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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3532/2019

ATA/525/2021 du 18.05.2021 sur JTAPI/319/2020 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;REGROUPEMENT FAMILIAL;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;DÉLAI;DÉLAI LÉGAL;FORCE MAJEURE;MODIFICATION DES CIRCONSTANCES;INTÉRÊT DE L'ENFANT;SPHÈRE PRIVÉE
Normes : LPA.61; LEI.43.al1; LEI.47.al1; OASA.73.al1; LEI.47.al3.letb; OASA.73.al2; LEI.126.al1; LEI.47.al4; OASA.73.al3; LPA.16; CEDH.8; CDE.3 § 1
Résumé : Existence de raisons familiales majeures permettant d'autoriser un regroupement familial différé. Admission du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3532/2019-PE ATA/525/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 mai 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs, B______ et C______
représentés par Me Stéphane Rey, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2020 (JTAPI/319/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

2) Le 9 mars 2011, M. A______ a sollicité auprès de la représentation suisse à D______ (Kosovo) un visa de long séjour en vue de préparer son mariage avec Madame E______, ressortissante suisse, née le ______ 1966.

3) Interpellée par l'office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), dans le cadre de cette demande, Mme E______ a notamment indiqué, par courrier du 15 avril 2011, que son fiancé était célibataire et qu’il n’avait pas d’enfant.

4) Entendu par la représentation suisse à D______ le 15 avril 2011, M A______ a notamment affirmé qu’il n’était pas marié, qu’il n’avait pas conclu d’union traditionnelle et qu’il n’avait pas d’enfant.

5) Arrivé à Genève le 23 juin 2011 muni de l’autorisation requise, M. A______ a épousé sa fiancée le 22 juillet suivant à Lancy.

6) M. A______ a d’abord été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, le 25 août 2011, puis d’une autorisation d’établissement dès le 21 décembre 2016.

7) Le 23 juin 2016, l’OCPM a reçu un courrier portant le nom des époux A______ comme expéditeurs ainsi que la mention « Anonyme – SVP !!! » par lequel Mme A______ indiquait être séparée de son époux depuis sept mois, lequel s’était marié au Kosovo en 2009-2010 et souhaitait faire venir son épouse et leurs trois enfants en Suisse.

8) Interpellés par l’OCPM, les époux A______ ont indiqué, par courriers séparés du 4 août 2016, qu’il n’y avait pas eu de séparation et qu’ils envisageaient effectivement de solliciter le regroupement familial en faveur des deux enfants de M. A______ qui vivaient actuellement au Kosovo. La venue de la mère des enfants n'était pas envisagée. M. A______ a précisé qu’il souhaitait leur offrir une vie de famille plus stable. Ses enfants vivaient jusqu’alors chez leur grand-père paternel, dont l’épouse était décédée en avril 2016.

9) Le 21 octobre 2016, les époux A______ ont été entendus par l'OCPM et ont confirmé la teneur de leurs courriers du 4 août 2016.

10) Par jugement du 5 janvier 2017, devenu définitif et exécutoire le 9 mars 2017, le Tribunal de première instance de F______ (Kosovo) a confié la garde de B______ et C______ à M. A______. Il ressort notamment de ce jugement que Madame G______ et M. A______ avaient vécu en union hors mariage de 2006 à 2010. De cette relation étaient nés B______, le ______ 2007, et C______, le ______ 2008. Mme G______ ne disposant pas de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins, elle proposait au TAPI de confier les enfants à leur père, au motif qu’il avait « de meilleures conditions financières » et qu’ils seraient mieux éduqués et instruits. Elle sollicitait également d’avoir des contacts avec ses enfants deux fois par an durant les vacances d’été et d’hiver. Quant à M. A______, il acceptait la proposition car il avait de « meilleures conditions financières », dans la mesure où il se trouvait et travaillait en Suisse. Les enfants voulaient vivre avec leur père qui travaillait en Suisse et avait de « meilleures conditions ». Leur mère avait le droit de les voir deux fois par an, pendant les vacances d'été et d'hiver.

11) Le 2 août 2017, l’OCPM a reçu la demande de regroupement familial déposée par M. A______ en faveur de ses enfants B______ et C______.

Depuis son départ du Kosovo, ses enfants vivaient auprès de leur grand-père paternel, lequel était décédé le 28 janvier 2017. Il n’avait désormais plus personne à qui les confier. Leur mère, Mme G______, ne pouvait subvenir seule à leurs besoins, faute de moyens financiers, raison pour laquelle elle lui avait confié la garde exclusive de leurs enfants, conformément à la décision du tribunal de F______ du 5 janvier 2017. Les enfants étaient venus en Suisse au bénéfice d’un visa valable du 23 juin au 22 juillet 2017. Ils étaient très heureux de vivre auprès de leur père et de son épouse. Leurs visas étaient désormais échus et « pour des raisons économiques », ils resteraient à Genève en attendant la décision de l’OCPM, étant précisé qu’ils avaient entrepris les démarches afin de les scolariser et de les affilier auprès d’une assurance-maladie.

12) Interpellé par l’OCPM, M. A______ a indiqué, par courrier du 8 janvier 2018, que suite à son arrivée en Suisse en 2011, il avait gardé des contacts avec ses enfants par des échanges téléphoniques et par Internet. Il se rendait également au Kosovo dès qu’il en avait la possibilité, soit pendant ses vacances et ses jours de congé. Après le décès de son père, Monsieur H______ , survenu le 28 janvier 2017, à qui les enfants étaient confiés, sa sœur I______, s’était occupée d’eux dans la maison familiale jusqu’au 5 juillet 2017.

Dans la mesure où elle était mariée et avait ses propres enfants, cette situation ne pouvait perdurer. Son mari n’acceptait pas que B______ et C______ vivent sous leur toit. Par ailleurs, lui-même avait dû attendre le jugement du Tribunal de première instance kosovar du 5 janvier 2017 lui confiant la garde des enfants pour déposer une demande de regroupement familial en leur faveur. La demande n’avait pas été déposée depuis le Kosovo car les époux A______ voulaient d’abord s’assurer que les enfants se plairaient auprès d’eux, raison pour laquelle ils les avaient d’abord fait venir durant les vacances d’été. Les enfants avaient alors retrouvé une famille aimante, si bien qu’ils ne voulaient plus retourner au Kosovo. Leur mère vivait chez ses parents et elle souhaitait retrouver sa liberté. Si elle rencontrait un autre homme, ce dernier n’accepterait pas les enfants.

13) Informé par courrier du 1er juillet 2019 par l’OCPM de son intention de refuser la demande de regroupement familial déposée en faveur de ses enfants et de prononcer leur renvoi de Suisse, M. A______ a fait valoir son droit d’être entendu le 22 juillet 2019.

14) Par décision du 22 août 2019, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé de donner suite à la demande d’autorisation de séjour déposée en faveur de B______ et de C______ et a prononcé leur renvoi en leur impartissant un délai au 31 octobre 2019 pour quitter la Suisse.

M. A______ avait obtenu une autorisation de séjour le 25 août 2011. Compte tenu des délais légaux, il disposait d’un délai au 25 août 2016 pour déposer une demande de regroupement familial en faveur de ses enfants. La demande déposée le 2 août 2017, soit plus de onze mois après l’échéance du délai légal, était ainsi tardive, et aucune raison familiale majeure ne justifiait le regroupement familial différé. En effet, il ressortait du jugement devenu définitif et exécutoire le 9 mars 2017 du Tribunal de première instance de F______ que la mère des enfants proposait de confier leur garde à leur père qui disposait d’une meilleure situation financière et qui leur offrirait une meilleure éducation et instruction en Suisse. M. A______ avait également fait valoir qu’il n’avait obtenu la garde de ses enfants qu’en date du 5 janvier 2017. Or, si sa volonté était effectivement de reconstituer une communauté familiale, il était difficilement compréhensible qu’il n’ait pas entrepris plus tôt les démarches afin d’obtenir leur garde, étant précisé qu’il était établi en Suisse depuis le 23 juin 2011.

M. A______ n’avait pas non plus avancé de motifs justifiant le fait que la mère des enfants ne puisse s’occuper d’eux. En tout état, l’établissement des enfants en Suisse représentait clairement un déracinement socio-culturel, et il était dans leur intérêt de vivre auprès de leurs proches au Kosovo, où se trouvaient leurs attaches. Compte tenu de ces éléments, la demande de regroupement familial semblait essentiellement être motivée par des raisons économiques plutôt que par la volonté de reconstituer une communauté familiale.

Sous l’angle du droit au respect de la vie privée et familiale, M. A______ s’était établi volontairement en Suisse afin de se marier, et ses enfants avaient été élevés par des proches au Kosovo, de sorte qu’il ne pouvait se prévaloir de liens affectifs et financiers étroits avec ses fils. En tout état, il pouvait maintenir des relations avec ces derniers en leur envoyant de l’argent et en leur rendant visite au Kosovo.

Au surplus, la procédure qui consistait à déposer une demande auprès de la représentation suisse du lieu de domicile n’avait pas été respectée et l’autorité avait été mise devant le fait accompli.

15) Par acte du 23 septembre 2019, M. A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs B______ et C______, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l’octroi des autorisations requises.

Ses enfants étaient issus de son précédent mariage au Kosovo. Il les avait fait entrer en Suisse le 5 juillet 2017, et ils avaient entamé leur scolarité en 2018 et obtenaient de bons résultats. Il avait été contraint d’attendre le jugement du tribunal kosovar fixant les relations personnelles – qui avait été rendu le 1er mai 2017 (recte : 5 janvier 2017) – avant de déposer la demande de regroupement familial. Contrairement à l’avis de l’OCPM, il était manifestement dans l’intérêt des enfants de poursuivre leur vie en Suisse. Leur mère ne « serait pas en mesure de s’occuper de ses enfants », comme elle en avait attesté par écrit. Sa situation était « tellement dramatique » qu’après sa séparation avec M. A______, les enfants avaient été contraints de vivre chez leurs grands-parents paternels, désormais décédés.

Hormis la question financière, leur mère n’avait jamais été en mesure d’assumer ses tâches maternelles. L’autorité kosovare, « en dérogation des normes légales habituelles » avait d’ailleurs attribué leur garde à leur père le 1er mai 2017 (recte : le 5 janvier 2017). En l’état, les enfants avaient plus d’attaches en Suisse qu’au Kosovo. Ils y étaient bien intégrés, parlaient le français et participaient aux activités extrascolaires. La nouvelle communauté familiale créée avec leur père et son épouse disposait des moyens financiers et affectifs nécessaires à leur bien-être.

L’OCPM avait appliqué arbitrairement les dispositions légales en matière de regroupement familial en considérant que le regroupement familial avait été sollicité pour des motifs économiques et non pas dans le but de reconstituer une communauté familiale. Au demeurant, au moment du dépôt de la demande, les enfants étaient âgés de moins de 12 ans, si bien qu’ils auraient droit à l’octroi d’une autorisation d’établissement en application de l’art. 43 al. 6 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) sans même remplir les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour. Il avait également retenu de manière arbitraire que la demande avait été déposée en dehors des délais légaux. L’OCPM avait en effet retenu à tort que le délai avait commencé à courir le 25 août 2011, date de délivrance de son autorisation de séjour car, non seulement à cette date, mais même le 21 décembre 2016, date d’obtention de son autorisation d’établissement, les enfants se trouvaient encore au Kosovo et une procédure en divorce était pendante. Or, sans la garde exclusive des enfants, il lui aurait été impossible d’obtenir le regroupement familial. M. A______ se trouvait ainsi dans l’impossibilité de solliciter le regroupement familial avant le 1er mai 2017 (recte : le 5 janvier 2017). Les délais légaux avaient ainsi été respectés.

Au demeurant, même si par impossible sa demande était considérée comme tardive, les enfants devaient bénéficier du regroupement familial différé, dès lors que le fait de ne pas savoir s’il allait obtenir leur garde exclusive constituait une raison familiale majeure qui l’avait empêché de déposer plus tôt sa demande.

L’effet suspensif devait être restitué afin de préserver leurs intérêts privés. En effet, les conditions du regroupement familial étant réalisées, si le renvoi des enfants au Kosovo était exécuté, cela leur causerait un préjudice irréparable et le recours deviendrait alors sans objet.

L’intéressé a produit diverses pièces relatives à ses allégations, notamment le jugement kosovar du 5 janvier 2017, des documents concernant la scolarité des enfants en Suisse, ainsi qu’une attestation datée du 2 septembre 2019 et rédigée en français par Mme G______, indiquant qu’elle ne pouvait pas s’occuper des enfants et ne souhaitait pas leur retour au Kosovo. Elle vivait chez ses parents, ne travaillait pas et n’était pas à la recherche d’un emploi.

16) Par décision du 7 octobre 2019, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours et a invité l’OCPM à reporter le délai de départ au début des vacances de Noël afin de tenir compte de l’intérêt des enfants et de permettre à M. A______ d’organiser leur prise en charge au Kosovo.

17) Par acte du 20 octobre 2019, M. A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs, a contesté cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

18) Par arrêt du 10 mars 2020 (ATA/281/2020), la chambre administrative a admis partiellement le recours interjeté contre la décision du TAPI du 7 octobre 2019. Elle a restitué l'effet suspensif à la décision de l'OCPM, en ce qui concernait le délai imparti à B______ et C______ pour quitter la Suisse, et rejeté la requête de mesures provisionnelles pour le surplus.

19) Il ressort du dossier que M. A______ a sollicité les 7 février, 3 juillet, 19 décembre 2018 et 10 avril 2019, des demandes de visa retour en faveur de ses fils pour des périodes d’une dizaine de jours à deux mois, afin qu’ils se rendent au Kosovo pour des visites familiales.

20) Par jugement du 28 avril 2020, le TAPI a rejeté le recours.

La demande de regroupement familial avait été déposée après le délai de cinq ans. M. A______ alléguait avoir été contraint d’attendre le jugement kosovar statuant sur la garde des enfants avant de déposer la demande de regroupement familial en leur faveur, mais cet argument n'était pas pertinent, car il lui appartenait d’entamer en temps utile auprès des autorités kosovares les démarches juridiques nécessaires à la venue de ses enfants en Suisse, étant précisé que dans l’hypothèse d’une autorité parentale conjointe, l’accord exprès de la mère des enfants était suffisant. En outre, le Tribunal de première instance de F______ – dont le jugement avait été prononcé avant le décès du grand-père paternel auquel les enfants avaient été confiés – n’avait statué que sur la garde des enfants, et non sur la question de l’autorité parentale.

Que ce fût au stade de la demande de regroupement familial du 2 août 2017, dans un courrier du 8 janvier 2018 ou dans son recours du 23 septembre 2019, M. A______ avait toujours indiqué que c'était pour des motifs d'ordre financier que la mère des enfants ne pouvait s'en occuper, et qu'ils avaient été contraints de vivre chez leurs grands-parents paternels. Ce point était corroboré par le jugement kosovar du 5 janvier 2017, dont il ressortait que l’intéressée avait proposé de confier la garde des enfants au recourant car elle ne disposait pas de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins et que ce dernier avait de « meilleures conditions financières », le tribunal ne retenant que ce seul motif pour confier leur garde à M A______, la capacité éducative de la mère des enfants n’ayant à aucun moment été mise en cause.

M. A______ n'avait pas non plus démontré avoir sérieusement cherché une solution de prise en charge alternative des enfants au Kosovo – au besoin avec le versement d’une aide financière régulière depuis la Suisse qui améliorerait notablement le confort de vie des intéressés – notamment auprès de la famille maternelle des enfants et plus particulièrement des grands-parents, ni d'autres membres de sa propre famille, notamment son frère J______ et son épouse K______ (éléments qui ressortent de l'ATA/312/2019 du 26 mars 2019). Concernant sa sœur I______ qui s'était occupée des enfants dans la maison familiale jusqu'au 5 juillet 2017, M. A______ s'était contenté d'alléguer qu'elle ne pouvait plus les prendre en charge, dès lors que son époux y était opposé.

M. A______ n'avait pas maintenu une relation familiale prépondérante avec ses enfants avant leur arrivée en Suisse. Il avait quitté le Kosovo en juin 2011, alors que les enfants n’étaient âgés que de 3 et 4 ans. Ces derniers n’avaient plus vécu avec leur père jusqu’en juillet 2017. Durant ces six années de séparation, M. A______ leur avait certes rendu visite ou téléphoné, mais il n’avait pas prouvé avoir assumé de manière effective leur éducation ni s’être investi d’une quelconque manière dans leur scolarité. Il n’avait pas non plus démontré ni même allégué avoir contribué à leur entretien durant cette période, et ne pouvait ainsi se prévaloir d’avoir entretenu une relation étroite et effective avec ses enfants durant leurs six années de séparation, soit entre juin 2011 et juillet 2017.

Même si, à ce jour, les enfants vivaient en Suisse et y étaient scolarisés depuis près de trois ans, qu’ils avaient renforcé leurs liens avec leur père et son épouse et qu’ils s'étaient familiarisés avec les us et coutumes suisses, ces éléments ne constituaient pas à eux seuls des raisons familiales impératives. Par ailleurs, M. A______ ne pouvait se prévaloir de la bonne intégration sociale et scolaire de ses enfants en Suisse, dès lors qu’elle n’était que la conséquence de leur séjour illégal.

Force était d'admettre qu'il existait au Kosovo des solutions de prise en charge des enfants, notamment auprès de leur mère, étant rappelé que selon la jurisprudence, le seul fait de posséder encore de la famille sur place, comme en l'espèce, impliquait quasiment un refus de regroupement familial ultérieur. Il apparaissait également que la venue des enfants en Suisse avait été principalement motivée par des considérations d'ordre éducatif et financier.

21) Par acte posté le 2 juin 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et à la comparution personnelle des parties, et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à l'octroi des autorisations de séjour sollicitées et à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Monsieur L______, auquel faisait référence le TAPI dans son jugement et à propos duquel il avait été retenu dans l'ATA/312/2019 précité que la famille A______ était grande au Kosovo, n'était pas son frère.

Il était produit une pièce nouvelle, à savoir un certificat médical au sujet de la mère des enfants. Selon l'attestation établie le 27 mai 2020 par un médecin spécialiste au Kosovo, Mme G______ était en incapacité de travail ; elle prenait un traitement médicamenteux (Fluoxétine, Ansilan et Neurolex), et souffrait d'insomnie et de « douleurs », avec des émotions négatives et des rêves traumatisants.

Les conditions du regroupement familial ordinaire étaient prévues de manière exhaustive à l'art. 43 LEI. Le texte légal ne parlait pas de la volonté de fonder une réelle communauté familiale, et le TAPI avait ainsi imposé une condition supplémentaire de manière arbitraire.

Il avait respecté le délai de cinq ans à partir du jugement de divorce du 1er mai 2017 (recte : 5 janvier 2017) lui attribuant la garde de ses enfants, jugement qui établissait donc le lien familial au sens de l'art. 47 al. 3 let. b LEI.

Les conditions d'un regroupement familial différé étaient également remplies, la mère des enfants étant incapable d'en prendre soin non seulement d'un point de vue financier mais aussi en raison de son état de santé (troubles psychiques nécessitant un traitement continu à base de psychotropes). En 2017, le dernier des grands-parents était décédé, si bien que les enfants s'étaient retrouvés sans personne pour assurer leur prise en charge. Une autre solution permettant aux deux enfants mineurs de continuer à vivre au Kosovo n'était pas envisageable, vu notamment l'incapacité de leur mère à s'en occuper. Le regroupement familial n'était donc pas motivé exclusivement par des arguments économiques, mais par l'absence matérielle d'une personne à même de s'occuper des enfants en sauvegardant leur intérêt et leur bien-être.

En l'état, renvoyer les deux enfants mineurs au Kosovo mettrait sérieusement en danger leur bien-être et leur intérêt. Le jugement attaqué violait également les art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 83 LEI (pour ce dernier, en raison d'un renvoi dans les circonstances sanitaires au moment du dépôt du recours).

22) Le 15 juin 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Si par extraordinaire l'effet suspensif devait être considéré comme ayant « disparu » en raison du prononcé du jugement du TAPI, l'OCPM n'était pas opposé à sa restitution.

Sur le fond, il était renvoyé aux considérants du jugement attaqué et de la décision du 22 août 2019.

23) Par décision du 23 juin 2020, la présidence de la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours en ce qui concernait le délai imparti à B______ et C______ pour quitter la Suisse, et rejeté la requête de mesures provisionnelles pour le surplus.

24) Les 31 août et 4 septembre 2020, les parties ont indiqué qu'elles n'avaient pas d'observations ou de requêtes complémentaires à formuler.

25) Le 14 avril 2021, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. M. A______ a précisé que les séjours des enfants au Kosovo depuis leur arrivée en Suisse étaient ceux qui résultaient des demandes de visa (les 7 février, 3 juillet, 19 décembre 2018 et 10 avril 2019).

Il s'agissait de vacances. S'agissant de l'été 2018, pour lequel un visa de deux mois avait été demandé, les enfants avaient séjourné une semaine au Kosovo avec lui-même et sa femme, étaient revenus, puis s'étaient rendus tous ensemble en Allemagne pour terminer leurs vacances. La demande de visa portait sur une durée assez longue car il n'était pas sûr des dates.

Les enfants étaient scolarisés à Genève depuis 2017. B______ était au cycle d'orientation, en R3, et C______ à l'école M______. Ils avaient de bonnes notes.

Les enfants gardaient un contact avec leur mère principalement par téléphone et par WhatsApp. C'était souvent eux qui l'appelaient, parfois sur son insistance. Ils la contactaient environ une fois par semaine, ou une fois toutes les deux semaines. Ils ne l'avaient pas revue depuis novembre 2019.

Si les enfants devaient retourner au Kosovo, leur mère ne souhaitait pas s'en occuper, notamment car elle n'avait pas vécu avec eux depuis 2010.

M. A______ a enfin précisé qu'il n'avait pas de nouvelles de la santé de la mère de ses enfants depuis la dernière attestation médicale du 27 mai 2020.

b. Un délai au 30 avril 2021 a été fixé aux parties pour leurs déterminations finales, après quoi la cause serait gardée à juger.

26) Le 29 avril 2021, l'OCPM a indiqué qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

27) Le 30 avril 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Depuis sa séparation avec la mère de ses fils en 2010, ceux-ci avaient été pris en charge de manière exclusive par les grands-parents paternels. À la suite du décès du dernier des grands-parents paternels le 28 janvier 2017 (recte : le 28 janvier 2017), il avait été urgent de trouver une solution pour leur prise en charge. Cette question s'était déjà présentée lors du décès de la grand-mère paternelle le 8 juin 2016 (recte : 23 avril 2016). C'était dans ce contexte que M. A______ s'était renseigné sur le regroupement familial en août 2016.

Entre 2010 et 2017, la mère des enfants n'avait jamais assumé son rôle de mère.

M. A______ s'était empressé d'obtenir la garde exclusive de ses enfants, ce que lui avait accordé le Tribunal de première instance de F______ en date du 5 janvier 2017.

En Suisse depuis quatre ans, leur capacité d'intégration avait été excellente. Ils parlaient parfaitement le français et obtenaient des résultats scolaires exemplaires. Leur centre d'intérêts et de vie se trouvait désormais à Genève.

Un refus d'octroyer les titres de séjour mettrait les enfants dans une situation personnelle dangereuse, puisqu'ils seraient obligés de rentrer dans un pays avec lequel ils n'avaient plus aucun point d'attache, et dans lequel il n'y aurait personne pour s'occuper d'eux. Dans le meilleur des cas, ils seraient placés dans un foyer au Kosovo alors que M. A______ était prêt à s'occuper d'eux.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En tant que le recourant sollicite une audience de comparution personnelle des parties, sa demande a été satisfaite en date du 14 avril 2021.

Le dossier contient tous les éléments permettant à la chambre de céans de trancher les questions juridiques à résoudre, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de procéder à d'autres actes d'instruction.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant la décision de l'autorité intimée refusant de délivrer des autorisations de séjour dans le cadre du regroupement familial en faveur de B______ et C______ et prononçant leur renvoi de Suisse.

4) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA).

En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 a contrario de la loi d'application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

5) Le recourant conteste être le frère de M. L______, qui aurait, selon l'ATA/312/2019 précité le concernant, une grande famille vivant au Kosovo.

En l'occurrence, selon le registre informatisé « Calvin » de l'OCPM, M. L______, né le ______ 1964 à N______ au Kosovo, est le fils de Monsieur O______ et de Madame P______. Le recourant est lui né le ______ 1985 à Q______ (Kosovo) et est le fils de M. H______ et de Madame R______ (R______ étant le nom de jeune fille selon son certificat de décès). Les dates de naissances des parents ne figurent pas sur « Calvin ».

Lors de son audition par-devant la représentation suisse à D______ le 15 avril 2011, le recourant a indiqué que lors de son arrivée en Suisse en 2010, il avait habité chez son frère, Monsieur S______. Selon « Calvin », celui-ci est né le ______ 1979 à Q______ et est le fils de M. H______ et de Mme H______.

Compte tenu des éléments en possession de la chambre administrative, il ne peut être retenu que le recourant est le frère de M. L______, dont il est question dans l'ATA/312/2019 précité, lequel disposerait d'une grande famille au Kosovo.

Il ne sera donc pas tenu compte d'éléments tirés dudit arrêt pour statuer sur le présent litige.

6) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l’art. 126 al. 2 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 2.2.1 ; 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1).

En l'espèce, dès lors que la demande de regroupement familial en faveur des enfants du recourant a été réceptionnée par l'OCPM le 2 août 2017, ce sont la LEI et l'OASA dans leur teneur avant le 1er janvier 2019 qui s'appliquent.

7) La LEI et ses ordonnances, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour le Kosovo (ATA/1624/2019 du 5 novembre 2019 consid. 6).

8) a. Le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui (art. 43 al. 1 LEI).

Le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1 LEI et 73 al. 1 OASA). Selon le texte clair de l'art. 47 al. 1 LEI, le délai est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance. Comme le délai dépend de l'âge de l'enfant, le moment du dépôt de la demande est également déterminant à ce dernier égard (ATF 136 II 78 consid. 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 1.1 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 1.1).

Les délais commencent à courir pour les membres de la famille de personnes étrangères, lors de l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou lors de l'établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI et 73 al. 2 OASA). Les délais prévus à l'art. 47 al. 1 LEI commencent à courir à l'entrée en vigueur de la LEI, dans la mesure où l'entrée en Suisse ou l'établissement du lien familial sont antérieurs à cette date (art. 126 al. 1 LEI).

Si le parent à l'origine de la demande de regroupement familial ne dispose pas d'un droit au regroupement (par exemple simple permis de séjour), la naissance ultérieure du droit (par exemple lors de l'octroi d'un permis d'établissement) fait courir un nouveau délai pour le regroupement familial, à condition cependant que le regroupement de l'enfant ait déjà été demandé sans succès auparavant et ce dans les délais impartis (ATF 137 II 393 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-2435/2015 du 11 octobre 2016 consid. 6.3 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 ; ATA/341/2020 du 7 avril 2020 consid. 7a et l'arrêt cité ; secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er novembre 2019, ch. 6.10.1).

Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA). Le Tribunal fédéral a précisé que même si le législateur a voulu soutenir une intégration des enfants le plus tôt possible, les délais fixés par la législation sur les personnes étrangères ne sont pas de simples prescriptions d'ordre, mais des délais impératifs, leur stricte application ne relevant dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 2.3).

b. Le parent qui fait valoir le regroupement familial doit disposer de l'autorité parentale ou au moins du droit de garde sur l'enfant (ATF 137 I 284 consid. 2.7 ; 136 II 78 consid. 4.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_576/2011 du 13 mars 2012 consid. 3.4 ; arrêt du TAF C-4615/2012 du 9 décembre 2014 ; ATA/51/2021 du 19 janvier 2021 consid. 3b).

c. Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). Le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA). La restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si la requérante ou le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (art. 16 al. 3 LPA).

Constituent des cas de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de la personne concernée et qui s'imposent à elle de façon irrésistible (ATA/1591/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2c). L'art. 16 al. 3 LPA ne s'applique qu'aux délais fixés par l'autorité, et non aux délais légaux (ATA/608/2016 du 12 juillet 2016 consid. 3).

d. En l'occurrence, le recourant est arrivé en Suisse le 23 juin 2011. Il a d’abord été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, le 25 août 2011, puis d’une autorisation d’établissement dès le 21 décembre 2016. La demande de regroupement familial a été réceptionnée par l'OCPM le 2 août 2017.

Le délai de cinq ans pour demander le regroupement familial est dès lors échu depuis le 25 août 2016.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient qu'il a dû attendre le jugement de divorce du 5 janvier 2017, devenu définitif et exécutoire le 9 mars 2017, prononcé par le Tribunal de première instance de F______ pour déposer sa demande.

En effet, outre le fait que ledit jugement n'est pas un jugement de divorce, puisqu'il y est précisé que le recourant et Mme G______, mère de ses enfants, ont vécu « en union hors mariage », force est de constater qu'il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait été empêché d'entamer des démarches auprès des autorités kosovares pour se voir confier la garde des enfants et ainsi formuler, dans les délais prévus par l'art. 47 LEI, la demande de regroupement familial.

Il ne soutient d'ailleurs pas que tel aurait été le cas.

L'OCPM et l'instance précédente étaient par conséquent fondés à constater que le délai de l'art. 47 al. 1 LEI était échu et que la requête devait être traitée comme une demande de regroupement familial différé, autorisé uniquement en présence de raisons familiales majeures.

9) a. Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. Il s'agit également d'éviter que des demandes de regroupement familial différé soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a). Il existe ainsi une raison familiale majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait. Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient toutefois d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celle-ci ou celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescentes et adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus une ou un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui la ou le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 et les références citées).

Le regroupement familial ne saurait être motivé principalement par des arguments économiques (meilleures perspectives professionnelles et sociales en Suisse, prise en charge des frères et sœurs moins âgés, conduite du ménage familial en Suisse) ou par la situation politique dans le pays d'origine (SEM, op. cit., ch. 10.6.2).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'ancien droit mais encore pertinente, le regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse séparés de leurs enfants depuis plusieurs années, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen de l'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour elle ou lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 129 II 11 consid. 3.3.2).

c. Le désir – pour compréhensible qu'il soit – de voir (tous) les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/ 2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 et 6.2 et la jurisprudence citée).

d. Il faut également tenir compte de l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec ses parents, ainsi que l'exige l'art. 3 § 1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107), étant précisé que les dispositions de la convention ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2 et 5.3 et les références citées).

e. Aux termes de l'art. 8 § 1 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour en Suisse, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (ATF 142 II 35 consid. 6.1). Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH est en effet possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit donc être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (ATF 137 I 284 consid. 2.1). S'agissant d'un regroupement familial, il convient notamment de tenir compte dans la pesée des intérêts des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_458/2020 du 6 octobre 2020 consid. 7.1.3 et les arrêts cités).

f. De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que la personne concernée a données en premier lieu, alors qu'elle en ignorait les conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 ; ATA/1319/2019 du 3 septembre 2019 consid. 7).

g. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le recourant et la mère des enfants ont vécu ensemble entre 2006 et 2010 et que de leur relation sont nés B______ le ______ 2007 et C______ le ______ 2008.

À la suite de leur séparation en 2010, le recourant est venu s'établir en Suisse et s'y marier. Les enfants ont été confiés aux grands-parents paternels au Kosovo. La mère des enfants est quant à elle retournée vivre chez ses parents, chez qui elle vit toujours d'ailleurs.

Le recourant a expliqué de manière constante avoir gardé contact avec ses enfants par des contacts téléphoniques et par Internet. Il se rendait également au Kosovo dès qu’il en avait la possibilité, soit pendant ses vacances et ses jours de congé ; les pièces, notamment les documents bancaires relatifs à ses voyages réguliers au Kosovo, l'attestent.

Comme le relève la jurisprudence précitée, le décès de la personne qui s'occupait des enfants dans le pays d'origine constitue une raison familiale majeure au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA. Tel est le cas en l'occurrence dans la mesure où le dernier des grands-parents paternels, qui élevait les enfants, est décédé le 28 janvier 2017.

S'il est vrai qu'une solution alternative a été mise en place à la suite du décès du père du recourant, puisque la sœur du recourant, I______, s'est occupée des enfants jusqu'au 5 juillet 2017, force est de constater que cette solution n'était que provisoire compte tenu du fait que les enfants n'étaient pas acceptés par le beau-frère du recourant, mari d’I______.

Par ailleurs, la mère des enfants, atteinte dans sa santé et n'exerçant pas d'activité lucrative, a certifié ne pas avoir un logement adéquat pour les accueillir et qu'elle se sentait incapable de les élever. L'inaptitude de la mère des enfants à s'occuper d'eux est corroborée par le fait qu'à la suite du décès du dernier grand-parent paternel, c'est la sœur du recourant qui a pris en charge provisoirement les enfants et non pas leur mère.

Il ressort également de l'audition du recourant par la représentation suisse à D______ le 15 avril 2011 que d'autres membres de sa famille vivent au Kosovo, notamment d'autres sœurs, de sorte que d'autres solutions alternatives ne sont pas impossibles.

Toutefois, l'éventuelle existence de solutions alternatives doit, en tout état de cause, céder le pas devant l'intérêt des enfants au regroupement familial. L'intérêt personnel de chacun d'entre eux à pouvoir vivre ensemble avec leur père prime l'existence de toute autre solution alternative.

En effet, il ressort du dossier que les enfants se sont bien intégrés au sein de la nouvelle famille s'entendant bien avec leur belle-mère, laquelle a précisé dans un courrier du 12 septembre 2019 « les aimer comme [ses] fils » et que leur départ causerait un « grand vide dans [sa] vie ». Ils vivent dans un appartement suffisamment spacieux. Leur père et leur belle-mère pourvoient au surplus pleinement à leur entretien. Les enfants apparaissent également s'être intégrés socialement et scolairement, au vu des documents relatifs à leur scolarité (notamment leurs bulletins scolaires qui attestent d'une progression très satisfaisante) ainsi que l'attestation émise le 16 octobre 2019 par la doyenne du cycle d'orientation que fréquente B______ selon laquelle ce dernier est « un élève très prometteur » ayant commencé son année scolaire en regroupement moyen mais compte tenu de ses capacité scolaires, il a été redirigé dans le regroupement supérieur (R3). Rien ne laisse ainsi supposer un déracinement, le recourant offrant à ses enfants désormais un foyer stable, contrairement à leur vie au Kosovo, où ils ont d'abord été confiés aux grands-parents paternels et où leur sort aurait été très incertain à la suite du décès de ceux-ci.

Une telle solution n'est, du reste, pas constitutive d'un abus de droit, dès lors que la venue en Suisse des enfants, certes également dictée par des raisons économiques, l’a également et avant tout été pour des raisons familiales étant précisé qu'ils sont venus en Suisse avant l'adolescence et qu'ils sont encore à l'âge de l'enseignement obligatoire. Si la manière de procéder du recourant a, certes, mis l'autorité intimée devant le fait accompli, procédé qui ne saurait être favorisé, il n'en demeure pas moins que l'urgence de la situation des enfants au Kosovo le justifiait.

Au regard de l'ensemble des circonstances particulières du présent cas, il existe des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI.

Il convient ainsi exceptionnellement de faire droit à la requête de regroupement familial différé concernant les deux enfants du recourant, motivée par leur bien-être et l’incapacité d’un parent proche demeuré au Kosovo de s’en occuper.

Partant, le dossier des enfants du recourant aurait dû être transmis avec un préavis favorable au SEM en vue d'une régularisation de la situation des deux enfants concernés.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement du TAPI du 28 avril 2020, de même que la décision de l'OCPM du 22 août 2019 seront annulés et le dossier sera renvoyé à l'autorité cantonale pour qu'elle procède dans le sens des considérants.

10) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2020 par Monsieur A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses enfants mineurs, B______ et C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2020 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2020 ;

annule la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 22 août 2019 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Rey, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.