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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/572/2015

ATA/911/2015 du 08.09.2015 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/572/2015-FPUBL ATA/911/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2015

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Nils De Dardel, avocat

contre

HOSPICE GENERAL

 



EN FAIT

1) Madame A______, née en juin 1958, a été engagée le 1er janvier 1994 par l’Hospice général (ci-après : l’hospice) en qualité d’assistante sociale au service d’aide aux requérants.

2) Par décision du 25 mars 1998, elle a été nommée fonctionnaire rétroactivement à partir du 1er janvier 1998.

3) Depuis cette nomination, Mme A______ a fait l'objet d'un seul entretien d'appréciation et de fixation d'objectifs (ci-après : EAFO), en date du 23 décembre 2008. Pour des motifs qui ne ressortent pas explicitement du dossier, Mme A______ n'a fait l'objet d'aucune évaluation de ses objectifs depuis sa nomination.

4) Le 8 novembre 2002, Mme A______ a fait l’objet d’un blâme pour insuffisance de prestations.

Ce blâme faisait suite à un contrôle de portefeuille relevant un défaut de rigueur et une absence de suivi tant social qu'administratif de ses dossiers.

5) En 2003, Mme A______ a fait l'objet d'un nouveau contrôle de portefeuille.

Ce dernier relevait une très nette amélioration par rapport à la situation précédente. La rigueur du suivi social était néanmoins toujours aussi lacunaire et très peu maîtrisée. Un manque de fiabilité dans la connaissance et la maîtrise des directives, voire du métier d'assistant social, était également observé. Ces manques avaient pour conséquence que les administrés seraient à court ou long terme prétérités.

6) Le 31 mars 2005, Mme A______ a déposé auprès du service des ressources humaines de l'hospice (ci-après : les RH) une plainte pour atteinte à la personnalité contre plusieurs collaborateurs, dont Madame B______, assistante administrative. Une enquête pour harcèlement moral a été ouverte et confiée à Monsieur  C______ le 11 mai 2005. Lors d’une séance de conciliation du 7 septembre 2005, les parties ont échangé des excuses écrites, qui ont satisfait Mme A______, cette dernière reconnaissant quelques carences professionnelles qui avaient pu causer des difficultés à ses collègues. Elle a retiré sa plainte et l'enquête a été clôturée. Celle-ci a donné lieu à un rapport du 22 septembre 2005 (ci-après : le rapport C______).

7) Dès le 26 février 2008, le taux d'activité de Mme A______ a été réduit à sa demande à 50 %.

8) Lors d’un colloque le 18 février 2013 en présence de Mme A______, Madame  D______, responsable d’unité, a indiqué qu'il avait été établi, suite à des contrôles, que certains assistants sociaux omettaient de faire renouveler régulièrement, tous les douze mois selon les directives, la signature du formulaire « Mon engagement » par les usagers. Ceci constituait une carence importante.

Mme D______ a fixé un délai au 31 mars 2013 pour que les assistants sociaux lui remettent tous les formulaires « Mon engagement » datant de plus de douze mois, dûment signés par les usagers.

9) Par courriel du 26 mars 2013, Mme D______ a fixé à Mme A______ un nouveau délai au 20 avril 2013 pour renouveler les « Mon engagement » de son portefeuille.

10) Le 18 avril 2013, Mme B______ a remis à Mme D______ une pile de formulaires prétendument découverte la veille dans la poubelle à papier de Mme A______. Sur cette pile était collée une fiche « post-it » avec la mention « faire signer le mon enga », écrite de la main de Mme A______. S'y trouvait notamment une copie d'un formulaire « Mon engagement » daté du 17 avril 2013 (ci-après : le formulaire litigieux) et portant les signatures de Madame et Monsieur E______, usagers de l'hospice suivis par Mme A______.

Selon les déclarations de Mme D______ du 18 mars 2014, Mme B______ lui a expliqué s'être rendue le 17 avril 2013 dans le bureau de Mme A______, car elle soupçonnait celle-ci d'avoir contrefait la signature de certains usagers. Ces soupçons se fondaient sur le fait que Mme A______ lui aurait transmis dans les jours précédents un paquet de formulaires « Mon engagement ». Il paraissait impossible à Mme B______ que Mme A______ ait eu le temps de rencontrer tous ces usagers et de leur faire signer ces documents dans un aussi bref délai.

Selon les déclarations de Mme B______ du 26 août 2014, la réception du paquet de formulaires précité n'avait pas éveillé ses soupçons. Elle ne s'était pas rendue dans le bureau de Mme A______ en date du 17 avril 2013 pour étayer ses soupçons, mais pour chercher un dossier.

11) À la fin du mois d'avril 2013, Madame F______ E______, fille des époux E______, s'est rendue au guichet de l'hospice pour ses propres affaires.

Selon ses déclarations du 29 avril 2014, elle a rencontré à cette occasion Mme B______. Celle-ci lui a demandé des nouvelles de ses parents. Après avoir appris que Mme E______ était entrée à l'hôpital le 16 avril 2013, Mme B______ a présenté à Mme F______ E______ le formulaire litigieux en lui demandant si les signatures qui y figuraient étaient bien celles de ses parents. Celle-ci lui a alors demandé une copie du document afin de le soumettre à ses parents.

Selon les déclarations de Mme B______ du 26 août 2014, celle-ci a remis spontanément à Mme F______ E______ une copie du formulaire litigieux accompagné d'une traduction en turc. Ces deux copies, que l'hospice avait manqué de remettre aux époux E______ auparavant, avaient été préparées avant l'arrivée de la fille du couple.

12) Le 14 mai 2013, Monsieur G______ E______, fils des époux E______, a pris contact par téléphone avec Mme A______. Il a sollicité un rendez-vous, expliquant que ses parents avaient reçu un formulaire « Mon engagement » à leur nom, muni de signatures dont ils n'étaient pas les auteurs. Il accusait Mme A______ d’avoir signé le document elle-même.

13) Le 16 mai 2013, Mme A______ a reçu les époux E______ et leur fils G______ à l'hospice.

Selon les déclarations de M. G______ E______ du 2 juin 2014, Mme A______ a indiqué dans un premier temps qu'elle n'avait pas signé le formulaire litigieux, mais que son remplaçant l'avait signé. Après que M. G______ E______ lui a signifié qu'il ne quitterait pas les lieux avant d'avoir rencontré ce remplaçant, Mme A______ a avoué avoir signé le formulaire litigieux. Elle a ensuite rétracté son aveu.

Selon les déclarations de Mme A______ tant dans l'extrait du journal social des époux E______ du 3 juin 2013, que dans le compte-rendu de l'entretien de service du 1er juillet 2013 et le 26 mai 2014, M. G______ E______ a été extrêmement menaçant, impoli et insultant à l'occasion de cet entretien. Elle s'est sentie agressée, en insécurité et a été effrayée par sa violence verbale. L'entretien a eu lieu pendant la pause de midi et aucun autre collègue n'était présent. À un moment donné, elle a effectivement déclaré qu'elle avait signé le formulaire litigieux à la place des époux E______. À la fin de l'entretien, alors que la famille E______ quittait les lieux, elle a rétracté cet aveu.

Selon les déclarations de Mme B______ du 26 août 2014, celle-ci a vu M. G______ E______ sortir du bureau de Mme A______ à la fin de l'entretien. Il criait et traitait cette dernière de menteuse.

14) Le même jour, Mme A______ a rendu compte à Mme D______ de cet entretien.

Selon des notes prises par Mme D______, Mme A______ lui a déclaré avoir remis à Mme B______ en date du 16 ou 17 avril 2013 un formulaire « Mon engagement » signé par M. E______ uniquement.

15) Le 24 mai 2013, les époux E______ ont adressé une lettre à Mme D______.

La signature figurant sur le formulaire « Mon engagement » du 17 avril 2013 avait été « copiée par une personne travaillant à l’hospice général ». Ils pensaient que Mme A______ était à l'origine de cette signature.

Lors de leur rencontre du 16 mai 2013 avec Mme A______, ils lui « [avaient] demandé et elle a[vait] accepté et ensuite elle a[vait] refusé ».

Dans ces conditions, ils priaient l'hospice de « procéder aux réparations nécessaires et de [leur] justifier la réalisation de celles-ci ». À défaut, ils seraient « contraints de saisir le tribunal dans cette affaire afin d'envisager le versement de dommages et intérêts en sus du montant de l'article ».

Un certificat médical était joint, attestant que Mme E______ avait été hospitalisée du 16 au 20 avril 2013.

16) Le 1er juillet 2013, Mme A______ a été convoquée à un entretien de service. Celui-ci avait pour but de l'entendre sur un faux dans la signature d'un document officiel adressé à l'un de ses usagers qui, s'il était avéré, engendrerait une rupture du lien de confiance susceptible de remettre en cause la poursuite des rapports de travail.

Mme A______ a expliqué que chaque usager devait signer le formulaire « Mon engagement » une fois par année en trois exemplaires. Elle avait pour habitude d'imprimer ce document en grande quantité, la date s'imprimant automatiquement au moment de l'impression. Elle convoquait ensuite les usagers pour la signature, la date de celle-ci ne correspondant pas nécessairement avec celle figurant sur le formulaire. Il arrivait qu'elle déléguât oralement à une assistante administrative la tâche consistant à faire signer ces formulaires. C'était probablement ce qui s'était passé avec les époux E______, mais elle n'en était pas certaine.

Elle a par ailleurs contesté avoir déclaré le 16 mai 2013 à Mme D______ qu'elle avait remis le 16 ou le 17 avril 2013 à l'assistante administrative un formulaire « Mon engagement » signé par M. E______ uniquement. Elle ne se souvenait ni d'avoir fait signer ce document, ni de l'avoir remis à l'assistante administrative.

À l'occasion de cet entretien, Madame H______, cheffe de service, a relevé qu'il y avait beaucoup d'imprécisions, de manquements et une absence d'ordre dans le suivi du dossier des époux E______. Elle a par ailleurs indiqué que différents formulaires « Mon engagement » avaient été découverts dans la poubelle de Mme A______ concernant les époux E______. Ce n'est qu'à ce moment que Mme A______ a été informée de cette découverte. Elle n'a cependant pas été informée que Mme B______ en était l'auteure.

17) Par courrier du 3 juillet 2013, l'hospice a informé Mme A______ qu'elle était libérée de l'obligation de travailler jusqu'à décision de la direction.

18) Par lettre du 18 juillet 2013, Mme A______, sous la plume de son conseil, a transmis à l'hospice ses observations.

On pouvait s'interroger sur le préjudice, méritant des dommages-intérêts, que les époux E______ prétendaient avoir subi. Mme A______ n'aurait eu aucune raison de falsifier les signatures des époux E______. On ne discernait pas l'avantage qu'elle aurait pu en obtenir. Mme A______ était disposée à reprendre son travail à l'hospice.

19) Par courrier du 23 juillet 2013, les RH informaient Mme A______ que sa suspension était maintenue.

20) Par lettre du 21 août 2013, Mme A______, après avoir pu consulter le dossier, a transmis à l'hospice de nouvelles observations.

Elle a contesté les accusations de fausses signatures. Celles-ci résultaient d’une dénonciation de Mme B______, qui entretenait à son égard un comportement hostile. Cette dernière avait notamment pris l'initiative de lancer une pétition contre elle quelques années auparavant. Mme A______ contestait catégoriquement avoir jeté ou déposé dans la poubelle de son bureau des formulaires « Mon engagement » et contestait qu’ils aient pu y être trouvés. Elle pensait que Mme B______ était à l’origine de la plainte des époux E______, car cette dernière les avait vus avant et après l’entretien du 16 mai 2013. Elle persistait à demander de pouvoir reprendre son travail à l'hospice dans les meilleurs délais.

21) Par courrier du 4 novembre 2013 à l'hospice, Mme A______ s'est étonnée d'être sans nouvelles de la procédure.

22) Par décision du 11 novembre 2013, le conseil d’administration de l’hospice a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative.

Cette enquête devait porter sur l’allégation des époux E______ concernant une falsification de leur signature par Mme A______. Celle-ci était suspendue de ses fonctions durant toute l’enquête et jusqu’à son issue, son traitement étant maintenu. L’enquête a été confiée à Me I______.

23) a. Le 23 octobre 2014, Me I______ a remis son rapport d'enquête, comprenant septante-trois pages et établi après l’audition de seize témoins.

Il était établi que le document « Mon engagement » litigieux n'avait pas été signé par les époux E______. Il était aussi établi par les déclarations de Mme A______ qu'elle avait imprimé ce document le 17 avril 2013.

La question de savoir si Mme A______ était l'auteure des signatures litigieuses ne pouvait pas recevoir de réponse d'expert.

Cependant, Mme A______ n'avait pas respecté le délai que lui avait fixé sa responsable d'unité pour mettre à jour les « Mon engagement ». Vu le blâme notifié en 2002, l'avertissement reçu en avril 2013, les courriels de relance de Mme D______ et la mise en cause dont Mme A______ avait fait l'objet à la même période par le syndicat UNIA pour avoir mal géré le dossier d'un usager, il était retenu qu'elle pouvait légitimement craindre que son retard débouchât sur des suites disciplinaires. Elle ne pouvait du reste pas lier ces retards à une surcharge objective de travail, sachant que son travail avait déjà fait l'objet de reproches par le passé, ainsi que d'une sanction administrative.

D'autre part, les explications de Mme A______ au sujet de la signature du « Mon engagement » par les époux E______ avaient varié au cours du temps. D'abord, selon Mme D______, Mme A______ lui avait dit le 16 mai 2013 avoir remis à l'assistante administrative, le 16 ou 17 avril 2013, le document signé par M. E______ uniquement. Lors de l'entretien de service du 1er juillet 2013, elle avait contesté avoir fait cette déclaration. Elle avait expliqué ne plus se souvenir si elle avait fait signer ce document elle-même ou si elle en avait délégué la tâche à l'assistante administrative. Ensuite, lors de sa première audition devant l'enquêtrice, elle avait d'abord indiqué avoir imprimé le document le 17 avril 2013 dans l'intention de le faire signer elle-même par les usagers. Dans un second temps, elle avait dit l'avoir imprimé et remis à Mme B______ pour que celle-ci le fît signer aux usagers si elle n'était pas là. Sur ce point, le rapport d'enquête relève encore ce qui suit:

« Il en résulte que Mme A______ a présenté des explications contradictoires. Lors de l'entretien de service, Mme A______ n'a pas dit qu'elle n'avait rien fait signer aux époux E______ et qu'elle ne les avait pas vus avant le 16 mai 2013, comme elle l'a admis devant l'enquêtrice, mais a dit ne plus se souvenir si elle avait fait signer elle-même ce document aux usagers ou si elle en avait délégué la tâche à l'[assistante administrative], affirmant au surplus que la plainte était infondée, ce qui sous-entend que les époux E______ avaient tort de se plaindre d'une contrefaçon. On peine aussi à comprendre pourquoi Mme A______ n'a pas, lors de cet entretien, exprimé immédiatement le fait que, selon elle, Mme B______ lui était hostile et qu'il s'agissait, soit d'un complot entre elle et les époux E______, ce qu'elle a soutenu, soit d'une fausse signature apposée par cette dernière. Les propos de Mme A______ apparaissent donc contradictoires. Ces variations et contradictions, comme celle disant une fois qu'elle entendait faire signer les époux dans son bureau, donc devant elle et les époux E______, ce qu'elle a soutenu, soit une fois par délégation à l'[assistante administrative], ne peuvent être ignorées et constituent un élément de preuve ».

Le rapport d'enquête relève encore ce qui suit:

« Il résulte de ce qui précède que c'est bien Mme A______ qui a imprimé les divers documents datés de 2013 et ce, de son propre aveu. L'un d'entre eux porte même un post-it de son écriture. Ces documents ont été remis, le jour même de leur impression, par Mme B______ à Mme D______. Il en résulte qu'il peut être retenu que c'est bien dans le bac de Mme A______ que ces documents ont été trouvés ».

Par ailleurs, il était troublant que les dates d'autres formulaires de la pile litigieuse coïncidassent avec les dates de formulaires correspondants signés par les usagers et se trouvant dans leurs dossiers. Mme A______ n'avait fourni aucune explication au sujet de ces coïncidences de dates.

Ensuite, s'agissant du rôle de Mme B______, il était établi qu'elle était à l'origine des premiers soupçons portés sur Mme A______. Il n'était pas exclu que Mme B______, lorsqu'elle avait remis la photocopie du formulaire litigieux à Mme F______ E______, eût voulu conforter ses soupçons. Si, comme le soutenait Mme A______, Mme B______ avait été l'auteure du faux, on voyait mal pourquoi Mme B______ aurait pris la peine de vérifier ses soupçons.

Par ailleurs, il n'était pas établi par la procédure que Mme B______ aurait influencé les époux E______ pour que ceux-ci adressassent une fausse plainte à l'hospice, ainsi que l'avait soutenu Mme A______.

Enfin, la procédure n'établissait pas que Mme B______ aurait été l'instigatrice de la pétition ayant abouti à l’enquête de 2005. Les témoins avaient apporté des réponses différentes au sujet de l'hostilité de Mme B______ envers Mme A______. Pendant toute la durée de leur collaboration, Mme A______ ne s'était jamais plainte auprès des deux responsables d'unité, ni auprès d'aucun témoin, d'une quelconque hostilité de Mme B______ à son égard.

Quant aux plaintes que Mme B______ avait adressées à Mme A______, celles-ci n'étaient pas totalement infondées, au vu des nombreux courriels de rappels adressés à celle-ci par divers collaborateurs. Cela étant, même si certains témoins avaient eu des mots forts à l'encontre de Mme B______, cela n'établissait pas encore qu'elle aurait fabriqué de fausses pièces pour faire incriminer sa collègue. En effet, jusqu'à la suspension de Mme A______, aucun témoin n'avait jugé les faits suffisamment graves pour en parler aux responsables d'unité. D'autre part, les plaintes ou critiques de Mme B______ ne s'étaient pas adressées qu'au travail de Mme A______. Tous les témoins avaient indiqué que Mme B______ s'était plainte, régulièrement et pendant toute sa carrière, de nombreux autres collègues. Enfin, rien ne prouvait que Mme B______ aurait contrefait ces signatures, ni l'intérêt qu'elle aurait eu à le faire. Même en admettant une volonté de nuire, sachant Mme A______ en retard dans son travail et sachant que la responsable d'unité était au courant, il n'y avait aucun intérêt pour Mme B______ à ce que les « Mon engagement » fussent signés.

Pour le reste, le rapport estime qu'il est plausible que Mme A______ eût admis devant M. G______ E______ avoir signé le formulaire litigieux en raison de la peur que celui-ci lui inspirait.

b. En conclusion, le rapport d'enquête relève ce qui suit:

« Sachant que Mme A______ a admis avoir imprimé divers documents le 17 avril 2013 et qu'ils ont été trouvés le même jour dans son bureau, il peut être retenu qu'elle n'est pas étrangère à la fabrication de ces documents ».

« Mme B______, en admettant qu'elle ait voulu nuire à Mme A______, avait plus intérêt à ce que cette dernière ne tienne pas ses délais, que l'inverse. En effet, parmi tous les usagers figurant sur les documents trouvés dans le bac, seuls les époux E______ se sont plaints ».

« Les diverses versions de Mme A______ sur les faits doivent aussi être relevés comme une preuve supplémentaire. En effet, dans un premier temps, elle a contesté que la plainte puisse avoir un quelconque fondement, tout en sachant qu'elle n'avait jamais fait signer le document à ses usagers. Or, elle n'a pas indiqué ce fait lors de l'entretien de service, indiquant, au contraire, avoir fait signer ce document ou l'avoir remis à l'[assistante administrative] pour signature. En conclusion, comme pour toute situation de ce type, au vu des dénégations de l'auteure, il ne peut y avoir de certitude absolue quant à la commission des faits reprochés. Cependant la pondération de tous les éléments permet d'affirmer que l'auteure de la contrefaçon est Mme A______. »

c. La procédure démontrait que tous les éléments convergeaient pour retenir que l’auteur de ce faux était Mme A______. Cet acte constituait, à l’évidence, une violation des devoirs de service. L’enquête n’avait pas porté sur la question de savoir si les autres documents trouvés dans le bureau de Mme A______ étaient aussi des faux. Il appartenait au conseil d’administration de l’hospice de décider de mener une enquête à ce sujet. Il lui appartenait aussi de dire si les compétences de Mme A______ et ses années de service mitigeraient une sanction disciplinaire ou si les faits établis par l’enquête étaient constitutifs d’une infraction au devoir de service au sens de l’art. 16 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ou relevaient d’une inaptitude à remplir les exigences du poste au sens de l’art. 22 let. b LPAC. Il appartenait à l’autorité compétente de l’institution d’examiner quelle sanction paraissait proportionnée aux actes commis par Mme A______ au vu de l’ensemble des circonstances.

24) Le 28 novembre 2014, Mme A______ s'est déterminée sur le rapport d'enquête précité. Elle a demandé que l'enquête soit élargie au cas des usagers dont les noms apparaissaient sur la liasse de « Mon engagement » prétendument découverte le 17 avril 2013.

Les six collaborateurs de l'hospice qui, le 6 septembre 2002, avaient interpellé le chef de secteur pour déconsidérer le travail de Mme A______, dénonçant chez celle-ci une méconnaissance des procédures, des directives et de leur application, ainsi que du suivi des dossiers, avaient été emmenés par Mme B______. L'enquêtrice, à tort, présentait cette affaire qui avait donné lieu au dépôt d'une plainte par Mme A______, comme impliquant une responsabilité de celle-ci et en minimisant le rôle de Mme B______.

Pendant la période de 2006 à 2012, l'enquêtrice n'avait trouvé aucun reproche à faire à Mme A______.

Mme A______ n'avait été informée qu'à fin juillet 2013 du rôle prépondérant joué par Mme B______ dans la prétendue découverte de la pile de formulaires litigieuse. C'est pour cette raison qu'elle ne s'en était pas plainte lors de l'entretien de service du 1er juillet 2013.

Mme A______ n'avait pas été informée des courriers des 3 et 8 juillet 2014 entre l'enquêtrice et l'hospice, au sujet d'un éventuel élargissement du champ de l'enquête aux autres formulaires trouvés le 17 avril 2013 dans le bac à papier. Si elle en avait été informée, elle aurait appuyé la demande de l'enquêtrice. Sur ce point, le droit d'être entendu de Mme A______ avait été violé.

Au moment où elle avait déclaré avoir imprimé le formulaire litigieux, Mme A______ ignorait qu'il était techniquement possible pour une assistante administrative d'imprimer ce document. Elle ignorait de même qu'il était possible de faire apparaître sur le document une date différente de la date d'impression. Les déclarations de Mme A______ ne permettaient donc pas d'établir qu'elle avait imprimé le formulaire litigieux. Sa déclaration initiale admettant avoir imprimé le formulaire litigieux résultait d'une déduction basée sur une fausse prémisse. Elle n'avait en réalité pas de souvenir précis quant à l'impression de ces documents. Il était faux de retenir que Mme A______ avait fait des déclarations contradictoires à ce sujet.

Il était erroné de la part de l'enquêtrice de prétendre que les deux signatures avaient été dûment établies comme étant des faux par l'enquête. Il subsistait un doute sur la signature de M. E______.

La délégation de l'assistante sociale à l'assistante administrative de faire signer le « Mon engagement » était possible. Les témoignages avaient démontré que cette exception était pratiquée de manière plus ou moins large. Les pièces du dossier montraient qu'une telle délégation avait déjà eu lieu dans le passé entre Mme A______ et Mme B______.

Les messages électroniques adressés à Mme A______ provenaient essentiellement de Mme B______, qui cherchait manifestement à la prendre en faute sur de nombreux dossiers. Il était faux de prétendre que l'autre assistante sociale de l'unité avait également multiplié des démarches de ce genre auprès de Mme A______.

Mme A______ n’avait pas à craindre des sanctions disciplinaires en relation avec les « Mon engagement ».

Mme A______ n'avait jamais soutenu que les époux E______ eussent adressé une fausse plainte à l'hospice, mais seulement que Mme B______ fût intervenue auprès de la famille E______ pour qu'elle déposât plainte. Lorsqu'elle avait été entendue par l'enquêtrice, Mme B______ avait dissimulé dans un premier temps avoir rencontré Mme F______ E______ et avoir incité celle-ci à vérifier ce qu'il en était de la signature de ses parents sur le « Mon engagement » du 17 avril 2013. En réalité, les parents avaient déclaré avoir déjà reçu les années précédentes la traduction turque de ce formulaire. Ainsi, Mme B______ n'avait eu aucune raison de transmettre cette traduction à Mme F______ E______ avec la copie du formulaire litigieux, si ce n'est pour faire contrôler les signatures de ce dernier aux époux E______.

Aussi bien du côté des époux E______ que du côté de Mme B______, il y avait eu des liens de connivence, qui avaient été passés sous silence, quitte à mentir à l'enquêtrice.

Les prétendus soupçons de Mme B______ avant le 17 avril 2013 sur les agissements de Mme A______ n'étaient pas fondés sur des éléments concrets. Ils ne correspondaient à aucune réalité.

Les déclarations de plusieurs témoins faisaient apparaître une hostilité de Mme B______ à l'égard de Mme A______. L'enquêtrice, malgré des témoignages précis, avait minimisé l'esprit d'hostilité qui animait Mme B______ et qui pouvait la conduire à agir de manière à obtenir que Mme A______ ne travaillât plus à l'hospice.

Les variations dans les déclarations de Mme A______ s'expliquaient par le fait qu'elle n'avait découvert que progressivement, en cours de procédure, certains éléments de faits déterminants.

25) Par décision du 8 décembre 2014, le conseil d'administration de l'hospice a décidé de ne pas ordonner d'enquête complémentaire concernant les autres documents découverts dans le bureau de Mme A______ le 17 avril 2013.

26) Par décision du 20 janvier 2015, le conseil d’administration de l’hospice, sous la signature de son président, a révoqué Mme A______, en application de l’art. 16 al. 1 let. c, ch. 5 LPAC.

Il faisait siennes les conclusions du rapport d'enquête. Mme A______ n'était pas étrangère à la fabrication des documents litigieux, qui pouvait s'expliquer par le fait qu'elle n'avait pas respecté divers délais fixés par sa responsable d'unité. Elle pouvait craindre des suites disciplinaires en lien avec ces retards, non motivés par une surcharge objective de travail, étant rappelé que ses prestations avaient déjà fait l'objet de reproches, ainsi que d'une sanction administrative. En outre, ses versions, notamment au sujet de la signature du « Mon engagement » par les époux E______, avaient varié au fil de la procédure. Ces variations et contradictions constituaient un élément de preuve supplémentaire.

L'enquêtrice n'avait pas eu à consulter Mme A______ sur l'étendue ou l'éventuel élargissement de son mandat, cette compétence relevant du conseil d'administration de l'hospice. L'enquête complémentaire n'était pas justifiée, dans la mesure où le nombre de faux n'était pas déterminant, la présence d'un seul suffisant pour rompre le lien de confiance.

Les faits établis constituaient une violation grave du devoir de service et étaient de nature à détruire le lien de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de service.

Vu la durée des rapports de service et en application du principe de la proportionnalité, le conseil avait décidé de respecter le délai usuel de préavis de trois mois pour la fin d’un mois. La révocation déploierait ses effets au 30 avril 2015. L’intéressée était libérée de son obligation de travailler jusqu’à la fin des rapports de travail. La décision de révocation était exécutoire nonobstant recours.

27) Par acte du 19 février 2015, Mme A______ a interjeté recours contre ladite décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif ; principalement, que la décision litigieuse soit annulée et l’hospice invité à réintégrer Mme A______ ; subsidiairement, que la décision litigieuse soit annulée et l’affaire renvoyée à l’hospice en vue d’un complément d’enquête ; plus subsidiairement, que l’hospice soit invité à produire les « Mon engagement » signés en 2013 par les usagers dont les noms apparaissaient dans la liasse de pièces prétendument découvertes le 17 avril 2013 et qu'il soit procédé à l'audition comme témoin desdits usagers ; le tout sous suite de frais et dépens.

Elle s'est référée aux éléments de ses précédentes écritures. Mme B______ avait été l'instigatrice de la pétition faite en 2002-2003 par six commis administratifs concernant de prétendues insuffisances dans le travail de Mme A______. En 2005, cette dernière avait déposé une plainte contre des collègues de l'hospice pour atteinte à la personnalité. Ces personnes lui avaient ensuite adressé des excuses écrites et elle avait retiré sa plainte.

Lors de l'entrevue du 14 mai 2013 à l'hospice avec la famille E______, Mme A______ s'était sentie menacée physiquement. G______ E______ avait exigé qu'elle avoue avoir signé à la place de ses parents. Effrayée, elle avait admis un instant avoir signé, mais s'était rétractée.

Son droit d’être entendu avait été violé. Elle n’avait appris qu’à la lecture du rapport d’enquête que l’enquêtrice avait interpellé l’hospice pour un éventuel élargissement de l’enquête administrative aux autres usagers concernés par les documents trouvés le 17 avril 2013. Par ailleurs, l’hospice avait refusé ledit complément d’enquête, privant l’intéressée de son droit à la contre-preuve.

S'il était vraisemblable que la signature de Mme E______ était fausse, il subsistait en revanche un doute sur le caractère faux de la signature de M. E______.

Le mobile attribué à Mme A______ n'était pas convaincant. Le 17 avril 2013, elle disposait encore de deux semaines pour achever la récolte des signatures. Elle n'était nullement menacée par une sanction disciplinaire. En effet, l'avertissement qu'elle avait reçu le 2 avril 2013 ne concernait en rien les formulaires litigieux et le blâme infligé en 2002 datait de onze ans.

Les déclarations de Mme A______ n'avaient pas été contradictoires et, partant, ne pouvaient être retenues comme preuve de sa culpabilité. Notamment, elle n’avait pas valablement admis avoir imprimé les documents, alors que ce fait avait été retenu à sa charge.

L’hospice n’avait pas tenu compte des nombreux éléments à décharge, notamment plusieurs témoignages et la « connivence » entre Mme B______ et la famille E______. Mme B______ avait expliqué son soupçon en prétendant qu'avant le 17 avril 2013, elle avait surpris Mme A______ en train de consulter des fourres bleues où les formulaires « Mon engagement » signés des usagers étaient déposés et d'en faire des photocopies. Elle avait déclaré que son stagiaire avait aussi été témoin de ce fait. Entendu comme témoin, ce stagiaire n'avait eu aucun souvenir d'un tel fait. On pouvait imputer l'inexistence de ces faits au caractère factice du paquet de documents prétendument trouvé par Mme B______ le 17 avril 2013.

En vertu de différents témoignages, Mme B______ entretenait une animosité constante et violente à l'encontre de Mme A______.

La fiabilité des déclarations des membres de la famille E______ qui accusaient Mme A______ étaient discutables. Notamment, ils avaient d'abord contesté avoir vu Mme B______ à l'hospice avant et après leur entretien avec Mme A______ le 16 mai 2013. Aussi, Mme B______ avait dans un premier temps contesté avoir alerté la fille des époux E______ sur la question de la signature du formulaire litigieux. L'envoi de la plainte par les époux E______ était le fruit d'une connivence entre ceux-ci et Mme B______.

Dans son rapport, l'enquêtrice ne s'était pas bornée à examiner ce qu'il en était des signatures des formulaires litigieux, mais avait voulu rechercher des faiblesses ou lacunes de Mme A______ dans d'autres activités.

Enfin, la durée de la procédure était excessive. Alors que la loi prévoyait que l’enquête administrative devait durer trente jours, elle s’était poursuivie pendant dix-huit mois environ. Des mesures d'investigation auraient dû être prises dès le 17 avril 2013.

28) Par observations sur effet suspensif du 13 mars 2015, l’hospice a conclu au rejet de ladite demande de restitution de l’effet suspensif.

29) Par décision du 24 mars 2015, la chambre de céans a rejeté ladite demande de restitution de l'effet suspensif.

30) Dans sa réponse du 31 mars 2015 sur le fond, l'hospice a conclu au rejet du recours du 19 février 2015 et au maintien de la décision attaquée.

Le document « Mon engagement » signé par les bénéficiaires de l'hospice était important pour l'institution puisque, selon les procédures internes, il conditionnait la délivrance des prestations financières aux usagers. Il n'était pas imaginable que Mme A______ eût confié à Mme B______ le soin de faire signer ce document aux époux E______.

Mme A______ avait bien un mobile pour commettre ce faux. En date du 18 mars 2013, Mme D______ lui avait octroyé un délai supplémentaire au 20 avril 2013 pour faire signer les formulaires « Mon engagement », en lui précisant qu'elle n'excluait pas des suites disciplinaires au cas où cette tâche ne serait pas remplie. Dans un mail du 26 mars 2013, Mme D______ lui avait encore indiqué qu'au cas où tous les formulaires n'étaient pas signés au 20 avril 2013, elle y « donnerai[t] la suite qu'il convient ». Mme A______ avait admis être en retard.

Ce retard intervenait en outre dans un contexte particulier, puisque le 21 janvier 2013, le syndicat UNIA avait mis Mme A______ en cause au moyen d'un courrier pour sa gestion catastrophique du dossier d'un usager. Par ailleurs, divers rappels lui avaient été adressés par des collaborateurs de l'hospice concernant des documents qu'elle avait omis de leur remettre. De plus, elle avait reçu un avertissement le 2 avril 2013 en lien avec des heures de travail qu'elle avait compensées sans l'accord de sa supérieure.

Mme A______ savait donc que le non-respect du délai au 20 avril 2013 pouvait donner lieu au constat d'un manquement susceptible d'aboutir à une sanction disciplinaire, ce d'autant plus qu'elle avait déjà été sanctionnée auparavant.

Les différentes explications de Mme A______ concernant la signature des époux E______ avaient aussi été retenues comme preuve supplémentaire.

Mme A______ tentait aujourd'hui de faire accréditer l'idée que Mme B______ pourrait être à l'origine de la fausse signature, alors qu'elle ne s'était plainte à aucun moment d'un comportement hostile de cette dernière lors de l'entretien de service du 1er juillet 2013, ni auparavant.

S'agissant du grief de la violation du principe de célérité, l'enquêtrice avait souligné dans son rapport que la fixation des audiences avait tenu compte des disponibilités de Mme A______ et de son conseil. Dans un courrier du 16 septembre 2014 au président du conseil d'administration de l'hospice, l'enquêtrice avait d'ailleurs relevé que l'enquête avait été plus longue et plus ardue que prévu, « en raison notamment de diverses indisponibilités de la mise en cause et de son conseil ». L'enquête administrative avait été menée à bien en onze mois. Ce délai s'expliquait par la complexité de l'affaire, l'enjeu pour Mme A______ et par l'important travail d'analyse de tous les témoignages et par celui de synthèse rendu nécessaire avant de rédiger un rapport de septante-trois pages, précis et détaillé.

S'agissant de l'élargissement du mandat confié à l'enquêtrice, celui-ci relevait de la seule compétence du conseil d'administration. Il était à noter que Mme A______ n'avait pas contesté l'étendue de ce mandat lorsqu'elle en avait été informée le 13 novembre 2013. Selon l'hospice, une enquête supplémentaire ne se justifiait pas. La révocation prononcée se fondait uniquement sur la falsification de la signature des époux E______.

31) Dans sa réplique du 5 mai 2015, Mme A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a demandé au surplus que l'hospice produise les annexes du rapport C______ et que soit entendue comme témoin Madame J______.

Elle a réitéré les arguments de son recours. L'hospice n'avait pas produit la lettre d'excuse adressée à Mme A______, ni la lettre de retrait de sa plainte annexées au rapport C______.

C'était bien Mme B______ qui avait pris l'initiative des attaques contre Mme A______ dans la première moitié des années 2000.

Mme J______, dont l'audition était demandée, s'était confondue en excuses à l'été 2014 auprès de Mme A______, après l'avoir agressée à l'hospice en 2006 et prétendu que celle-ci lui avait lancé des objets.

L'élargissement des investigations était nécessaire pour que Mme A______ pût bénéficier de son droit à la preuve. S'il s'avérait que les autres formulaires « Mon engagement » portaient des signatures authentiques, il s'ensuivrait alors un élément décisif à la décharge de Mme A______, puisque le caractère factice de la liasse de documents prétendument découverts par Mme B______ serait alors établi.

Si Mme A______ ne s'était pas plainte de Mme B______ lors de l'entretien de service du 1er juillet 2013, c'est parce qu'elle ignorait tout du rôle joué par celle-ci. Si elle ne s'en était pas plainte auparavant, c'est parce qu'elle était une personne discrète qui ne colportait pas des critiques sur autrui.

S'agissant de la durée de la procédure, l'hospice avait négligé de prendre des mesures d'investigation dès le 17 avril 2013 et n'avait désigné une enquêtrice que le 11 novembre 2013. Celle-ci avait tardé près de trois mois avant de convoquer une première audience. Elle avait certes tenu compte d'une absence de Mme A______ de deux semaines en mai 2014. Cette dernière s'était cependant présentée avec son conseil à toutes les audiences de l'enquêtrice et n'avait jamais demandé de renvoi.

32) Le 10 juin 2015, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle.

Madame K______, représentant l'hospice, a confirmé qu'il semblait juste de dire, au vu du dossier, qu'entre le 17 avril 2013 et le 14 mai 2013, date de l'entretien téléphonique entre Mme A______ et le fils des époux E______, la recourante avait ignoré qu'elle était accusée d'avoir falsifié une ou plusieurs signatures.

33) Dans ses observations du 5 août 2015, Mme A______ a persisté dans ses conclusions, concluant en outre à sa réintégration dans le personnel de l'hospice.

Il y avait une contradiction de la part de l'hospice à considérer que les faits qui lui étaient reprochés étaient d'une gravité extrême et à choisir simultanément de ne pas déposer plainte pénale.

34) Dans ses observations du 7 août 2015, l'hospice a persisté dans ses conclusions.

L'hospice n'était pas en mesure de retrouver les pièces annexées au rapport C______, et en particulier la lettre d'excuse adressée à Mme A______ et la lettre de retrait de plainte de celle-ci.

L'hospice avait choisi de ne pas utiliser la voie stigmatisante d'une procédure pénale.

La tenue des audiences pendant l'enquête avait été fixée en fonction de l'agenda de Mme A______ et celui de son conseil. Toutes les demandes d'instruction, dont certaines avaient impliqué le caviardage d'un grand nombre de documents, avaient fait l'objet d'un accueil favorable de l'enquêtrice.

L'enquêtrice n'avait pas proposé durant son enquête à l'hospice d'étendre celle-ci, de telle sorte que toute violation du droit d'être entendu de Mme A______ devait être exclue. Avant le prononcé de la décision litigieuse, Mme A______ avait sollicité l'extension de l'enquête aux autres bénéficiaires dont elle avait la charge, ce que le conseil d'administration avait refusé. Elle avait donc pu exercer son droit d'être entendu. L'hospice maintenait son opposition à un tel complément d'enquête, qu'il estimait superflu. La présence d'un seul faux suffisait à rompre irrémédiablement le lien de confiance avec Mme A______.

35) Par lettre du 19 août 2015, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

36) La cause a été gardée à juger.

37) Pour le reste, les arguments des parties et certains éléments de fait seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après, étant précisé qu’il ressort du dossier qu’à la date « butoir » du 20 avril 2013, Mme A______ n’avait pas fait signer tous les « Mon engagement » afférents à ses dossiers.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourante requiert de l’hospice qu'il produise les « Mon engagement » signés en 2013 par les usagers dont les noms apparaissaient dans la liasse de pièces prétendument découverte le 17 avril 2013 et qu'il soit procédé à l'audition desdits usagers en qualité de témoins.

3) a. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1 ; 5A 846/2011 du 26 juin 2012 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et arrêts cités). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 p. 16 ; 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 509 n. 1526 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 603 n. 1315 ss). Quant à l'art. 6 § 1 CEDH, il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêts du Tribunal fédéral 6B_24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 p. 157 ; 138 V 125 consid. 2.1 p. 127 ; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_ 12/2013 du 8 mars 2013 consid. 4.1 ; 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2; 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012 ; ATA/275/2012 du 8 mai 2012). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 138 IV 81 consid. 2.2 p. 84 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités ; 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

4) En l'espèce, la cour de céans considère que ni la production des originaux des formulaires « Mon engagement » signés par les personnes dont le nom figure sur les documents prétendument découverts dans le bureau de la recourante en date du 17 avril 2013, ni l'audition de ces personnes ne sont pertinentes pour la présente affaire. D'une part, s'agissant de la signature d'un document de routine, il est douteux que des témoignages postérieurs de deux ans aux faits litigieux puissent avoir une quelconque force probante. D'autre part, les faits susceptibles d'être établis par les mesures d'instruction demandées ne permettraient de tirer aucune conclusion quant au caractère authentique des signatures du formulaire litigieux. En particulier, si les signatures de ces autres usagers s'avéraient authentiques, on ne saurait en déduire que les signatures figurant sur le formulaire litigieux seraient également authentiques. Par conséquent, les demandes d'instruction sollicitées seront rejetées.

5) La recourante invoque une violation de son droit d'être entendue. Elle n’aurait appris qu’à la lecture du rapport d’enquête que l’enquêtrice avait interpellé l’hospice pour un éventuel élargissement de l’enquête administrative aux autres usagers concernés par les documents découverts le 17 avril 2013. Par ailleurs, l’hospice aurait refusé ledit complément d’enquête, privant l’intéressée de son droit à la contre-preuve.

6) Le Conseil d’État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d’administration peut en tout temps ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises. Il doit le faire dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c de la LPAC et art. 27 al. 2 LPAC. L’intéressé est informé de l’enquête dès son ouverture et il peut se faire assister d’un conseil de son choix (art. 27 al. 3 LPAC). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de trente jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (art. 27 al. 4 LPAC). Une fois l'enquête achevée, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les trente jours qui suivent la communication du rapport (art. 27 al. 5 LPAC). Le Conseil d' État, la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration statue à bref délai (art. 27 al. 6 LPAC).

7) En l'espèce, la recourante a été informée par courrier du 13 novembre 2013 de l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre. À cette occasion, elle n'a communiqué aucun moyen de preuve dont elle requérait l'administration. Quant à l'interpellation par l'enquêtrice de l'hospice en cours d'enquête au sujet d'un éventuel élargissement de celle-ci, elle ne constitue pas un acte de procédure dont la recourante aurait dû être informée. Par conséquent, son droit d'être entendue n'a pas été violé. Ce grief sera rejeté.

8) La recourante affirme qu'elle ne serait pas l'auteure des deux signatures figurant sur le formulaire litigieux et invoque le grief de constatation inexacte et incomplète des faits pertinents.

9) En l'espèce, selon l'intimé, trois types d'indices indiqueraient que la recourante serait l'auteure des signatures prétendument falsifiées.

Celle-ci aurait admis avoir imprimé divers documents en date du 17 avril 2013, lesquels auraient été découverts le jour même dans sa corbeille à papier.

Par ailleurs, son acte aurait été motivé par une volonté de se soustraire à une menace de sanctions disciplinaires. En effet, à cette même période, la recourante n'aurait pas respecté divers délais fixés par sa responsable d'unité et accumulé un retard non motivé par une surcharge objective de travail, étant rappelé que ses prestations avaient déjà fait l'objet de reproches, ainsi que d'une sanction administrative.

Enfin, les versions contradictoires énoncées par la recourante au sujet de la signature du « Mon engagement » par les époux E______ notamment, qui avaient varié au fil de la procédure, constitueraient un élément de preuve supplémentaire.

10) a. La chambre de céans relève premièrement qu'à l'époque des faits, comme l'allègue l'intimé avec une certaine insistance, la gestion de ses dossiers par la recourante était caractérisée par un grand degré de désorganisation. Il apparaît que cette dernière avait des difficultés à assumer sa tâche, qui semblait la dépasser. Replacées dans un tel contexte, les déclarations contradictoires de la recourante au sujet de l'impression des formulaires litigieux ne sauraient constituer un élément de preuve à sa charge. Il est en effet plus probable que ces contradictions soient le fruit d'un souvenir défaillant. D'autre part, la recourante a dû s'expliquer sur ces faits lors d'un entretien de service en date du 1er juillet 2013, soit près de deux mois et demi après les évènements litigieux. Il faut considérer qu'il peut être difficile, après l'écoulement d'une telle durée, de se remémorer des opérations précises en lien avec des tâches aussi routinières que l'impression de formulaires pour un grand nombre d'usagers.

b. Il est néanmoins concevable que la recourante ait effectivement imprimé les formulaires litigieux, à tout le moins une partie de ceux-ci, en date du 17 avril 2013. Il ne peut cependant pas en être déduit qu'elle les aurait également signés. À cet égard, la présence d'un post-it indiquant « faire signer le mon enga » [sic] tendrait à confirmer la déclaration de la recourante, selon laquelle elle avait pour habitude d'imprimer un grand nombre de formulaires à l'avance pour les faire signer ultérieurement par les usagers. Par ailleurs, il est à noter que certains formulaires présents dans la pile portent la date postérieure du 23 avril 2013. La recourante a affirmé ignorer qu'il était possible de contre dater les formulaires au moment de leur impression.

c. L'allégation que les formulaires litigieux se seraient trouvés dans la corbeille à papier de la recourante en date du 17 avril 2013 se base sur les seules déclarations de Mme B______. La chambre de céans relève que cette dernière a tenu en cours de procédure des déclarations contradictoires. Par ailleurs, certaines de ses déclarations suscitent des interrogations quant à l'influence que Mme B______ aurait exercée sur le déroulement des faits litigieux. Pour justifier son initiative pour le moins insolite de fouiller la poubelle de la recourante en date du 17 avril 2013, Mme B______ a déclaré avoir reçu de celle-ci dans les jours précédents un nombre inhabituellement élevé de formulaires signés. L'existence de ces formulaires n'a cependant pas pu être établie. Au contraire, selon les pièces au dossier, le nombre de formulaires remis par la recourante durant la période concernée s'avère conforme à ses habitudes. Par ailleurs, Mme B______ a déclaré avoir vu celle-ci faire des photocopies de documents classés dans des fourres bleues, qui selon toute vraisemblance étaient les originaux des formulaires litigieux. Elle a affirmé que son stagiaire avait été témoin de cette scène et qu'il pourrait confirmer ces allégations. Celui-ci a cependant déclaré ne pas se souvenir de ces faits.

Les motifs et circonstances peu claires qui ont poussé Mme B______ à confier, de sa propre initiative, en date du 26 avril 2013, le formulaire litigieux à F______, fille des époux E______, afin que ceux-ci en vérifient les signatures, renforcent les interrogations de la chambre de céans. Il s'avère en effet que c'est bien la transmission de ce document à Mme F______ E______ qui a déclenché la présente procédure. Il faut ainsi retenir que l'intensité des interférences de Mme B______ dans le déroulement des faits litigieux n'est pas claire et que les doutes qui en résultent contribuent à affaiblir les indices à charge de la recourante.

d. S'agissant du prétendu mobile de la recourante avancé par l'intimé, il est à noter que Mme B______ l'a informée, par courriel du 19 avril 2013, que les documents pour six dossiers concernés par le délai du 20 avril 2013 manquaient toujours. Aussi Mme D______ a informé la recourante, par courriel du 22 mai 2013, que deux formulaires « Mon engagement » également concernés par le délai du 20 avril 2013 n'avaient pas été signés. Ainsi à la date butoir du 20 avril 2013, la recourante n'avait pas rendu tous les « Mon engagement » signés. Cela tend à prouver qu'elle n'avait pas l'intention de signer les formulaires à la place des usagers et assumait son retard. Ceci est d'autant plus vrai que la recourante, comme l'a confirmé l'hospice en audience, a totalement ignoré jusqu'au 14 mai 2013, date de l'appel téléphonique du fils des époux E______, qu'elle était accusée d’avoir falsifié un document. Par conséquent, la conclusion de l'enquêtrice selon laquelle la recourante craignait en date du 17 avril 2013 une sanction disciplinaire ne peut pas être retenue.

Il faut de plus relever que les menaces de sanction dont elle avait fait l'objet avant cette date n'étaient pas suffisamment concrètes pour fonder une telle crainte. En effet, Mme D______ a certes adressé à la recourante, en date du 26 mars 2013 à 16h36, un courriel lui fixant ledit délai, tout en précisant qu' « au cas où tous les adultes - y compris les conjoints - n'auraient pas re-signé leur "Mon Engagement" à cette date, j'y donnerai la suite qu'il convient ». Cependant, en sus du fait qu'une telle menace de sanction est imprécise, il apparaît que Mme D______ a adressé un nouveau courriel à la recourante le même jour à 16h50 sur le même objet, indiquant seulement que « comme je te l'ai mentionné dans le mail que je t'ai adressé ce jour, je te donne un nouveau délai au 20 avril 2013 afin de faire signer le renouvellement de tous les documents "Mon Engagement" des personnes de ton portefeuille, y compris les conjoints ». Ce courriel postérieur ne contient aucune mention d'une éventuelle menace de sanction ou d'avertissement. Il faut encore constater que Mme D______, à l'échéance du délai le 20 avril 2013, n'a nullement réagi. Elle n'a pas prononcé les sanctions qui, selon l'intimé, menaçaient la recourante.

S'agissant enfin de l'avertissement du 2 avril 2013 invoqué par l'intimé, celui-ci faisait suite à un manquement de la recourante concernant la récupération d'heures supplémentaires sans autorisation. Cet avertissement ne constitue toutefois pas une sanction disciplinaire au sens de l'art. 16 LPAC. En effet, cette disposition ne prévoit pas ce type de mesure et la communication qui en a été faite à la recourante n'indique aucune voie de recours. Ainsi, compte tenu du caractère mineur du manquement en cause et du fait que le premier blâme reçu par la recourante datait de plus de dix ans, les « autres mesures » que Mme D______ se réservait de prendre aux termes de l'avertissement du 2 avril 2013 n'auraient pu que prendre la forme d'un nouveau blâme au sens de l'art. 16 LPAC. Il apparaît douteux que la menace d'un tel blâme, sanction la plus légère, eût été de nature à inciter la recourante à falsifier des signatures. De plus, il faut relever que l'hospice a décidé de pas déposer plainte pénale, en violation de l’art. 33 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP - E 4 10).

e. Dès lors, même si la situation à l'issue de l'instruction de la présente cause n'est pas entièrement claire, on ne peut considérer que l'hospice, à qui le fardeau de la preuve incombe en l'espèce dès lors qu'il entend tirer argument d'un acte de la recourante contraire à la loi pour lui infliger la plus lourde sanction disciplinaire prévue par la loi, a prouvé que celle-ci serait l'auteure des signatures litigieuses. L'hospice doit assumer le fait que sa totale inaction entre le 17 avril 2013, date de la découverte des documents, et l'entretien de service du 1er juillet 2013 a sans conteste compliqué l'établissement des faits, à l’instar du fait que l’ouverture de la procédure administrative n’a été décidée que le 11 novembre 2013, juste après une relance de la recourante qui s’étonnait d’être sans nouvelles de la procédure depuis ses observations du 21 août 2013 ainsi que le fait que la première audience fixée par l’enquêtrice n’a pu avoir lieu que le 7 février 2014 soit plus de neuf mois après les événements litigieux. Le fait que l'hospice ait par ailleurs décidé de ne pas déposer de plainte pénale contre la recourante contribue aussi à ce que les faits n’aient pas pu être rapidement établis. Ces conclusions s’inscrivent d’ailleurs dans la ligne de l’art. 27 al. 4 LPAC selon lequel l'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de 30 jours dès la première audition et qu’en règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties, ainsi que d'éventuels témoins, sont entendus.

Aussi, étant donné les doutes importants qui subsistent quant au déroulement exact des faits pertinents, le grief de la recourante de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents sera admis.

11) a. Si une révocation est jugée contraire au droit en raison d'une absence de violation des devoirs de service, la réintégration est imposée, même si la relation d'emploi a pris fin (art. 30 al. 3 cum 31 LPAC ; François BELLANGER, Le contentieux des sanctions et des licenciements en droit genevois de la fonction publique, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, Les réformes de la fonction publique, 2012, p. 226).

b. En l'espèce, à défaut de pouvoir établir que la recourante s'est rendue coupable de faux, seul fait à la base de la décision de révocation litigieuse, force est de constater l’absence de violation des devoirs de service au sens de la loi et de la doctrine précitée par la recourante. En effet, la prétendue insuffisance de ses prestations, alléguée par l'intimé, relativement notamment à sa lenteur dans l'exécution de ses tâches n'est pas de nature à fonder un tel manquement au sens de l'art. 16 LPAC et ne faisait surtout pas l’objet de la procédure disciplinaire concernée.

12) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera admis.

13) Il sera ordonné à l'intimé de réintégrer immédiatement la recourante (art. 31 LPAC).

14) L’hospice fonde son argumentation exclusivement sur la réalisation d’une infraction pénale, soit un faux dans les titres, réprimé par l’art. 251 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), dont l’existence est avérée.

S’agissant d’un crime, poursuivi d’office, la chambre administrative communiquera le présent arrêt au Ministère public, en application des art. 302 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0) et 33 LaCP. Compte tenu des violations par l’intimé des règles de procédure développées ci-avant, singulièrement un établissement des faits incomplet et inexact, il n’y a toutefois pas lieu de suspendre la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

L’argument de l’intimé selon lequel celui-ci n’entendait pas « utiliser la voie stigmatisante d’une procédure pénale » est contraire à l’art. 33 LaCP précité, dès lors que l’obligation de dénoncer prescrite par cette disposition s’étend aussi aux fonctionnaires au sens de l’art. 110 CP, à l’instar des responsables des ressources humaines ou des personnes de la direction de l’hospice. L'ouverture d'une telle procédure pénale était d’autant plus nécessaire que l’hospice s’est prévalu de la seule infraction précitée pour justifier la révocation de la recourante.

15) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante (art.87al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 février 2015 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 20 janvier 2015 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de l'Hospice général du 20 janvier 2015 ;

ordonne à l'Hospice général de réintégrer Madame A______ ;

dit qu'une indemnité de procédure de CHF 1'500.- est allouée à Madame A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit qu'il n'est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

communique le présent arrêt à Me Nils De Dardel, avocat de la recourante, à l'Hospice général, ainsi qu’au Ministère public de la République et canton de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :