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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1908/2020

ATA/862/2020 du 08.09.2020 ( LFAIE ) , IRRECEVABLE

Rectification d'erreur matérielle : nouvelle notification de l'arrêt le 28 octobre 2020 car le nom de la recourante était erroné.
En fait
En droit

république et

canton de D______

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1908/2020-LFAIE ATA/862/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2020

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Timo Sulc, avocat

contre

MINISTÈRE PUBLIC

et

B______ SA


représentée par Me Mourad Sekkiou, avocat


EN FAIT

1) Mme A______, qui possède la double nationalité suisse et française, et est domiciliée à Lugano, est depuis mars 2015 actionnaire pour moitié et depuis août 2015 administratrice unique de C______ SA, une société de droit suisse ayant son siège à D______, et dont le capital-actions est formé de cent actions au porteur de CHF 1'000.-.

2) Auparavant, C______ SA avait pour actionnaire unique B______ SA, une société de droit suisse ayant son siège à D______.

En 2015, B______ SA a cédé à Mme A______ la moitié des actions de C______ SA, ainsi qu'une créance de CHF 2'400'000.- contre
C______ SA. Mme A______ a effectué un apport en compte courant dans C______ SA de CHF 2'900'000.-, lequel a permis le remboursement par C______ SA à E______ SA d'un prêt de CHF 2'847'351.-.

3) C______ SA est propriétaire de deux parcelles non construites, nos 1______ et 2______, sises sur la commune de F______ à D______, à l'avenue du G______, en zone 4B protégée.

4) Le 10 juin 2020, Mme A______ a déposé plainte au Ministère public genevois, dénonçant des violations de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41), et a requis des mesures provisionnelles au sens de l'art. 23 LFAIE.

Après avoir rencontré des difficultés dans la reprise de l'administration et de la gestion au quotidien de C______ SA, elle avait découvert, à la
mi-septembre 2019, comme elle avait reçu une communication de B______ SA portant la date du 13 mars 2019, que la société B______ SA avec siège au H______ indiquait dans son bilan 2017 détenir 50 % du capital de
C______ SA. Selon le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de B______ SA du 1er juillet 2015, la société avait transféré son siège de I______ dans le J______ au H______ avec effet rétroactif au 30 juin 2015, elle avait adopté la forme juridique d'une société anonyme de droit H______ et n'avait plus dès lors d'existence légale en Suisse. Il ressortait du registre des sociétés du H______ que le siège social avait été transféré effectivement au H______ le 9 octobre 2017. En même temps, le registre du commerce du canton de D______ comportait l'inscription de B______ SA, qui avait transféré son siège de I______ à D______ le 28 août 2017. Ne comprenant pas les relations entre les sociétés H______ et suisse, elle avait ainsi appris que B______ SA avait retiré en février 2016 la réquisition au registre du commerce du J______ de transférer le siège au H______. Elle suspectait que
B______ SA avait conservé un siège fictif à D______ pour éviter la découverte par les autorités suisses d'une violation de la LFAIE depuis 2015.

Elle avait été informée le 30 avril 2020 par B______ SA que K______ SA, une société de droit suisse fondée en 2015 et ayant son siège à L______, en M______, avait offert de lui racheter sa moitié du capital de C______ SA, et B______ SA l'interpellait sur l'exercice de son droit de préemption. Elle avait averti l'administrateur et l'ayant droit économique de K______ SA que le transfert des actions d'une société propriétaire d'un terrain en Suisse par une structure domiciliée à l'étranger était sujette à autorisation et violait la LFAIE.

Le Ministère public devait faire interdiction à B______ SA et K______ SA de conclure et exécuter la cession de la moitié du capital-actions de C______ SA.

5) Le 19 juin 2020, le Ministère public a rejeté la demande de mesures provisionnelles formée par Mme A______.

Les mesures provisionnelles prévues par l'art 23 LFAIE avaient pour but de maintenir un état de droit ou de fait, soit de figer une situation en prévision d'une action en cessation de l'état illicite prévue par l'art. 27 al. 1 LFAIE. Or aucune des actions mentionnées par cette disposition n'était envisageable en l'espèce.

La plaignante n'avait par ailleurs aucun intérêt à requérir des mesures provisionnelles dès lors qu'elle disposait d'un droit de préemption sur la moitié du capital-actions de C______ SA que B______ SA projetait de céder à K______ SA. De plus, la transaction envisagée était en tout état de nature à permettre un retour en conformité à la LFAIE, l'acquéreuse ayant son siège à L______.

6) Par acte remis à la poste le 29 juin 2020, Mme A______ a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du Ministère public du 19 juin 2020, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de prononcer des mesures provisionnelles au sens de l'art. 23 LFAIE interdisant la cession. Préalablement, la recourante a demandé à être entendue.

De simples soupçons étaient suffisants pour ordonner des mesures provisionnelles. En l'espèce, on ne pouvait exclure que les fonds finançant l'achat des actions détenues illicitement par B______ SA étaient d'origine étrangère. La LFAIE punissait celui qui exécutait un acte nul en raison d'un défaut d'autorisation, celui qui fournissait à l'autorité compétente des informations inexactes ou incomplètes et celui qui obtenait un avantage illicite par l'effet d'une infraction.

Indépendamment de toute autre action civile ou administrative qu'elle envisageait d'entreprendre, et en particulier jusqu'au prononcé d'une décision constatant la nullité selon l'art. 26 al. 1 LFAIE « du transfert de Suisse vers le H______ de B______ SA et dans tous les cas du transfert de propriété des actions de C______ SA à D______ au H______ », le Ministère public devait se voir ordonner de prononcer les mesures provisionnelles requises et nécessaires pour empêcher toute autre violation de la LFAIE « dans l'attente de la clarification des faits pertinents de l'affaire ».

7) Le 16 juillet 2020, le Ministère public a conclu au rejet du recours.

Aucun élément concret ne permettait de penser que les ayants droit économiques de K______ SA ne seraient pas domiciliés en Suisse et seraient ainsi assujettis au régime de l'autorisation de la LFAIE, ou encore souhaiteraient se soustraire à leurs obligations en telle hypothèse. Rien ne permettait non plus de suspecter que les fonds nécessaires à l'acquisition n'étaient pas « suisses ». La recourante se bornait à formuler des spéculations sur des événements futurs. Les mesures provisionnelles avaient pour vocation de garantir que les effets d'un acte juridique ou d'un fait violant la loi ne persistent et non d'empêcher la réalisation purement hypothétique d'une violation de la loi. Aucune des mesures au fond prévues par l'art. 27 al. 1 LFAIE n'était en outre envisageable en l'espèce. Enfin la transaction envisagée permettrait cas échéant un retour en conformité à la LFAIE. La recourante, qui n'avait pas exercé son droit de préemption, ne possédait pas d'intérêt à recourir.

8) Le 23 juillet 2020, B______ SA a conclu au rejet du recours.

Elle avait bien transféré son siège social au H______ le 1er juillet 2015, ce que la recourante ne pouvait ignorer à l'époque. Ses actionnaires étaient Mmes N______ et O______ P______, citoyennes françaises titulaires de permis d'établissement dans le canton de D______ et demeurant ______, chemin Q______ à R______, chacune détenant la moitié de la nue-propriété des cent actions, leur père P______ en détenant l'usufruit, suite à une donation de 2011, ce qui était connu de la recourante.

La recourante connaissait tous les faits qu'elle disait avoir découverts, elle n'avait pas exercé son droit de préemption et tentait par tous les moyens de contrecarrer la vente en instrumentalisant la LFAIE.

B______ SA avait vendu le 10 juillet 2020 ses actions dans C______ SA à Mmes N______ et O______ P______, lesquelles n'étaient pas soumises à la LFAIE.

9) Le 7 août 2020, Mme A______ a répliqué.

Elle a également pris cinq « nouvelles » conclusions, soit : constater la nullité de la détention de 50 % du capital-actions de C______ SA par B______ SA, constater la nullité du transfert de 25 % du capital-actions de C______ SA à Mme N______ P______ le 10 juillet 2020, constater la nullité du transfert de 25 % du capital-actions de C______ SA à Mme O______ P______ le 10 juillet 2020, constater la nullité de l'inscription de B______ SA au registre du commerce du canton de D______ et ordonner au Ministère public de prononcer des mesures provisionnelles au sens de l'art. 23 LFAIE afin de faire interdiction à B______ SA de procéder au transfert de tout ou partie du 50 % du capital-actions de C______ SA.

B______ SA avait violé la LFAIE en transférant son siège à l'étranger sans avoir obtenu l'autorisation de l'autorité compétente et tout en conservant la moitié du capital-actions de C______ SA.

La nullité de la détention de 50 % du capital-actions de C______ SA par B______ SA devait être constatée. Elle entraînait à son tour la nullité du transfert de 25 % du capital-actions à Mme N______ P______ et de 25 % du capital-actions à Mme O______ P______.

La qualité des ayants droit économiques devait à tout le moins être examinée, et en particulier l'existence d'un domicile légal en Suisse, ainsi que la provenance de Suisse des fonds nécessaires à l'acquisition.

Selon les informations officielles en sa possession, Mmes O______ et N______ P______ n'avaient pas leur domicile effectif en Suisse.

Elle possédait un intérêt digne de protection car elle « avait malgré elle engagé sa propre responsabilité par le manquement de B______ SA à ses propres devoirs d'annonce » conformément à l'art. 697 al. l de la loi fédérale du
30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

B______ SA continuait d'indiquer en toute impunité qu'elle avait transféré son siège au H______ en 2015, alors que l'office fédéral du registre du commerce avait indiqué le 23 juin 2020 qu'elle n'avait jamais quitté la Suisse, les conditions pour son départ n'ayant jamais été réalisées.

10) Le 21 août 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

11) Le 24 août 2020, la recourante a encore communiqué une écriture spontanée, et produit une attestation de l'office cantonal de la population et des migrations du 13 août 2020 selon laquelle N______ P______ n'était plus domiciliée à cette date dans le canton de D______.

Dans la mesure où celle-ci ne demeurait plus en Suisse avant et après la vente des actions le 10 juillet 2020, elle était soumise au régime de l'autorisation, et la chambre administrative devait constater la nullité du transfert de 25 % du capital-actions en sa faveur.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable sous cet aspect
(art. 20 LFAIE ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l'art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative connaît des recours contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

Sont des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Sont des autorités administratives au sens de l'art. 5 let. g LPA les personnes, institutions et organismes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou cantonal.

L'art. 15 al. 1 LFAIE institue trois « autorités » : les « autorités de première instance » chargées de statuer sur l'assujettissement au régime de l'autorisation, sur l'octroi de l'autorisation ainsi que sur la révocation d'une autorisation ou d'une charge (let. a), une « autorité » habilitée à recourir, à requérir la révocation d'une autorisation ou l'ouverture d'une procédure pénale et à agir en cessation de l'état illicite (let. b), et l' « autorité de recours » (let. c).

À D______, le Ministère public est l'autorité habilitée à recourir, à requérir la révocation d'une autorisation, à ordonner l'ouverture d'une procédure pénale et à agir en cessation de l'état illicite, selon l'art. 9 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 20 juin 1986 (LaLFAIE - E 1 43), qui reprend les termes de l'art. 15 al. 1 let. b LFAIE.

Dans le projet initial du Conseil fédéral, l'art. 23 al. 1 LFAIE disposait que « l'autorité cantonale habilitée à recourir ou, si elle n'agit pas, l'Office fédéral de la justice intente contre les parties, devant le juge du lieu de situation de l'immeuble, une action en cessation de l'état illicite, lorsque l'immeuble a été acquis sur la base d'un acte juridique nul en raison du défaut d'autorisation ; [...] » (FF 1981 631).

Dans sa version définitive, inchangée depuis 1983, l'art. 23 al. 1 LFAIE dispose que les « autorités cantonales » et, si aucune procédure n'est encore engagée, également l'office fédéral de la justice, peuvent « ordonner les mesures provisionnelles propres à maintenir un état de droit ou de fait ».

Les directives cantonales d'application de la LFAIE ne mentionnent les mesures provisionnelles qu'en lien avec l'instruction conduite par l'autorité de première instance (Directives cantonales genevoises d'interprétation concernant la LFAIE et d'autres lois, édition 2019, p. 63 - ci-après : directive d'application - consultables en ligne à l'adresse https://www.ge.ch/document/10389/telecharger).

Selon la doctrine, la compétence d'ordonner des mesures provisionnelles (« Anordnung vorsorglicher Massnahmen ») appartient (entre autres) à l'autorité habilitée à se plaindre ou à agir (« Beschwerdeberechtigte Behörde ») (Urs MÜHLEBACH/Hanspeter GEISSMANN, Kommentar zum Bundesgesetz über den Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland, Brugg 1986, p. 278 n. 4, p. 326 n. 2), soit l'autorité de l'art. 15 al. 1 let. b LFAIE, soit à D______ le Ministère public.

Toujours selon la doctrine, les mesures provisionnelles peuvent consister par exemple en une interdiction notifiée au registre foncier (« Grundbuchsperre ») ou au registre du commerce (« Handelsregistersperre ») d'inscrire des modifications, avec l'objectif de maintenir l'état de fait et de droit durant la procédure et éviter que d'éventuelles décisions finales restent sans effet (MÜHLEBACH/ GEISSMANN, op. cit., p. 327 n. 3).

L'admission d'une inscription au registre foncier, qui se fait par l'inscription au grand livre, et a un effet formateur de droits et d'obligations, a été considérée comme une décision (ATA/947/2014 du 2 décembre 2014 consid. 12 et 15). Une interdiction faite au registre foncier ou même à l'acheteuse ou à la venderesse de titres d'enregistrer, respectivement de conclure ou d'exécuter une vente, produit pareillement un effet formateur sur les droits et obligations des parties à la vente.

Ainsi, bien qu'essentiellement institué par la LFAIE comme partie à la procédure conduite par l'autorité de première instance - et habilité comme tel à requérir, à ester et à recourir, au nom de l'État - le Ministère public, compétent à D______, en agissant en l'espèce comme autorité désignée par l'art. 15 al. 1
let. b LFAIE et en refusant de prononcer des mesures provisionnelles de
l'art. 23 LFAIE, paraît avoir exercé la fonction d'autorité administrative disposant de la puissance publique et édictant unilatéralement des prescriptions s'imposant aux tiers, sous forme de décision individuelle.

b. La recourante, qui est administratrice de la société C______ SA, propriétaire des terrains, soutient avoir qualité pour recourir car elle aurait un intérêt digne de protection, découlant des obligations que le CO lui impose en sa qualité d'administratrice, à ce que la décision soit annulée, au sens de l'art. 20
al. 2 let. a LFAIE, et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ordonner des mesures provisionnelles.

Le Ministère public et B______ SA en doutent.

c. Les questions de la compétence de la chambre de céans pour connaître du recours contre la décision du Ministère public, et de la qualité pour recourir de la recourante, pourront demeurer ouvertes, vu ce qui suit.

3. La recourante sollicite préalablement son audition.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

b. En l'occurrence, la recourante a pu s'exprimer dans son acte de recours et dans sa réplique, ainsi que produire toute pièce utile, de sorte qu'elle a pu valablement exercer son droit d'être entendue.

Dans ces circonstances et la chambre administrative étant en possession d'un dossier complet, qui contient les éléments pertinents pour trancher le litige, il ne sera pas donné suite à la demande d'audition.

4. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). N'est donc pas nouveau un chef de conclusions n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/376/2016 du 3 mai 2016 consid. 2b et les références citées).

En l'espèce, l'objet du litige est le bien-fondé de la décision par laquelle le Ministère public a refusé la requête de la recourante de notifier à titre provisionnel une interdiction à B______ SA de vendre ses actions de C______ SA à K______ SA.

La conclusion, prise dans le recours du 29 juin 2020, d'ordonner au Ministère public de prononcer les mesures provisionnelles requises et nécessaires pour empêcher toute autre violation de la LFAIE « dans l'attente de la clarification des faits pertinents de l'affaire » est ainsi une conclusion nouvelle.

Les cinq conclusions formées par la recourante dans sa réplique du 7 août 2020 (constater la nullité de la détention de 50 % du capital-actions de C______ SA par B______ SA, constater la nullité du transfert de 25 % du capital-actions de C______ SA à Mme N______ P______ le 10 juillet 2020, constater la nullité du transfert de 25 % du capital-actions de C______ SA à Mme O______ P______ le 10 juillet 2020 ; constater la nullité de l'inscription de B______ SA au registre du commerce du canton de D______ et ordonner au Ministère public de prononcer des mesures provisionnelles au sens de l'art. 23 LFAIE afin de faire interdiction à B______ SA de procéder au transfert de tout ou partie du 50 % du capital-actions de C______ SA) sont également des conclusions « nouvelles », selon le terme employé par la recourante elle-même, la dernière en ce qu'elle semble viser toute espèce de cession et de cessionnaire.

Toutes ces conclusions seront déclarées irrecevables, car exorbitantes à l'objet du litige et prises pour la première fois au stade de la réplique (ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2b ; ATA/223/2019 du 5 mars 2019 consid. 2c).

5. Il reste à examiner la conclusion initiale en annulation du refus opposé par le Ministère public à la demande initiale de la recourante, soit le refus de donner suite à la requête de la recourante de notifier à titre provisionnel une interdiction à B______ SA de vendre ses actions de C______ SA à K______ SA.

Or, depuis lors, B______ SA n'a pas cédé ses cinquante actions au porteur de C______ SA à K______ SA, mais à Mmes O______ et N______ P______, selon ses explications.

Le risque de la création d'un éventuel état illicite a ainsi disparu, pour peu qu'il ait existé, et la demande soumise par la recourante au Ministère public, et le refus opposé par ce dernier, de notifier à B______ SA une interdiction de céder à K______ SA, sont devenus sans objet.

Son unique conclusion étant devenue sans objet, le recours est irrecevable.

6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 29 juin 2020 par Mme A______ contre la décision du Ministère public du 19 juin 2020 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Mme A______  ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Timo Sulc, avocat de la recourante, au Ministère public, ainsi qu'à Me Mourad Sekkiou, avocat de B______ SA.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Lauber et juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :