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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4257/2019

ATA/826/2020 du 27.08.2020 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4257/2019-FPUBL ATA/826/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Alain Berger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1970, a été nommé, pour un an et à titre d'épreuve, au poste de gendarme dès le 1er décembre 1990. Il a obtenu le grade d'appointé le 1er décembre 1996, de sous-brigadier le 1er janvier 2005, puis de brigadier (chef de groupe) le 1er mars 2011. À la suite de la mise en oeuvre de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 105), il a obtenu le grade de sergent-chef le 1er avril 2017.

2) a. De mai 2007 à avril 2014, M. A______ a fait l'objet de
27 « félicitations », 17 « initiatives », 7 « investigations » et 3 « plus-values ». Ses qualités professionnelles lui ont en outre permis de recevoir, en juillet 2004, les remerciements de deux administrés victimes d'un accident, en septembre 2014, les « félicitations pour un travail d'initiative » de sa hiérarchie, en mars 2015, les félicitations de l'État-major de la gendarmerie pour la qualité de son travail, en décembre 2016, les félicitations du chef de police-secours pour la perspicacité, le professionnalisme et le dévouement dont il avait fait preuve, en octobre 2017, suite à une lettre d'administrés, la reconnaissance de la commandante de la police pour le travail accompli puis, toujours en octobre 2017, les félicitations du chef de police-secours suite à une enquête de longue haleine ayant permis d'arrêter un voleur.

b. Au cours de sa carrière, M. A______ a fait l'objet de plusieurs évaluations.

c. En mai 1993, le Conseil d'État a suspendu M. A______ de ses fonctions pour une durée d'un mois, sans traitement, pour avoir cédé sa carte de police à un ami. En juillet 2006, il a été sanctionné d'un avertissement pour avoir endommagé la rampe de feux bleus et le système d'éclairage du véhicule qu'il conduisait. En mars 2009, il a fait l'objet d'une mesure organisationnelle pour avoir, alors qu'il conduisait un véhicule de service, endommagé le rétroviseur d'un véhicule stationné. En novembre 2014, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement dans laquelle il a retenu comme établi l'enregistrement par
M. A______, à l'aide d'un stylo équipé d'une caméra et d'un micro, d'interventions de la police auxquelles il avait participé et d'une audition tenue pas l'inspection générale des services (ci-après : IGS), sans le consentement des personnes présentes. Dans un courrier du 3 mars 2015, la cheffe de la police a relevé que ce comportement était inadéquat et que l'intéressé avait violé son devoir de fidélité. Ces enregistrements avaient porté atteinte à la personnalité des personnes enregistrées à leur insu. Le classement n'était intervenu qu'en raison de l'absence de plainte pénale, et la cheffe de la police espérait que M. A______ avait saisi la portée de ses actes.

3) Le 16 janvier 2018, l'IGS a rendu un rapport à l'intention du Ministère public.

a. La veille, le chef de police-secours avait contacté le chef de service de l'IGS à la demande de la cheffe de la police. Trois policiers, à savoir M. A______, l'appointé B______ et le gendarme C______, avaient dérobé des plants de cannabis stockés dans le garage du poste de police de D______. Cette drogue avait été saisie et figurait sous inventaires comme pièces à conviction.

b. Entendu le 15 janvier 2018 par l'IGS, M. A______ a déclaré avoir effectué son service la nuit du 12 au 13 janvier 2018. Il était rentré au poste en fin de patrouille, et vers 05h40 il avait remarqué que sa paire de lunettes était défectueuse et qu'il avait besoin d'un tournevis pour la réparer. Il était descendu au garage, où se trouvait une boîte à outils, mais n'avait pas trouvé un tournevis adéquat. Alors qu'il quittait le garage, il avait remarqué des objets indéterminés sur le sol. En s'approchant, il avait remarqué qu'il s'agissait de deux plants de cannabis de petites tailles. Pour éviter qu'un véhicule ne les écrase, il les avait ramassés et s'était dit que cela provenait peut-être de la saisie du jour précédent effectuée par un autre groupe. Il avait ouvert un bocal qui contenait une vingtaine de plants et avait remarqué que les plants ramassés au sol étaient plus flétris ou secs. Ignorant ce qui avait été porté à l'inventaire, il n'avait pas voulu mettre les deux plants dans le bocal afin de ne pas commettre une erreur. Il avait alors décidé de les prendre avec lui et de les monter au poste pour demander à ses collègues ce qu'il en était. En quittant le garage, il s'était rendu au vestiaire afin de voir dans le sien si un tournevis s'y trouvait. Au vestiaire, il avait croisé le gendarme E______ en train de se changer. Pour chercher un tournevis dans son armoire, il y avait déposé les deux plants. Il avait été contrarié de ne pas trouver de tournevis et, avec la fatigue, avait oublié les plants dans son armoire. Il s'était ensuite rendu à la cafétéria pour rejoindre les collègues de son groupe, dont
MM. B______ et C______, en vue de préparer l'apéritif de fin de service. Il avait bu un « gin-tonic », quitté les lieux vers 6h45 et était rentré se coucher.

Il avait été réveillé le samedi 13 janvier 2018 vers 11h30 par Monsieur F______, chef de groupe de la relève. Ce dernier lui avait dit qu'il manquait neuf plants de chanvre dans la saisie se trouvant au garage. Il l'avait invité à vérifier avec les membres de son groupe ce qu'il en était. Pendant cet entretien, il s'était remémoré avoir mis deux plants dans son armoire. Il l'avait alors expliqué à M. F______ et lui avait dit qu'il allait immédiatement se rendre sur place, ce qu'il avait fait. Il avait pris les deux plants dans son armoire et les avait mis en évidence sur le bocal en plastique dans le garage. Entretemps, il avait pris contact par « WhatsApp » avec les membres de son groupe.

Ce même 15 janvier 2018, vers midi, il avait reçu la visite de
MM. B______ et C______ car ils n'arrivaient pas à le joindre par téléphone. Ils lui avaient dit qu'ils avaient pris chacun trois ou quatre plants de chanvre et qu'ils les avaient ramenés le matin même au poste. Le premier lui avait dit qu'il trouvait que c'était une jolie plante et l'autre, qui avait fait des études de laborantin, avait voulu faire des tests avec. En ce qui le concernait, il leur avait dit avoir oublié deux plants dans son armoire.

Sur questions de l'IGS, il a précisé qu'il trouvait que la sécurité du garage n'était pas adéquate et qu'il était facile de s'y faufiler. L'odeur du chanvre saisi était forte à l'extérieur, lieu de passage important. Peut-être qu'entrant dans le garage pour aller chercher ses outils, il avait interrompu un voleur éventuel qui avait déjà commencé à se servir et déplacé les deux plants qu'il avait trouvés au sol.

Il avait échangé quelques mots avec le gendarme E______ dans le vestiaire. Celui-ci lui avait demandé d'un ton rieur, le voyant avec les deux plants de chanvre, s'il s'agissait de la saisie de la nuit. Dans la rigolade, il lui avait répondu que oui. Comme il ne savait pas quels étaient les gendarmes auteurs de la saisie, il n'avait pas développé sa réponse auprès du gendarme E______.

Il n'avait pas prémédité avec ses collègues B______ et C______ la disparition des plants lors de l'apéritif. Le fait qu'ils avaient pris des plants de chanvre le même jour était une coïncidence.

Il admettait avoir commis une erreur professionnelle qui s'expliquait par la fatigue mais contestait avoir eu une intention délictueuse. Il avait uniquement voulu mettre ces deux plants en sécurité dans son casier.

4) Le 16 janvier 2018, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre M. A______ (procédure pénale P/1______).

5) Le 17 janvier 2018, la commandante de la police a suspendu
M. A______ de ses fonctions, avec maintien de son traitement.

6) Par ordonnance pénale du 5 mars 2019, le Ministère public a déclaré
M. A______ coupable de soustraction d'objets mis sous main de l'autorité
(art. 289 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 140.- le jour avec sursis, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans. Il l'a en outre condamné à une amende de
CHF 2'520.- et prononcé une peine privative de liberté de substitution de dix-huit jours.

a. Le Ministère public a retenu que le 13 janvier 2018, vers 05h20, au poste de D______, alors qu'il terminait son service de nuit, l'intéressé s'était rendu dans la partie fermée du garage du poste. Il avait ouvert une petite serre en plastique qui se trouvait sur l'emplacement réservé au dépôt des saisies de drogue et en avait pris deux petites pousses de cannabis. Les pousses avaient été saisies par ses collègues la veille. L'intéressé les avait placées dans un gobelet et les avait prises avec lui dans le vestiaire. Il était passé près de M. E______ qui lui avait demandé s'il s'agissait d'une saisie de la nuit. Il avait répondu par l'affirmative, placé les plants dans son armoire personnelle et l'avait fermée à clé. Il avait ensuite participé à l'apéritif de fin de nuit avec notamment MM. B______ et C______ avant de rentrer chez lui.

b. M. A______ avait affirmé avoir oublié les plants dans son armoire. Le Ministère public retenait que tel n'était pas le cas. L'intéressé n'avait rien dit à
M. E______ pour expliquer le fait qu'il tenait des plants dans sa main alors qu'il savait parfaitement qu'il n'avait rien à faire dans le vestiaire avec des pièces à conviction. Le simple fait de déposer les plants dans son armoire était un acte inusuel qui ne pouvait s'oublier en quelques secondes. À la fin de son service, il avait croisé des collègues et pris un apéritif. Il n'avait pourtant parlé à personne du fait que, comme il le prétendait, il aurait trouvé des plants de cannabis sur le sol et qu'il cherchait à les remettre en place. Il avait volontairement laissé les plants dans son casier.

c. Le Ministère public a en outre fait état de l'extraction des téléphones portables de l'intéressé et de MM. B______ et C______. Il était entre autres apparu :

·         que M. A______ avait écrit sur le groupe « WhatsApp » de son équipe les messages suivants : « Quelqu'un a pris des plans de chanvre au garage ? Ils font un caca nerveux (...) » et « il en manque 9. Faut les remettre à leur place avant lundi, sinon... » ;

·         que le 14 janvier 2018, M. B______ avait écrit à M. A______ pour lui dire qu'il se rendrait le lendemain au poste avec M. C______. M. A______ lui avait demandé pourquoi et M. B______ avait répondu « Parce que les cadres sont au courant pour samedi matin. Avec C______ on a pris aussi » ;

·         que le 15 janvier 2018, dans le cadre d'un échange de messages avec son père, M. B______ avait notamment écrit « C'est un peu la merde : on est trois à avoir fait une connerie au job (vol de pousses de cannabis) ».

7) Le 24 mai 2019, à la suite de l'opposition que M. A______ avait formée à l'ordonnance pénale, le Tribunal de police a confirmé qu'il s'était rendu coupable de soustraction d'objets mis sous main de l'autorité et d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup. Il l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 130.- le jour avec sursis, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans.

La faute de M. A______ n'était pas anodine. Les faits retenus avaient été commis par un gendarme expérimenté qui ne pouvait ignorer les conséquences de la disparition de stupéfiants saisis sur une enquête pénale en cours.

8) a. Le 19 juin 2019, le secrétaire général et la secrétaire générale adjointe du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : département) ont entendu M. A______ au sujet des faits qui s'étaient déroulés le 13 janvier 2018. Ils lui ont fait savoir que l'employeur envisageait de demander sa révocation au Conseil d'État.

b. M. A______ a produit ses observations le 11 juillet 2019.

9) Le 16 octobre 2019, le Conseil d'État a révoqué M. A______ de ses fonctions avec effet au 31 janvier 2020. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. Il était libéré de son obligation de travailler jusqu'à la fin des rapports de service.

a. M. A______ avait gravement failli à ses devoirs de service. Il était intolérable qu'un policier, en tant que tel chargé de faire respecter la loi, profite de son statut pour soustraire des objets se trouvant sous la garde, respectivement sous la responsabilité de l'État, indépendamment du fait que les violations commises relevaient du pénal. Une telle attitude était aux antipodes du comportement exemplaire et digne que l'employeur devait pouvoir en tout temps attendre d'un policier. Elle était également préjudiciable à la fonction de policier ainsi qu'au respect et à l'intégrité dont devait bénéficier l'État et des agents auprès de ses administrés.

À cela s'ajoutait que contrairement à ses collègues qui avaient admis les violations commises, il avait vainement tenté de construire une version des faits qui lui était favorable. Cette attitude contrevenait au principe de loyauté et de fidélité et avait définitivement rompu tout lien de confiance.

La faute de l'intéressé était particulièrement grave puisque du fait de sa fonction, il savait que les pousses de cannabis constituaient des pièces à conviction et qu'il ne devait, sous aucun prétexte, ni les déplacer, ni les soustraire. Bien que le dossier de l'intéressé ne contienne pas d'antécédents disciplinaires prononcés les dix années précédentes, ses états de service ne pouvaient être qualifiés d'excellents. Les faits étaient établis et il n'y avait pas lieu d'attendre l'issue de la procédure pénale.

b. À l'instar des autorités pénales, il fallait retenir que M. A______ avait pris deux plants de cannabis se trouvant dans une boîte rectangulaire contenant 77 petits plants, faisant partie d'une saisie, et les avait déposés dans son armoire personnelle se situant dans le vestiaire du poste, avant de rentrer chez lui. Il ne pouvait ignorer que ceux-ci se trouvaient dans la boîte provenant d'une saisie. En agissant de la sorte, l'intéressé avait volontairement soustrait et caché des pousses de cannabis faisant l'objet d'un séquestre pénal et dès lors placés sous la main de l'autorité.

c. Les allégations de M. A______ selon lesquelles il avait fortuitement découvert ces plants par terre étaient incohérentes. Aucun élément ne permettait d'expliquer pour quelle raison des pousses de cannabis se seraient trouvées à même le sol. Les explications données par l'intéressé, à savoir qu'une personne aurait pu être surprise en train de voler les pousses dans le garage, n'étaient corroborées par aucun témoignage, ni aucune pièce. Il avait fini par admettre, lors de l'audience de jugement, avoir vu, en ouvrant la boîte rectangulaire, que deux emplacements étaient vides. Au vu de ce constat, il n'avait raisonnablement pas pu penser que ces deux pousses provenaient d'une autre saisie. De plus, aucun des policiers qui avaient inventorié les plants de cannabis n'avait fait état du fait que certaines pousses étaient plus flétries que d'autres.

Alors qu'il avait indiqué vouloir questionner ses collègues à propos des plants, à aucun moment il n'avait fait état de son incertitude auprès d'eux alors qu'il avait eu maintes occasions de le faire lorsqu'il se trouvait encore au poste. En particulier, il n'avait donné aucune explication convaincante à M. E______ alors même que ce dernier l'interrogeait sur l'origine des plants. Pendant l'apéritif qu'il prenait avec eux, l'intéressé n'avait pas non plus questionné MM. B______ et C______. Les allégations de M. A______ selon lesquelles il souhaitait donner des explications à M. F______, chef de groupe de la relève, étaient incohérentes et contredites par les pièces figurant au dossier.

S'agissant du prétendu oubli des plants dans son armoire personnelle en raison du fait qu'il cherchait un tournevis, il n'avait jamais parlé à quiconque de cette recherche. Enfin, malgré son prétendu état de fatigue, cela ne l'avait pas empêché de participer à un apéritif de fin de service.

10) Par acte du 18 novembre 2019, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Il a préalablement conclu à la restitution de l'effet suspensif, à la production de l'ensemble de la correspondance entre la cheffe de la police et le Conseil d'État, l'un de ses membres ou l'un de ses départements, relative à l'affaire et à la production de l'ensemble de l'information reçue par la cheffe de la police à la date du prononcé de la décision de suspension. Principalement, il a conclu à la mise à néant de l'arrêté du Conseil d'État et au classement de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre.

a. Sa responsabilité disciplinaire était possiblement prescrite. La cheffe de la police avait été informée des faits qui lui étaient reprochés au plus tard le
17 janvier 2018, date de sa décision de suspension. Or, aucune enquête administrative n'avait été diligentée avant le mois de juin 2019, soit plus d'un an plus tard. À teneur du dossier en sa possession, aucune information n'était disponible quant à la date de la découverte des faits par le Conseil d'État. Le seul élément figurant au dossier était le courriel interne au département du 25 mars 2019 qui semblait indiquer que celui-ci avait disposé de toutes les informations nécessaires immédiatement après la survenue des faits en cause. Le Conseil d'État devait faire la lumière sur la date de la découverte des prétendues violations de ses devoirs de service. À défaut, il faudrait considérer qu'il était pleinement informé des faits en cause en même temps que l'avait été la cheffe de la police et que toute sanction disciplinaire était prescrite.

b. Dès lors que l'issue de la procédure pénale pouvait avoir un impact sur l'issue de la procédure administrative, il convenait de suspendre celle-ci dans l'attente de celle-là.

La révocation s'appuyait principalement sur les faits tels qu'ils ressortaient de l'ordonnance pénale et du jugement du Tribunal de police. Or, ceux-ci étaient vigoureusement contestés et un appel était pendant devant la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale).

c. Le Conseil d'État avait abusé et excédé son pouvoir d'appréciation. Compte tenu de ses états de service et de l'absence d'élément matériel au dossier permettant d'infirmer sa version des faits, la révocation retenait comme établis des faits constatés arbitrairement et violait le principe de la proportionnalité.

Même à considérer qu'il aurait volontairement mis les deux plants de chanvre dans son casier, sans qu'aucun motif ou mobile ne vienne le justifier, sa faute, certes grave, ne justifiait pas une révocation pure et simple. Toute faute devait être mise en balance avec les éléments du dossier et il était incompréhensible que l'autorité ne reconnaisse pas l'excellence de ses états de service après plus de trente ans d'activité et le nombre très important de félicitations qui lui avaient été adressées.

Il était tout aussi incompréhensible de lui reprocher, alors qu'il avait fortuitement découvert les plants de cannabis, de ne pas pouvoir expliquer leur présence. Il ne lui appartenait pas de démontrer que deux plants se trouvaient là où il l'avait indiqué mais à l'autorité de prouver le contraire. Rien ne démontrait que les plants ne s'étaient pas simplement renversés au moment du décompte à l'arrivée de la saisie ou qu'ils se soient trouvés là ensuite d'une plaisanterie faite par un collègue. Enfin, la possibilité d'une tentative de vol ne pouvait être totalement écartée faute d'un dispositif de surveillance à l'intérieur du garage.

L'autorité était incapable de fournir un mobile l'ayant conduit à s'approprier les plants, étant précisé qu'il ne consommait pas de drogue. S'il avait véritablement eu le dessein de s'approprier ces pousses de cannabis, il ne les aurait pas laissées dans son casier, au poste, là où ses collègues n'allaient pas manquer de les apercevoir ou de les sentir.

Lorsque le chef de groupe de la relève F______ l'avait questionné, il avait spontanément indiqué avoir mis deux plants dans son casier et entrepris de les restituer immédiatement.

Il avait été « victime du contexte ». Le fait que ses collègues aient réellement dérobé des pousses le même jour facilitait l'amalgame avec lui. En réalité, aucun élément de la procédure ne venait corroborer le fait que les actions des deux autres gendarmes avaient un lien quelconque avec lui. Son comportement devait être examiné pour lui seul, à savoir l'oubli dans son casier de deux pousses de cannabis qui, même s'il était volontaire, ce qui demeurait contesté et inexpliqué par l'autorité, n'avait porté aucun préjudice à l'enquête relative à la saisie.

11) Le 2 décembre 2019, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif et au rejet du recours.

a. Suite aux faits survenus le 13 janvier 2018, une procédure pénale avait immédiatement été ouverte. Celle-ci était toujours pendante, M. A______ ayant fait appel contre le jugement du Tribunal de police. La prescription disciplinaire d'une année avait cessé de courir dès l'ouverture de la procédure pénale et était toujours interrompue.

b. M. A______ n'expliquait pas en quoi le sort de la procédure administrative dépendrait du pénal. Il n'exposait pas davantage quels étaient les éléments du jugement du Tribunal de police qu'il contestait. Il se contentait de prétendre que l'issue de la procédure pénale pouvait avoir un impact important voire déterminant sur l'issue de la procédure administrative. En l'occurrence, la question de savoir si M. A______ avait violé ses devoirs de service pouvait être tranchée indépendamment de l'arrêt qui devait être rendu par la seconde instance pénale. La chambre administrative disposait en outre de toutes les pièces utiles, notamment celles relatives à la procédure pénale, pour statuer en connaissance de cause. M. A______ ne contestait pas avoir pris des plants de cannabis et les avoir entreposés dans son armoire de service. S'agissant de la question du caractère intentionnel de cette soustraction, elle pouvait être tranchée au regard des pièces au dossier. Dans la décision querellée, l'employeur avait expliqué pour quelle raison il avait estimé que M. A______ avait volontairement pris deux plants de cannabis et les avait déposés dans son armoire à laquelle il était seul à avoir accès.

c. M. A______ avait volontairement soustrait et caché des pousses de cannabis faisant l'objet d'un séquestre pénal. En agissant de la sorte, il avait gravement et de manière inadmissible violé ses devoirs de service, d'autant qu'il possédait le grade de sergent-chef et qu'il devait se montrer particulièrement exemplaire. Ses agissements avaient en outre mis à mal l'image de l'État. Il avait vainement tenté de construire une version des faits fantaisiste qui lui était favorable, contrevenant ainsi au principe de loyauté et de fidélité. Tout lien de confiance avait été définitivement rompu.

L'employeur avait pris en considération les états de service de
M. A______. Ils ne pouvaient être qualifiés d'excellents.

12) Le 8 janvier 2020, la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours.

13) Le 31 janvier 2020, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Il continuait de solliciter la suspension de la procédure administrative dans l'attente du jugement pénal. S'agissant de l'appréciation des faits, le Conseil d'État ne pouvait pas uniquement retenir ceux énoncés dans l'ordonnance pénale qu'il savait être contestés. L'employeur aurait dû retenir que le prétendu comportement qu'il lui reprochait ne relevait d'aucune logique ni d'aucun mobile crédible. Le simple fait de déplacer des pièces à conviction d'un endroit à un autre ne constituait pas une faute grave. Par ailleurs, l'appréciation faite par le Conseil d'État de ses états de service témoignait du plus grand cynisme.

14) Dans un arrêt du 3 février 2020, la chambre pénale a rejeté l'appel de
M. A______. Elle a partiellement admis l'appel du Ministère public qui avait conclu à la confirmation dudit jugement et à ce que la sanction soit assortie d'une amende de CHF 2'340.-. Statuant à nouveau, la chambre pénale a déclaré M. A______ coupable de soustraction d'objets mis sous main de l'autorité (art. 289 CP) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup. Elle l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 90.- le jour avec sursis, le délai d'épreuve étant fixé à trois ans, et à une amende de CHF 1'620.- avec peine privative de liberté de substitution de dix-huit jours.

a. La chambre pénale a tenu pour établi que le matin des faits, M. A______ avait trouvé deux plants de cannabis, dans le garage du poste de D______, les avait pris et emportés, puis les avait placés dans son armoire personnelle. Qu'il les ait trouvés, comme il l'affirmait, au sol, à l'écart, ou directement dans la petite serre plastique où se trouvaient les autres plants, était de peu d'importance. En effet, il n'était pas crédible qu'il ait sérieusement pu envisager ne serait-ce qu'un instant que les plants en question provenaient d'une autre saisie que celle qui encombrait l'espace de stockage dédié aux saisies de stupéfiants du poste et qui venait d'être faite par les policiers en service juste avant qu'il ne prenne le sien.

La raison pour laquelle il s'était emparé de ces deux plants de cannabis, alors qu'il savait qu'ils provenaient forcément du lot saisi par ses collègues demeurait obscure. Le mobile de cette appropriation n'était toutefois pas déterminant. Les gestes de M. A______ - se saisir des plants, se déplacer avec et sortir du garage, ouvrir son armoire, les y déposer, refermer celle-ci en laissant les plants à l'intérieur - ne pouvaient procéder d'un comportement accidentel. L'examen objectif de ces gestes permettait déjà d'en déduire une volonté de soustraction et donc une infraction intentionnelle. À cette conclusion,
M. A______ opposait sa version selon laquelle il voulait enquêter sur la provenance de ces plants puis avait oublié cette intention dans sa préoccupation pour ses lunettes. Or, la volonté d'enquêter ne faisait aucun sens. En effet, si un tiers avait pénétré dans le garage et tenté de s'emparer de ces plants puis, surpris, les avait déposés au sol, aucun acte d'enquête n'était susceptible de le renseigner plus avant et certainement pas le déplacement subséquent des plants qui n'aurait que compliqué les investigations.

S'il avait réellement été à la recherche d'un tournevis pour réparer ses lunettes et s'était interrompu pour prendre les plants, il était incompréhensible qu'il ait immédiatement repris cette recherche, encombré des plants, alors que ceux-ci se trouvaient auparavant au lieu idoine et n'étaient pas susceptibles d'en être soustraits.

De plus, M. A______ avait esquivé voire menti lorsqu'un de ses collègues l'avait interpellé au sujet des plants qu'il tenait à la main. Il n'avait posé aucune question à leur sujet, ni n'avait abordé son collègue, chef de groupe de la relève, alors qu'il était resté un certain temps au poste après s'être rendu au garage. Par la suite, il avait minimisé (« vous n'allez pas faire un caca nerveux pour ça »), ce qui mettait à mal sa théorie selon laquelle il voulait éviter un problème d'inventaire. Enfin, avant même la rencontre avec ses deux collègues impliqués, il avait reçu un message de l'un d'eux indiquant qu'ils avaient « pris aussi » ce qui démontrait que ses collègues savaient qu'il avait pris des plants et qu'il s'agissait d'un acte conscient. Les raisons qui l'avaient poussé à agir étaient inconnues et pouvaient le rester. L'intention pouvait - et devait en l'espèce - être retenue même sans connaissance du mobile qui avait animé l'auteur.

b. La faute de M. A______ était importante. Il s'était emparé de stupéfiants saisis par des collègues, portant atteinte tant à l'enquête de ceux-ci, qu'à la justice, au travail et à l'image du corps de police. Il avait potentiellement soustrait des stupéfiants, produits illicites, à la destruction à laquelle ils étaient destinés. Ses mobiles demeuraient obscurs. Il n'était pas établi qu'il avait agi de concert avec ses coaccusés, même si les faits qui lui étaient reprochés s'étaient déroulés de façon parallèle. En comparaison, sa faute était objectivement moindre que la leur dans la mesure où il n'avait pris que deux plants qu'il n'avait pas emmenés à l'extérieur du poste. Cela étant, sa qualité de chef de groupe et de policier le plus expérimenté faisait apparaître son comportement comme subjectivement plus grave.

Sa collaboration à l'enquête avait été mauvaise et il n'avait fait montre d'aucune prise de conscience.

15) Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 9 mars 2020, qui s'est tenue devant la chambre de céans, M. A______ a déclaré qu'il renonçait à recourir au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la chambre pénale faute d'en avoir les ressources financières. Ses conclusions en suspension étaient donc devenues sans objet.

Ses arguments exposés dans l'arrêt précité étaient ceux qu'il plaidait également dans la procédure administrative s'agissant des faits. Il était en arrêt maladie, renouvelable de mois en mois, depuis le 21 janvier 2020 en raison d'une dépression et de douleurs au dos. Il n'était pas consommateur de cannabis.

Il fallait replacer les faits dans leur contexte. Après un travail de nuit, alors que le travail nocturne était depuis un moment devenu lourd pour lui et qu'il était fatigué, il avait oublié les plants de cannabis dans son vestiaire. Il avait essayé de faire une investigation à leur sujet. Il les avait placés bien en évidence sur le haut de l'étagère mais les avait oubliés. Ils étaient placés sur une étagère à l'intérieur de son vestiaire et n'étaient pas visibles une fois la porte fermée. Deux jours plus tard, MM. B______ et C______, honteux, avaient débarqué chez lui. Ils s'étaient adressés à lui en tant que supérieur pour qu'il les rassure. Il leur avait conseillé de dire la vérité. Il ne pensait pas avoir parlé des deux plants de cannabis dans son vestiaire du fait qu'ils étaient dans une discussion entre un supérieur et ses subordonnés.

Il ne savait pas pourquoi M. B______ avait envoyé un message indiquant qu'ils étaient trois à avoir fait « une connerie ». Selon lui, ils avaient eu un contact avec un des chefs de poste et avaient alors appris qu'il était également visé par l'enquête. Lorsqu'il avait appris qu'il était convoqué par l'État-major, il n'avait pas été inquiet pour lui mais pour MM. B______ et C______. Il avait pensé être convoqué en tant que chef de groupe.

16) Dans le délai imparti, dûment prolongé, pour compléter ses écritures et faire savoir s'il souhaitait d'autres actes d'instruction, M. A______ a sollicité l'audition de MM. B______ et C______. Il concluait en outre à sa réintégration.

a. Il avait toujours exposé être victime d'un contexte qui ne lui était pas imputable. Il avait toujours nié avoir eu l'intention de dérober les plants de cannabis et avait toujours contesté avoir projeté de les prendre avec les deux collègues précités. Pourtant, tant les juridictions pénales que son employeur se servaient de l'unique SMS envoyé par M. B______ à son père pour présumer de son intention délictuelle. Bien que le contexte de l'envoi de ce SMS n'avait jamais été approfondi, les juridictions pénales et son employeur avaient choisi de lier sa découverte de deux plants de cannabis au vol commis par ses deux collègues. Leur audition permettrait de savoir ce qu'ils savaient de ses agissements et s'ils avaient appris les soupçons qui pesaient sur lui par leur hiérarchie ou par les policiers ayant découvert la disparition des plants de cannabis. Dans ce cas en effet, le SMS de M. B______ à son père laissant entendre sa participation au vol de plants de cannabis serait dénué de toute valeur probante puisque pollué par les soupçons non étayés des autres collègues.

Les auditions sollicitées devaient en outre permettre de demander aux témoins s'ils se souvenaient de leur discussion avec lui à son domicile dès lors que, comme il l'avait indiqué lors de l'audience de comparution personnelle il ne pensait pas leur avoir parlé des deux plants qu'il avait oubliés.

b. La chambre administrative avait toute liberté pour se prononcer de manière indépendante sur les faits qui lui étaient reprochés. Elle devait en tout état admettre qu'il était impossible de démontrer qu'il était animé d'une intention délictuelle au moment des faits, la décision litigieuse étant au surplus disproportionnée.

17) Entre-temps, le 27 avril 2020, la caisse de chômage G______ a informé la chambre administrative qu'elle était subrogée dans les droits de M. A______, son assuré, pour la période du 1er février 2020 au 31 janvier 2022.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite l'audition de MM. B______ et C______ ainsi que la production de l'ensemble de la correspondance entre la cheffe de la police et le Conseil d'État, l'un de ses membres ou l'un de ses départements, relative à l'affaire, de même que la production de l'ensemble de l'information reçue par la cheffe de la police à la date du prononcé de la décision de suspension.

a. Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/1001/2018 du 25 septembre 2018 consid. 2a).

b. En l'espèce, le dossier contient les procès-verbaux établis par l'IGS des auditions des deux collègues que le recourant souhaite faire auditionner. Le dossier contient également l'ordonnance pénale du 5 mars 2019, le jugement du Tribunal de police du 24 mai 2019 ainsi que l'arrêt de la chambre pénale entré en force. Ces actes se réfèrent avec détails et précisions aux déclarations des deux collègues du recourant, de sorte qu'il est inutile de les entendre à nouveau dans le cadre de la présente procédure, étant de surcroît relevé qu'il ne fait pas valoir dans la présente procédure d'autres moyens, notamment en lien avec ses intentions lors de la prise de deux plants de cannabis, que ceux qu'il a exposés au juge pénal.

c. Dans la mesure où les pièces dont le recourant sollicite la production sont pertinentes uniquement pour déterminer l'éventuelle prescription de sa responsabilité disciplinaire et que cette question peut être tranchée en l'état du dossier, il ne sera pas donné suite à cette requête.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de l'arrêté du Conseil d'État du
16 octobre 2019 prononçant la révocation du recourant.

4) Le recourant fait tout d'abord valoir la « possible » prescription de la responsabilité disciplinaire. Il sollicite la production de l'information à disposition de la cheffe de la police au moment du prononcé de la décision du 17 janvier 2018 afin de déterminer le degré de connaissance des faits de celle-ci. Il sollicite en outre la production des communications reçues par le Conseil d'État au sujet de la présente affaire de manière à déterminer à quel moment la découverte des faits a eu lieu et s'ils sont prescrits.

a. Fonctionnaire de police, en l'occurrence sergent-chef, le recourant a été soumis à la loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol) et à son règlement d'application du 25 juin 2008 (aRPol). Depuis le 1er mai 2016, il est soumis à la LPol, qui a abrogé la aLPol (art. 65 LPol), au RoPol, lequel a abrogé l'aRPol
(art. 21 let a RoPol) ainsi qu'au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07).

Le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), et à ses dispositions d'application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol (art. 18
al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC).

b. La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l'enquête administrative, ou de l'éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

c. En l'espèce, les faits à l'origine du prononcé de la décision litigieuse ont eu lieu le 13 janvier 2018. Le Ministère public a ordonné l'ouverture de la procédure pénale P/1______ le 16 janvier 2018. Cette procédure est close depuis le 3 février 2020, le recourant ayant indiqué lors de l'audience de comparution personnelle qu'il n'avait pas recouru contre l'arrêt de la chambre pénale rendu ce jour-là. La responsabilité disciplinaire du recourant n'était dès lors pas prescrite lorsque l'intimé a prononcé sa révocation le 16 octobre 2019.

5) a. En tout temps, le personnel de la police donne l'exemple de l'honneur, de l'impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens (art. 1 al. 2
1ère phrase LPol).

Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art. 21 let. c RPAC).

b. En vertu de l'art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions disciplinaires énumérées dans ledit alinéa.

Aux termes de l'art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : le blâme (let. a), les services hors tour (let. b), la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation pour une durée déterminée (let. d), et la révocation (let. e). La révocation est prononcée par le Conseil d'État (art. 37
al. 2 in fine).

L'art. 38 LPol prévoit que le chef du département et le commandant peuvent en tout temps ordonner l'ouverture d'une enquête administrative. La personne intéressée en est immédiatement informée (al. 1). Lors de l'enquête, la personne concernée doit être entendue par le commandant ou par un chef de service, au sens de l'art. 6 LPol, désigné par lui. Elle est invitée à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés et peut se faire assister d'une personne de son choix (al. 2). À la fin de l'enquête, les résultats de celle-ci et la sanction envisagée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles (al. 3). Dans l'attente d'une enquête administrative ou pour répondre aux besoins du service, la personne mise en cause peut immédiatement être libérée de son obligation de travailler (al. 4).

L'art. 40 LPol, relatif aux procédures simplifiées, prévoit que lorsqu'un blâme ou des services hors tour sont envisagés, le commandant peut renoncer à l'ouverture d'une enquête administrative et se limiter à entendre ou faire entendre le collaborateur sur les faits qui lui sont reprochés (al. 1). Pour toutes les sanctions, jusqu'à la prise de décision, notamment si le membre du personnel concerné reconnaît les faits reprochés, l'autorité compétente peut convenir avec celui-ci d'une sanction disciplinaire, de modalités de départ ou de toute autre mesure (al. 2).

L'art. 16 RGPPol prévoit qu'en cas d'ouverture d'une enquête administrative par le chef du département, celui-ci désigne une personne qui a les compétences requises en qualité d'enquêteur (al. 1). Lorsque le commandant ouvre une enquête administrative, il conduit lui-même l'enquête ou désigne à cette fin un chef de service ou un officier, après avoir préalablement informé le chef du département (al. 2). L'enquête administrative doit être menée dans le respect du principe de célérité. Les parties doivent communiquer sans tarder à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (al. 3). Au terme de l'enquête, la sanction envisagée est portée à la connaissance de l'intéressé qui dispose d'un délai de trente jours pour déposer d'éventuelles observations écrites (al. 4).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire. Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 4d et les arrêts cités). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive.

c. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1118/2019 précité et la jurisprudence citée).

d. Selon une jurisprudence constante, il appartient en premier lieu aux autorités pénales d'établir les faits susceptibles de constituer une infraction. Le juge administratif ne peut s'écarter du jugement pénal que s'il dispose d'éléments inconnus du juge pénal ou que celui-ci n'a pas pris en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n'a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 109 Ib 158 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6A.100/2006 du 28 mars 2007 consid. 2.1 ; ATA/1118/2019 précité consid. 5d et la jurisprudence citée) afin d'éviter le plus possible que la sécurité du droit ne soit mise en péril par des jugements opposés fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1).

6) a. Dans un arrêt ATA/628/2020 du 30 juin 2020, la chambre de céans a partiellement a annulé la décision du chef du département prononçant la dégradation d'un policier pour une durée de deux ans, dès lors que la sanction n'avait pas été précédée d'une enquête administrative.

b. Dans le cas d'espèce, il n'apparaît pas que le prononcé de la révocation litigieuse aurait été précédé d'une enquête administrative. Certes, la sanction contestée n'est pas une dégradation mais une révocation. Le raisonnement tenu par la chambre de céans dans l'ATA/628/2020 vaut toutefois aussi pour la révocation, sanction la plus sévère prévue par l'art. 36 al. 1 LPol.

En effet, ainsi que le retient l'ATA/628/2020 auquel il convient de se référer pour le surplus, l'art. 40 al. 1 LPol prévoit explicitement qu'il peut être renoncé à l'ouverture d'une enquête administrative lorsque le prononcé d'un blâme ou des services hors tour sont envisagés. L'interprétation littérale de cette disposition permet ainsi de déduire, a contrario, qu'une telle enquête est nécessaire lorsque le prononcé d'une autre sanction est envisagé.

En outre, les travaux préparatoires relatifs à cette disposition confirment que la possibilité de renoncer à une enquête administrative visée à l'art. 40 al. 1 LPol concerne les affaires de faible gravité, dans lesquelles la sanction envisagée est un blâme ou des services hors tour. L'interprétation historique permet dès lors également de considérer que cette disposition ne vise que les deux sanctions prévues, à l'exception des autres sanctions prévues à l'art. 36 LPol.

Par ailleurs, le libellé de l'art. 38 al. 1 LPol, à teneur duquel le chef du département et la commandante peuvent en tout temps ordonner l'ouverture d'une enquête administrative, ne saurait être compris, en lien avec l'art. 40 al. 1 LPol, comme permettant à l'autorité concernée de choisir en totale opportunité si l'enquête administrative se justifie ou non. Cette disposition précise uniquement quelles sont les autorités habilitées à ordonner l'ouverture d'une telle enquête et non les cas de figure dans lesquels ils doivent, ou au contraire ne doivent pas, l'ordonner.

Enfin, le but poursuivi par l'art. 40 al. 1 LPol, tel que cela est confirmé par la teneur des travaux préparatoires et le titre de cet article intitulé « procédures simplifiées », est de prévoir une procédure plus simple et rapide pour les affaires de faible gravité, en permettant de renoncer à l'ouverture d'une enquête administrative. L'existence de cette disposition et de la possibilité qui y est conférée n'aurait dès lors aucun sens et aucune portée si l'autorité était libre, par l'entremise de l'art. 38 al. 1 LPol, de renoncer à l'ouverture d'une enquête administrative chaque fois qu'elle le juge opportun.

Le prononcé de l'arrêté litigieux aurait ainsi dû être précédé d'une enquête administrative. Dès lors que tel n'a pas été le cas, la décision querellée sera annulée, pour ce premier motif.

7) Par ailleurs, elle doit également être annulée au motif qu'elle viole le principe de la proportionnalité. Avant d'examiner ce point, il convient toutefois de déterminer si les faits reprochés justifient une sanction, ce que le recourant conteste.

a. Le recourant soutient que même à considérer qu'il aurait volontairement mis les deux plants de cannabis dans son casier, sa faute ne justifierait pas une révocation. Selon lui, l'autorité intimée n'aurait pas correctement tenu compte de ses états de service. Il estime qu'on ne peut pas lui reprocher, alors qu'il a découvert les plants par hasard, de ne pas pouvoir expliquer leur présence là où il l'avait indiqué, à savoir au sol dans le garage. Il souligne que l'autorité avait été incapable de trouver un mobile qui l'aurait conduit à volontairement s'approprier des plants de cannabis. Il insiste sur le fait qu'il aurait été victime du contexte, deux de ses collègues ayant réellement dérobé des pousses le même jour. Sa situation devait pourtant être examinée à part, à savoir qu'après une nuit de travail, alors que le travail nocturne était devenu lourd pour lui, fatigué il avait oublié dans son armoire les plants sur lesquels il pensait investiguer et qu'il n'avait jamais eu l'intention de dérober. Les juridictions pénales et son employeur s'étaient servis du SMS envoyé par son collègue à son père pour faire un amalgame et présumer de son intention délictuelle. Il avait spontanément indiqué au chef de groupe de la relève, lorsqu'il l'avait rappelé au téléphone, avoir mis deux plants dans son casier et entrepris de les restituer immédiatement.

b. L'intimé et les autorités pénales n'ont pas fait grief au recourant de ne pas avoir pu expliquer la présence de plants de cannabis au sol dans le garage. Son employeur a estimé que ses allégations sur la découverte fortuite de ces plants sur le sol étaient incohérentes, voire fantaisistes. Selon l'intimé, dès lors que le recourant avait reconnu avoir constaté qu'un emplacement était vide dans la boîte qui contenait les autres plants saisis, il n'avait raisonnablement pas pu penser que les deux plants en sa possession provenaient d'une autre saisie. La chambre pénale n'a pas dit autre chose. Elle a retenu qu'il était de peu d'importance que le recourant ait trouvé ces plants au sol ou directement dans la petite serre où se trouvaient les autres plants. Selon elle, il n'était pas crédible que le recourant ait pu envisager un instant que les plants en sa possession provenaient d'une autre saisie. Elle a ajouté que même s'il les avait trouvés au sol, dès lors qu'il avait constaté selon ses propres déclarations la disparition de plants dans la boîte contenant les autres plants saisis, il n'avait pas pu ne pas faire le lien avec les plants en sa possession.

c. Ni l'employeur ni les autorités pénales n'ont fait l'amalgame entre la situation du recourant et celle de ses deux collègues. Il ressort en effet de la décision litigieuse que l'intimé a bien considéré la situation du recourant pour elle-même. Certes, l'intimé a fait référence aux auditions de ces deux collègues et au SMS envoyé par l'un d'eux à son père dans lequel il a écrit « on est trois à avoir fait une connerie ». Mais il ne ressort pas de la décision litigieuse que l'intimé aurait considéré le recourant comme fautif du seul fait que ses collègues l'étaient. Par ailleurs, la chambre pénale a explicitement retenu qu'il n'était pas établi que le recourant avait agi de concert avec ses deux collègues, même si les faits s'étaient déroulés de façon parallèle. Elle a précisé que si sa faute était objectivement moindre que la leur, sa qualité de chef de groupe et de policier plus expérimenté faisait apparaître son comportement comme subjectivement plus grave.

d. Tant l'employeur que la chambre pénale font référence à la discussion téléphonique entre le recourant et le chef de groupe de la relève le samedi matin. Ni l'un ni l'autre ne remet en cause le fait que le recourant a dit à ce chef de groupe qu'il avait pris des plants et qu'il allait les remettre en place. L'un et l'autre précisent que le recourant a rappelé le chef de groupe de la relève, ce dernier ayant précédemment cherché à le joindre. Ils s'étonnent ensuite du fait que, pas plus qu'il ne l'avait fait auparavant avec ses autres collègues qu'il avait eu l'occasion de croiser dans le vestiaire ou à l'apéritif de fin de service, le recourant n'ait fait état des doutes qui étaient les siens quant à la provenance des plants qu'il prétend avoir trouvés sur le sol, ni sur le fait qu'il les avait oubliés dans son armoire. Tant l'employeur que la chambre pénale retiennent ensuite que les propos tenus par le recourant au téléphone, à savoir « vous n'allez pas faire un caca nerveux pour ça », ne plaident pas en faveur du fait que, comme il le prétend, il entendait investiguer sur la provenance de ces plants.

e. La chambre pénale a précisé que les raisons qui ont poussé le recourant à agir étaient inconnues et qu'elles pouvaient le rester. Elle a ajouté qu'établir les faits, notamment lorsqu'un prévenu les niait, ne nécessitait pas d'en reconstituer chaque parcelle et d'établir le mobile, mais uniquement de déterminer les faits et gestes pertinents pour parvenir à une conclusion. L'intention pouvait - et devait en l'espèce - être retenue même sans connaissance du mobile qui anime l'auteur.

Au vu des explications fournies par le recourant dans la présente procédure, la chambre de céans n'a aucune raison de s'écarter de l'arrêt de la chambre pénale, aucun autre élément relatif aux faits n'étant apparu depuis son prononcé. De plus, il n'apparaît pas que l'appréciation du juge pénal se serait heurtée aux faits constatés ni que celui-ci n'aurait pas élucidé toutes les questions de droit ou de fait.

Dès lors, et à teneur de l'ensemble du dossier, la chambre administrative retiendra à l'instar de la juridiction pénale que le recourant a, le matin des faits, trouvé deux plants de cannabis dans le garage du poste de D______, qu'il les a pris et emportés puis les a placés dans son armoire personnelle. Il a ainsi soustrait ces deux plants de la mainmise de l'autorité et commis ce faisant une faute aux conséquences pénales. En dépit du fait que les mobiles qui ont conduit le recourant à adopter ce comportement fautif demeurent obscurs, son intention doit être retenue. Le recourant n'a en effet fait valoir devant la chambre de céans aucun argument nouveau ou ignoré par le juge pénal qui permettrait de retenir le caractère accidentel de ses actes délictueux. La fatigue dont il se prévaut n'est pas de nature à modifier cette appréciation.

Le recourant ayant commis une infraction pénale sur le lieu de son travail, son employeur était fondé à prononcer une sanction disciplinaire à son encontre.

8) Il convient encore d'examiner l'adéquation de la sanction prononcée.

a. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/1118/2019 précité et la jurisprudence citée).

La révocation est la sanction la plus lourde prévue par l'art. 36 al. 1 LPol. Cette sanction implique une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/698/2020 du 4 août 2020 consid. 6a et les arrêts cités). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un certain caractère infamant vu sa nature. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du
22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019).

b. En l'espèce, le recourant, policier expérimenté et gradé, a soustrait des pièces à conviction saisies par ses collègues portant ainsi atteinte tant à leur travail qu'au bon déroulement de l'enquête pénale et de la justice. En prenant, puis en enfermant dans son armoire personnelle, des stupéfiants issus d'une saisie, le recourant a, en outre, porté atteinte à l'image de la police. Il a, par ailleurs, adopté un comportement contraire à celui attendu d'un représentant des forces de l'ordre dont le rôle consiste, entre autres, à préserver la sécurité et l'ordre publics des dangers émanant du commerce et de la consommation de stupéfiants (art. 1
let. d LStup). La faute commise par le recourant est grave.

Elle doit toutefois être mise en relation avec son parcours professionnel de trente ans au sein du corps de police. Dans sa décision, l'employeur a mentionné les états de service de l'intéressé et a, certes, retenu qu'ils ne pouvaient pas être qualifiés d'excellents.L'intimé s'est, à cet égard, référé aux sanctions prononcées en mai 1993 et juillet 2006, ainsi qu'au courrier de la cheffe de la police de mars 2015. Ce dernier courrier ne constitue toutefois pas une sanction disciplinaire. Par ailleurs, les sanctions disciplinaires prononcées sont anciennes, ayant été infligées respectivement treize et vingt-six ans avant la décision querellée. Il ne ressort, en outre, pas du dossier que ces sanctions auraient empêché le recourant de faire carrière et de grader au sein de la police, l'intéressé ayant, à plusieurs reprises, été félicité et remercié pour son dévouement et la qualité de son travail.

Au vu de ces éléments, le prononcé d'une sanction moins sévère était apte, d'une part, à faire prendre conscience au recourant de la gravité de son acte et, d'autre part, à réparer l'image de la police, la faible quantité et la qualité du stupéfiant subtilisé permettant de nuancer l'atteinte portée à la réputation du corps de police au regard de son parcours professionnel.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la révocation prononcée consacre un abus et un excès du pouvoir d'appréciation par l'intimé.

9) L'annulation de la décision de révocation a pour conséquence la réintégration obligatoire du fonctionnaire.

En effet, sous l'empire des anciennes dispositions de la LPAC, en vigueur jusqu'au 19 décembre 2015 (ci-après : aLPAC), si une révocation était jugée contraire au droit, en raison d'une absence de violation des devoirs de service, la réintégration était imposée à l'employeur, même si la relation d'emploi avait pris fin. En revanche, lorsque la révocation était jugée disproportionnée, la réintégration ne pouvait être que proposée (art. 30 al. 3 cum 31 aLPAC ; ATA/911/2015 du 8 septembre 2015 ; François BELLANGER, Le contentieux des sanctions et des licenciements en droit genevois de la fonction publique, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 226).

Depuis lors, l'art. 30 al. 3 aLPAC qui prévoyait ce mécanisme a été abrogé avec notamment pour conséquence que la réintégration peut être ordonnée également lorsqu'elle s'avère disproportionnée. L'un des buts de la nouvelle LPAC était de rendre obligatoire la réintégration, non seulement en cas de révocation prononcée en l'absence de violation des devoirs de service ou de fonction, mais également lorsque la révocation s'avérait contraire au principe de proportionnalité, soit dans les cas où les manquements qui pouvaient être retenus à l'encontre du fonctionnaire ne justifiaient pas une sanction aussi sévère
(PL 7526-F, p. 18, 19 et 20 ; ATA/287/2018 du 27 mars 2018 consid. 7b).

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours. La décision querellée sera annulée, et le dossier renvoyé à l'intimé pour qu'il prononce une autre sanction administrative précédée, le cas échéant, d'une enquête administrative.

10) La caisse de chômage - qui a fait valoir une subrogation devant la chambre de céans - a un intérêt de fait à savoir si un licenciement est confirmé ou déclaré contraire au droit, et si les indemnités sont versées à son assuré. Dès lors, le dispositif du présent arrêt lui sera communiqué pour information (ATA/992/2018 du 25 septembre 2018 consid. 14 et les arrêts cités).

11) Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de
CHF 1'500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 novembre 2019 par Monsieur
A______ contre l'arrêté du Conseil d'État du 16 octobre 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule l'arrêté du Conseil d'État du 16 octobre 2019 ;

renvoie le dossier au Conseil d'État pour qu'il détermine la suite au sens des considérants ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Berger, avocat du recourant, au Conseil d'État ainsi que le dispositif à la caisse de chômage G______, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Tapponnier et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :