Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4098/2023

ATA/391/2024 du 19.03.2024 ( AIDSO ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4098/2023-AIDSO ATA/391/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ et B______ ont deux enfants : C______, né le ______ 2008, et D______, née le ______ 2010.

b. Par décision du 31 octobre 2022, le service de protection des mineurs
(ci-après : SPMi) a fixé la participation financière de A______ et B______ aux frais de placement et d’entretien de D______ à CHF 7.60 par jour, facturé mensuellement. Un rabais de 80% était appliqué au montant journalier de
CHF 38.-, tenant compte de deux enfants à charge et d’un revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) supérieur à CHF 64'501.- et inférieur à CHF 76'500.-.

En l’absence de contestation, cette décision est entrée en force.

c. Par décision du 16 janvier 2023, le SPMi a fixé la participation financière des parents aux frais de placement et d’entretien de leur fille à CHF 22.80 par jour, facturée mensuellement. Un rabais de 40% était appliqué au montant journalier de CHF 38.-, tenant compte de deux enfants à charge et d’un RDU supérieur à CHF 91’501.- et inférieur à CHF 102’500.-.

En l’absence de contestation, cette décision est entrée en force.

d. Par facture du 31 octobre 2023, le SPMi a sollicité des parents le versement d’un montant de CHF 706.80 à titre de participation aux frais de placement de leur fille pour le mois d’octobre 2023. Le montant correspondait à une participation de CHF 1'178.- (31 x CHF 38.-), dont était déduit un rabais de 40% (CHF 471.20).

B. a. Par acte du 5 décembre 2023, B______ et A______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la « facture d’octobre 2023 », ainsi que « les factures rétroactives 2023 ». Ils souhaitaient « faire ajuster la participation ». Le calcul de la prise en charge était erroné puisque leur fille était à la maison les mercredis, les week-ends et durant les vacances scolaires. A______ avait dû modifier son taux d’activité professionnelle en octobre 2022 afin de pouvoir être en famille le week-end. Ils n’avaient plus d’aide au logement et leurs subsides
d’assurance-maladie avaient été réduits.

Ils ont annexé des fiches de salaire de A______ de juillet à novembre 2023, une attestation d’une rente de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) mensuelle de CHF 2'722.- en faveur de B______, un avis de situation 2023 de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 23 août 2023, ainsi que des relevés de subside d’assurance-maladie 2023.

b. Par réponse du 21 décembre 2023, le SPMi a relevé que le recours n’était « plus possible » contre ses décisions des 31 octobre 2022 et 16 janvier 2023. De plus, contrairement aux prestations catégorielles et de comblement, il ne devait tenir compte que du RDU calculé sur la dernière taxation fiscale définitive. La loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) ne prévoyait ni que le calcul du code tarif puisse se faire sur le RDU actualisé ni qu’il devait prendre en compte le budget des dépenses de la famille. Il ne pouvait dès lors donner suite à leur demande de réévaluation de leur participation financière et maintenait la décision du 16 janvier 2023 calculée sur la base du RDU selon la dernière taxation fiscale définitive. Un arrangement de paiement était néanmoins possible.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti, si bien que la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             La question de la recevabilité du recours se pose en premier lieu. L’intimé considère que le recours n’est « plus possible », le délai de recours contre les décisions des 31 octobre 2022 et 16 janvier 2023 étant échu.

1.1 La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 3, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132
al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières
(art. 132 al. 6 LOJ).

1.2 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (al. 4).

1.3 Selon l’art. 59 let. b LPA, le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions. L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu. La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (ATA/1033/2023 du 19 septembre 2023 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Une décision de base ne peut en principe pas être remise en cause, à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute l’acte de base (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 398 et 399 n. 1150). Le contrôle des décisions administratives en force est aussi en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute la décision de base (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 231 n. 640). Si un recours n’est pas formé contre une décision de principe, le requérant est forclos pour se prévaloir de sa non-validité au moment où il voudra mettre en cause les décisions prises en conséquence de cette première décision. La décision de principe ne peut donc pas être revue incidemment à l’occasion d’un recours contre des décisions d’exécution (ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b).

L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 144 I 208 consid. 3.1 ; 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits. L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel ; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).

1.4 En l’occurrence, il ressort du recours que les intéressés contestent la « facture d’octobre 2023 » ainsi que les « factures rétroactives 2023 ». Certes, la facture du 31 octobre 2023, en tant qu’elle astreint les intéressés à payer une somme d’argent déterminée correspondant à des frais de placement, soit des contributions de droit public, constitue une décision sujette à recours. L’intégralité des moyens développés par les recourants pour la contester porte toutefois sur le calcul du tarif de participation. Or, celui-ci fait l’objet de la décision du 16 janvier 2023, qui, faute d’avoir été contestée en temps utile, est désormais entrée en force. Ainsi, le principe et le montant de leur participation aux frais de placement et d’entretien de leur fille ont acquis force de chose décidée. Les recourants ne font en particulier pas valoir que la facture du 31 octobre 2023 ne serait pas conforme à la décision du 16 janvier 2023, et tel n’apparaît pas être le cas en l’espèce. Elle applique en effet le rabais de 40% prévu par la décision précitée. C’est le lieu de préciser, dans ce contexte, que le placement est ordonné pour une durée pleine et nécessite la mise à disposition permanente d’une chambre ou d’un lit dans un foyer pour cette durée. Les frais du placement restent ainsi dus pour toute la durée de celui-ci (ATA/1000/2022 du 4 octobre 2022 consid. 2c ; ATA/873/2019 du 7 mai 2019 consid. 2f), et ce nonobstant les éventuels retours du mineur dans le foyer familial durant les
week-ends ou les vacances.

Partant, les recourants ne sauraient à présent, par un recours dirigé incidemment contre la facture du 31 octobre 2023, formuler des critiques qu’ils avaient tout loisir d’articuler, en temps utile, contre la décision de l’intimé du 16 janvier 2023.

Il en va de même des « factures rétroactives 2023 » dont il est également fait mention dans le recours. Ces factures concernent du reste des décisions entrées en force, ce qui n’est pas contesté. Le recours contre ces décisions ne respecte ainsi ni l’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution (art. 59 let. b LPA), ni les exigences liées au délai de recours (art. 62 al. 1 let. a LPA).

L’acte du 5 décembre 2023 est partant irrecevable. Cela étant, dans la mesure où les recourants font valoir que les circonstances se seraient modifiées dans une mesure notable depuis la décision du 16 janvier 2023, leur recours peut être considéré comme une demande de reconsidération. Il est toutefois également irrecevable dans cette hypothèse, une telle demande devant être adressée à l'autorité qui a pris la décision (art. 48 al. 1 LPA). Il sera ainsi transmis au SPMi, pour raison de compétence, en application de l'art. 64 al. 2 LPA.

2.             Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Compte tenu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 5 décembre 2023 par A______ et B______ contre la facture du service de protection des mineurs du 31 octobre 2023 ;

transmet la cause au SPMi pour raison de compétence ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :