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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3045/2020

ATA/56/2021 du 19.01.2021 ( NAVIG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3045/2020-NAVIG ATA/56/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 janvier 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et
Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEAU-CAPITAINERIE CANTONALE


EN FAIT

1) Monsieur A______, résidant rue de C______ à C______, est le propriétaire d'un bateau motorisé de marque Muller immatriculé GE 1______, long de 4,72 m et large de 1,41 m.

2) Par décision du 5 juillet 2018, le département du territoire (ci-après : le département) a informé M. A______ qu'une place d'amarrage no 2______ lui avait été mise à disposition à la rade des Eaux-Vives.

3) Par trois parution dans la Feuille d'Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) des 7, 24 février et 4 mars 2020, l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau) informait les détenteurs des bateaux amarrés au quai des Eaux-Vives, ainsi que les détenteurs des bateaux concernés par les places à l'eau sur les estacades en aval du Jet d'eau qu'une procédure d'échange de places d'amarrage était en cours. Un délai leur était accordé au 10 mars 2020 pour faire parvenir leurs éventuelles observations par écrit à la Capitainerie cantonale (ci-après : la Capitainerie).

4) Par décision du 27 août 2020, M. A______ a été informé par le département que son bateau GE 1______ devait être déplacé dans le cadre de la création du nouveau port du Port-Noir et que la nouvelle place qui lui était attribuée était la no 4______ à la Rade des Eaux-Vives, disponible dès le 1er septembre 2020.

5) Par acte déposé le 28 septembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ et Monsieur B______, en qualité de copropriétaires de l'embarcation GE 1______, ont déposé recours à l'encontre de la décision de la Capitainerie du 27 août 2020. Ils expliquaient s'être rendus sur place le 24 septembre 2020 et avoir constaté que l'accès pour leur bateau n'était pas aisé. La nouvelle place était située tout au fond du canal où se trouvaient une multitude de bateaux entassés de manière un peu chaotique. Photos à l'appui, les recourants exposaient que leur bateau était coincé et décentré par rapport à la place no 3 et que l'espace règlementaire était largement occupé par le bateau à leur droite. Les recourants demandaient un accès plus simple pour leur bateau actuel et exposaient vouloir prochainement faire l'acquisition d'un bateau plus gros, avec cabine. Les recourants concluaient à l'attribution d'une nouvelle place disposant des dimensions réglementaires selon la loi.

6) Par écriture du 30 novembre 2020, l'OCEau a répondu à ce recours en concluant à son rejet. Il s'en est rapporté à la justice quant à sa recevabilité formelle. Selon l'OCEau, seul M. A______ avait la qualité pour recourir, à l'exclusion de M. B______ qui n'était à son sens pas propriétaire du bateau immatriculé GE 1______. Il rappelait que l'autorité compétente devait procéder à des échanges de place en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires des bateaux afin d'assurer une utilisation rationnelle des ports mais que les autorisations d'amarrage étaient délivrées à bien plaire. Ces places étaient attribuées en fonction des caractéristiques des bateaux (longueur, largeur, tirant d'eau, tirant d'air et poids), ainsi que selon la compatibilité des dimensions des bateaux avec la caractéristique des ports genevois. Par ailleurs, si le propriétaire souhaitait changer de bateau, il devait obtenir au préalable une nouvelle autorisation.

Concernant les deux places à côté de celle attribuée à M. A______, les dimensions du bateau amarré à la place 5______ étaient de 4,5 m de long et 2 m de large pour une place d'amarrage pouvant accueillir un bateau de 7 m de long et 2 m de large, les dimensions du bateau à la place 6______ étaient de 4,4 m de long et 1,8 m de large pour une place pouvant accueillir un bateau de 7 m de long et 2 m de large. Dès lors, les deux bateaux entourant celui du recourant, bien qu'atteignant la largeur maximale autorisée, respectaient les dimensions de la place d'amarrage qui lui avait été octroyée.

Par ailleurs, les recourants ne produisaient aucun élément démontrant que la sécurité de la place d'amarrage attribuée serait compromise. Selon les photographies produites, les places attribuées étaient conformes et les bateaux se trouvaient parfaitement dans l'axe, parallèles et aucun décalage par rapport à la place 4______ ne pouvait être observé.

Concernant l'acquisition future d'un nouveau bateau, cet élément hypothétique ne pouvait pas être pris en compte en l'état. L'attribution de la nouvelle place d'amarrage du recourant s'était donc effectuée conformément au cadre légal existant.

7) Aucune réplique n'ayant été déposée dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger le 15 décembre 2020, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité la désignation de la décision attaquée et des conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes.

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. En l'espèce, le recourant a conclu à l'annulation de la décision du 27 août 2020 de l'OCEau et à l'attribution d'une nouvelle place d'amarrage plus simple d'accès et plus grande, afin de pouvoir mieux manoeuvrer et d'y loger un éventuel bateau plus gros avec cabine et parle implicitement à l'annulation de la décision. Le recours est donc recevable de ce point de vue également.

3) Se pose la question de la qualité pour agir de M. B______, cosignataire du recours avec M. A______.

a. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment en entendant les parties (let. b) et des témoins (let. c).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1021/2013 du 28 mars 2014 consid. 5.2 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2). Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA) comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 consid. 3c et les références citées).

b. Selon le département, seul M. A______ est le bénéficiaire de l'autorisation délivrée à bien plaire pour son bateau GE 1______ le 5 juillet 2018.

Les pièces produites par le département mentionnent en effet uniquement M. A______ comme propriétaire et détenteur du bateau de marque Muller, immatriculé GE 1______, longueur 4,72 m, largeur 1,41 m. Celui-ci dispose dès lors de la qualité pour recourir.

En l'état, aucune autre pièce n'a été fournie par le recourant pour démontrer que M. B______ serait devenu copropriétaire de ce bateau. La question de la qualité pour agir de celui-ci peut toutefois demeurer indécise compte tenu de ce qui suit.

4) Le litige porte sur l'attribution au recourant de la place d'amarrage no 4______ dans la Rade des Eaux-Vives à Genève pour son bateau immatriculé GE 1______. Celui-ci reproche à l'autorité intimée de lui avoir attribué une place qui ne correspond pas aux dimensions de son bateau, et soutient que celle-ci est dangereuse pour son embarcation en raison de difficultés de la manoeuvrer lors de la sortie et de l'entrée du port.

a. Selon l'art 10 de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 17 mars 2006 (LNav - H 2 05), l'amarrage et le dépôt de bateaux dans les eaux genevoises et sur le domaine public, le long des rives, sont subordonnés à une autorisation « à bien plaire », personnelle et intransmissible (al. 1). Les autorisations sont en priorité attribuées aux détenteurs de bateaux domiciliés dans le canton (al. 2). Afin d'assurer une occupation rationnelle des ports, et notamment d'adapter les places d'amarrage aux dimensions des bateaux, l'autorité compétente peut, en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires des bateaux, procéder ou faire procéder à des échanges de places (al. 3).

Aux termes de l'art. 11 du règlement d'application de la LNav du 18 avril 2007 (RNav - H 2 05.01), le détenteur d'un bateau ne peut en aucun cas occuper une place d'amarrage ou une place à terre sans avoir obtenu une autorisation (al. 1). En principe, une seule place peut être attribuée par détenteur, sous réserve des places pour planches à voiles et annexes (al. 2). Les places d'amarrage et les places à terre sont attribuées en fonction des caractéristiques des bateaux (longueur, largeur, tirant d'eau, tirant d'air et poids), ainsi qu'en considération de la compatibilité des dimensions des bateaux avec les caractéristiques des ports genevois (al. 4). La procédure et les critères d'attribution sont précisés dans une directive édictée par le service et accessible au public (al. 5).

À teneur de l'art 12 al. 1 RNav, pour qu'une autorisation soit délivrée, le détenteur doit être domicilié dans le canton de Genève (a) ; il doit fournir au service les caractéristiques du bateau (b) ; le bateau doit être immatriculé dans le canton de Genève (c) ; la place octroyée doit être occupée par le bateau bénéficiant de l'autorisation (d) ; la place octroyée doit être occupée au plus tard le 1er juin de chaque année, sauf autorisation spéciale de la capitainerie (e) ; d'entente avec la capitainerie, le détenteur peut mettre sa place à disposition d'un tiers pour une durée déterminée. L'embarcation du tiers doit être immatriculée et correspondre aux caractéristiques de la place (f) ; toute location est interdite ; demeurent réservés les emplacements à l'usage des professionnels (g).

À teneur de l'art. 13 RNav, lorsque le bénéficiaire d'une autorisation envisage de changer de bateau, il doit obtenir au préalable une nouvelle autorisation (al. 1 phr. 1). L'achat, la vente ou le changement de bateau n'implique pas l'octroi de la même place d'amarrage (al. 3).

b. En l'espèce, il ressort du dossier que l'OCEau a dû procéder à une vaste opération de changement de plusieurs centaines de places d'amarrage, ceci suite à l'ouverture du nouveau port du Port-Noir. Le recourant a eu l'occasion de faire connaître ses priorités par rapport à l'attribution d'une nouvelle place d'amarrage suite aux trois parutions dans la FAO des 7, 24 février et 4 mars 2020, mais il n'a pas saisi cette opportunité.

Le bateau immatriculé GE 1______ entre dans la place attribuée. Rien ne permet de s'écarter de l'appréciation faite par l'intimé, sur la base des constatations du chef de la capitainerie, qui estime que ce bateau peut sans encombre sortir et entrer dans ladite place malgré la présence des deux bateaux situés à droite et à gauche de cette place.

c. Par ailleurs, c'est à juste titre que l'OCEau n'est pas entré en matière sur une éventuelle future acquisition d'un bateau plus large. Dans ce cas, l'octroi d'une nouvelle place d'amarrage pourra être demandé par le biais d'une nouvelle autorisation à bien plaire.

d. La décision de l'autorité intimée est ainsi conforme au droit et les griefs du recourant doivent être écartés. Dès lors, le recours doit être rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale du 27 août 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 200.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au département du territoire - OCEau - capitainerie cantonale.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :