ; 139 I 206 consid. 1.1), lorsqu'une décision n'est pas susceptible de se renouveler mais que les intérêts des recourants sont particulièrement touchés avec des effets qui vont perdurer (ATF 136 II 101 ; 135 I 79) ou encore lorsqu'en raison de l'importance de principe de la question soulevée, il y a un intérêt public suffisant à ce que celle-ci soit résolue (ATF 135 I 79 consid. 1.1 = SJ 2009 I 330 et 331 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.261/2003 du 22 janvier 2004 consid. 1.1).

1.4 En l'espèce, la session 2024 de l'ECAV est terminée au jour du prononcé du présent arrêt et le recourant n'a ni suivi les cours ni n'a passé les examens y relatifs. Il n'a donc plus d'intérêt actuel à l'annulation de la décision entreprise.

Toutefois, il convient de relever que les inscriptions à l'ECAV sont notoirement ouvertes chaque année en principe dans le courant du mois de septembre et jusqu'à fin octobre (du 15 septembre au 31 octobre 2023 par exemple pour la session 2024 ; information disponible sous la page Internet https://www.unige.ch/droit/ecav
/etudes/faq, page consultée le 3 juillet 2024). Les décisions de refus d'inscription, qui ne peuvent être rendues qu'après un certain temps (le 15 décembre 2023 dans le cas d'espèce) compte tenu du traitement des demandes, ne sont pas portées, le cas échéant, directement devant la chambre de céans, puisqu'elles doivent faire l'objet d'une opposition préalable auprès du bureau (art. 25 al. 1 RPAv). La procédure d'opposition prend nécessairement du temps, avec pour conséquence que la décision sur opposition ne peut en principe être rendue que quelques jours seulement avant le début des cours (le 19 février pour 2024). Il sera précisé que ceux-ci se terminent dans le courant du mois de mai, à partir duquel les examens débutent. Les inscriptions pour ceux-ci doivent en principe être déposées avant la fin avril (1er mai 2024 au plus tard pour la session d'examen de 2024, information disponible sous la page Internet https://www.unige.ch/droit/ecav/examen-final/).

La décision querellée a été rendue le 2 février 2024, notifiée le 14 du même mois et la chambre de céans a été saisie d'un recours le 15 mars 2024 compte tenu du délai de recours. Dès lors, il lui était non seulement impossible de statuer avant le début des cours mais également, compte tenu des échanges d'écritures entre les parties (réponse de l'autorité le 24 avril 2024), illusoire de rendre une décision avant la clôture des examens.

Vu la procédure d'inscription aux cours et aux examens de l'ECAV ainsi que le déroulement de la procédure d'opposition décrits ci-avant, une telle situation est susceptible de se reproduire en pareilles circonstances, si bien que la condition de l'intérêt actuel fait obstacle au contrôle de légalité d'un refus d'inscription à l'ECAV, acte qui pourrait se reproduire chaque année, à pareille époque, vu les nombreuses demandes d'inscription.

Il sera donc renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel, et la qualité pour recourir du recourant sera admise. Cela se justifie d'autant plus que le litige soulève une question d'égalité de traitement et donc qu'il existe un intérêt public suffisant à ce que cette question soit résolue.

2.             Se pose en outre la question de la recevabilité de certaines conclusions prises par le recourant.

2.1 Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1).

L’exigence de la motivation au sens de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse. L’exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/675/2024 du 4 juin 2024 consid. 1.2 et les arrêts cités). Des conclusions conditionnelles sont en revanche irrecevables (arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2010 du 21 avril 2010 consid. 2.2 ; ATA/297/2021 du 9 mars 2021 consid. 2b et l'arrêt cité).

2.2 L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est‑à‑dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/688/2024 du 10 juin 2024 consid. 2.3 et les arrêts cités).

2.3 La chambre administrative n’est pas compétente pour connaître des prétentions civiles que le recourant fait valoir dans son recours contre l’État de Genève ainsi que contre les institutions, corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité. Ces prétentions relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance, conformément aux art. 7 al. 1 et 9 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/22/2024 du 9 janvier 2024 consid. 1 et l’arrêt cité).

2.4 En l'espèce, le recourant a expressément conclu à l'annulation de la décision attaquée (conclusion n° 3 du mémoire de recours) et a donc satisfait aux exigences de l'art. 65 LPA.

Néanmoins, ses conclusions n°s 5, 9 et 10 (première partie) devront être déclarées irrecevables, pour les motifs qui suivent. Le recourant a requis le renvoi de la cause à l'autorité en vue de son inscription à l'ECAV pour le semestre de printemps 2024, à condition que cette nouvelle décision soit prise avant le 1er mai 2024 (condition n° 5). Il s'agit d'une conclusion conditionnelle qui n'est pas admise devant la chambre de céans. Il a également conclu au renvoi de la cause à l'autorité en vue de son inscription à l'ECAV pour le semestre de printemps 2025 (conclusion n° 9). Or, une telle demande n'a pas été examinée par l'autorité ni même soumise à celle-ci dans le cadre de la procédure, si bien qu'elle excède l'objet de la décision attaquée.

Enfin, en tant que le recourant demande que l'autorité soit condamnée à lui verser un montant de CHF 21'000.- pour perte de gain (conclusion n° 10 ; 1ère partie), il fait valoir une prétention civile, qui échappe à la compétence de la chambre de céans.

Pour le reste, le recours est recevable, si bien qu'il convient d'entrer en matière.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l'autorité d'inscrire le recourant à la session de l'ECAV de 2024.

3.1 Selon son art. 1, la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) fixe les principes applicables à l’exercice de la profession d’avocat en Suisse. Elle réserve le droit des cantons de fixer, dans le cadre de la LLCA, les exigences pour l’obtention du brevet d’avocat (art. 3 al. 1).

Selon l'art. 7 al. 1 LLCA, pour être inscrit au registre, l’avocat doit être titulaire d’un brevet d’avocat. Les cantons ne peuvent délivrer un tel brevet que si le titulaire a effectué : des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l’un des États qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes (let. a) ; un stage d’une durée d’un an au moins effectué en Suisse et sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques (let. b).

Aux termes de l'art. 8 al. 1 LLCA, pour être inscrit au registre, l’avocat doit remplir les conditions personnelles suivantes : avoir l’exercice des droits civils (let. a) ; ne pas faire l’objet d’une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d’avocat, à moins que cette condamnation ne figure plus sur l’extrait destiné aux particuliers selon l’art. 41 de la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire (let. b) ; ne pas faire l’objet d’un acte de défaut de biens (let. c) ; être en mesure de pratiquer en toute indépendance ; il ne peut être employé que par des personnes elles-mêmes inscrites dans un registre cantonal (let. d).

3.1.1 À Genève, pour obtenir le brevet d'avocat, il faut notamment avoir effectué une formation approfondie à la profession d'avocat validée par un examen (art. 24 let. b LPAV).

Selon l'art. 25 al. 1 LPAv, pour être admis à la formation approfondie, qui est conçue comme un certificat de formation universitaire (MGC 2008-2009/IV A 5951), il faut remplir les conditions cumulatives suivantes : être de nationalité suisse ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre échange ; à défaut, être titulaire d'un permis de séjour (permis B), d'établissement (permis C) ou lié au statut de fonctionnaire international (permis Ci) et résider en Suisse depuis cinq ans au moins (let. a) ; avoir une connaissance suffisante de la langue française (let. b) ; avoir l'exercice des droits civils (let. c) ; ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec l'exercice de la profession, à moins que cette condamnation ne figure plus sur l'extrait privé du casier judiciaire (let. d) ; ne pas faire l'objet d'un acte de défaut de biens (let. e) ; être titulaire d’une licence en droit suisse ou d’un baccalauréat en droit suisse délivré par une université suisse (let. f).

3.1.2 Tranchant deux questions laissées indécises par la nouvelle LLCA, le projet de loi (LPAv ; PL 10'426) a opté en faveur d'un accès à la profession d'avocat limité aux personnes ayant obtenu un bachelor en droit suisse délivré par une université suisse ou ayant obtenu 180 crédits ECTS en droit, dont 120 crédits ECTS en droit suisse, ces derniers ayant été délivrés par une université suisse. L'on évite ainsi que des étudiants puissent accéder à la formation d'avocat alors qu'ils n'ont pas suivi un minimum d'enseignements en droit suisse, par exemple en ayant obtenu un bachelor en droit étranger et un master en droit international et européen. En effet, l'intérêt public qui est celui de la protection des justiciables requiert que la pratique du barreau genevois soit réservée aux personnes disposant de connaissances minimum en droit suisse (MGC 2008-2009/IV A 5953 et 5954).

Lors du troisième débat relatif au PL 10'426, la représentante de l'ancien département des institutions a relevé, à propos de l'art. 25 al. 1 let. a LPAv, que l'exigence d'un minimum de résidence en Suisse tendait notamment à justifier la connaissance de la culture de la Suisse. Le département ne vérifiait jamais si cette règle était respectée car des cas ne se posaient pas. Un commissaire a précisé qu'une ouverture avait déjà eu lieu et que la condition de cinq ans de résidence en Suisse ne semblait pas discriminatoire. Il ne s'agissait de plus pas d'une condition supplémentaire mais du maintien du système actuel (MGC 2008-2009/X A 12822).

3.2 De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral. Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 145 IV 10 consid. 2.1). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/169/2024 du 6 février 2024 consid. 4.4 et les références citées).

3.3 Le droit est la base et la limite de l’activité de l’État (art. 5 al. 1 Cst.). L’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé (art. 5 al. 2 Cst.).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose de trois critères : l’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, la nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et la proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 144 I 306 consid. 4.4.1 ; ATA/111/2024 du 30 janvier 2024 consid. 4.1.3). Le principe de la proportionnalité est un principe constitutionnel mais il ne constitue pas un droit constitutionnel ayant une portée propre, dont la violation pourrait être invoquée, dans un recours constitutionnel subsidiaire, indépendamment de celle d'un droit fondamental particulier. Dans un recours en matière de droit public, la violation du principe de proportionnalité peut être invoquée de manière indépendante (ATF 148 II 475 consid. 5 ; 141 I 1 consid. 5.3.2 ; 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_528/2023 du 15 décembre 2023 consid. 4.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 551)

3.4 Le principe d'égalité de traitement, consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., s'adresse tant au législateur (égalité dans la loi) qu'aux autorités administratives et judiciaires (égalité dans l'application de la loi ou égalité devant la loi), qui sont tenus de traiter de la même manière des situations semblables et de manière différente celles qui ne le sont pas (ATF 139 V 331 consid. 4.3 ; 137 V 334 consid. 6.2.1).

Une décision ou un arrêté viole le principe d'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1).

3.5 Le droit à l'égalité de traitement est un droit constitutionnel qui peut être invoqué séparément dans un recours au matière de droit public ou un recours constitutionnel subsidiaire (ATF 135 I 265 consid. 1.3 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., n. 591).

3.6 L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

3.6.1 Selon Giorgio MALINVERNI et al., l'État ne peut pas limiter les principes d'égalité et d'interdiction de l'arbitraire comme il restreint les libertés. Soit il les respecte, soit il les viole. C'est donc à tort que l'art. 36 Cst. évoque de façon générale la « restriction des droits fondamentaux » (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4e éd., 2021, n. 176).

3.6.2 Dans son ouvrage « Géométrie de l'égalité », Vincent MARTENET a relevé que le Conseil fédéral et la doctrine presque unanime considéraient que l'art. 36 Cst. ne concernait pas l'égalité. Or, ce postulat n'était pas justifié. En effet, le choix du but visé par la mesure (distinction ou assimilation) ne pouvait appartenir aux seules autorités d'application du droit, spécialement lorsque la différence de traitement était importante. Ce but devait, en principe, disposer d'un ancrage dans un acte normatif (exigence de la base légale). Une distinction ou une assimilation était parfois considérée comme un moyen admissible de réaliser un certain but et l'égalité individuelle pouvait s'incliner face à l'intérêt général. Compte tenu de cette éventualité, il paraissait raisonnable d'exiger que le but, que la distinction ou l'assimilation était censée permettre d'atteindre, soit légitime. En effet, une distinction ne pouvait être justifiée par la quête de n'importe quel but. Enfin, dès qu'une autorité opérait une distinction ou une assimilation en vue de réaliser un certain but, elle devait respecter le principe de la proportionnalité, afin de déterminer si les effets d'une distinction ou d'une assimilation, en particulier leurs conséquences sur les individus, étaient proportionnés au but visé par l'auteur de la norme (Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, n. 307 ss).

3.6.3 La question de savoir si les conditions de restriction des droits fondamentaux prévues à l'art. 36 Cst. sont applicables à l'art. 8 al. 1 Cst. demeure controversée. Le Tribunal fédéral ne l'a pas encore tranchée. Dans certains cas, un examen de la base légale, du but poursuivi et de la proportionnalité de la distinction ou de l'assimilation en cause est pratiquement inévitable. Si l'art. 36 al. 3 Cst. a essentiellement été conçu pour les libertés publiques, il est cependant susceptible de s'appliquer à d'autres droits fondamentaux. S'agissant de l'art. 8 Cst., il convient d'admettre, par analogie en tout cas, qu'il constitue également une grille d'analyse pour certaines distinctions ou assimilations, à tout le moins lorsque la justification en cause est clairement finaliste, soit lorsqu'elle poursuit un but déterminé (Vincent MARTENET in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale, 2021, n. 42 et 48 s. ad art. 8 Cst., et les références citées).

3.6.4 Selon René WIEDERKEHR (Rechtfertigung von Ungleichbehandlungen: Gilt Art. 36 BV auch bei der Einschränkung der Rechtsgleichheit ?, PJA 2008 394‑412), le critère du motif objectif doit être remplacé par un autre programme de contrôle qui permet une évaluation plus différenciée : les différenciations peuvent se fonder, en premier lieu, sur des différences factuelles (motifs internes : contrôle de la conformité) ou reposer principalement sur la concrétisation d'une norme liée à un intérêt public (objectifs externes : contrôle de la justification selon l'art. 36 al. 3 Cst). Ce programme se fonde sur la prémisse selon laquelle l'étendue de la protection de l'égalité peut être restreinte et que cette restriction peut se justifier. Bernhard RÜTSCHE (Die Rechtsgleichheit in Bewegung : Dogmatische Fortbildung von Art. 8 Abs. 1 BV, PJA 2013 1321-1331) va dans le même sens.

3.6.5 Selon Jacques DUBEY, l'art. 8 Cst. notamment est, par principe, soumis à la clause générale de restriction de l'art. 36 Cst. En effet, si les principes de la légalité, de l'intérêt public et de la proportionnalité ne peuvent pas servir à établir dans un cas d'espèce si les droits garantis aux art. 8 et 9 Cst. ont fait l'objet d'une violation ou d'une restriction au sens de l'art. 36 Cst., ils doivent néanmoins concourir à établir si ces droits fondamentaux transversaux ont été respectés ou violés dans un cas d'espèce. Il en va ainsi en particulier du droit à être traité conformément au principe de l'égalité de traitement. La question de savoir si l'État retient ou omet à raison ou à tort un motif objectif, pertinent ou raisonnable pour traiter deux situations de manière identique ou pour les traiter de manière différente ne peut être résolue que par référence au but poursuivi et au moyen utilisé par l'État, c'est-à-dire à la lumière des principes d'intérêt public et de proportionnalité (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, n. 3184 et 3190 s.). En outre, une assimilation ou une différenciation entre deux situations de faits n'est pertinente que sur la base et dans la limite de la loi applicable à celle-ci. En matière d'égalité de traitement, l'exigence de la légalité impose que certaines assimilations et différenciations figurent d'ordre d'ores et déjà dans une loi de rang et de densité suffisants (Jacques DUBEY in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op.cit., n. 4 et 54 s. ad art. 36 Cst.).

3.6.6 Dans la doctrine récente, Rainer J. SCHWEIZER/Kim FANKHAUSER sont également d'avis que les éléments de la triade classique de l'art. 36 al. 3 Cst. constituent des modalités d'examen utiles (sinnvolle Prüfungen) pour déterminer si un traitement particulier est ou non admissible du point de vue de l'art. 8 Cst. (Die schweizerische Verfassung – St. Galler Kommentar, vol. I, 4e éd., 2023, n. 15 ad art. 8 Cst., avec références).

3.6.7 En outre, quand bien même le Tribunal fédéral n'a encore jamais expressément admis que l'examen du respect de l'égalité de traitement se faisait à la lumière de la triade classique, il s'y réfère néanmoins (ATF 138 I 217 consid. 3.3.5 ; voir aussi l'ATF 147 I 89 consid. 2.5 à 2.9 et l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_121/2022 du 24 novembre 2022 consid. 5.5.1, dans lesquels le Tribunal fédéral fait largement coïncider le motif objectif de justification d'une discrimination avec l'intérêt public).

3.6.8 On peut ainsi, en définitive, retenir que les critères de l'art. 36 al. 3 Cst., à tout le moins l'intérêt public et la proportionnalité, peuvent être utilisés au besoin dans le cadre de l'analyse en cas de grief de violation de l'art. 8 al. 1 Cst.

3.7 La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA).

4.             En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant, titulaire d'une autorisation de séjour pour réfugiés (permis B), ne réside pas en Suisse depuis cinq ans au moins et qu'il ne satisfait ainsi pas à toutes les conditions lui permettant de s'inscrire à l'ECAV. Il fait toutefois valoir que la décision querellée, soit le refus de son inscription, et la disposition sur laquelle celle-là se fonde (art. 25 al. 1 let. a LPAv) sont constitutives d'une inégalité de traitement inadmissible. Il allègue également – implicitement à tout le moins – une violation du principe de la proportionnalité.

Il sied à cet égard de préciser que le droit à l'égalité de traitement est un droit constitutionnel qui peut être invoqué séparément tant dans un recours en matière de droit public que dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire. Dès lors et a fortiori, il doit pouvoir également être invoqué séparément dans le cadre d'un recours devant la chambre de céans (art. 110 LTF). En outre, et dans la mesure où l'intéressé peut ainsi se prévaloir de manière autonome de son droit à l'égalité de traitement, le respect du principe de proportionnalité pourra également être examiné ici.

Il convient donc de procéder à un contrôle préjudiciel de la constitutionnalité de l'art. 25 al. 1 let. a in fine LPAv, au regard de l'art. 8 Cst. et du principe de la proportionnalité, ce que la chambre de céans est habilitée à faire à l'occasion d'un cas d'application comme en l'espèce.

4.1 L'art. 25 al. 1 let. a LPAv traite de façon différenciée les ressortissants suisses ou d'un État membre de UE/AELE, d'une part, et les ressortissants d'un État non membre de UE/AELE, titulaires d'un permis de séjour, d'établissement ou lié au statut de fonctionnaire international, d'autre part. En effet, pour être admis à la formation approfondie, ces derniers doivent notamment, contrairement aux premiers, résider en Suisse depuis cinq ans au moins.

Cette constellation implique de déterminer si la distinction se justifie par un motif raisonnable, étant en tant que de besoin précisé que la LLCA n'impose pas, pour l'obtention du brevet d'avocat ou l'inscription au registre, une obligation de résidence en Suisse depuis cinq ans pour les titulaires d'un permis de séjour, d'établissement ou lié au statut de fonctionnaire international.

4.2 Il ressort des travaux préparatoires et des explications de l'autorité que cette obligation se justifie par la nécessité d'acquérir des connaissances de la culture suisse et l'existence d'un intérêt public majeur à exiger de l'avocat qu'il connaisse bien la situation politique et sociale du pays.

Ces intérêts publics sont importants. En effet, comme l'a relevé l'office fédéral de la justice (OFJ), « l'avocat doit disposer de connaissances suffisantes sur la situation politique, économique et sociale de la Suisse. Ces connaissances sont indispensables à l'exercice de la profession d'avocat, indépendamment de la nationalité » (voir la prise de position de l'OFJ du 24 mars 2000 dans le cadre de l'élaboration du Projet de loi du Conseil d'Etat sur la profession d'avocat [PL 8306], MGC 2000 41/VII 6109). En revanche, il apparaît que les intérêts publics visés n'ont pas – encore – lieu d'être dans le cadre de l'ECAV. En effet, celle-ci est exclusivement une formation universitaire à l'occasion de laquelle la profession d'avocat est certes intensément étudiée mais pas encore exercée dans le cadre professionnel. On voit donc mal en quoi les intérêts des justiciables seraient touchés par le fait que des étudiants peu au fait de la situation politique, économique et sociale de la Suisse suivent les cours de l'ECAV, une telle situation apparaissant au demeurant très peu probable comme il sera vu ci-après.

Il apparaît en outre que l'obligation de résidence en Suisse depuis cinq ans pour les personnes concernées établit non seulement une distinction injustifiée mais constitue également un moyen disproportionné pour parvenir à atteindre le but visé. En effet, premièrement, rien ne permet de partir du principe qu'un ressortissant d'un État non-membre de l'UE/AELE soit à ce point moins au fait qu'un ressortissant membre de l'un de ces États de la situation politique, économique et sociale de la Suisse qu'il devrait résider cinq ans en Suisse pour pallier son retard. En effet, si les États non-membres de l'UE/AELE ont certes des cultures ainsi que des situations politique, économique et sociale différentes de celles de la Suisse, il en va de même de la plupart des États membres de l'UE/AELE. Il n'y a donc pas lieu, dans ce contexte, d'établir une distinction entre un ressortissant d'un État membre de l'UE/AELE et un ressortissant d'un État qui n'en est pas, ce d'autant plus que le ressortissant de l'UE/AELE peut avoir vécu toute son existence dans un pays hors UE/AELE et se voir privilégié par rapport à un non-ressortissant qui aurait effectué de nombreux séjours en Suisse.

Deuxièmement, pour être admis à la formation approfondie, le candidat doit impérativement être titulaire d’une licence ou d’un baccalauréat en droit suisse délivrés par une université suisse. Or, outre le fait qu'un tel baccalauréat atteste de solides connaissances du droit suisse et de la situation politique, économique et sociale du pays, il est en principe obtenu après une durée de trois ans. Par conséquent, la personne qui en est titulaire et qui souhaite s'inscrire à l'ECAV est non seulement présumée disposer déjà de solides connaissances dans les domaines concernés mais également avoir en principe vécu en Suisse pendant trois ans au moins, soit une durée apparaissant suffisante pour permettre à l'intéressé de se familiariser, également hors contexte universitaire, à la situation politique et sociale de la Suisse. Une obligation de résidence de cinq ans n'apparaît donc pas nécessaire.

Troisièmement, il ressort des travaux préparatoires que la condition de cinq ans de résidence en Suisse résulte notamment du maintien du système qui prévalait avant l'institution de l'ECAV. En effet, l'art. 25 al. 1 aLPAv, dans sa teneur jusqu'au 1er janvier 2011 et l'entrée en vigueur des dispositions instituant l'ECAV, prévoyait que toute personne qui entendait accomplir un stage d'avocat à Genève devait demander son inscription au registre. Selon l'art. 26 aLPAv, pour l'inscription au registre, il fallait notamment être de nationalité suisse ou ressortissant d'un État membre de UE/AELE ; à défaut être titulaire d'un permis de séjour ou d'établissement et résider en Suisse depuis cinq ans au moins (let. a) ; et être titulaire d'une licence en droit délivrée par une université suisse ou d'un diplôme équivalent délivré par une université d'un État qui avait conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes (let. e). Il ressort donc de ce qui précède que la condition des cinq ans de résidence en Suisse se rapportait non pas à l'inscription à une formation universitaire préalable mais à l'inscription au stage d'avocat, à l'occasion duquel le métier d'avocat est effectivement exercé dans un cadre professionnel, ce qui n'est pas le cas dans le cadre d'une formation universitaire. Par surabondance, avant la modification de la loi, il était possible de se prévaloir d'un diplôme équivalent délivré par une université d'un État ayant conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. Une telle possibilité aurait vraisemblablement pu justifier que le titulaire d'un tel diplôme dût résider quelques années en Suisse afin d'acquérir des connaissances de la culture et du droit suisses. Or, une telle possibilité n'existe plus, seuls une licence ou un baccalauréat en droit suisse délivré par une université suisse étant désormais acceptés. Pour ces raisons, il n'apparaît pas soutenable de justifier la condition des cinq ans de résidence par « le maintien du système antérieur ».

Le refus de l'autorité d'inscrire le recourant à la session de l'ECAV 2024 n'est du reste pas sans conséquence pour l'intéressé. En effet, ce refus a retardé d'une année au moins son cursus universitaire, alors même qu'il était déjà titulaire d'un bachelor en droit délivré par l'université de Genève et en passe d'obtenir un master en droit. Il aurait également pour effet, si l'intéressé devait être amené à commencer son stage avant la réussite de l'ECAV, ce qui ne paraît pas impossible, de prolonger la durée de celui-ci à 24 mois au lieu de 18 (art. 31 al. 1 et 2 LPAv). Or, comme précédemment relevé, aucun intérêt public suffisant ne le commandait.

La distinction opérée par l'art. 25 al. 1 let. a LPAv ne se justifie donc par aucun motif raisonnable et est ainsi constitutive d'une inégalité de traitement. Elle viole également le principe de proportionnalité. L'autorité ne pouvait en conséquence pas refuser l'inscription du recourant à l'ECAV pour le motif invoqué.

4.3 Il convient de relever que, dans le cas d'espèce, l'examen de la conformité au droit supérieur de l'art. 25 al. 1 let. a LPAv aurait également pu se faire à l'aune des conditions de restriction des droits fondamentaux prévues à l'art. 36 Cst.

En effet, dans la mesure où la justification de la distinction de l'art. 25 al. 1 let. a LPAv poursuit un but déterminé, soit la nécessité pour les personnes concernées d'acquérir des connaissances de la culture de la Suisse, un examen de la base légale, du but poursuivi et de la proportionnalité de la distinction en cause se justifie, pour les motifs pertinents soulevés par les auteurs cités ci-avant. Cet examen n'aurait pas conduit à un résultat différent. Si la « restriction » repose certes sur une base légale formelle qui est donc suffisante (cf. ATF 139 I 280 = JdT 2014 I 118 consid. 5.1 et les arrêts cités), les intérêts publics mentionnés n'ont pas lieu d'être dans le cadre d'une formation universitaire comme l'ECAV et l'obligation posée par l'art. 25 al. 1 let. a in fine LPAv aux personnes concernées n'est pas nécessaire pour atteindre le but visé.

Le grief sera donc admis et il en ira de même du recours, dans la mesure de sa recevabilité. La décision querellée sera annulée.

5.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) ni alloué d'indemnité, le recourant ayant comparu en personne et n'ayant pas exposé avoir engagé de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA). Pour ces deux raisons également, et dans la mesure où l'intéressé obtient gain de cause, sa requête d’assistance juridique est sans objet.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 15 mars 2024 par A______ contre la décision de la faculte de droit - École d'avocature de Genève du 2 février 2024 ;

annule la décision de la faculté de droit - École d'avocature de Genève du 2 février 2024 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la faculté de droit - École d'avocature de Genève.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :