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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3266/2022

ATA/397/2024 du 19.03.2024 sur JTAPI/153/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3266/2022-PE ATA/397/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2023 (JTAPI/153/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1976, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a épousé B______au Kosovo le ______ 2006, celle-ci en étant aussi ressortissante. Trois enfants sont nés de cette union, à savoir C______, D______ et E______, nés respectivement les ______ 2009, ______ 2010 et ______ 2013.

c. En 2020 et 2022, A______ a requis et obtenu deux visas afin de se rendre au Kosovo, pour raisons familiales. Sa dernière demande de visa, du 12 avril 2022, lui a été refusée.

B. a. Le 6 avril 2020, A______ a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d'une autorisation de séjour. Sa femme et ses enfants vivaient encore au Kosovo. Il était arrivé à Genève en 2005 et avait travaillé, depuis son arrivée, dans le secteur du bâtiment auprès de différents employeurs. Il était parfaitement intégré et disposait de bonnes connaissances en français. Son extrait du registre des poursuites et son casier judiciaire étaient vierges et il ne percevait aucune prestation de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

Il a joint diverses pièces dont, notamment, un formulaire M signé par l'entreprise F______Sàrl, des extraits – vierges – de son casier judiciaire et du registre des poursuites, des attestations de l'hospice et de niveau A2 en français oral, son curriculum vitae (ci-après : CV), un contrat de travail conclu avec F______Sàrl le 15 avril 2019 pour une durée indéterminée, des fiches de salaire de cette société pour les mois d'avril à septembre 2019, d'G______Sàrl pour les mois de février à octobre 2016, 2017 et 2018, d'H______Sàrl pour les mois de janvier à octobre 2010, 2011 et 2012, diverses quittances de paiement pour les années 2008, 2009, 2013, 2014 et 2015, des lettres de recommandations et de soutien de proches ainsi qu’une liste des membres de sa famille résidant en Suisse et au Kosovo.

b. Le 7 mai 2020, A______ a déposé un bordereau de pièces complémentaires dont, notamment, un certificat médical établi par le Dr I______daté du 6 mai 2020, attestant le suivre depuis 2005, des lettres de recommandations supplémentaires de proches, une lettre de motivation du 21 janvier 2020 et un contrat de sous-location du 15 mars 2020.

c. Par courriel du 5 juin 2020, A______ a sollicité de l'OCPM une autorisation provisoire de travail afin de lui permettre de poursuivre son activité professionnelle auprès d'F______Sàrl, autorisation qui lui a été délivrée.

d. Le 4 octobre 2021, l'OCPM a dénoncé A______ au Ministère public. Certains documents fournis à l'appui de sa demande de régularisation, particulièrement les décomptes de salaires établis par la société H______Sàrl, soulevaient des doutes car les taux de cotisation 2010, 2011 et 2012 pour les cotisations sociales (AVS/AC) correspondaient aux taux de cotisation pour l'année 2015. Cette société n'était de plus pas encore domiciliée à la rue J______. Enfin, son CV ne correspondait pas aux fiches de salaire remises.

e. Par courriers des 17 novembre 2021 et 17 février 2022, A______ s'est enquis auprès de l'OCPM de l'état d'avancement de son dossier, ce à quoi il lui a été répondu que ce dernier faisait l'objet d'une instruction approfondie.

f. Le 28 mars 2022, A______ a été entendu par la police en qualité de prévenu. Il lui était reproché d'avoir fourni des faux documents dans le cadre de sa demande de régularisation, d’avoir eu un comportement frauduleux à l'égard des autorités ainsi que d'avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse.

Il a déclaré que les fiches de salaire transmises à l'OCPM lui avaient été remises par ses employeurs. Il avait reçu les fiches de salaire d'H______Sàrl de son patron à la fin de chaque mois. Il avait travaillé de manière irrégulière. Il s’est également expliqué sur l'attestation du médecin transmise à l’OCPM.

g. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, et, à titre de sanction immédiate, à une amende de CHF 1'200.-, pour séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, comportement frauduleux envers les autorités et faux dans les titres.

Cette ordonnance pénale est entrée en force faute d'avoir été contestée.

h. Par courrier du 20 mai 2022, l'OCPM a fait part à A______ de son intention de refuser sa demande de régularisation et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui a été octroyé pour faire valoir son droit d'être entendu.

i. Dans le délai prolongé au 12 juillet 2022 pour ses observations, A______ a fait valoir qu’il séjournait en Suisse depuis 2005 et avait démontré un séjour de 14 ans, dans la mesure où les preuves de séjour pour les années 2005 à 2009 et 2012 à 2022 étaient admises par l’OCPM. À l’exception de sa condamnation du 28 mars 2022, qu’il regrettait sincèrement, il avait toujours adopté un comportement irréprochable et son intégration était de qualité. Sa réintégration au Kosovo serait impossible.

j. Par décision du 31 août 2022, l'OCPM a refusé la demande de régularisation de A______et a prononcé son renvoi de Suisse, un délai au 31 octobre 2022 lui étant imparti pour ce faire.

Au vu de sa condamnation du 28 mars 2022, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, notamment celui du respect de l'ordre juridique suisse.

Il n'avait de plus pas été en mesure de prouver une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Les documents tendant à justifier son séjour pour les années 2010 à 2012 étaient des faux et il avait été renvoyé dans son pays d'origine les 10 avril et 24 août 2007.

Enfin, il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place, étant rappelé que sa femme, ses enfants et plusieurs de ses frères, avec lesquels il avait gardé des contacts réguliers, vivaient toujours au Kosovo.

C. a. Par acte du 4 octobre 2022, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement l'octroi d'un permis de séjour en sa faveur et de transmettre son dossier au Secrétariat d'État aux Migrations (ci-après : le SEM).

Contrairement à ce que retenait l'OCPM, il était parvenu à démontrer qu'il séjournait en Suisse depuis plus de quinze ans, dont dix sans interruption.

Il n'avait jamais souhaité tromper l'autorité mais avait uniquement fait preuve de négligence, si bien que sa condamnation pénale ne devait pas constituer un obstacle à la délivrance d'un titre de séjour en sa faveur, vu son intégration réussie et les nombreuses années passées en Suisse. Par ailleurs, son salaire lui permettant de subvenir à ses besoins, il n'avait jamais sollicité l'aide sociale ni fait l'objet de poursuites.

b. Le 30 novembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, rappelant notamment les motifs de la condamnation du 28 mars 2022. Pour le surplus, outre le fait que le recourant n'avait pas été en mesure de prouver un séjour continu de dix ans lors du dépôt de sa demande en 2020, il ne ressortait pas non plus de son dossier qu'un retour au Kosovo, où il avait vécu toute son enfance et une partie de sa vie d'adulte, le placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité. L’intéressé y avait conservé l'essentiel de ses attaches soit, en particulier, son épouse et ses enfants.

c. Par jugement du 8 février 2023, le TAPI a rejeté le recours.

A______ faisait l’objet d’une condamnation pénale pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l’égard des autorités, ayant produit des faux documents pour attester de sa présence à Genève durant les années 2010, 2011 et 2012. Son séjour n’y était ainsi pas valablement attesté pour les années en question, les témoignages de proches ne constituant pas des preuves suffisantes. Le précité admettait pour le surplus avoir travaillé en Suisse de manière irrégulière et être retourné au Kosovo plusieurs mois en 2006, puis en 2012. Il y était retourné à d’autres reprises puisque, suite à son mariage en 2006, trois enfants y étaient nés en 2009, 2010 et 2013.

Son intégration socio-professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. Le fait de ne pas dépendre de l'aide sociale, de ne pas avoir de dettes et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles. Sa conduite, au regard notamment de sa condamnation pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l'égard des autorités, ne concordait pas avec ce qui était exigible de tout étranger qui vivait en Suisse.

Arrivé en Suisse à l’âge de 29 ans, A______ avait vécu dans son pays d'origine son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte. Il n'apparaissait pas que sa réintégration au Kosovo soit fortement compromise ni que son départ de Suisse constituerait un déracinement. Sa femme, ses enfants et plusieurs membres de sa famille vivaient toujours au Kosovo.

D. a. Par acte posté le 14 mars 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à l'octroi d'une autorisation de séjour et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Il était en Suisse depuis 2005 – la preuve de son séjour reposait sur des preuves solides pour toutes les années, sauf 2010 à 2012, pour lequel il était rendu vraisemblable par de nombreuses pièces –, et la longue durée de son séjour ne pouvait être relativisée du seul fait que ce dernier était illégal.

S'agissant de sa condamnation pénale, il ignorait pourquoi son précédent conseil n'avait pas fait opposition à l'ordonnance pénale alors qu'il avait contesté les faits reprochés. Il n'avait fait preuve que de négligence, en ne vérifiant pas minutieusement les documents litigieux, et n'avait pas voulu tromper les autorités. Le risque de récidive était nul.

Compte tenu de son activité professionnelle, de son intégration et de son attachement à la Suisse, il risquait, en cas de retour dans son pays – avec lequel il n'avait plus d'attaches –, de se retrouver dans une situation financière et personnelle inextricable. Sa mentalité avait évolué au contact des habitants de Genève et de la Suisse depuis plus de 18 ans.

b. Le 21 avril 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci, en substance semblables à ceux présentés en première instance, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 10 mai 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 9 juin 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 2 juin 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le recourant ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après cette date sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.3 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

2.4 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/756/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.4).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

2.5 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

2.6 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/756/2023 précité consid. 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.7 En l’espèce, le recourant soutient séjourner en Suisse de manière continue depuis 2005. Les considérants du TAPI sur ce point ne prêtent pas le flanc à la critique : les pièces fournies par le recourant ne permettent de retenir un séjour régulier en Suisse qu'à partir de 2012, et encore depuis cette date le recourant est‑il retourné au Kosovo à d'assez nombreuses reprises. Les fiches de salaire antérieures à la date précitée sont des faux ; le médecin qui a signé l'attestation au dossier pratique à K______, et dit ne voir le recourant que rarement en consultation, si bien qu'il a pu se rendre à son cabinet occasionnellement à partir de 2005 sans pour autant habiter en Suisse. Les attestations de personnes habitant L______ et disant le connaître ne permettent pas de savoir qui sont ces personnes, et le recourant n'a jamais prétendu avoir habité le canton de Berne. Il y a donc lieu de considérer que le recourant réside de manière plus ou moins continue en Suisse seulement depuis 2012. En outre, cette durée de séjour, certes assez longue, doit être relativisée au regard du fait que ce dernier a été effectué dans l’illégalité, relativisation qui résulte d'une jurisprudence constante en lien avec l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

Par ailleurs, le recourant ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Certes, il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a jamais recouru à l’aide sociale. Il ne soutient toutefois pas avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s'investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève.

Il n’est pas contesté qu’il a œuvré à Genève dans le secteur du bâtiment. Cette activité ne présente toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises durant son séjour en Suisse.

Le recourant est arrivé en Suisse après l'âge de 29 ans. Il a ainsi passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Kosovo, en connaît donc les us et coutumes et en parle la langue. Aussi et surtout, son épouse et ses trois enfants ont toujours vécu au Kosovo, et ses trois frères y résident également. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio‑professionnelle ne paraît pas gravement compromise.

Contrairement à ce que fait valoir le recourant, il ne peut être fait abstraction de sa tentative d’induire en erreur l’OCPM, faits pour lesquels il a été condamné par ordonnance pénale entrée en force. Les infractions de faux dans les titres et de tentative d’induire les autorités en erreur ne relèvent pas de son statut administratif. Contrairement à la situation d’un étranger condamné pour son statut illégal, le recours à la production de faux titres dénote une volonté d’induire les autorités en erreur et de violer les dispositions relatives, notamment, aux conditions d’octroi d’un titre de séjour. Le recourant ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant pas respecté l’ordre public suisse. Dans ces circonstances, l’intérêt public s’oppose également à l’intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’intimé n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait en principe prononcer son renvoi. Le recourant ne fait pas valoir de circonstances propres à considérer que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible, et de telles circonstances ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 mars 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.